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07/04/2022 | FRANCE | N°20BX03830

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 07 avril 2022, 20BX03830


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Trans'Cub, M. D... B..., M. F... C... et M. A... E... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler les délibérations du conseil de la communauté urbaine de Bordeaux du 8 juillet 2011 et du 21 décembre 2012 ainsi que la décision du président de la communauté urbaine de Bordeaux du 18 avril 2013 refusant de retirer ces délibérations, d'autre part, de constater l'illégalité des clauses tarifaires prévues dans les délibérations de la communauté urbaine de Bordea

ux du 22 décembre 2006 et du 10 juillet 2009.

Par un jugement n° 1302295 du 9...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Trans'Cub, M. D... B..., M. F... C... et M. A... E... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler les délibérations du conseil de la communauté urbaine de Bordeaux du 8 juillet 2011 et du 21 décembre 2012 ainsi que la décision du président de la communauté urbaine de Bordeaux du 18 avril 2013 refusant de retirer ces délibérations, d'autre part, de constater l'illégalité des clauses tarifaires prévues dans les délibérations de la communauté urbaine de Bordeaux du 22 décembre 2006 et du 10 juillet 2009.

Par un jugement n° 1302295 du 9 mai 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a

rejeté leur demande.

Par une requête et des mémoires, présentés le 12 juillet 2016 et les 15 janvier, 29 mars, 23 avril et 28 juin 2018, l'association Trans'Cub, M. D... B..., M. F... C... et M. A... E..., représentés par Me Carbonnier, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 9 mai 2016;

2°) de faire droit à leur demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de la communauté urbaine de Bordeaux la somme de

5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur requête est recevable, dès lors que l'association est agréée en tant qu'association de défense des consommateurs et que les requérants personnes physiques sont usagers contribuables de la CUB ;

- ils ont intérêt à agir car la baisse du prix de l'eau est bien moindre que celle annoncée par la CUB ; le prix de l'eau demeure trop élevé jusqu'au terme du contrat de délégation ;

S'agissant des délibérations du 22 décembre 2006 et du 10 juillet 2009 :

- elles sont illégales en raison de l'absence de consultation du directeur régional des finances publiques prévue par l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales ; il appartenait également à la communauté urbaine de Bordeaux de communiquer les conclusions de l'avis du directeur aux membres du conseil communautaire ;

- la forte augmentation des investissements à la charge du délégataire, qui constitue une modification substantielle d'un élément essentiel de la convention, ne pouvait être décidée par avenant ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que les deux délibérations ne

sont pas des actes réglementaires abrogeables en application de l'article 16-1 de la loi du

12 avril 2000, dès lors que l'avenant n° 7 procède à la refonte d'une grande partie du traité de

concession qui a des incidences sur l'organisation et le fonctionnement du service délégué ; de plus, les délibérations des collectivités locales sont par nature des actes réglementaires

abrogeables ;

S'agissant de la délibération du 21 décembre 2012,

- son illégalité résulte de l'illégalité des délibérations du 22 décembre 2006 et du

10 juillet 2009 ;

- les premiers juges n'ont pas correctement interprété le contrat, entachant leur décision de cinq dénaturations ;

- la délibération n'est pas fondée sur l'amortissement économique du contrat de délégation et n'y fait aucune référence, et les premiers juges n'ont pas répondu à ce moyen ;

- la clause d'indemnisation ne saurait justifier un dépassement de la durée du contrat, contrairement à ce qu'on retenu les premiers juges ;

- aucune des conditions posées par l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales permettant de prolonger le contrat au-delà de vingt ans n'est remplie, dès lors que la prolongation n'est pas d'un an mais de sept ans, que le niveau d'investissement n'a quasiment pas augmenté et qu'une telle prolongation n'est possible que pour éviter une augmentation de prix manifestement excessive, qui n'est pas ici en cause ;

- l'information complète exigée par les articles L. 2121-12 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales sur la caducité du contrat a été insuffisante, notamment s'agissant du caractère exceptionnel de la prolongation du contrat au-delà de 20 ans, des conséquences pour les usagers de la rupture du contrat pour caducité et la nécessité d'une approche économique globale du contrat pour évaluer sa caducité ; de plus, les conclusions de l'examen fait par le DRFIP n'ont pas été jointes à la note explicative de synthèse ; l'avis n'a été communiqué que partiellement, la veille au soir, et la lecture partielle de l'avis en séance n'est pas suffisante, d'autant que l'avis émis était réservé ;

- il y a méconnaissance de l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales qui impose à la collectivité délégante de fixer la durée de la délégation de service public, et le DRFIP ne peut se substituer à la collectivité ; de plus, le texte exige la communication de cet avis avant la délibération ;

- le contrat ne pouvait être prorogé, dès lors, qu'à la date du 3 février 2015, son équilibre était déjà atteint ; l'exploitation avait permis au délégataire de récupérer les capitaux apportés pour contribuer au financement des investissements, l'exploitation dégageant même un excédent de trésorerie de 127,554 millions d'euros ; il y a une très forte rentabilité du contrat résultant du taux de rentabilité interne, ce que confirme le taux de marge ; d'ailleurs, les différents avenants conclus depuis 2006 ne font plus référence à des calculs de dotations aux amortissements, mais aux seuls flux de trésorerie ;

Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 décembre 2017 et les 29 mars et 28 juin 2018, Bordeaux Métropole, représentée par Me Givord, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des requérants le paiement de la somme de 9 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant de la recevabilité,

- les appelants se bornent à renvoyer aux conclusions qu'ils ont présentées devant les premiers juges, lesquelles sont irrecevables ; les conclusions tendant à ce que le juge constate l'illégalité des délibérations sont irrecevables et elles n'étaient pas étayées de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ;

- l'association n'a pas joint ses statuts et ne justifie pas de son intérêt à agir ; l'ensemble des requérants ne justifient pas non plus de leur intérêt à agir car les délibérations en litige ne lèsent pas leurs intérêts de façon suffisamment directe ;

- si les conclusions dirigées contre les délibérations du 22 décembre 2006 et du

10 juillet 2009 devaient être regardées comme tendant à leur annulation, elles seraient tardives dès lors que ces dernières ont été régulièrement affichées plus de deux mois avant la saisine du tribunal ; il en va de même de la délibération du 8 juillet 2011 ;

S'agissant du fond, les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un arrêt n° 16BX02303 du 18 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté la requête.

Par une décision n° 428156 du 20 novembre 2020, le Conseil d'État a annulé l'arrêt du 18 décembre 2018 en tant qu'il statue sur les conclusions dirigées contre la délibération du 21 décembre 2012 de la CUB et renvoyé dans cette mesure l'affaire à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Procédure devant la cour après cassation :

Par des mémoires, enregistrés les 25 janvier, 9 septembre et 7 octobre 2021, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. E..., l'association Trans'Cub, M. B... et M. C..., concluent à l'annulation de la délibération du 21 décembre 2012 et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de Bordeaux Métropole, par les mêmes moyens que ceux soulevés antérieurement.

Par des mémoires, enregistrés les 9 septembre et 11 octobre 2021, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, Bordeaux Métropole maintient ses conclusions tendant au rejet de la requête, par les mêmes moyens, et demande que soit mise à la charge de chacun des appelants la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du 10 septembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 11 octobre 2021.

M. E..., l'association Trans'Cub, M. B... et M. C... ont produit une note en délibéré, enregistrée le 7 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Frédérique Munoz-Pauziès,

- les conclusions de Mme Florence Madelaigue,

- et les observations de Me Lavaud, représentant M. E..., l'association Trans'Cub, M. B... et M. C..., et de Me Givord, représentant Bordeaux Métropole.

Considérant ce qui suit :

1. En 1991, la communauté urbaine de Bordeaux (CUB), devenue Bordeaux Métropole, a concédé le service public de l'eau à la société Lyonnaise des Eaux à compter du 1er janvier 1992 et pour une durée de trente ans, soit jusqu'au 31 décembre 2021. Par une délibération du 22 décembre 2006, le conseil de la CUB a approuvé un avenant n° 7, ayant pour objet d'augmenter les investissements à la charge du délégataire, et, par délibération du 10 juillet 2009, il a approuvé l'avenant n° 9, imposant au délégataire le remplacement sur le réseau de distribution des branchements en plomb et fixant une indemnité de retour tenant compte de l'absence d'amortissement total de ces travaux à l'échéance de la délégation de service public. Par délibération du 8 juillet 2011, le conseil communautaire a adopté une délibération approuvant notamment la création de postes à pourvoir en prévision de la reprise du service en régie. Enfin, par avenant n° 9, les parties ont décidé de la modification de certains tarifs, prévu les modalités de transition vers une reprise en régie du service public et maintenu le terme de la délégation à l'échéance prévue initialement, le 31 décembre 2021. Par une délibération du 21 décembre 2012, le conseil communautaire de la CUB a adopté les nouveaux tarifs, approuvé le projet d'avenant n° 9 et autorisé le président de la CUB à le signer.

2. L'association Trans'Cub et MM. B..., C... et E... ont saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à l'annulation d'une part, des délibérations des 8 juillet 2011 et 21 décembre 2012 et, d'autre part, de la décision du président de la CUB du 18 avril 2013 refusant de retirer ces délibérations ainsi que celles des 22 décembre 2006 et 10 juillet 2009. Le tribunal administratif a rejeté leur demande, le 9 mai 2016, et, par un arrêt du 18 décembre 2018, la cour a rejeté l'appel formé contre ce jugement.

3. Par une décision du 20 novembre 2020, le Conseil d'État a annulé l'arrêt du 18 décembre 2018 en tant qu'il statue sur les conclusions dirigées contre la délibération du 21 décembre 2012 et renvoyé dans cette mesure l'affaire à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Sur le désistement :

4. Si les requérants ont en cours de procédure affirmé abandonner leurs demandes " sur les périodes antérieures au 3 février 2015 ", ils n'ont jamais entendu, contrairement à ce que soutient Bordeaux Métropole, se désister de leur requête et de leurs conclusions tendant à l'annulation de la délibération du 21 décembre 2012. Par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit donné acte de leur désistement doivent être rejetées.

Sur la recevabilité de la demande portée devant les premiers juges :

5. Si, s'agissant des contrats et avenants conclus antérieurement à la décision n° 358994 du 4 avril 2014 du Conseil d'État statuant au contentieux, des tiers peuvent poursuivre l'annulation des actes détachables d'un contrat, la recevabilité d'un tel recours est subordonnée à la condition que les stipulations du contrat en cause soient de nature à les léser dans leurs intérêts de façon suffisamment directe et certaine. Les usagers du service public de l'eau n'ont, en cette seule qualité, intérêt à contester un contrat ou un avenant conclu par la personne publique responsable du service que si, en l'absence d'effet sur l'organisation ou le fonctionnement de ce service public, il a eu pour effet de les léser en accroissant les tarifs de l'eau.

6. Pour demander l'annulation de la délibération du 21 décembre 2012 par laquelle le conseil communautaire a approuvé le projet d'avenant n° 9 à la concession du service public de l'eau, décidant de la modification de certains tarifs, des modalités de transition vers une reprise en régie du service public et maintenant le terme de la délégation à l'échéance prévue initialement, soit le 31 décembre 2021, l'association Trans'Cub se prévaut de l'arrêté du préfet de la Gironde du 13 décembre 2015 lui reconnaissant la qualité d'association agréée de consommateurs en vertu de l'article L. 421-1 du code de la consommation dans sa rédaction alors en vigueur. Toutefois, l'avenant n° 9 approuvé par la délibération du 21 décembre 2012 litigieuse, qui n'affecte pas l'organisation ou le fonctionnement du service public, et n'entraîne aucune augmentation des tarifs payés par les usagers du service public de l'eau, n'a pas eu pour effet de léser les usagers dans leurs intérêts.

7. De même, MM. B..., C... et E... se prévalent de leur qualité d'usagers du service public de l'eau, et font valoir que la délibération du 21 décembre 2012 fixe un tarif de l'eau trop élevé au regard des bénéfices qu'elle assure au concessionnaire. Toutefois, en l'absence d'augmentation de ces tarifs, et alors même qu'il ressort au contraire des pièces du dossier, comme le reconnaissent au demeurant les requérants, que l'avenant n° 9 prévoit une baisse du prix de l'eau, cet avenant n'a pas eu pour effet de les léser dans leurs intérêts de façon suffisamment directe et certaine. Enfin, les requérants, qui se prévalent également de leur qualité de contribuables locaux, n'allèguent pas que la délibération litigieuse aurait des conséquences significatives sur les finances de la CUB.

8. Par suite, Bordeaux Métropole est fondée à soutenir que l'association Trans'Cub et MM. B..., C... et E... n'avaient pas intérêt à demander l'annulation de la délibération du 21 décembre 2012, et que leur demande portée devant les premiers juges était irrecevable.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération du 21 décembre 2012. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et de mettre à la charge de chacun d'eux la somme de 500 euros au titre de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'association Trans'Cub et MM. B..., C... et E... est rejetée.

Article 2 : L'association Trans'Cub et MM. B..., C... et E... verseront chacun la somme de 500 euros à Bordeaux Métropole au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Trans'Cub, à M. D... B..., à M. F... C..., à M. A... E... et à Bordeaux Métropole.

Délibéré après l'audience du 24 février 2022 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente assesseure,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 avril 2022.

La rapporteure,

Frédérique Munoz-PauzièsLe président

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne à la préfète de la Gironde en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX03830


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 20BX03830
Date de la décision : 07/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-01-04-01 Procédure. - Introduction de l'instance. - Intérêt pour agir. - Absence d'intérêt.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : CABINET ADDEN BORDEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-04-07;20bx03830 ?
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