Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler la décision du 2 août 2018 par laquelle le directeur régional des finances publiques de Mayotte a rejeté sa réclamation portant sur les rehaussements d'impositions sur les revenus perçus en 2014 et en 2015 et d'enjoindre audit directeur de procéder à un nouveau calcul de ses revenus sans prise en compte de l'indemnité d'éloignement.
Par un jugement n° 1801497 du 10 février 2021 le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 mai 2021, Mme A..., représentée par Me Hesler, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 février 2021 du tribunal administratif de Mayotte ;
2°) d'annuler la décision du 2 août 2018 par laquelle le directeur régional des finances publiques de Mayotte a rejeté sa réclamation portant sur les rehaussements d'impositions sur les revenus perçus en 2014 et en 2015 ;
3°) d'enjoindre audit directeur de procéder à un nouveau calcul de ses revenus sans prise en compte de l'indemnité d'éloignement ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en vertu des dispositions de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, le droit de reprise de l'administration expirait le 31 décembre 2017, alors qu'elle a été informée des impositions mises à sa charge par un avis édité le 26 avril 2018, sans qu'aucun acte interruptif de prescription soit intervenu en application de l'article L. 189 du même livre ;
- le code général des impôts applicable à Mayotte jusqu'au 1er janvier 2014 prévoyait que les agents affectés sur ce territoire avant cette date bénéficiaient de l'indemnité d'éloignement, totalement exonérée d'impôt ;
- le changement de régime fiscal des indemnités d'éloignement appliqué au 1er janvier 2014 à une décision relevant d'un décret de 1996 et d'un engagement contractuel de 2012, viole le principe de non-rétroactivité des actes administratifs, de même que la remise en cause des droits acquis lors des engagements réciproques qu'elle a eus avec son employeur avant le 1er septembre 2012 porte atteinte au respect des biens tel que protégé par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
-elle a remboursé au titre de l'année 2015 les sommes versées au titre de majoration de traitement pour un montant de 8 286,14 euros, ce qui n'a pas été pris en compte pour le calcul de son impôt sur le revenu.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'ordonnance n° 2013-837 du 19 septembre 2013 relative à l'adaptation du code des douanes, du code général des impôts, du livre des procédures fiscales et d'autres dispositions législatives fiscales et douanières applicables à Mayotte ;
- la loi n° 2010-1487 du 7 décembre 2010 relative au Département de Mayotte ;
- le décret n° 96-1028 du 27 novembre 1996 ;
- le décret n° 2013-965 du 28 octobre 2013, modifié par le décret n° 2014-730 du 27 juin 2014 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... E...,
- et les conclusions de Mme B... D....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a été affectée au rectorat de Mayotte en qualité d'infirmière scolaire à compter du 1er septembre 2012. Elle a perçu, au titre de son séjour professionnel à Mayotte, une indemnité d'éloignement de 22 919 euros en 2014, versée le 9 juillet 2014, et de 35 033 euros en 2015, versée en deux fois le 23 février 2015 et le 29 septembre 2015. Elle a fait l'objet d'un contrôle sur pièces ayant donné lieu à un rehaussement des impositions sur les revenus perçus en 2014 et en 2015, notifié le 5 décembre 2017 et à l'émission de deux avis d'imposition au titre des années 2014 et 2015 mis en recouvrement le 30 avril 2018 à hauteur respectivement de 5 932 euros et 7 420 euros. Par une décision du 2 août 2018, le directeur des finances publiques de Mayotte a rejeté la réclamation qu'elle avait présentée le 12 juin 2018 tout en lui accordant la remise gracieuse des pénalités d'assiette. Le conciliateur fiscal ayant, par une décision du 21 novembre 2018, accordé l'application du système de quotient sur les indemnités d'éloignement perçues en 2014 et en 2015 par l'intéressée, l'administration a opéré des dégrèvements à concurrence de 226 euros au titre de l'année 2014 et de 797 euros au titre de l'année 2015. Mme A... fait appel du jugement du tribunal administratif de Mayotte du 10 février 2021, qui l'a regardée comme demandant la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu qu'elle a acquittées au titre des années 2014 et 2015 à raison de l'imposition de l'indemnité d'éloignement et a rejeté ces conclusions, qu'elle réitère en appel.
Sur les conclusions à fin de décharge :
En ce qui concerne la prescription des impositions de l'année 2014 :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. " Aux termes du premier alinéa de l'article L. 189 du même livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification (...) ". Si, en vertu de ces dispositions combinées, l'administration ne peut plus exercer son droit de reprise sur l'impôt sur le revenu après la fin de la troisième année suivant celle au titre de laquelle cette impôt est dû, la notification d'une proposition de rectification avant ce terme interrompt la prescription.
3. Il résulte de l'instruction qu'une notification d'une proposition de rectification a été adressée à Mme A... par lettre recommandée avec accusé de réception et présentée le 14 décembre 2017 à la dernière adresse qu'elle avait indiquée, avant que le droit de reprise soit prescrit le 31 décembre 2017. Si ce courrier a été retourné à son destinataire avec la mention " pli avisé et non réclamé ", cette mention claire et précise établit que la contribuable a été avisée de la mise en instance du pli. Il s'ensuit que la notification régulière de la proposition de rectification, qui est intervenue avant l'expiration du délai de reprise, a interrompu sa prescription. Par suite, le moyen tiré de la prescription doit être écarté.
En ce qui concerne l'imposition de l'indemnité d'éloignement :
4. D'une part, aux termes de l'article 3 du décret n° 96-1028 du 27 novembre 1996 relatif à l'attribution de l'indemnité d'éloignement aux magistrats et aux fonctionnaires titulaires et stagiaires de l'Etat en service à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, dans sa version en vigueur avant l'intervention du décret n° 2013-965 du 28 octobre 2013 : " L'agent qui reçoit une affectation pour aller servir deux ans à Mayotte (...) a droit, à chacune des échéances prévues au 2° de l'article 2 de la loi du 30 juin 1950 susvisée, à une fraction d'indemnité égale à : / (...) 3° Onze mois et quinze jours de traitement indiciaire net lorsqu'il est affecté à Mayotte. (...) En cas de renouvellement du séjour de deux ans, la première fraction de l'indemnité qui est due pour le second séjour est payée au début de ce séjour. " Aux termes du III de l'article 8 du décret n° 2013-965 du 28 octobre 2013, modifié par le décret n° 2014-730 : " Les agents mentionnés au I qui sont affectés à Mayotte avant le 1er janvier 2014 conservent, pour les fractions restant dues et non encore échues, le bénéfice de l'indemnité d'éloignement telle que prévue par le décret du 27 novembre 1996 susvisé, dans sa version applicable avant l'entrée en vigueur du présent décret. L'indemnité est versée, chaque année, selon des fractions d'un montant identique, à la date anniversaire de l'affectation de l'agent. (...) ".
5. D'autre part, aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année. " L'article 79 du même code dispose : " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu. ".
6. La mise en œuvre de la départementalisation de Mayotte a conduit, en vertu de l'article 11 de la loi du 7 décembre 2010 susvisée, à soumettre à l'impôt sur le revenu, à compter du 1er janvier 2014, l'ensemble des revenus perçus, dont l'indemnité d'éloignement versée aux fonctionnaires de l'Etat mutés à Mayotte, qui était exonérée de toute imposition avant le processus de départementalisation, en application du code des impôts mahorais. La circonstance qu'en vertu des dispositions précitées du III de l'article 8 du décret du 28 octobre 2013, Mme A... a conservé le bénéfice de l'indemnité d'éloignement dite " historique " pour son second séjour effectué à Mayotte est sans incidence sur l'application de la règle fiscale en vigueur à la date du versement de chacune des deux fractions, alors en outre que le décret du 27 novembre 1996 relatif à l'attribution de l'indemnité d'éloignement aux magistrats et aux fonctionnaires titulaires et stagiaires de l'Etat en service à Mayotte, invoqué par Mme A..., ne traite que des conditions d'attribution de ladite indemnité, sans aucune mention du régime fiscal applicable. Chaque fraction de cette indemnité perçue par Mme A... en 2014 et en 2015 devait donc bien être déclarée au titre des revenus perçus au cours de ces mêmes années, en vertu des articles 12 et 79 du code général des impôts et conformément aux obligations déclaratives découlant de l'article 170 du même code. Il s'ensuit que la requérante n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que l'assujettissement à l'impôt sur le revenu, selon les règles fiscales de droit commun, de ses indemnités d'éloignement perçues en 2014 et en 2015 méconnaîtrait le principe de non rétroactivité des actes administratifs, non plus que le respect des biens tel que protégé par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la mutation de Mme A... à Mayotte n'ayant pu, sur le fondement du décret précité du 27 novembre 1996, faire naître, au profit de celle-ci, aucune espérance d'obtenir un avantage fiscal ni aucun bien au sens de cet article 1er.
En ce qui concerne l'erreur de calcul qui aurait été commise au titre de l'année 2015 :
7. La requérante soutient que la somme de 8 286,14 euros qu'elle a remboursée en 2016 au titre d'un indu de majorations de traitement perçues au cours de la période au cours de laquelle elle avait bénéficié de l'indemnité d'éloignement " historique " régie par le décret du 27 novembre 1996, n'a manifestement pas été prise en compte, de sorte que le calcul de l'impôt au titre de l'année 2015 en a été faussé.
8. Cependant, il résulte de l'article 12 du code général des impôts que lorsqu'un redevable est appelé ultérieurement à reverser des sommes sur lesquelles il a été régulièrement imposé, ce reversement est sans incidence sur l'imposition se rapportant à l'année au cours de laquelle le contribuable a disposé des revenus, le reversement s'imputant sur le revenu de l'année au cours de laquelle il est intervenu.
9. En l'espèce, conformément à l'article 12 du code général des impôts précité, la somme reversée en 2016 par Mme A..., sur laquelle elle a été régulièrement imposée en 2015, s'impute sur le revenu de l'année au cours de laquelle ce reversement a été effectué, soit en 2016. Par suite, aucune erreur de calcul ne peut être retenue dans le traitement du dossier de la requérante au titre de l'année 2015, la somme reversée ne pouvant être rattachée à cette année. Au demeurant, il résulte de l'instruction que la somme en litige a été régulièrement imputée en déduction du revenu servant de base au calcul de l'impôt de l'année 2016, au cours de laquelle l'intéressée a reversé ce trop-perçu.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin de décharge présentées par Mme A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent, dès lors et en tout état de cause, qu'être rejetées.
Sur les frais de l'instance :
12. L'Etat n'étant pas partie perdante, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de Mme A... relatives aux frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 30 juin 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,
Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère.
Mme Laury Michel, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 juillet 2022.
La rapporteure,
Florence E...
La présidente,
Frédérique Munoz-Pauziès
La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX02134