Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 11 décembre 2017 par lequel le maire de Saint-Pierre a accordé à la société civile immobilière (SCI) Matis un permis de construire pour la réalisation d'un immeuble comprenant six logements situé rue de l'église à Ravine des Cabris à Saint-Pierre ainsi que la décision implicite par laquelle le maire de Saint-Pierre a refusé de retirer ce permis.
Par un jugement n° 1800541 du 17 décembre 2020, le tribunal administratif de La Réunion a annulé ces deux décisions.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 mars 2021, la SCI Matis, représentée par Me Girard, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 17 décembre 2020 ;
2°) de lui accorder un délai de trois mois pour lui permettre de transmettre un permis de construire modificatif ;
3°) de mettre à la charge de Mme A... les entiers dépens ainsi qu'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'elle a procédé au dépôt d'une demande de permis de construire modificatif, transmise au tribunal par une note en délibéré du 8 décembre 2020, et que les premiers juges auraient dû renvoyer l'affaire et rouvrir l'instruction pour lui permettre de produire ultérieurement l'autorisation d'urbanisme modificative.
Par un mémoire, enregistré le 7 mai 2021, Mme A... conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SCI Matis d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la SCI Matis pouvait déposer une demande de permis de construire modificatif avant la clôture de l'instruction ; si la société soutient avoir déposé une demande de délivrance de permis de construire modificatif le 2 décembre 2020, elle ne concernait ni la dimension de l'impluvium, ni la situation du parc de stationnement, ni l'absence de perméabilité des places de stationnement ; le tribunal n'était donc pas tenu de rouvrir l'instruction.
Par un mémoire, enregistré le 3 août 2021, la commune de Saint-Pierre, représentée par Me Doulouma, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SCI Matis d'une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le permis de construire modificatif n'a pas été produit dans le délai fixé par le jugement avant-dire droit, délai qui comprenait le dépôt de la demande, l'instruction par les services de la commune et la délivrance du permis de construire modificatif régularisant les vices ; la SCI Matis n'était pas empêchée de déposer une demande de permis de construire modificatif dans le délai imparti par le jugement avant dire droit et il n'est pas démontré que le formulaire Cerfa était susceptible d'avoir une influence sur le jugement de l'affaire ; les premiers juges n'étaient donc pas tenus de rouvrir l'instruction ; en tout état de cause, la demande de permis de construire modificatif ne régularisait pas tous les vices.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Nathalie Gay ;
- et les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI Matis a déposé le 2 octobre 2017, une demande de permis de construire complétée le 2 novembre 2017, pour la réalisation d'un immeuble comprenant six logements situé rue de l'Eglise à Ravine des Cabris à Saint-Pierre, sur les parcelles cadastrées HV 651 et 652. Par un arrêté du 11 décembre 2017, le maire de Saint-Pierre a accordé le permis de construire sollicité. Par une lettre reçue en mairie le 12 février 2018, Mme A..., propriétaire de la parcelle voisine du terrain d'assiette du projet, a demandé au maire de Saint-Pierre de retirer ce permis de construire. En l'absence de réponse explicite du maire, elle a saisi le tribunal administratif de La Réunion d'une demande tendant à l'annulation du permis de construire du 11 décembre 2017 et de la décision implicite rejetant sa demande de retrait dudit permis. A la suite d'un jugement avant-dire droit du 17 juin 2020, le tribunal administratif de La Réunion a, par un jugement du 17 décembre 2020, annulé l'arrêté du 11 décembre 2017 et la décision implicite par laquelle le maire a refusé de retirer ce permis de construire. La SCI Matis relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. Devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.
3. Lorsqu'un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci assure les respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial.
4. Si la production après la clôture de l'instruction, notamment par une note en délibéré, d'un tel permis modificatif délivré à une date telle que la partie qui l'invoque n'était pas en mesure d'en faire état avant la clôture de l'instruction et valant mesure de régularisation du permis de construire attaqué, doit être regardée comme une circonstance nouvelle susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, dont le juge doit tenir compte à peine d'irrégularité de sa décision, il n'en est pas de même de toute production d'un mémoire faisant état de ce qu'une demande de permis modificatif, ayant pour objet de régulariser le permis attaqué, a été déposée auprès de l'autorité compétente, en particulier lorsque celle-ci n'est pas de nature à régulariser le permis de construire initial.
5. Il ressort des pièces du dossier que, par le jugement avant dire droit du 17 juin 2020, les premiers juges ont retenu les moyens tirés de la méconnaissance des articles 10.1 et 10.2 du plan de prévention des risques naturels et des articles U2 4.3 et U2 11.2 du plan local d'urbanisme et ont laissé à la SCI Matis un délai de trois mois à compter de la notification du jugement afin de notifier au tribunal un permis de construire modificatif régularisant les vices. Alors que la mise à disposition du jugement à l'avocat de la SCI Matis a eu lieu le 17 juin 2020, cette dernière n'a rien produit avant la clôture de l'instruction intervenue trois jours avant l'audience du 23 novembre 2020 ainsi que le précisait l'avis d'audience mis à disposition le 12 novembre 2020. Postérieurement à l'audience du 23 novembre 2020, la SCI Matis a communiqué, le 8 décembre 2020, une note en délibéré à laquelle étaient joints une demande de permis de construire modificatif portant sur la " modification % pente de la toiture " et la " localisation des impluviums " et son justificatif de dépôt en date du 2 décembre 2020. Si le dépôt de cette demande constituait une circonstance nouvelle, la SCI Matis aurait pu procéder à cette démarche avant la clôture de l'instruction et, au demeurant, cette demande de permis de construire n'était pas susceptible d'exercer une influence sur le jugement du litige dès lors qu'elle ne permettait pas de régulariser tous les vices du permis de construire initial. Ainsi, la SCI Matis n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges étaient tenus de rouvrir l'instruction à la suite de la réception de cette note en délibéré. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.
6. Il résulte de ce qui précède que la SCI Matis n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a annulé l'arrêté du 11 décembre 2017 par lequel le maire de Saint-Pierre lui a accordé un permis de construire pour la réalisation d'un immeuble comprenant six logements situé rue de l'église à Ravine des Cabris à Saint-Pierre ainsi que la décision implicite rejetant sa demande de retrait de ce permis.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre de ces dispositions. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SCI Matis le versement à Mme A... et à la commune de Saint-Pierre d'une somme de 1 500 euros chacune sur le fondement de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SCI Matis est rejetée.
Article 2 : La SCI Matis versera à Mme A... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La SCI Matis versera à la commune de Saint-Pierre une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Matis, à Mme B... A... et à la commune de Saint-Pierre.
Délibéré après l'audience du 22 mars 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Brigitte Phémolant, présidente,
Mme Nathalie Gay, première conseillère,
Mme Laury Michel, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 avril 2022.
La rapporteure,
Nathalie GayLa présidente,
Brigitte Phémolant
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au préfet de La Réunion en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 21BX01158 2