Vu la procédure suivante :
Procédure antérieure :
Les sociétés Eolise et Loudunais Energies 1, sociétés par actions simplifiées, ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision implicite du 11 août 2021 par laquelle la commune de Les-Trois-Moutiers a rejeté leur demande de modification du plan local d'urbanisme de la commune.
Par une ordonnance n° 2102595 du 13 décembre 2021, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 février 2022 et un mémoire enregistré le 15 juin 2022, les sociétés Eolise et Loudunais Energies 1, représentées par Me Deldigue, demandent à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 13 décembre 2021 ;
2°) d'annuler la décision du 11 août 2021 ;
3°) d'enjoindre à la commune de modifier les articles A-2-1 et N-2-1 du règlement de son plan local d'urbanisme dans un délai de trois mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Les-Trois-Moutiers le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- l'ordonnance attaquée est irrégulière dès lors qu'elles n'ont pas été invitées à présenter leurs observations sur l'irrecevabilité retenue ni à justifier de leur qualité, en méconnaissance de l'article R. 222-1 du code de justice administrative et de l'article R. 612-1 du même code ; or, elles justifient de promesses de bail emphytéotique portant sur des terrains situés dans la commune en vue de la réalisation d'un projet de parc éolien ;
- le premier juge a considéré à tort que seuls les propriétaires de parcelles avaient intérêt à contester un refus de modification d'un plan local d'urbanisme alors que toute personne susceptible de se voir opposer les dispositions du plan dispose d'un intérêt à agir et notamment une personne titulaire d'une promesse de bail emphytéotique ;
- le premier juge a exclu qu'un porteur de projet éolien puisse avoir intérêt à agir alors qu'en vertu du code de l'environnement, les documents d'urbanisme sont opposables aux demandes d'autorisations environnementales ; le fait que l'autorisation n'ait pas encore été délivrée ou demandée ne prive pas l'opérateur de son intérêt à agir ; or, en l'espèce, les règles du plan local d'urbanisme font obstacle à la réalisation du projet ;
- les articles A-2-1 et N-2-1 du règlement du plan local d'urbanisme, qui limitent à 50 mètres la hauteur des constructions et équipements d'intérêt collectif admis, créent en réalité une interdiction générale de l'éolien sur le territoire de la commune qui va à l'encontre des objectifs de lutte contre le réchauffement climatique inscrit aux articles L. 101-1 et suivants du code de l'urbanisme ; le juge tient compte de l'urgence écologique et climatique reconnue par la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 et l'article L. 100-4 du code de l'énergie ; le territoire de la commune a été reconnu d'intérêt pour le développement de l'énergie éolienne par le schéma régional éolien et par le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires de Nouvelle-Aquitaine ; le projet de plan climat-air-énergie territorial souligne également le potentiel éolien du territoire ; le rapport de présentation du plan local d'urbanisme souligne lui-même le potentiel de développement des énergies renouvelables sur le territoire de la commune ;
- la décision contestée n'est pas motivée en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ; la commune n'a pas répondu à la demande de communication des motifs qui lui a été adressée en application de l'article L. 232-4 du même code :
- la modification des articles A-2-1 et N-2-1 du règlement du PLU est entachée de détournement de pouvoir dès lors qu'elle ne vise qu'à faire échec à l'implantation d'éoliennes, comme le confirme les prises de position de la maire de la commune ;
- l'interdiction des éoliennes n'est pas justifiée dans le rapport de présentation en méconnaissance de l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire enregistré le 4 mai 2022, la commune de Les-Trois-Moutiers, représentée par Me Verger, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge des sociétés requérantes le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le moyen tiré d'un défaut de motivation de la décision contestée est inopérant, le refus de modifier un acte règlementaire n'étant pas au nombre des décisions devant être motivées ;
- les autres moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... A...,
- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public,
- et les observations de Me Delmotte, représentant les sociétés Eolise et Loudunais Energies I.
Considérant ce qui suit :
1. Par courrier du 9 juin 2021, dont il a été accusé réception le lendemain, la société Eolise, qui avait mis à l'étude un projet de création d'un parc éolien sur le territoire des communes de Les-Trois-Moutiers et Mouterre-Silly (Vienne), a demandé à la commune de Les-Trois-Moutiers de modifier les articles A-2-1 et N-2-1 du règlement de son plan local d'urbanisme qui, dans leur rédaction issue de la modification simplifiée approuvée par le conseil municipal le 27 février 2020, fixent une hauteur limite de 50 mètres pour les équipements et constructions d'intérêt collectif. Le silence gardé par la commune sur cette demande a fait naître un refus le 11 août 2021. La société Eolise, ainsi que sa société sœur, la société Loudunais Energies 1, pour le compte de laquelle elle soutient développer le projet, ont demandé au tribunal administratif de Poitiers l'annulation de la décision implicite du 11 août 2021. Elles font appel de l'ordonnance du 13 décembre 2021 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal a rejeté leur demande comme manifestement irrecevable, pour défaut d'intérêt à agir.
2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, sur le fondement duquel a été prise l'ordonnance attaquée : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ". L'article R. 612-1 du même dispose que : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser (...) La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. La demande de régularisation tient lieu de l'information prévue à l'article R. 611-7 ".
3. Les requêtes manifestement irrecevables qui peuvent être rejetées par ordonnance en application de l'article R. 222-1 du code de justice administrative sont, d'une part, celles dont l'irrecevabilité ne peut en aucun cas être couverte, d'autre part, celles qui ne peuvent être régularisées que jusqu'à l'expiration du délai de recours, si ce délai est expiré et, enfin, celles qui ont donné lieu à une invitation à régulariser, si le délai que la juridiction avait imparti au requérant à cette fin, en l'informant des conséquences qu'emporte un défaut de régularisation comme l'exige l'article R. 612-1 du code de justice administrative, est expiré.
4. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de leur recours devant le tribunal dirigé contre le refus de modifier certaines règles du plan local d'urbanisme, les sociétés Eolise et Loudunais Energies 1 se sont prévalues de leur projet de réalisation d'un parc éolien. A la date de l'introduction de leur demande, le 8 octobre 2021, la réalisation d'une installation d'éoliennes terrestres ayant donné lieu à autorisation environnementale était dispensée de permis de construire, en application de l'article R. 425-29-2 du code de l'urbanisme mais l'autorisation de ces équipements, soumis à la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement, ne peut méconnaître les règles d'urbanisme applicables aux terrains sur lesquels ils doivent être implantés. Ainsi, les sociétés étaient susceptibles de se voir opposer les règles du plan local d'urbanisme dont elles demandaient la modification. Si elles n'ont pas justifié, à l'appui de leur demande devant le tribunal, du titre leur permettant d'installer les équipements en projet, le premier juge ne pouvait régulièrement rejeter comme manifestement irrecevable leur demande sans leur avoir demandé de la régulariser par la production d'un tel titre, dès lors qu'elles pouvaient justifier de leur intérêt à agir y compris après l'expiration du délai de recours. Au demeurant, la société Eolise a produit en appel des promesses de bail emphytéotique conclues en 2018 avec des propriétaires de parcelles situées sur le territoire de la commune de Les-Trois-Moutiers en vue de la réalisation du projet de parc éolien. Par suite, les sociétés requérantes sont fondées à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée comme irrégulière.
5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Poitiers pour qu'il statue à nouveau sur la demande des sociétés Eolise et Loudunais Energies 1.
6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Les-Trois-Moutiers la somme que demandent les sociétés appelantes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par ailleurs, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge des sociétés Eolise et Loudunais Energies 1 la somme que demande la commune défenderesse sur ce fondement.
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance du 13 décembre 2021 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Poitiers est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Poitiers.
Article 3 : Les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Eolise, à la société Loudunais Energies 1 et à la commune de Les-Trois-Moutiers.
Délibéré après l'audience du 28 juin 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
Mme Nathalie Gay, première conseillère,
Mme Laury Michel, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2022.
La première assesseure,
Nathalie GayLa présidente-rapporteure,
Elisabeth A...
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne à la préfète de la Vienne en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX00486