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04/05/2022 | FRANCE | N°19BX04783

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 04 mai 2022, 19BX04783


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de La Réunion de le décharger de l'obligation de payer la somme de 35 871,50 euros mise à sa charge par le titre de perception émis par la commune de Saint-André le 12 décembre 2016 et d'annuler la décision du 16 mars 2017 rejetant son recours gracieux formé contre ce titre

Par un jugement n° 1700421 du 11 octobre 2019, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mém

oire, enregistrés les 10 décembre 2019 et 9 mars 2020, M. C..., représenté par le cabinet Matuc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de La Réunion de le décharger de l'obligation de payer la somme de 35 871,50 euros mise à sa charge par le titre de perception émis par la commune de Saint-André le 12 décembre 2016 et d'annuler la décision du 16 mars 2017 rejetant son recours gracieux formé contre ce titre

Par un jugement n° 1700421 du 11 octobre 2019, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 décembre 2019 et 9 mars 2020, M. C..., représenté par le cabinet Matuchansky-Poupot-Valdelièvre (SCP), demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 11 octobre 2019 ;

2°) d'annuler le titre exécutoire du 12 décembre 2016, ainsi que la décision du 16 mars 2017 rejetant son recours gracieux ;

3°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 35 871,50 euros résultant du titre exécutoire ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-André la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il a procédé à une substitution d'office du motif tiré de l'absence d'intérêt communal des dépenses litigieuses à celui invoqué par la commune, tiré de la décision du Conseil constitutionnel qui a jugé que ces dépenses constituaient un don prohibé par une personne morale à un candidat ;

- il est également entaché d'une insuffisance de motivation en ce qu'il n'a pas répondu à l'argumentation selon laquelle les décisions rendues par la commission nationale des comptes de campagne et le Conseil constitutionnel sur le fondement du code électoral ne pouvaient servir de fondement à une demande de remboursement des sommes litigieuses ;

- le principe d'indépendance des législations fait obstacle à ce que soit remis en cause l'intérêt communal à exposer ces dépenses sur le fondement de la décision du Conseil constitutionnel rendue en matière électorale ;

- à titre subsidiaire, à supposer que la dépense soit regardée comme un avantage financier dont il aurait personnellement bénéficié, une telle décision ne pouvait être retirée plus de quatre mois après son édiction ; c'est à tort que le jugement a écarté ce moyen comme inopérant ;

- la créance était de toute façon prescrite, le point de départ du délai de prescription étant la date à laquelle la commune a décidé la réalisation du bulletin municipal et non la date à laquelle elle a eu connaissance du caractère illégal de l'avantage consenti.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 juin 2020, la commune de Saint-André, représentée par le cabinet GMR avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. C... la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. C... n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D... B...,

- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public,

- et les observations de Me Lesaint, représentant M. C..., et de Me Perriez, représentant la commune de Saint-André.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., maire de la commune de Saint-André (La Réunion), s'est présenté aux élections législatives des 10 et 17 juin 2012. Par décision du 11 février 2013, la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a rejeté son compte de campagne pour avoir bénéficié d'un don prohibé par une personne morale, en l'occurrence la commune, pour la prise en charge des coûts de conception, réalisation, impression et distribution du bulletin municipal hors-série de décembre 2011 regardé comme document électoral. Par décision du 12 avril 2013, le Conseil constitutionnel a déclaré en conséquence M. C... inéligible pour une durée d'un an. Le 12 décembre 2016, la commune de Saint-André a émis un titre exécutoire pour obtenir de M. C... le remboursement des sommes correspondantes, pour un montant de 35 871,50 euros. M. C... a saisi le tribunal administratif de La Réunion pour obtenir l'annulation de ce titre exécutoire et de la décision du 16 mars 2017 rejetant son recours gracieux, et la décharge de l'obligation de payer la somme en litige. Par jugement du 11 octobre 2019 dont M. C... relève appel, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté ses demandes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, pour écarter le moyen tiré du principe de l'indépendance des législations, les premiers juges ont, après avoir cité les dispositions des articles L. 52-8, L. 52-15 et le deuxième alinéa de l'article LO 136-1 du même code, rappelé que par décision du 12 avril 2013, le Conseil constitutionnel saisi par la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques avait déclaré M. C... inéligible pour une durée d'un an au motif qu'il avait bénéficié, après le premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel avait lieu le premier tour des élections législatives de 2012, de la prise en charge par la commune de Saint-André de la réalisation et de la diffusion d'un numéro hors-série du bulletin municipal de la commune exclusivement consacré à la présentation détaillée et flatteuse des différentes actions qu'il a menées en qualité de maire de la commune depuis le début de son mandat et qu'il avait ainsi bénéficié d'un avantage consenti par une personne morale de nature à entacher d'irrégularité son compte de campagne. Ils en ont déduit que la commune avait pu légalement estimer que cette dépense ne présentait pas un intérêt communal et, par suite, en exiger le remboursement.

3. Contrairement à ce que soutient le requérant, le motif tiré du défaut d'intérêt communal de la dépense exposée n'a pas été substitué d'office par les premiers juges à celui tiré de ce qu'il avait bénéficié d'un don prohibé par une personne morale à un candidat, mais figurait tant dans la décision rejetant le recours gracieux de M. C... que dans les écritures de première instance de la commune. Dès lors, les premiers juges, saisis d'un litige de plein contentieux et non d'excès de pouvoir, n'ont pas procédé à une substitution de motifs qui n'était pas demandée sans la soumettre au principe du contradictoire. Par suite, le jugement attaqué n'est pas sur ce point irrégulier.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". En estimant que la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 12 avril 2013, sur la saisine de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, permettait de considérer que la dépense de réalisation du bulletin municipal ne présentait par un intérêt communal et que la commune pouvait exiger le remboursement de la somme exposée à ce titre, les premiers juges ont nécessairement écarté l'argumentation de M. C... selon laquelle cette décision ne pouvait servir de fondement à la demande de remboursement. Par suite, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait irrégulier car insuffisamment motivé.

Sur le bien-fondé du titre exécutoire :

5. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code général des collectivités territoriales : " Les communes, les départements et les régions règlent par leurs délibérations les affaires de leur compétence. (...) ". Aux termes de l'article L. 2121-29 du même code : " Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune. (...) ".

6. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, pour demander à M. C... le remboursement des dépenses exposées pour la réalisation et la diffusion du numéro hors-série du bulletin municipal consacré à un bilan de mi-mandat, la commune de Saint-André s'est fondée sur l'absence d'intérêt public local des dépenses engagées pour la réalisation d'un bulletin municipal exclusivement consacré à la présentation détaillée et flatteuse des actions du maire candidat aux élections législatives, et non sur les dispositions du code électoral ou sur la déclaration d'inéligibilité prononcée par le Conseil constitutionnel dont la décision n'a servi que de référence à la qualification juridique des faits opérée. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la commune aurait méconnu le principe d'indépendance des législations en fondant sa demande de remboursement sur les dispositions du code électoral appliquées par le Conseil constitutionnel saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

7. En deuxième lieu, si l'article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales prévoit la possibilité qu'un bulletin municipal soit édité par la commune pour présenter la politique de l'équipe municipale, en réservant un espace aux élus n'appartenant pas à la majorité, le numéro hors-série du bulletin municipal financé par la commune de Saint-André est relatif à la promotion personnelle et exclusive de son maire à l'approche d'élections à laquelle ce dernier s'est porté candidat. Dans les circonstances de l'espèce, cette publication ne présentait pas un intérêt communal. L'existence d'une ordonnance de non-lieu du 6 août 2019, confirmée par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion le 28 janvier 2020 ayant à se prononcer sur des faits de détournement de fonds publics, prise illégale d'intérêts et acceptation par un candidat en campagne électorale de don d'une personne morale, dépourvue de l'autorité de la chose jugée, n'est pas de nature à remettre en cause cette appréciation. Par suite, le financement de la publication litigieuse ne relève pas des dépenses présentant un caractère communal.

8. En troisième lieu, M. C... reprend en appel le moyen qu'il avait invoqué en première instance et tiré de ce que le titre exécutoire litigieux retire illégalement, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration, la décision de la commune lui ayant accordé un avantage financier. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption du motif retenu par le tribunal administratif de La Réunion.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article 2224 du code civil : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ".

10. La commune de Saint-André n'a eu connaissance de la créance qu'elle détenait sur M. C... qu'à compter de la décision du Conseil constitutionnel du 12 avril 2013 le déclarant inéligible en raison de l'avantage illégal dont il avait bénéficié. M. C... n'est ainsi pas fondé à soutenir que le point de départ de ce délai devrait être fixé à la date d'engagement de la dépense tendant à la réalisation du bulletin municipal en septembre 2011. Par suite, le 12 décembre 2016, date à laquelle le titre exécutoire a été émis, la créance de la commune de Saint-André n'était pas prescrite.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre exécutoire émis le 12 décembre 2016 et de la décision du 16 mars 2017 rejetant son recours gracieux, ainsi qu'à la décharge de l'obligation de payer la somme correspondante.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-André, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. C... la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Saint-André au même titre.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : M. C... versera à la commune de Saint-André la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la commune de Saint-André.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Karine Butéri, présidente,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Mme Caroline Gaillard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 mai 2022.

Le rapporteur,

Olivier B...

La présidente,

Karine Butéri

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au préfet de la Réunion en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19BX04783


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04783
Date de la décision : 04/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BUTERI
Rapporteur ?: M. Olivier COTTE
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : GMR AVOCATS GRANGE-MARTIN-RAMDENIE

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-05-04;19bx04783 ?
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