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19/05/2022 | FRANCE | N°20BX02983

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 19 mai 2022, 20BX02983


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) DIF a demandé au tribunal administratif de la Réunion de prononcer la réduction du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 à 2015.

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Procédure devant la cour :

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) DIF a demandé au tribunal administratif de la Réunion de prononcer la réduction du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 à 2015.

Par un jugement n° 1800241 du 6 juillet 2020, le tribunal administratif de la Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 septembre 2020, la SCI DIF, représentée par Me Schiele, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 juillet 2020 du tribunal administratif de la Réunion ;

2°) de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 pour un montant de 85 676 euros ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés pour un montant de 136 316 euros auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 à 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- il est entaché d'une contradiction de motifs quant à sa reconnaissance de l'existence d'un passif injustifié ;

En ce qui concerne la procédure :

- l'avis de mise en recouvrement est entaché d'irrégularité, car il est insuffisamment motivé au sens de la doctrine BOI-REC-PREA-10-10-20 n° 10 et n° 50, opposable à l'administration, dès lors qu'il ne l'informe pas des articles du code général des impôts sur lesquels sont fondés les rappels ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

- il n'y a pas de passif injustifié au 31 décembre 2013, mais seulement une erreur d'écriture comptable, régularisée en 2009, rectification dont elle a apporté la preuve ;

En ce qui concerne les pénalités :

- l'application de la majoration de 40 % n'est pas justifiée en ce qu'il y a eu une erreur comptable injustifiée et en ce que l'infraction ne relève pas d'une récidive ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 80 D et L. 80 E du livre des procédures fiscales en l'absence de procédure contradictoire préalable à son infliction.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mars 2021, et un mémoire en production de pièces enregistré le 1er avril 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement accordé de la somme de 86 563 euros, et au rejet du surplus des conclusions.

Il soutient que :

- en ce qui concerne le seul moyen ayant trait au bien-fondé de l'impôt, un dégrèvement a été accordé ;

- les autres moyens soulevés par la SCI DIF ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... B...,

- les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) DIF exerce une activité de gestion de patrimoine immobilier à Saint-Pierre (La Réunion). Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015. À l'issue de ce contrôle, l'administration l'a informée, par une proposition de rectification du 2 décembre 2016, de son intention de lui réclamer des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des suppléments d'impôt sur les sociétés. La SCI DIF fait appel du jugement du tribunal administratif de la Réunion du 6 juillet 2020, qui a rejeté sa demande tendant à la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 à 2015.

Sur l'étendue du litige :

2. Par décision en date du 30 mars 2021, le directeur général des finances publiques de la Réunion a prononcé un dégrèvement des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés à hauteur de 86 563 euros au titre des années 2013 et 2014, soit 56 872 euros en droits et 29 691 euros en pénalités, faisant ainsi droit aux prétentions de la requérante, par la prise en compte de la régularisation d'une erreur d'écriture comptable ayant fait apparaître un passif injustifié au 31 décembre 2013. Par suite il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête à hauteur du montant du dégrèvement ainsi accordé par l'administration.

3. En outre, les moyens tirés de l'irrégularité du jugement, du bien-fondé de l'imposition, qui portaient uniquement sur ce chef de redressement, ainsi que de la contestation de la majoration de 40 % à hauteur de 29 691 euros, sont devenus sans objet.

Sur le surplus des conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne la procédure :

4. Aux termes du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " (...) / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ".

5. Sont opposables à l'administration, dans les conditions prévues par le second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008, les instructions ou circulaires publiées relatives à l'assiette ou au recouvrement de l'impôt, ainsi que celles relatives au bien-fondé ou au recouvrement des pénalités fiscales, mais non celles relatives à la procédure d'établissement de l'impôt, ni celles relatives à la procédure d'établissement des pénalités fiscales. Dès lors que l'avis de mise en recouvrement est l'acte par lequel l'administration établit sa créance sur le contribuable et rend celle-ci exigible, sans pour autant constituer un acte de poursuite, une instruction portant sur les mentions devant figurer sur l'avis de mise en recouvrement est relative à la procédure d'établissement de l'impôt ou des pénalités fiscales, et non au recouvrement de l'impôt.

Par suite, une telle instruction ne peut être opposée par le contribuable à l'administration sur le fondement du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

6. La contribuable conteste la régularité de l'avis de mise en recouvrement émis le 31 octobre 2017, au motif de son insuffisante motivation dès lors qu'il ne comporte aucune référence au code général des impôts permettant d'identifier la base légale des sommes mises à sa charge, en se prévalant de la doctrine administrative référencée BOI-REC-PREA-10-10-20 mentionnée dans l'avis.

7. Cependant, cette instruction étant relative à la procédure d'établissement de l'impôt ou des pénalités fiscales, et non au recouvrement de l'impôt, la société DIF ne peut utilement l'opposer à l'administration pour critiquer la procédure de recouvrement. Au demeurant, l'avis de mise en recouvrement contesté comporte l'ensemble des mentions exigées par l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales

En ce qui concerne les pénalités :

8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, (...) la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration ". Aux termes de l'article L. 80 D dudit livre, dans sa version applicable : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens des articles L. 211-2 à L. 211-7 du code des relations entre le public et l'administration, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable / Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations ". Aux termes de l'article L. 80 E du même livre, dans sa version applicable : " La décision d'appliquer les majorations et amendes prévues aux articles 1729, 1732 et 1735 ter du code général des impôts est prise par un agent de catégorie A détenant au moins un grade fixé par décret qui vise à cet effet le document comportant la motivation des pénalités ".

9. En premier lieu, il résulte de la proposition de rectification adressée à la société que l'administration a régulièrement porté à sa connaissance la faculté qui lui était offerte de présenter des observations sur les majorations appliquées dans les trente jours. Par suite, la requérante ne peut utilement soutenir que la sanction aurait été prononcée avant l'expiration de ce délai, celui-ci débutant à compter de la réception de la proposition de rectifications motivant les majorations en cause. Le moyen tiré d'une violation de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales ne peut qu'être écarté.

10. En deuxième lieu, conformément aux dispositions de l'article L. 80 E du même livre, l'application de la majoration de 40 % a été régulièrement visée par le chef de brigade, qui détenait le grade requis pour prendre cette décision.

11. En dernier lieu, en relevant que la SCI DIF avait commis des insuffisances déclaratives nombreuses et répétées sur plusieurs exercices et qu'elle n'avait pas comptabilisé les loyers d'un logement lui appartenant occupé par le fils d'un autre associé, l'administration, qui l'a par ailleurs dégrevée des pénalités liées à un passif dont l'inscription a été justifiée, doit être regardée comme ayant apporté la preuve de manquements délibérés commis afin d'éluder l'impôt.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI DIF n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Réunion a rejeté le surplus de ses conclusions.

Sur les frais de l'instance :

13. L'État n'étant pas partie perdante, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la SCI DIF relatives aux frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la SCI DIF à hauteur du montant du dégrèvement accordé par l'administration en cours d'instance.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la SCI DIF est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière DIF, ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de la relance. Copie en sera adressée au directeur de contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 7 avril 2022 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 mai 2022.

La rapporteure,

Florence B...

Le président,

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 20BX02983


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 20BX02983
Date de la décision : 19/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-01 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Liquidation de la taxe. - Base d'imposition.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : ERNST et YOUNG, SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 31/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-05-19;20bx02983 ?
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