Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler, d'une part, la décision implicite de refus née du silence gardé par la préfète des Landes sur sa demande de titre de séjour, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux du 9 novembre 2019, et d'autre part, l'arrêté du 20 août 2019 par lequel la préfète des Landes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.
Par un jugement n° 1902791, 2100375 du 28 juillet 2021, le tribunal administratif de Pau a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 27 septembre 2021 et 3 mai 2022, M. C..., représenté par Me Savary-Goumi, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 28 juillet 2021 en tant qu'il rejette sa demande d'annulation de l'arrêté du 20 août 2019 et d'injonction ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 20 août 2019 ;
3°) d'enjoindre à la préfète des Landes de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou à défaut de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- sa requête d'appel est recevable ;
- sa demande de première instance était recevable faute de notification par voie administrative de l'arrêté préfectoral ;
- la décision de refus de séjour est entachée d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;
- en l'absence de poursuites ou de condamnation, il ne peut être considéré que son comportement constitue une menace pour l'ordre public ;
- la préfète ne pouvait lui opposer l'irrégularité de son séjour ;
- le refus de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision prononçant une interdiction de retour est entachée d'une erreur de droit en ce qu'elle ne tient pas compte de sa durée de présence ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 avril 2022, la préfète des Landes conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable ;
- aucun des moyens soulevés par M. C... n'est fondé.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 octobre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique a été entendu le rapport de M. D... A....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant marocain né le 28 avril 1977, est entré en France le 24 septembre 2008, sous couvert d'un visa de long séjour, en qualité de conjoint d'une ressortissante française. Des titres de séjour en cette qualité lui ont été délivrés jusqu'au 29 septembre 2012. A la suite de sa séparation d'avec son épouse, il a sollicité une admission au séjour au titre du travail qui lui a été refusée le 30 septembre 2013 avec obligation de quitter le territoire français. Le 11 mars 2019, il a de nouveau sollicité son admission au séjour. Par arrêté du 20 août 2019, la préfète des Landes a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Par jugement du 28 juillet 2021, le tribunal administratif de Pau a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision implicite de refus née du silence gardé par la préfète des Landes sur sa demande de titre de séjour, de la décision rejetant son recours gracieux du 9 novembre 2019 et de l'arrêté préfectoral du 20 août 2019. M. C... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre cet arrêté préfectoral.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article 9 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". L'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " (...) ". Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ".
3. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.
4. D'une part, il résulte de ce qui précède que M. C..., qui a demandé une régularisation exceptionnelle en se prévalant de l'exercice d'une activité salariée et de ses cinq années de présence en France, ne peut utilement se prévaloir d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sa situation au regard du travail étant régie par l'accord franco-marocain.
5. D'autre part, M. C... soutient qu'il travaille en qualité de déménageur depuis mai 2018 auprès de la société Daily move qui l'emploie sous couvert d'un contrat à durée indéterminée depuis juillet de la même année, et qu'auparavant, il a occupé divers emplois à partir de 2008. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la société Daily move a licencié M. C... pour faute lourde en raison de la présentation de documents d'identité frauduleux, en l'occurrence un titre de résident valable du 30 septembre 2010 au 29 septembre 2020 dont il s'était déjà prévalu en 2014 pour être recruté par une société de travail temporaire. A supposer même qu'il n'ait pas fait l'objet de poursuites judiciaires ou d'une condamnation, M. C..., par ailleurs célibataire et sans enfant, ne présente pas de motif exceptionnel justifiant une admission exceptionnelle au séjour. Par suite, en refusant de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, la préfète des Landes n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
6. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de la demande de titre de séjour qu'il a déposée, que M. C... se soit prévalu d'une présence continue en France depuis plus de dix ans. Par suite, la préfète des Landes n'était pas tenue d'examiner d'office si l'intéressé remplissait une telle condition et si, dans l'affirmative, la commission du titre de séjour devait être consultée pour avis en application du deuxième alinéa de l'article L. 313-14 cité au point 2. Le moyen tiré du vice de procédure à ne pas avoir saisi la commission du titre de séjour doit dans ces conditions être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est célibataire et sans enfant sur le territoire français alors qu'il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'â l'âge de 31 ans. S'il soutient être présent depuis plus de dix ans en France et avoir été en situation régulière jusqu'en septembre 2012, les pièces produites ne permettent pas d'établir une présence habituelle sur cette période, et notamment pour l'année 2013, le premier semestre 2014 et les années 2015 et 2016. Il n'est en outre pas démontré, alors notamment que l'intéressé a eu recours à deux reprises à une carte de résident falsifiée, qu'il témoignerait d'une insertion particulière dans la société française. Dans ces conditions, en prenant une obligation de quitter le territoire français à l'encontre de M. C..., la préfète des Landes n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. En second lieu, eu égard aux éléments factuels rappelés ci-dessus, la préfète des Landes n'a pas davantage entaché sa décision d'éloignement d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. C....
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
10. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant, eu égard à ce qui a été dit précédemment, pas entachée d'illégalité, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi devrait être annulée par voie de conséquence.
Sur la décision prononçant une interdiction de retour :
11. En premier lieu, aux termes des dispositions alors codifiées au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III (...) sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
12. Il ressort des énonciations de l'arrêté en litige que la préfète des Landes a édicté à l'encontre de M. C... une interdiction de retour d'une durée de trois ans en tenant compte de sa soustraction à une précédente mesure d'éloignement le 30 septembre 2013, de sa volonté de ne pas quitter le territoire français que démontre la falsification d'un titre de séjour périmé le 29 septembre 2012 et du fait qu'une telle mesure ne porte pas au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. La préfète des Landes, qui a également relevé que l'intéressé produisait des documents justifiant son maintien sur le territoire français depuis cinq ans à la date du dépôt de son dernier dossier en préfecture, a pris en compte l'ensemble des quatre critères énoncés au III de l'article L. 511-1 précité et n'a dès lors pas entaché sa décision d'une erreur de droit.
13. En second lieu, en édictant une décision d'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans, la préfète des Landes n'a pas, eu égard à ce qui a été dit aux points 5 et 8, méconnu les dispositions du III de l'article L. 511-1 précité.
14. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la préfète en défense, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 20 août 2019 et ses conclusions à fin d'injonction. Par voie de conséquence, ses conclusions d'appel à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise à la préfète des Landes.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Karine Butéri, présidente,
M. Olivier Cotte, premier conseiller,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 juillet 2022.
Le rapporteur,
Olivier A...
La présidente,
Karine Butéri
La greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21BX03998