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05/07/2022 | FRANCE | N°21BX02742

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 05 juillet 2022, 21BX02742


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2100841 du 2 juin 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 25 janvier 202

1, en tant qu'il interdit le retour de M. B... sur

le territoire français pour une d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2100841 du 2 juin 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 25 janvier 2021, en tant qu'il interdit le retour de M. B... sur

le territoire français pour une durée de deux ans, et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er juillet 2021, M. B..., représenté par Me Gonnord, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du

2 juin 2021 en tant qu'il a rejeté partiellement sa demande ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 25 janvier 2021 en tant qu'il porte refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer une carte de séjour " membre de la famille d'un citoyen de l'Union " dans le délai de quinze jours suivant la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai, à défaut, de lui enjoindre de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et sous la même astreinte et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de

1 200 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le tribunal n'a pas statué sur le moyen soulevé par mémoire ampliatif tiré de la violation de la loi sur le secret de l'instruction et son recel par les services préfectoraux ;

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 121-1 et R. 121-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en sa qualité de membre de famille de ressortissant européen dès lors que les conditions de renouvellement de son titre de séjour étaient bien réunies ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'il a été fait une mauvaise appréciation de la notion de menace grave et actuelle à l'ordre public que représenterait sa présence et méconnaît ainsi les dispositions de l'article L. 511-3-1 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les dispositions de l'article 11 du code de procédure pénale relatives au secret de l'instruction ont été méconnues ; l'autorité préfectorale fonde sa décision sur un procès-verbal rédigé en matière de police judiciaire et protégé par le secret de l'instruction qu'elle n'avait pas à posséder ni utiliser ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision d'obligation de quitter le territoire français :

- elle est dépourvue de base légale dès lors qu'elle est fondée sur une décision de refus de séjour entachée d'illégalités ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;

- elle est entachée d'une violation de la loi sur le secret de l'instruction ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est dépourvue de base légale dès lors qu'elle est fondée sur une décision de refus de séjour entachée d'illégalités ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une violation de la loi sur le secret de l'instruction.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 janvier 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2021/016295 du 22 juillet 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les observations de Me Gonnord, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B..., ressortissant tunisien né le 8 août 1977, est entré en France le 20 juillet 2018, selon ses déclarations, accompagné de son épouse et de leurs deux enfants. Il a bénéficié d'un titre de séjour valable du 11 décembre 2019 au 10 décembre 2020 en qualité de conjoint d'une ressortissante de l'Union européenne suite à son mariage célébré le 14 juin 2005 avec une ressortissante polonaise. Le 2 novembre 2020, il a demandé le renouvellement de son titre de séjour sur le même fondement. Par un arrêté du 25 janvier 2021, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. B... relève appel du jugement du 2 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a seulement annulé l'arrêté du 21 janvier 2021, en tant qu'il interdit son retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. A l'appui de sa demande devant le tribunal administratif, dans un mémoire ampliatif enregistré le 29 avril 2021, M. B... soutenait que les décisions contenues dans l'arrêté litigieux étaient entachées d'une violation de la loi sur le secret de l'instruction, institué par les dispositions de l'article 11 du code de procédure pénale. Toutefois, un tel moyen était inopérant, le secret de l'instruction n'étant pas opposable au préfet qui ne concourt pas à la procédure pénale. En ne répondant pas à ce moyen inopérant, le tribunal administratif n'a pas entaché son jugement d'irrégularité.

Sur la légalité de l'arrêté du 25 janvier 2021 :

3. Aux termes de l'article 11 du code de procédure pénale : " Sauf dans le cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l'enquête et de l'instruction est secrète. Toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel dans les conditions et sous les peines prévues à l'article 434-7-2 du code pénal. Toutefois, afin d'éviter la propagation d'informations parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l'ordre public ou lorsque tout autre impératif d'intérêt public le justifie, le procureur de la République peut, d'office et à la demande de la juridiction d'instruction ou des parties, directement ou par l'intermédiaire d'un officier de police judiciaire agissant avec son accord et sous son contrôle, rendre publics des éléments objectifs tirés de la procédure ne comportant aucune appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause ".

4. M. B... soutient que l'autorité préfectorale fonde sa décision sur un procès-verbal rédigé en matière de police judiciaire et protégé par le secret de l'instruction qu'elle n'avait pas à posséder ni utiliser. Toutefois, le secret de l'instruction, édicté par l'article 11 du code de procédure pénale, n'est pas opposable au préfet, qui ne concourt pas à la procédure pénale. Dès lors, M. B... ne peut utilement se prévaloir de ce que la préfète a utilisé dans le cadre de l'examen de sa situation, en méconnaissance des principes du droit pénal, des informations recueillies à l'occasion de son audition le 10 septembre 2020 par les services de police dans le cadre d'une enquête criminelle.

En ce qui concerne le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : (...) 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; / 5° S'il est le conjoint ou un enfant à charge accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées au 3° ". Aux termes de l'article L. 121-3 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois. (...) ". Aux termes de l'article L. 121-4 du même code : " Tout citoyen de l'Union européenne (...) ou les membres de sa famille (...) dont la présence constitue une menace à l'ordre public peut faire l'objet, selon le cas, d'une décision de refus de séjour, d'un refus de délivrance ou de renouvellement d'une carte de séjour ou d'un retrait de celle-ci ainsi que d'une mesure d'éloignement prévue au livre V ". Aux termes de l'article R. 121-8 du même code : " Les ressortissants d'un Etat tiers mentionnés à l'article L. 121-3, admis au séjour en leur qualité de membre de famille, conservent leur droit au séjour : (...) 2° En cas de divorce ou d'annulation du mariage avec le ressortissant accompagné ou rejoint : / a) Lorsque le mariage a duré au moins trois ans avant le début de la procédure judiciaire de divorce ou d'annulation, dont un an au moins en France ; / b) Lorsque la garde des enfants du ressortissant accompagné ou rejoint leur est confiée en qualité de conjoint, par accord entre les conjoints ou par décision de justice ; (...) d) Lorsque le conjoint bénéficie, par accord entre les époux ou par décision de justice, d'un droit de visite à l'enfant mineur, à condition que ce droit s'exerce en France et pour la durée nécessaire à son exercice.(...) ". Aux termes de l'article L. 511-3-1 du même code : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : (...) 3° Ou que son comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine (...) ".

6. Il résulte de ces dispositions que si le conjoint d'un ressortissant de l'Union européenne dispose sous conditions d'un droit au séjour, l'autorité administrative peut retirer un titre de séjour délivré en cette qualité, en refuser le renouvellement et l'obliger à quitter le territoire français si sa présence sur le territoire français constitue une menace à l'ordre public.

7. Il ressort des pièces du dossier que le 20 novembre 2020, M. B... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour, qui lui avait été délivré sur le fondement du 4° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour rejeter sa demande, la préfète de la Gironde s'est fondée sur la menace grave et actuelle pour l'ordre public que représente sa présence en France. Entré sur le territoire français en juillet 2018, M. B... a été condamné le 6 juin 2019 à quatre mois d'emprisonnement avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve pour violences suivies d'incapacité supérieure à huit jours sur son épouse, et de nouveau, à un mois d'emprisonnement le 7 octobre 2019 pour des faits de même nature. Il ressort des pièces du dossier que si M. B... est désormais séparé de son épouse, les violences à son égard auxquelles ont parfois assisté ses deux enfants, ont été récurrentes, que les violences ont débuté très rapidement après la rencontre du couple et que son épouse avait par ailleurs à deux reprises déposé une plainte pour les mêmes motifs en Allemagne où la famille a séjourné avant de venir s'installer en France. A cet égard, la préfète fait valoir sans être contredite que l'intéressé, qui a été titulaire d'un titre de séjour en Allemagne en tant que conjoint d'un citoyen de l'Union Européenne, est connu des autorités judiciaires allemandes, notamment pour conduite sans permis et conduite en état d'ivresse. Il a également fait l'objet en France d'une procédure judiciaire pour filouterie de taxi ou de voiture de place commise le 15 décembre 2019 et, à la date de l'arrêté attaqué, est mis en examen et placé sous contrôle judiciaire pour des faits d'extorsion avec une arme commis le 9 septembre 2020. S'agissant de cette dernière infraction, il ressort de l'ordonnance du 11 septembre 2020 de placement sous contrôle judiciaire que M. B... doit se soumettre à des mesures de traitement ou soins en lien avec sa consommation d'alcool ou de stupéfiants et en justifier auprès du juge instructeur une fois par mois. Par ailleurs, si l'intéressé se prévaut du droit au séjour de sa femme et de celui de ses filles, il ressort des pièces du dossier qu'à la date des décisions contestées, M. B... ne résidait plus au domicile familial depuis plus d'un an, et aucune pièce du dossier, notamment des photographies de famille non datées, ne démontre qu'il aurait continué d'entretenir des liens avec ses enfants depuis la séparation de son couple. A cet égard, le requérant ne peut utilement se prévaloir ni du jugement du juge aux affaires familiales du 20 avril 2021 lui accordant un droit de visite et d'hébergement et mettant à sa charge le versement d'une pension alimentaire de 300 euros par mois, ni de deux transferts d'argent à son épouse en 2021 et 2022, ces éléments étant postérieurs aux décisions contestées. Enfin, ni la circonstance qu'il bénéficierait d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel depuis le 5 octobre 2020, ni la présence de son frère en France n'est de nature à caractériser une intégration particulière dans la société française. Dans ces conditions, eu égard à la nature et à la gravité des faits commis par l'intéressé et au caractère répété de ses agissements, le comportement du requérant constitue une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'ordre public, de nature à fonder le retrait de son titre de séjour, le refus de renouvellement de ce titre et l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-4 et de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

8. En deuxième lieu, si M. B... soutient qu'il remplit les conditions de renouvellement de son titre de séjour fixées à l'article R. 121-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ressort des termes de l'arrêté contesté que sa demande de renouvellement de titre de séjour a été rejetée par voie de conséquence du retrait du titre de séjour qui lui avait été accordé sur le fondement de l'article L. 121-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour le motif tiré de l'existence d'une menace à l'ordre public. Par suite, le moyen doit être écarté comme inopérant.

9. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

10. Si M. B... se prévaut du droit au séjour de sa femme et de celui de ses filles, il ressort des pièces du dossier qu'à la date des décisions contestées, il ne résidait plus au domicile familial depuis plus d'un an et aucune pièce du dossier, notamment des photographies de famille non datées, ne démontre qu'il aurait continué d'entretenir des liens avec ses enfants ou contribué de manière effective à leur entretien et leur éducation depuis la séparation de son couple. A cet égard, le requérant ne peut utilement se prévaloir ni du jugement du juge aux affaires familiales du 20 avril 2021 lui accordant un droit de visite et d'hébergement et mettant à sa charge le versement d'une pension alimentaire de 300 euros par mois, ni de deux transferts d'argent à son épouse en 2021 et 2022, ces éléments étant postérieurs aux décisions contestées. Il ne peut donc être considéré, à la date des décisions contestées, que l'éloignement de M. B... aurait des conséquences particulièrement dommageables pour l'équilibre de ses enfants. Par ailleurs, ainsi que mentionné au point 7, il a été condamné à deux reprises par le tribunal correctionnel de Bordeaux pour des faits de violences sur son épouse au cours desquelles ses filles ont parfois été présentes, il est actuellement placé sous contrôle judiciaire et doit se soumettre à des mesures de traitement ou de soins pour des problèmes d'addiction. Ni la circonstance qu'il bénéficierait d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel depuis le 5 octobre 2020, ni la présence de son frère en France n'est de nature à caractériser une intégration particulière dans la société française au regard du caractère régulier et répété des infractions commises depuis son arrivée récente en France en juillet 2018. En outre, M. B... n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident a minima ses parents. Dès lors, compte tenu de la durée et des conditions du séjour en France de M. B... ainsi que de la menace pour l'ordre public que sa présence en France représente, les décisions en litige n'ont pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que garanti par les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, et n'ont pas davantage méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

11. En quatrième lieu, il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait fondée sur une décision de refus de séjour illégale doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi serait fondée sur une décision de refus de titre de séjour illégale doit être écarté.

13. En deuxième lieu, selon l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains et dégradants. "

14. En se bornant à soutenir qu'en sa qualité de commerçant et proche de la famille du président Ben Ali, il aurait rencontré de nombreuses difficultés qui l'auraient empêché notamment de recouvrer des créances et l'auraient placé de ce fait, lui et sa famille, en situation de danger, sans apporter d'éléments au soutien de ses allégations, M. B... ne démontre pas qu'il serait personnellement exposé à des peines ou des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de renvoi vers la Tunisie.

15. Il résulte de tout de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté le surplus de sa demande d'annulation de l'arrêté contesté. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

Mme Nathalie Gay, première conseillère,

Mme Laury Michel, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2022.

La rapporteure,

Laury A...

La présidente,

Elisabeth JayatLa greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX02742


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02742
Date de la décision : 05/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Laury MICHEL
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : GONNORD

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-07-05;21bx02742 ?
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