Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler, par une requête enregistrée sous le n° 2005442, la décision implicite du 5 septembre 2020 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, et, par une requête enregistrée sous le n° 2006676, l'arrêté du 23 novembre 2020 par lequel le même préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Par un jugement n° 2005442, 2006676 du 21 septembre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête enregistrée sous le n° 2005442 et a rejeté la requête enregistrée sous le n° 2006676.
Procédure devant la cour :
Par requête enregistrée le 25 octobre 2021, M. D..., représenté par Me Cohen-Tapia, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 septembre 2021 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 23 novembre 2020 ;
3°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer l'un des titres de séjour sollicités à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat ses frais de plaidoirie prévus à l'article L. 723-3 du code de la sécurité sociale.
Il soutient que :
- le premier juge a entaché son jugement d'une erreur manifeste d'appréciation et a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- l'arrêté dans son ensemble méconnait les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences que la décision emporte sur sa situation personnelle ;
- il méconnait les stipulations des articles 3-1 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sont insuffisamment motivées et révèlent que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- ces décisions ont été prises en méconnaissance du principe du contradictoire ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale ;
- la décision portant fixation du pays de renvoi est insuffisamment motivée et révèle que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation compte tenu des risques qu'il encourt en cas de retour dans son pays d'origine ;
- elle est privée de base légale ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an est privée de base légale.
Par un mémoire enregistré le 14 février 2022, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête de M. D....
Il soutient que :
- la requête est irrecevable en raison de sa tardiveté ;
- aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Par décision du 25 novembre 2021, M. D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme B... A....
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant guinéen né le 11 juin 1986 à Conakry (Guinée), déclare être entré sur le territoire français le 17 juin 2017. Par décision du 20 septembre 2018, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile, ce rejet ayant été confirmé par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 11 juillet 2019. Par arrêté du 14 octobre 2019, le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. La légalité de cet arrêté a été admise par un jugement du tribunal administratif de Toulouse du 31 décembre 2019 qui a été confirmé par une ordonnance de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 20 août 2020. M. D... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour par une demande du 5 mai 2020. Une décision implicite de rejet est née le 5 septembre 2020 du silence gardé par l'autorité préfectorale sur cette demande. Par un arrêté du 23 novembre 2020, le préfet de la Haute-Garonne a retiré cette décision implicite de rejet, a refusé de délivrer un titre de séjour à M. D..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. D... doit être regardé comme relevant appel du jugement du 21 septembre 2021 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2021/023946 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux du 25 novembre 2021. Par suite, ses conclusions tendant à obtenir l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont devenues sans objet. Il n'y a pas lieu de statuer sur ces conclusions.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. A supposer que l'appelant ait entendu contester la régularité du jugement attaqué en soutenant que le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation, ces circonstances relèvent du bien-fondé du jugement et non de sa régularité.
Sur la légalité de l'arrêté du 23 novembre 2020 :
4. En premier lieu, M. D... persiste à soutenir en appel que les décisions contestées, contenues dans l'arrêté en litige, sont insuffisamment motivées. Toutefois, ainsi que l'a pertinemment jugé le tribunal, les décisions litigieuses mentionnent de manière suffisamment précise les motifs de fait et de droit qui les fondent. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de ces décisions doit être écarté.
5. En deuxième lieu, si M. D... fait valoir que les décisions en litige, contenues dans l'arrêté attaqué, révèlent un défaut d'examen de sa situation personnelle dès lors que la naissance de son enfant n'est pas mentionnée par le préfet, il ressort des pièces du dossier que cet évènement est intervenu postérieurement aux décisions contestées. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de sa situation doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant stipule que : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions politiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
7. Dans le cas où une enfant ou une adolescente mineure s'est vue reconnaître la qualité de réfugiée en raison de son appartenance à un groupe social d'enfants ou adolescentes non mutilées et des risques de mutilations sexuelles féminines qu'elle encourt personnellement, les exigences résultant du droit de mener une vie familiale normale résultant du dixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant le droit au respect de la vie privée et familiale et des articles 3 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant impliquent que les parents de la réfugiée mineure puissent, en principe, régulièrement séjourner en France avec elle.
8. Il ressort des pièces du dossier que la qualité de réfugiée a été reconnue, par une décision de l'OFPRA du 21 juillet 2021, à la fille mineure de M. D.... Toutefois, l'appelant ne saurait utilement se prévaloir ni de la naissance de cet enfant le 18 février 2021, ni de la reconnaissance de la qualité de réfugiée dont cette dernière a bénéficié, ces circonstances étant postérieures à l'arrêté en litige. Au demeurant, M. D..., qui n'établit, par les pièces qu'il produit, ni vivre avec sa fille et la mère de cette dernière ni développer des attaches avec son enfant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué porte au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et qu'il méconnait dès lors les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'il aurait été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Pour les mêmes motifs, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L.313-11, de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
9. En quatrième lieu, les stipulations de l'article 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant qui créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux particuliers ne peuvent pas être utilement invoquées.
10. En cinquième lieu, M. D... reprend, dans des termes similaires et sans critique utile du jugement, l'ensemble des autres moyens invoqués en première instance visés ci-dessus. Il n'apporte aucun élément de droit ou de fait nouveau, ni aucune nouvelle pièce à l'appui de ces moyens auxquels le tribunal a pertinemment répondu. Il y a lieu, dès lors, de les écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 23 novembre 2020. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction, celles tendant au remboursement des droits de plaidoirie prévus par l'article L. 723-3 du code de la sécurité sociale, lesquels ne sont pas au nombre des dépens énumérés par les dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. D... tendant à son admission à l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Les conclusions de la requête de M. D... sont rejetées pour le surplus.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur. Copie sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Karine Butéri, présidente,
M. Olivier Cotte, premier conseiller,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 mai 2022.
L'assesseur le plus ancien
dans l'ordre du tableau,
Olivier Cotte
La présidente-rapporteure,
Karine A...
La présidente-rapporteure,
Karine A...
La greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX04092