Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. H... I... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 13 août 2020 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours.
Par un jugement n° 2000801 du 11 juin 2021, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 16 juillet 2021 et 16 avril 2022, M. I..., représenté par Me Elissalde, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 11 juin 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Guadeloupe du 13 août 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la délégation de signature donnée au sous-préfet M. B... le 10 juillet 2020 est irrégulière dès lors que M. C... n'était plus préfet de la Guadeloupe à la suite du décret du 7 janvier 2020 portant cessation de fonctions et que la secrétaire générale n'était pas compétente pour lui accorder une telle délégation de signature ;
- cet arrêté aurait été pris sur proposition du secrétaire de la sous-préfecture de Pointe-à-Pitre alors que le secrétaire général de la sous-préfecture de Pointe-à-Pitre, M. A..., a été nommé directeur de cabinet du préfet de la Creuse et qu'aucun nouveau secrétaire général n'a été nommé ;
- le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale en méconnaissance des dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que la situation humanitaire en République dominicaine justifie l'admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 juin 2022, le préfet de la Guadeloupe conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant ;
- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. I... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2021/018159 du 7 octobre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. H... I..., ressortissant dominicain né le 21 mai 1993, est entré en France le 12 septembre 2016 muni d'un visa court séjour valable jusqu'au 16 octobre 2016. Il a sollicité le 17 septembre 2018 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 13 août 2020, le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. I... relève appel du jugement du 11 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, d'une part, M. G... B..., sous-préfet de l'arrondissement de Pointe-à-Pitre et signataire de l'arrêté attaqué, a reçu délégation de signature, par arrêté de la secrétaire générale de la préfecture de la Guadeloupe du 10 juillet 2020 régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de la Guadeloupe n° 971-2020-137 du 15 juillet 2020, à l'effet de signer notamment les " refus de séjour portant obligation de quitter le territoire français " dans les limites de l'arrondissement de Pointe-à-Pitre. Il ressort des mentions de cet arrêté du 10 juillet 2020 qu'à cette date, la secrétaire générale de la préfecture de la Guadeloupe assurait les fonctions de préfète de la Guadeloupe par intérim suite à la cessation de fonctions le 7 juillet 2020 de M. C..., préfet de la Guadeloupe, conformément à l'article 45 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements. Dans ces conditions, la secrétaire générale de la préfecture, préfète de la Guadeloupe par intérim, pouvait régulièrement donner délégation de signature au sous-préfet pour les matières intéressant son arrondissement. D'autre part, contrairement à ce que soutient le requérant, à la date de l'arrêté contesté du 13 août 2020, pris sur proposition du secrétaire général de la sous-préfecture de Pointe-à-Pitre, M. F... E... avait été nommé secrétaire général de la sous-préfecture de Pointe-à-Pitre par arrêté du 3 janvier 2020. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. I..., célibataire sans enfant, est entré en France en 2016, soit depuis près de quatre ans à la date de l'arrêté contesté, et a été scolarisé dès son arrivée au lycée polyvalent Chevalier de Saint-Georges aux Abymes (Guadeloupe). Il justifie avoir obtenu un certificat d'aptitude professionnelle spécialité " Réparation Entretien des embarcations de plaisance " en juin 2018 puis un baccalauréat professionnel spécialité " Maintenance Nautique " en juillet 2019. Toutefois, si sa mère est en situation régulière en France depuis 2010, cette dernière n'a jamais sollicité le regroupement familial au bénéfice de son fils lorsqu'il était mineur et résidait en République dominicaine. Il n'est pas établi, et pas même allégué, qu'il serait dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 23 ans dont six années où il était séparé de sa mère. En outre, s'il soutient avoir noué de nombreuses relations privées en France, sans davantage de précision, ces éléments ne permettent pas de démontrer que l'intéressé aurait créé des liens personnels d'une particulière intensité. Par ailleurs, s'il a présenté à l'appui de sa demande de titre de séjour les statuts d'un garage de réparation automobile dont il est le représentant légal, il n'apporte aucun élément justifiant l'existence de cette activité à la date de la décision contestée, laquelle au demeurant serait exercée sans autorisation préalable de travail. Ainsi, l'intéressé ne démontre pas une insertion particulière en France. Dans ces conditions, eu égard aux conditions de séjour de M. I..., la décision de refus de séjour contestée n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts qu'elle poursuit. Par suite, le préfet de la Guadeloupe n'a méconnu ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. "
6. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. Il est toutefois loisible au préfet d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à un titre de séjour sur le fondement d'une autre disposition du code. Il lui est aussi possible, exerçant le pouvoir discrétionnaire qui lui appartient dès lors qu'aucune disposition expresse ne le lui interdit, de régulariser la situation d'un étranger en lui délivrant un titre de séjour, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle. En l'espèce, le préfet de la Guadeloupe a expressément examiné d'office la situation de M. I... au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, le requérant peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de cet article.
7. Si M. I... fait référence à un rapport d'Amnesty International relatif à l'insécurité qui règne en République dominicaine et aux abus commis par les autorités dans le cadre du couvre-feu instauré pour contenir la propagation de l'épidémie de covid-19 et soutient que la République dominicaine est extrêmement vulnérable aux événements climatiques et est de surcroît très pauvre, il n'apporte pas d'éléments, par ces considérations générales qu'il évoque notamment quant à la pauvreté et à l'insécurité qui règnent dans son pays d'origine, permettant d'estimer qu'il y ferait personnellement l'objet de menaces. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet ait commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que M. I... ne faisait pas état de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels justifiant son admission exceptionnelle au séjour. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
8. Il résulte de ce qui précède que M. I... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. I... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... I... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Guadeloupe.
Délibéré après l'audience du 28 juin 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
Mme Nathalie Gay, première conseillère,
Mme Laury Michel, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2022.
La rapporteure,
Laury D...
La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX02944