Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 30 janvier 2019 par lequel la sous-préfète de Bergerac lui a ordonné de se dessaisir de toutes les armes en sa possession ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n° 1904895 du 15 juillet 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 septembre 2020 et le 5 juillet 2021, M. B..., représenté par Me Amblard, demande à la cour :
1°) de surseoir à statuer dans l'attente de la communication du bulletin n° 2 de son casier judiciaire ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 15 juillet 2020 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 30 janvier 2019 par lequel la sous-préfète de Bergerac lui a ordonné de se dessaisir de toutes les armes en sa possession ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que 13 euros au titre des droits de plaidoirie.
Il soutient que :
- le jugement méconnaît le principe du contradictoire, dès lors qu'il ne vise pas la note en délibéré qu'il a produit le 6 juillet 2020 ;
- le jugement omet de répondre à son moyen tiré de ce que les motifs de la décision ne lui ont jamais été communiqués ;
- l'arrêté est signé d'une autorité incompétente, dès lors qu'il n'est pas justifié de la publication de la délégation de signature à une date antérieure à l'arrêté ;
- le préfet ne s'est pas livré à un examen particulier de la situation, dès lors que l'arrêté mentionne un M. A... D... ;
- l'arrêté est insuffisamment motivé, dès lors, d'une part, que l'administration ne lui a pas communiqué les documents cités dans l'arrêté et, d'autre part, qu'il a demandé en vain dans son recours gracieux la communication des motifs fondant la décision ;
- l'arrêté est entaché d'inexactitude matérielle des faits, dès lors qu'il n'a pas commis les faits sur lesquels l'arrêté est fondé, et qu'il est victime d'une homonymie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2021, le préfet de la Dordogne conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 28 septembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 28 octobre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F... I...,
- et les conclusions de Mme E... G....
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 30 janvier 2019, la préfète de la Dordogne a ordonné à M. C... B... de se dessaisir de toutes les armes en sa possession dans un délai de trois mois à compter de sa notification. M. B... relève appel du jugement du 15 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté, ainsi que de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...)./ Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont il est fait application / Mention y est faite que le rapporteur et le rapporteur public et, s'il y a lieu, les parties, leurs mandataires ou défenseurs ainsi que toute personne entendue sur décision du président en vertu du deuxième alinéa de l'article R. 731-3 ont été entendus./ Mention est également faite de la production d'une note en délibéré ./ La décision fait apparaître la date de l'audience et la date à laquelle elle a été prononcée ".
3. Après l'audience publique, qui a eu lieu le 3 juillet 2020, M. B... a adressé au tribunal administratif de Bordeaux une note en délibéré enregistrée au greffe du tribunal le 6 juillet 2020. Le jugement attaqué, dont les visas ne font pas mention de la production de cette note, est ainsi entaché d'irrégularité. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen relatif à la régularité du jugement, M. B... est fondé à en demander l'annulation.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Bordeaux.
Sur la légalité de l'arrêté du 30 janvier 2019 :
5. Aux termes de l'article L. 312-11 du code de la sécurité intérieure : " Sans préjudice des dispositions de la sous-section 1, le représentant de l'État dans le département peut, pour des raisons d'ordre public ou de sécurité des personnes, ordonner à tout détenteur d'une arme, de munitions et de leurs éléments de toute catégorie de s'en dessaisir. / Le dessaisissement consiste soit à vendre l'arme les munitions et leurs éléments à une personne titulaire de l'autorisation, mentionnée à l'article L. 2332-1 du code de la défense, ou à un tiers remplissant les conditions légales d'acquisition et de détention, soit à la remettre à l'État. Un décret en Conseil d'État détermine les modalités du dessaisissement. / Sauf urgence, la procédure est contradictoire. Le représentant de l'État dans le département fixe le délai au terme duquel le détenteur doit s'être dessaisi de son arme, de ses munitions et de leurs éléments. (...) ".
6. M. B... soutient que les faits de destruction et dégradation de véhicules privés qu'il lui est reproché d'avoir commis en 2007 ne lui sont pas imputables car il est victime d'une homonymie. Le préfet de la Dordogne produit un rapport de la gendarmerie du 27 août 2018, qui fait état de ce que l'intéressé se serait rendu coupable de destructions et de dégradations de véhicules le 1er janvier 2007 à Mussidan (Dordogne). Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment du courrier de M. Duval-Molinos, président du tribunal judiciaire de Périgueux, adressé au conseil de M. B... le 19 novembre 2020, ainsi que des extraits du fichier Cassiopée annexés à ce courrier, que l'appelant, né en 1987 à Périgueux, a un homonyme, né en 1982 à Bordeaux, qui a fait l'objet d'un signalement pour de nombreuses infractions, telles que vol avec effraction, filouteries de carburant ou de chambre à louer, falsification de chèque et abus de confiance. Alors que l'arrêté contesté est fondé sur " des faits de destruction et dégradations de véhicules privés en 2007 " qu'aurait commis M. B..., les seules mentions concernant M. B... né en 1987 à Périgueux portent sur l'infraction de conduite en état alcoolique commise le 1er avril 2007. À cet égard, M. B... produit l'ordonnance du 6 juin 2007 du juge délégué du tribunal de grande instance de Périgueux homologuant les peines proposées par le procureur de la République pour cette infraction et celle d'excès de vitesse commise le 25 mars 2007, consistant en l'accomplissement d'un stage de sensibilisation à la sécurité routière, en la suspension de son permis de conduire pour une durée de neuf mois et en une amende de 300 euros. Ainsi, le requérant est fondé à soutenir que l'arrêté est entaché d'inexactitude matérielle des faits. Si le préfet fait valoir que le rapport de la gendarmerie du 27 août 2018 mentionne aussi les infractions de violences volontaires aggravées et de port ou détention d'armes prohibées qui auraient été commises le 8 août 2003, il ne ressort pas des pièces du dossier que de tels faits seraient imputables au requérant.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ni de surseoir à statuer dans l'attente de la communication du bulletin n° 2 du casier judiciaire du requérant, que M. B... est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 30 janvier 2019 de la préfète de la Dordogne. Par voie de conséquence, il y a lieu de mettre à la charge de l'État, au profit de M. B..., la somme de 1 500 euros au titre du droit de plaidoirie et des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 15 juillet 2020 est annulé.
Article 2 : L'arrêté de la préfète de la Dordogne du 30 janvier 2019 est annulé.
Article 3 : L'État versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre du droit de plaidoirie et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet de la Dordogne.
Délibéré après l'audience du 7 avril 2022 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,
Mme E... H..., première-conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mai 2022.
La rapporteure,
Frédérique I... Le président
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX03139