Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, de prononcer la décharge des suppléments d'impositions auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 à hauteur de la somme de 83 675 euros s'agissant de l'impôt sur le revenu et de 28 109 euros en ce qui concerne les prélèvements sociaux, et, d'autre part, d'enjoindre l'inscription en charge dans les comptes de la SARL Mazali, dont Mme A... est l'associée majoritaire, les dépenses de travaux réalisés à hauteur de la somme de 85 000 euros au titre de cette même année.
Par un jugement n° 1900965 du 4 décembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 février 2021, M. et Mme A..., représentés par la selarl Quesnel, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 décembre 2020 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) à titre principal, de prononcer la décharge de l'ensemble des suppléments d'impôts restant à leur charge, soit la somme de 83 675 euros au titre de l'impôt sur le revenu et de 28 109 euros au titre des prélèvements sociaux, au titre de l'année 2012, et, à titre subsidiaire, de prononcer la décharge des suppléments d'impôts restant à leur charge à hauteur de la réduction d'imposition qui découle du caractère déductible des dépenses de travaux de l'immeuble situé rue du Pas Saint Georges à Bordeaux et des intérêts d'emprunt.
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
En ce qui concerne la procédure :
- la procédure est entachée d'irrégularité, dès lors que, sous couvert d'une demande de renseignements relatifs à leurs revenus fonciers, l'administration a, en réalité, engagé un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, ce qui les a privés des garanties attachées à une véritable procédure d'ESFP, et notamment l'envoi d'un avis de vérification préalable, en violation des articles L. 10 et L. 12 du livre des procédures fiscales ; le défaut d'un envoi de vérification est en outre contraire à la doctrine administrative BOI-CF-PGR-20-10 n°280 du 22 mai 2015, ce qui est irrégulier aux termes de l'article L. 80 AC alinéa 2 du livre des procédures fiscales ; le jugement se contredit d'ailleurs dans son point 3, en mentionnant qu'il n'y a pas eu de contrôle de cohérence globale par rapport à l'ensemble des revenus déclarés, mais que l'administration a néanmoins réclamé un volume de pièces justificatives très important du fait de l'importance de leur patrimoine immobilier ;
En ce qui concerne le bien-fondé :
- le rehaussement en base de la somme de 13 130 euros afférente aux dépenses de réparation, d'entretien et d'amélioration non justifiées n'est pas fondé dans la mesure où ils avaient, lors de leur déclaration primitive des revenus fonciers le 4 juin 2013, mentionné la même somme que celle retenue par l'administration, soit 289 301 euros de dépenses justifiées, et non 302 431 euros, comme en atteste le duplicata de la déclaration conservée par le cabinet d'expertise-comptable ;
- c'est à tort que l'administration a considéré que les conditions de la déductibilité des travaux au titre des revenus fonciers résultant des articles 12, 13, 14 et 31 du code général des impôts n'étaient pas réunies dans la mesure où les dépenses n'auraient pas été effectivement payées par le propriétaire ; Mme A... a économiquement supporté le coût des réparations en ayant la certitude de devenir propriétaire en fin d'année ; dans ce contexte, il est demandé à la juridiction de faire une application mesurée de la loi fiscale ; à titre subsidiaire, ils demandent que la Sarl Mazali soit autorisée à traiter dans ses propres comptes les conséquences d'une rectification entre les mains de son actionnaire ; l'administration ne conteste d'ailleurs pas que les travaux ont été bel et bien réalisés, ce qu'ils ont fait sur leurs deniers propres ;
- s'agissant des intérêts d'emprunt, ils produisent le tableau d'amortissement justifiant les montants déduits en 2012 ; c'est à l'administration d'apporter la preuve qu'ils n'auraient pas remboursé leur emprunt ou n'en auraient pas payé les intérêts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 août 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B... C...,
- et les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces portant sur l'impôt sur le revenu de l'année 2012. Le service vérificateur a adressé aux époux A..., le 7 octobre 2015, une demande de renseignements portant exclusivement sur les revenus fonciers imposables déclarés pour un montant de 172 086 euros. Après examen des renseignements communiqués le 3 décembre 2015, le service vérificateur a constaté que certains revenus fonciers n'avaient pas été déclarés et que certaines charges avaient été déduites à tort. Par deux propositions de rectification, des 11 et 16 décembre 2015, notifiées suivant la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, le service vérificateur a porté à la connaissance des époux A... les rehaussements envisagés en conséquence de la rectification du montant des revenus fonciers nets déclarés de l'année 2012. À la suite des observations formulées par les requérants le 8 février 2016, les rehaussements proposés ont été partiellement maintenus par le service, par une réponse du 11 avril 2016. M. et Mme A... ont déposé une réclamation le 26 juillet 2017 qui a fait l'objet d'une acceptation partielle en date du 26 décembre 2018. Des dégrèvements de 47 819 euros, en droits et pénalités, au titre de l'impôt sur le revenu et de 15 121 euros en droits et pénalités au titre des prélèvements sociaux ont été prononcés. Les requérants ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de les décharger des impositions supplémentaires restant à leur charge au titre de l'année 2012, à hauteur de la somme de 83 675 euros au titre de l'impôt sur le revenu et de 28 109 euros au titre des prélèvements sociaux. Ils font appel du jugement de ce tribunal en date du 4 décembre 2020, qui a rejeté cette demande.
Sur les conclusions à fin de décharge :
En ce qui concerne la procédure :
2. Aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances. Elle contrôle, également les documents déposés en vue d'obtenir des déductions, restitutions ou remboursements, ou d'acquitter tout ou partie d'une imposition au moyen d'une créance sur l'État. (...) ". Aux termes de l'article L. 12 du même livre : " Dans les conditions prévues au présent livre, l'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu, (...)./ À l'occasion de cet examen, l'administration peut contrôler la cohérence entre, d'une part, les revenus déclarés et, d'autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie des membres du foyer fiscal./ (...) ". Aux termes de l'article L. 47 de ce livre : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification ".
3. L'administration a, le 7 octobre 2015, adressé aux époux A... une demande de renseignements portant uniquement sur leurs revenus fonciers perçus en 2012. Ceux-ci font valoir que, sous couvert de cette demande de renseignements, le service a en réalité procédé à un examen de leur situation fiscale personnelle (ESFP), sans leur avoir de ce fait adressé au préalable un avis de vérification, en violation de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales. Toutefois, il résulte de l'instruction que le service vérificateur ne s'est pas livré à un contrôle de la nature de celui prévu par l'article L. 12 précité caractérisant un examen d'ensemble de sa situation fiscale personnelle, lequel implique un contrôle de cohérence globale entre l'ensemble des revenus déclarés et la situation de trésorerie, la situation patrimoniale et le train de vie du contribuable mais s'est borné, à la suite d'un contrôle sur pièces, à notifier des rectifications résultant uniquement du rehaussement de 161 912 euros du revenu foncier net suite à la remise en cause de la déductibilité de certaines dépenses. Ainsi, le contrôle auquel le service a procédé s'est limité à l'appréciation de l'exactitude des déclarations d'impôt sur le revenu, souscrites par les requérants dans le cadre duquel l'administration a tiré les conséquences des redressements. Par suite, malgré l'importance des pièces et des justificatifs demandés par l'administration, liée à l'importance de leur patrimoine immobilier, ce que les premiers juges ont pu relever au point 3 de leur jugement sans entacher celui-ci d'une contradiction de motifs, M. et Mme A..., ne sont pas fondés à soutenir qu'ils ont fait l'objet d'un examen de sa situation fiscale personnelle dont ils auraient dû être préalablement avisés par l'envoi de l'avis de vérification prévu par l'article L. 47 du livre des procédures fiscales et qu'ils auraient été privés des garanties attachées à cette procédure.
4. Par ailleurs, M. et Mme A... ne peuvent utilement invoquer, pour contester la régularité de la procédure d'imposition sur le fondement de l'article L. 80 AC du livre des procédures fiscales, l'instruction administrative publiée au BOI-CF-PGR-20-10 n° 280 du 22 mai 2015, précisant que l'administration doit adresser à l'intéressé un avis de commencement d'ESFP lorsqu'elle s'apprête à entreprendre une série de recherches auprès d'un tiers sur le train de vie ou les éléments patrimoniaux du contribuable, dès lors, en tout état de cause, que la demande de renseignements a été adressée aux requérants et non à un tiers et que cette demande avait un objet très ciblé, à savoir leurs seuls revenus fonciers.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
5. Aux termes de l'article 13 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages en nature, sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu ". Aux termes de l'article 28 du même code : " Le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété ". Aux termes des dispositions du I de l'article 31 de ce code : " Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : / 1°) Pour les propriétés urbaines : / a) les dépenses de réparation et d'entretien ; (...) / b) les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement (...) ; / d) Les intérêts de dettes contractées pour la conservation, l'acquisition, la construction, la réparation ou l'amélioration des propriétés (...) ". Il résulte de ces dispositions que les dépenses de réparation, d'entretien ou d'amélioration des immeubles ne peuvent être déduites du revenu foncier que dans la mesure où les charges alléguées sont dûment justifiées, se rapportent à des immeubles dont les revenus sont imposables dans la catégorie des revenus fonciers, sont effectivement supportées par le propriétaire et sont engagées en vue de l'acquisition ou de la conservation du revenu. Il résulte également de ces dispositions que les dépenses de réparation, d'entretien ou d'amélioration doivent notamment, pour être admises en déduction, avoir été effectuées par le propriétaire et payées au cours de l'année d'imposition. Il appartient au contribuable de justifier de la réalité, de la consistance et, par suite, du caractère déductible de ces charges en produisant des pièces justificatives, qui sont constituées de factures, de plans, de photographies et de tous autres éléments permettant d'établir avec précision la nature, le montant et la réalité de la charge supportée.
S'agissant des dépenses de travaux de l'immeuble situé rue du Pas Saint Georges à Bordeaux :
6. Les requérants soutiennent que l'administration aurait dû admettre, au titre de l'année 2012, la déduction de travaux réalisés, à hauteur de 85 000 euros, antérieurement à la conclusion de la vente de cet immeuble, dès lors, d'une part, que, même s'ils n'en étaient pas encore propriétaires, le sous-seing privé, signé avec la société Mazali dont Mme A... est l'associée majoritaire, ne laissait aucun doute quant à la conclusion de la vente et, d'autre part, qu'ils ont effectivement financé ces travaux.
7. Cependant, il s'évince de ce qui vient d'être exposé que les époux A... n'étaient pas propriétaires de l'immeuble avant le 31 décembre 2012. Par suite, la somme en question n'était pas déductible de leurs revenus fonciers au titre de l'année 2012, au cours de laquelle les dépenses ne peuvent être regardées comme ayant été engagées pour l'acquisition ou la conservation de revenus, et alors, au demeurant, que l'administration fait valoir sans contredit que dans le cadre de la procédure d'ESFP menée au titre des deux années suivantes, M. et Mme A... ont payé les factures de travaux à la société Gironde Renov'In en 2013.
8. Si les appelants demandent, à titre subsidiaire, que les dépenses de travaux ainsi remises en cause soient comptabilisées en charges déductibles dans les comptes de la sarl Mazali dont Mme A... est l'associée majoritaire, une telle demande, qui concerne ladite société, n'est en tout état de cause pas recevable dans le cadre du présent contentieux, alors, de plus, que les dépenses dont s'agit, qui ont eu pour effet d'augmenter le prix de revient de l'immeuble, seraient à inscrire non en charges, mais dans les comptes d'actif de la société.
S'agissant des dépenses d'intérêts d'emprunt des immeubles situés rue du Maréchal Foch à Tarbes et rue de Chantecrit à Bordeaux :
9. Mme et M. A... persistent à soutenir que l'administration aurait dû admettre, au titre de cette même année 2012, la déduction des intérêts d'emprunt s'agissant desdits immeubles.
10. Cependant, les requérants ne fournissent pas plus en appel que devant les premiers juges de justificatif concernant les dépenses d'intérêts d'emprunt déduites au titre de l'immeuble situé à Bordeaux. S'agissant de l'immeuble situé à Tarbes, s'ils fournissent, comme en première instance, un tableau d'amortissement valant simulation de prêt établi le 20 décembre 2001 par l'agence du CIC de Mérignac, ce document n'est pas signé et ne précise pas le bien concerné. En outre, comme le fait valoir l'administration, le montant des intérêts indiqué sur ce tableau pour 2012 est différent de celui que les requérants ont porté en charges.
11. Dans ces conditions, les époux A... ne justifient ni de ces emprunts ni du paiement effectif d'intérêts au cours de l'année d'imposition. Par suite, ils n'en établissent pas la déductibilité de leurs revenus fonciers au titre de ladite année.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.
Sur les frais de l'instance :
13. L'État n'étant pas partie perdante, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de M. et Mme A... relatives aux frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A..., ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée à la directrice régionale des finances publiques de Nouvelle-Aquitaine et du département de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 19 mai 2022 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,
Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 juin 2022.
La rapporteure,
Florence C...
Le président,
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX00402