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07/07/2022 | FRANCE | N°20BX00632

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 07 juillet 2022, 20BX00632


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 15 février 2018 approuvant le plan de prévention des risques d'inondation de la commune de Loix, ainsi que la décision tacite de rejet de son recours gracieux formé le 12 avril 2018.

Par un jugement n° 1801942 du 19 décembre 2019, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 février 2020 et 7 octobre 2021

, M. B... C..., représenté par Me Stephan, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 15 février 2018 approuvant le plan de prévention des risques d'inondation de la commune de Loix, ainsi que la décision tacite de rejet de son recours gracieux formé le 12 avril 2018.

Par un jugement n° 1801942 du 19 décembre 2019, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 février 2020 et 7 octobre 2021, M. B... C..., représenté par Me Stephan, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 19 décembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 février 2018 approuvant le plan de prévention des risques d'inondation de la commune de Loix, ainsi que la décision tacite de rejet de son recours gracieux formé le 12 avril 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'élaboration du plan de prévention des risques de Loix a été dispensée d'évaluation environnementale en méconnaissance du 2° du II de l'article R. 122-17 du code de l'environnement ; il incombait au préfet de saisir l'autorité environnementale compétente pour qu'elle se prononce sur la soumission ou la non-soumission des projets de plan de prévention des risques naturels des dix communes de l'île de Ré à évaluation environnementale ;

- les hypothèses de submersion retenues par les rédacteurs du PPRN de Loix ne reposent pas, en ce qui concerne son terrain, sur des données techniques recueillies sur place, mais sur l'application mécanique d'hypothèses de calcul imposées par la circulaire du 27 juillet 2011 alors que ce document est dépourvu de toute valeur normative ou réglementaire ;

- la cartographie des zones submergées lors de l'épisode Xynthia telle qu'elle a été établie par le bureau SOGREA, est affectée d'une erreur matérielle en ce qui concerne les limites de la zone submergée au lieudit La Basse Cesinière.

Par un mémoire, enregistré le 6 septembre 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens développés par M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Charte de l'environnement ;

- la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 ;

- le code de l'environnement ;

- le décret n° 2010-1443 du 25 novembre 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... A...;

- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public ;

- et les observations de Me Stephan, représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 15 février 2018, le préfet de la Charente-Maritime a approuvé le plan de prévention des risques naturels (risques littoraux - érosion côtière et submersion marine - et incendie de forêt) de la commune de Loix. M. B... C... a formé un recours gracieux à l'encontre de cet arrêté le 12 avril 2018, lequel a été reçu par la préfecture le 16 avril 2018 et a été implicitement rejeté. Il relève appel du jugement du 19 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 février 2018 et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Sur la légalité des décisions contestées :

2. Aux termes de l'article L. 562-1 du code de l'environnement : " I. L'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les incendies de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes ou les cyclones. / II. Ces plans ont pour objet, en tant que de besoin : / 1° De délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle, notamment afin de ne pas aggraver le risque pour les vies humaines ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles, pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ; / 2° De délimiter les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où des constructions, des ouvrages, des aménagements ou des exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux et y prévoir des mesures d'interdiction ou des prescriptions telles que prévues au 1° ; / 3° De définir les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui doivent être prises, dans les zones mentionnées au 1° et au 2°, par les collectivités publiques dans le cadre de leurs compétences, ainsi que celles qui peuvent incomber aux particuliers ; / 4° De définir, dans les zones mentionnées au 1° et au 2°, les mesures relatives à l'aménagement, l'utilisation ou l'exploitation des constructions, des ouvrages, des espaces mis en culture ou plantés existants à la date de l'approbation du plan qui doivent être prises par les propriétaires, exploitants ou utilisateurs. / III. La réalisation des mesures prévues aux 3° et 4° du II peut être rendue obligatoire en fonction de la nature et de l'intensité du risque dans un délai de cinq ans, pouvant être réduit en cas d'urgence. A défaut de mise en conformité dans le délai prescrit, le préfet peut, après mise en demeure non suivie d'effet, ordonner la réalisation de ces mesures aux frais du propriétaire, de l'exploitant ou de l'utilisateur. / IV. Les mesures de prévention prévues aux 3° et 4° du II, concernant les terrains boisés, lorsqu'elles imposent des règles de gestion et d'exploitation forestière ou la réalisation de travaux de prévention concernant les espaces boisés mis à la charge des propriétaires et exploitants forestiers, publics ou privés, sont prises conformément aux dispositions du titre II du livre III et du livre IV du code forestier. / V. Les travaux de prévention imposés en application du 4° du II à des biens construits ou aménagés conformément aux dispositions du code de l'urbanisme avant l'approbation du plan et mis à la charge des propriétaires, exploitants ou utilisateurs ne peuvent porter que sur des aménagements limités. (...) ".

3. Les plans de prévention des risques naturels prévisibles ainsi définis par le législateur ont pour finalité d'assurer la protection civile des populations contre les risques naturels.

4. D'une part, aux termes de l'article 3 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement : " 1. Une évaluation environnementale est effectuée, conformément aux articles 4 à 9, pour les plans et programmes visés aux paragraphes 2, 3 et 4 susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement. / 2. Sous réserve du paragraphe 3, une évaluation environnementale est effectuée pour tous les plans et programmes : a) qui sont élaborés pour les secteurs de l'agriculture, de la sylviculture, de la pêche, de l'énergie, de l'industrie, des transports, de la gestion des déchets, de la gestion de l'eau, des télécommunications, du tourisme, de l'aménagement du territoire urbain et rural ou de l'affectation des sols et qui définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre des projets énumérés aux annexes I et II de la directive 85/337/CEE pourra être autorisée à l'avenir ; ou b) pour lesquels, étant donné les incidences qu'ils sont susceptibles d'avoir sur des sites, une évaluation est requise en vertu des articles 6 et 7 de la directive 92/43/CEE. (...) ". Il résulte toutefois du paragraphe 8 du même article que ne sont pas couverts par la directive, notamment, " les plans et programmes destinés uniquement à des fins de défense nationale et de protection civile ".

5. Il résulte clairement de ces dispositions que les plans ou programmes dont la finalité est d'assurer la protection des populations contre les risques naturels n'entrent pas dans le champ d'application de la directive du 27 juin 2001, alors même qu'ils seraient par ailleurs susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le plan de prévention des risques naturels de Loix devait être soumis à évaluation environnementale au regard des exigences de la directive du 27 juin 2001.

6. D'autre part, aux termes du V de l'article L. 122-4 du code de l'environnement qui assure la transposition du 8° de l'article 3 de la directive du 27 juin 2001 : " Les plans et documents établis uniquement à des fins de défense nationale ou de protection civile ne sont pas soumis à une évaluation environnementale. ". Le IV de l'article L. 122-4 prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat définit les plans, schémas, programmes et documents qui font l'objet d'une évaluation environnementale " après un examen au cas par cas effectué par l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement ". En vertu du II de l'article R. 122-17 du code de l'environnement, dans sa version en vigueur à la date de la décision de dispense d'évaluation environnementale : " Les plans, schémas, programmes et autres documents de planification susceptibles de faire l'objet d'une évaluation environnementale après un examen au cas par cas et, sous réserve du III, l'autorité de l'Etat compétente en matière d'environnement devant être consultée sont définis dans le tableau ci-dessous ". Le tableau annexé à cet article prévoyait à son 2° que les plans de prévention des risques naturels prévisibles prévus par l'article L. 562-1 du code de l'environnement, dans sa version issue de l'article 1er du décret du 2 mai 2012, relèvent de l'examen au cas par cas et que l'autorité administrative de l'Etat chargée de cet examen est le préfet de département.

7. Si le V de l'article L. 122-4 du code de l'environnement, cité au point 6, n'exige pas que les plans de prévention des risques naturels prévisibles d'inondation dont la finalité est d'assurer la protection des populations contre les risques naturels, fassent l'objet d'une évaluation de leurs incidences sur l'environnement, les dispositions du II de l'article R. 122-17 du code de l'environnement imposent en revanche qu'ils fassent l'objet d'un examen au cas par cas destiné à déterminer s'ils doivent faire l'objet d'une telle évaluation.

8. Il résulte de la combinaison de l'article L. 562-3 du code de l'environnement, selon lequel le plan de prévention des risques naturels est approuvé par arrêté préfectoral, et du tableau annexé à l'article R. 122-17 dans sa version issue de l'article 1er du décret du 2 mai 2012, que le préfet de département, par ailleurs compétent pour approuver le plan de prévention des risques naturels, était chargé d'effectuer l'examen au cas par cas propre à ce type de plans, destiné à déterminer s'ils devaient faire l'objet d'une évaluation de leurs incidences sur l'environnement. Si, par ses décisions n° 360212 des 26 juin 2015 et 3 novembre 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé les dispositions du 2° du II de l'article R. 122-17 du code de l'environnement en tant qu'elles désignent l'autorité administrative de l'Etat compétente, il appartient aux juridictions administratives devant lesquelles il serait soutenu à bon droit qu'un plan ou programme pris en application du décret attaqué ou qu'un acte pris sur le fondement d'un de ces plans ou programmes est illégal au motif qu'il a été pris sur le fondement des dispositions en cause du décret du 2 mai 2012, d'apprécier s'il y a lieu de maintenir provisoirement en vigueur l'acte attaqué et de vérifier, à ce titre, si la condition d'impartialité est remplie. Sur ce point, aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obstacle à ce que l'autorité chargée de procéder à l'examen au cas par cas soit également l'autorité compétente pour se prononcer sur le plan ou programme, sous la réserve que cette autorité accomplisse les missions qui lui incombent de façon objective et ne se trouve pas dans une position donnant lieu à un conflit d'intérêts, notamment si l'autorité compétente est chargée de l'élaboration du plan ou du programme soumis à autorisation.

9. En l'espèce, le plan de prévention des risques naturels de la commune de Loix a été prescrit, élaboré et approuvé par la préfète de la Charente-Maritime. Dans ces conditions, la préfète de la Charente-Maritime étant en charge de l'élaboration du document, la circonstance qu'elle ait dispensé l'élaboration du plan de prévention des risques naturels de Loix de la réalisation d'une évaluation environnementale caractérise un manque d'objectivité et un conflit d'intérêts de la préfète de nature à vicier la procédure. Dans ces conditions, la décision de dispense d'évaluation environnementale du 27 novembre 2014 a été prise dans des conditions irrégulières.

10. M. C... excipe de l'illégalité de la circulaire de la ministre en charge de l'environnement du 27 juillet 2011 relative à la prise en compte du risque de submersion marine dans les plans de prévention des risques naturels littoraux en ce qu'elle contient des dispositions de caractère règlementaire. D'une part, il ressort du décret du 25 novembre 2010 relatif aux attributions du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement que le ministre est compétent pour mettre en œuvre la politique du gouvernement dans les domaines de l'environnement, notamment en vue de la protection de l'environnement et de la santé, de l'urbanisme, en particulier en ce qui concerne l'occupation du sol, et de la mer. La ministre en charge de l'environnement était ainsi compétente pour édicter la circulaire du 27 juillet 2011. D'autre part, si la circulaire du 27 juillet 2011, relative à la prise en compte du risque de submersion marine dans les plans de prévention des risques naturels littoraux a préconisé de prendre en compte une élévation du niveau de la mer de 60 cm à une échéance de cent ans, elle a toutefois ajouté qu'il s'agissait d'une position de base qui pouvait en cas de besoin être affinée par des études plus précises permettant d'évaluer l'impact local du changement climatique. Par ailleurs, en préconisant d'une manière générale, sauf exception, qu'une zone protégée par une digue reste une zone inondable, l'objectif de la circulaire consiste à déterminer le comportement des ouvrages de protection face à l'événement de référence et à évaluer le suraléa engendré par la défaillance des ouvrages de protection. Cette circulaire qui se borne à des orientations portant sur la méthodologie à retenir, est dépourvue de caractère impératif quant à l'usage des pouvoirs dont disposent les préfets pour instituer les plans de prévention des risques naturels littoraux. Par suite, M. C... n'est, en tout état de cause, pas fondé à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la circulaire du 27 juillet 2011.

11. Il résulte notamment de la note de présentation du plan de prévention des risques que la tempête Xynthia a été retenue comme événement hydrométéorologique de référence et que deux aléas de référence ont été étudiés afin d'intégrer l'élévation du niveau des océans due au changement climatique à deux échéances, l'aléa à court terme défini à partir de l'évènement de référence auquel est ajouté une valeur de 0,20 mètre et l'aléa à cent ans, en ajoutant à l'événement de référence une valeur de 0,60 mètre. Ces surcotes de 0,20 et 0,60 mètre ont été définies en considération de données scientifiques liées notamment au changement climatique, exposées en annexes IV et V de la circulaire du 27 juillet 2011 et qu'aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause, et il ne ressort d'aucune pièce du dossier que de telles données auraient justifié en l'espèce d'appliquer des valeurs différentes. Par ailleurs, en ce qui concerne l'appréciation de la résistance des ouvrages de protection face à l'aléa de référence, la circulaire s'appuie sur des données techniques précises exposées en annexe III et il ressort notamment du tableau des défaillances d'ouvrages en annexe 6 du plan de prévention des risques que les caractéristiques de chaque ouvrage ont été évaluées et que certains ouvrages ont été pris en compte dans l'élaboration des cartes d'aléas et des cartes réglementaires qui en découlent. Enfin, la circonstance que postérieurement à l'arrêté du 15 février 2018, l'article R. 562-11-3 du code de l'environnement tel que modifié par le décret n° 2019-715 du 5 juillet 2019 relatif aux plans de prévention des risques concernant les " aléas débordement de cours d'eau et submersion marine " prévoit que " Dans le cas de l'aléa de référence pour la submersion marine, une hauteur supplémentaire, précisée par arrêté du ministre chargé de la prévention des risques majeurs, est intégrée afin de tenir compte de l'élévation du niveau moyen de la mer due aux conséquences à court terme du changement climatique ", n'a pas d'incidence sur sa légalité qui est appréciée à la date de l'arrêté contesté. Par suite, en s'appuyant sur les principes définis par la circulaire du 27 juillet 2011 pour définir la méthode retenue pour déterminer l'intensité de l'aléa, la préfète de la Charente-Maritime n'a pas fait une appréciation erronée du risque de submersion sur la commune de Loix.

12. La parcelle cadastrée section ZR n°59 est classée en zone rouge Rs3 qui correspond à des zones soumises aux submersions marines et concerne les zones naturelles en aléas faible, modéré et fort pour l'aléa court terme et les zones naturelles hors aléa à court terme et en aléas modéré, fort et très fort pour l'aléa long terme ainsi que les zones urbanisées en aléa modéré et fort pour l'aléa court terme. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la note de présentation du plan de prévention des risques que le zonage est élaboré par croisement entre, d'une part, les aléas de référence et, d'autre part, les enjeux recensés par une analyse de l'occupation du sol et de sa vulnérabilité à la date de l'élaboration du plan. En premier lieu, l'appelant produit un plan de masse établi par un géomètre expert, indiquant une altitude de son terrain de 3,35 NGF pour la partie la plus basse et entre 3,59 et 3,87 NGF pour la partie la plus haute, ainsi qu'un procès-verbal de constat du 21 avril 2010 attestant que le terrain en litige n'a pas été inondé, contrairement à ses voisins. Toutefois, il ressort du zonage règlementaire de février 2018 que la cote de référence du plan d'eau modélisé pour les scénarii à court terme (Xynthia +0,20) et long terme (Xynthia +0,60) sont respectivement de 4,25 mètres NGF et 4,65 mètres NGF sur le terrain du requérant. En second lieu, la parcelle, classée en zone NC du plan d'occupation des sols de la commune de Loix, est dépourvue de toute construction. Ainsi, alors même que le terrain en litige n'aurait pas été inondé lors de l'événement de référence et qu'une petite partie sud-est du terrain, située au-dessus de 3,80 mètre, aurait pu être classée en aléa faible, les éléments produits par le requérant ne permettent pas de remettre en cause le classement en zone Rs3 de la parcelle en litige, recensée comme naturelle, justifié notamment par l'objectif du plan de prévention des risques naturels de ne pas ajouter de nouveaux enjeux dans des zones naturelles et de ne pas augmenter le nombre de personnes exposées à l'aléa submersion marine. Par suite, contrairement à ce que soutient M. C..., c'est à bon droit que le tribunal administratif a écarté le moyen tiré de l'erreur manifeste quant au classement de la parcelle ZK 59 en zone Rs3.

13. Il résulte de tout ce qui précède que l'arrêté du 15 février 2018 approuvant le plan de prévention des risques naturels prévisibles de la commune de Loix est seulement entaché d'un vice affectant la décision de le dispenser d'une évaluation environnementale.

Sur la régularisation du vice entachant le plan litigieux :

14. Aux termes de l'article L. 191-1 du code de l'environnement, issu de la loi du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat : " Si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre un plan ou programme mentionné au 1° de l'article L. 122-5, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'une illégalité entachant l'élaboration, la modification ou la révision de cet acte est susceptible d'être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation et pendant lequel le plan ou programme reste applicable. / Si la régularisation intervient dans le délai fixé, elle est notifiée au juge, qui statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. ". Aux termes de l'article L. 122-5 du même code : " Un décret en Conseil d'Etat précise notamment : / 1° La liste des plans et programmes soumis à évaluation environnementale de manière systématique ou à un examen au cas par cas, en application des II et III de l'article L. 122-4 et les conditions de son actualisation annuelle ; (...) ".

15. Ces dispositions, qui instituent des règles de procédure concernant exclusivement les pouvoirs du juge administratif en matière de contentieux des plans ou programmes mentionnés au 1° de l'article L. 122-5 du code de l'environnement, sont, en l'absence de dispositions expresses contraires, d'application immédiate aux instances en cours.

16. Ces dispositions permettent au juge, même pour la première fois en appel, lorsqu'il constate un vice qui entache la légalité d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles, mais qui peut être régularisé par un arrêté d'approbation modificatif, de rendre un jugement avant dire droit par lequel il fixe un délai pour cette régularisation et sursoit à statuer sur le recours dont il est saisi. Le juge peut préciser, par son jugement avant dire droit, les modalités de cette régularisation, qui implique l'intervention d'une décision corrigeant le vice dont est entachée l'arrêté attaqué. Un vice de procédure, dont l'existence et la consistance sont appréciées au regard des règles applicables à la date de l'arrêté attaqué, doit en principe être réparé selon les modalités prévues à cette même date. Si ces modalités ne sont pas légalement applicables, notamment du fait de l'illégalité des dispositions qui les définissent, il appartient au juge de rechercher si la régularisation peut être effectuée selon d'autres modalités, qu'il lui revient de définir en prenant en compte les finalités poursuivies par les règles qui les ont instituées et en se référant, le cas échéant, aux dispositions en vigueur à la date à laquelle il statue.

17. En l'espèce, le vice affectant la dispense du plan en litige d'une évaluation environnementale peut être régularisé par la consultation d'une autorité présentant les garanties d'objectivité requises.

18. Aux termes du 2° du II de l'article R. 122-17 du code de l'environnement dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté attaqué, les plans de prévention des risques naturels prévisibles prévus par l'article L. 562-1 du code de l'environnement sont au nombre des plans et programmes susceptibles de faire l'objet d'une évaluation environnementale après un examen au cas par cas. Selon le 1° du IV du même article, pour les plans et programmes soumis à évaluation environnementale en application du II, l'autorité environnementale est la formation d'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable pour les plans et programmes mentionnés au 2° du II.

19. Il résulte des dispositions énoncées au point 18 que l'autorité administrative de l'Etat compétente pour procéder à l'examen au cas par cas des plans de prévention des risques naturels prévisibles est donc désormais la formation d'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable. Cette formation constitue une entité administrative de l'Etat, séparée de l'autorité compétente pour approuver les plans de prévention des risques naturels prévisibles, disposant d'une autonomie réelle la mettant en mesure de décider objectivement si une évaluation environnementale des incidences de ces plans doit être réalisée. Le vice de procédure peut ainsi être régularisé par une décision de la formation d'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable sur la nécessité d'une telle évaluation.

20. Si, au regard des informations fournies par le préfet de la Charente-Maritime et des critères de l'annexe II de la directive n° 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001, la formation d'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable décide que le plan en litige doit faire l'objet d'une évaluation environnementale, celle-ci devra être réalisée et portée à la connaissance du public et faire l'objet d'une enquête publique comme l'imposait à la date de l'arrêté en litige les dispositions de l'article L. 562-3 du code de l'environnement ainsi que d'une consultation des conseils municipaux et organismes intéressés. Au vu des résultats de cette nouvelle enquête et de ces consultations, le préfet de la Charente-Maritime pourra décider de procéder à l'édiction d'un arrêté modificatif régularisant le vice entachant la procédure initiale.

21. Si la formation d'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable décide de dispenser d'évaluation environnementale le plan en litige, l'information du public et des organismes précédemment cités sur la nouvelle décision de l'autorité environnementale prendra la forme d'une mise en ligne sur le site internet de la préfecture de la Charente-Maritime ou, à défaut, sur celui de l'autorité environnementale saisie à cet effet. Le préfet de la Charente-Maritime pourra décider de procéder à l'édiction d'un arrêté modificatif régularisant le vice initial lié à l'irrégularité retenue par la cour.

22. Dans l'hypothèse où, comme rappelé au point 21, le préfet devrait organiser une simple procédure d'information de la décision prise par la formation d'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable avant de décider de prendre un arrêté de régularisation, il sera sursis à statuer sur la présente requête, pendant un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, jusqu'à ce que le préfet de la Charente-Maritime ait transmis à la cour l'arrêté de régularisation pris à la suite de cette procédure.

23. Dans l'hypothèse où, comme rappelé au point 20, le préfet devrait organiser de nouvelles consultations et une nouvelle enquête publique, il sera sursis à statuer sur la présente requête, pendant un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt, jusqu'à ce que le préfet de la Charente-Maritime ait transmis à la cour l'arrêté de régularisation pris à la suite de cette procédure.

DECIDE :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de M. C... jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois ou de six mois à compter de la notification du présent arrêt pour permettre au préfet de la Charente-Maritime de notifier le cas échéant à la cour une mesure de régularisation de l'illégalité mentionnée au point 9 du présent arrêt.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au préfet de la Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Nathalie Gay, première conseillère,

Mme Laury Michel, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2022.

La rapporteure,

Nathalie A...La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX00632 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00632
Date de la décision : 07/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : MAUDUIT LOPASSO GOIRAND et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-07-07;20bx00632 ?
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