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05/04/2022 | FRANCE | N°19BX04756

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 05 avril 2022, 19BX04756


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... et Mme D... B... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse, à titre principal, de prononcer la décharge, en droits, pénalités et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008, 2009 et 2010 ou, à titre subsidiaire, de prononcer la remise gracieuse de la majoration de 40 % prévue au b du 1 de l'article 1728 du code général des impôts.

Par un jugement n° 1701157 du 8

octobre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a déchargé M. et Mme B... A... l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... et Mme D... B... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse, à titre principal, de prononcer la décharge, en droits, pénalités et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008, 2009 et 2010 ou, à titre subsidiaire, de prononcer la remise gracieuse de la majoration de 40 % prévue au b du 1 de l'article 1728 du code général des impôts.

Par un jugement n° 1701157 du 8 octobre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a déchargé M. et Mme B... A... la pénalité de 10 % appliquée sur le fondement du I de l'article 1758 A du code général des impôts aux revenus fonciers de 2009 et a rejeté le surplus de leurs conclusions.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête, enregistrée le 5 décembre 2019, M. et Mme B..., représentés par Me Boubal, doivent être regardés comme demandant à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1701157 du tribunal administratif de Toulouse du 8 octobre 2019 en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à leurs conclusions aux fins de décharge ;

2°) de prononcer la décharge, en droits, pénalités et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008, 2009 et 2010 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

- la procédure d'imposition suivie à l'égard de l'EURL IB est irrégulière au regard des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dès lors que l'incidence des rectifications notifiées à cette société n'a pas été portée à leur connaissance, comme annoncé dans la proposition de rectification adressée à la société ;

- la procédure d'évaluation d'office suivie à l'encontre des sociétés BD, BD1 et BD2 dont ils sont associés et dont sont issus les rehaussements mis à leur charge n'est pas justifiée dès lors qu'un classeur contenant les justificatifs comptables de chaque poste des déclarations n° 2072 déposées par les sociétés a été présenté au service par M. B... et que la demande concernait les revenus fonciers réalisés par ces sociétés ; la circonstance que les sociétés ont présenté des pièces qui n'avaient pas été sollicitées par l'administration n'empêchait pas cette dernière de tenir compte des pièces qu'elle avait sollicitées ; ainsi, il ne saurait être considéré que les sociétés n'ont pas répondu aux demandes de justifications et d'éclaircissements sur les produits fonciers et les charges déduites qui leur ont été adressées ;

- la procédure d'évaluation d'office mise en œuvre à leur encontre n'est, ainsi, pas davantage justifiée en ce qui concerne les revenus qu'ils tirent des sociétés BD, BD1 et BD2 et qui constituent la part prépondérante des rectifications envisagées ;

- la demande d'éclaircissements et de justifications du 8 juin 2012 ainsi que la proposition de rectification adressées à la société BD ne leur ont pas été notifiées ;

- la remise en cause de la déduction des charges opérée par la SCI BD1 au motif que la société, propriétaire des locaux vacants, doit être regardée comme en ayant conservé la jouissance sans percevoir aucun loyer, n'est pas justifiée ;

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

- la remise en cause de la charge de 60 000 euros déduite par l'EURL IB au titre de l'année 2008 n'est pas justifiée dès lors qu'un bail à réhabilitation a été conclu par la société BD1 avec l'EURL IB concernant l'immeuble sis 9 rue Raymond IV à Toulouse ; la circonstance que ce bail n'entre pas dans le régime fixé par l'article L. 252-1 du code de la construction et de l'habitation n'interdit pas la conclusion d'un tel bail dès lors que les cocontractants n'ont pas sollicité les avantages liés audit régime ; l'indemnité de 60 000 euros due par l'EURL IB correspond à une indemnité justifiée et normale prévue par contrat, résultant de l'indisponibilité de l'immeuble pour la société BD1, sans que la circonstance que les travaux envisagés n'avaient pas débuté ne puisse s'opposer à son versement ; l'EURL IB avait l'intention de développer dans l'immeuble en litige une activité de résidence hôtelière qui ne s'est pas réalisée en raison de ses difficultés administratives et financières ainsi que de l'occupation illégale de l'immeuble, de sorte que la dépense de 60 000 euros résultant de la prise à bail des locaux appartenant à la société BD1 était une dépense nécessaire à l'acquisition du revenu et à l'activité para-hôtelière de cette société, au sens des dispositions des articles 38 et 93 du code général des impôts ;

- la réintégration des charges correspondant aux frais et aux intérêts d'emprunts acquittés par la société BD1 pour l'immeuble situé 9 rue Raymond IV au titre de années 2009 et 2010 au motif qu'elle devait être regardée comme en ayant conservé la jouissance n'est pas fondée dès lors qu'un bail à réhabilitation a été conclu par la société BD1 avec l'EURL IB et que l'absence de constatation de revenu locatif est imputable à des difficultés financières et administratives rencontrées par cette société qui, de ce fait, n'a pu s'acquitter de loyers ;

- la remise en cause, au titre des années 2009 et 2010, de la déductibilité des intérêts d'emprunt relatifs aux prêts souscrits par la société BD2 n'est pas justifiée au regard du tableau d'amortissement joint à leurs observations.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michaël Kauffmann,

- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL IB, dont Mme B... est l'unique associée, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des années 2008 et 2009. Par une proposition de rectification du 5 septembre 2011, l'administration a notifié à l'EURL IB des rectifications en matière d'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux au titre des années 2008 et 2009. Les conséquences de ces rectifications sur les revenus de M. et Mme B... imposables à l'impôt sur le revenu pour ces mêmes années leur ont été notifiées par proposition de rectification du 7 septembre 2011. Par ailleurs, les sociétés civiles immobilières (SCI) BD, BD1 et BD2, dont M. et Mme B... sont associés, ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces qui a donné lieu à des rehaussements en matière d'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus fonciers, notifiés le 20 août 2012. A la suite d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, les conséquences de ces rectifications au titre de leurs revenus fonciers soumis à l'impôt sur le revenu pour les années 2009 et 2010 leur ont été notifiées par une proposition de rectification du 21 août 2012. Par un jugement du 8 octobre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a déchargé M. et Mme B... A... la pénalité de 10 % appliquée sur le fondement du I de l'article 1758 A du code général des impôts aux revenus fonciers de 2009 et a rejeté le surplus de leurs conclusions tendant à la décharge, en droits, pénalités et majorations des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008, 2009 et 2010 ou, à titre subsidiaire, à la remise gracieuse de la majoration de 40 % prévue au b du 1 de l'article 1728 du code général des impôts. M. et Mme B... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à leurs conclusions tendant à la décharge des impositions litigieuses.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne la procédure suivie à l'égard de l'EURL IB :

2. Aux termes de l'article 8 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. (...) / Il en est de même, sous les mêmes conditions : / (...) / 4° De l'associé unique d'une société à responsabilité limitée lorsque cet associé est une personne physique ; (...) ". Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Enfin, aux termes de l'article L 53 du même livre : " En ce qui concerne les sociétés dont les associés sont personnellement soumis à l'impôt pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans la société, la procédure de vérification des déclarations déposées par la société est suivie entre l'administration des impôts et la société elle-même. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que c'est avec la société de personnes que l'administration fiscale doit engager la procédure de vérification des résultats sociaux régulièrement déclarés par cette société, au regard de la comptabilité qu'elle doit tenir en vertu de l'article 60 du code général des impôts. La proposition de rectification adressée à la société à l'issue de cette vérification implique directement certains effets pour l'imposition personnelle des associés, tels que l'interruption du délai de prescription à leur égard ou l'inversion de la charge de prouver le mal fondé des redressements auxquels la société aurait acquiescé. L'administration ne peut légalement mettre des suppléments d'imposition à la charge personnelle des associés sans leur avoir notifié, dans les conditions prévues à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, les corrections apportées aux déclarations qu'ils ont eux-mêmes souscrites, en motivant cette notification au moins par une référence aux rehaussements apportés aux bénéfices sociaux et par l'indication de la quote-part de ces bénéfices à raison de laquelle les intéressés seront imposés. Toutefois, dans le cas d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le gérant était l'unique associé, l'administration n'a pas à réitérer à son égard la notification précédemment adressée à la société.

4. Il est constant que l'administration fiscale a notifié à l'EURL IB les rehaussements qu'elle envisageait de mettre à sa charge par proposition de rectification du 5 septembre 2011. Il résulte de ce qui précède que l'administration n'avait aucune obligation de notifier à Mme B..., unique associée de l'EURL IB, ainsi qu'à son époux, les rehaussements résultant de la vérification de comptabilité de la société. En tout état de cause, il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 7 septembre 2011 adressée aux époux B... précisait en première page qu'elle comportait la copie de la proposition de rectification adressée à l'EURL IB. Le pli contenant ces documents a été notifié à l'adresse des contribuables et, en leur absence, a été réceptionné par leur fille. Ainsi, la proposition de rectification du 7 septembre 2011 ainsi que la copie de celle du 5 septembre 2011 adressée à l'EURL IB ont régulièrement été notifiées aux contribuables dans des conditions leur permettant de contester utilement les impositions mises à leur charge. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit être écarté.

En ce qui concerne la procédure suivie à l'égard des SCI BD, BD1 et BD2 :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. Elle peut, en outre, lui demander des justifications au sujet de sa situation et de ses charges de famille, des charges retranchées du revenu net global ou ouvrant droit à une réduction d'impôt sur le revenu en application des articles 156 et 199 septies du code général des impôts, ainsi que des avoirs ou revenus d'avoirs à l'étranger. / L'administration peut demander au contribuable des justifications sur tous les éléments servant de base à la détermination du revenu foncier tels qu'ils sont définis aux articles 28 à 33 quinquies du code général des impôts (...) ". Aux termes de l'article L. 73 du même livre : " Peuvent être évalués d'office : / (...) / 3° Les revenus fonciers des contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes de justifications mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 16. (...) ".

6. Il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration a demandé des justifications à un contribuable sur le fondement de l'article L. 16, elle est fondée à l'imposer d'office, sans mise en demeure préalable, à raison des sommes au sujet desquelles il s'est abstenu de répondre dans le délai requis ou n'a apporté que des réponses imprécises ou invérifiables, sans les assortir d'éléments de justification.

7. Il résulte de l'instruction que, par des courriers en date du 27 mars 2012, l'administration a adressé à Mme B..., gérante des SCI BD, BD1 et BD2, des demandes de justifications précises portant sur les éléments servant de base à la détermination des revenus fonciers déclarés par ces sociétés au titre des années 2009 et 2010. Si les requérants soutiennent que, le 19 juin 2012, M. B... s'est présenté auprès de l'accueil de la direction de contrôle fiscal et y a déposé un classeur contenant les pièces comptables des trois sociétés, l'administration fait valoir, sans être contredite, que ce dépôt n'était accompagné d'aucun courrier signé par Mme B... qui, en sa qualité de gérante desdites sociétés, était habilitée à les représenter ni d'aucun mandat habilitant M. B... à agir en leur nom et pour leur compte. Dès lors, en l'absence de réponse apportée par la gérante des sociétés ou par un mandataire expressément habilité pour ce faire, l'administration était fondée, en applications des dispositions précitées de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales, à procéder à l'évaluation d'office des revenus fonciers générés par ces sociétés.

8. En deuxième lieu, à l'appui du moyen tiré de ce que ni la demande d'éclaircissements et de justifications du 8 juin 2012 ni la proposition de rectification adressées à la SCI BD ne leur ont été notifiées, M. et Mme B... ne se prévalent devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.

9. En dernier lieu, si les appelants soutiennent que la remise en cause de la déduction des charges opérée par la SCI BD1 au motif que la société, propriétaire des locaux vacants, doit être regardée comme en ayant conservé la jouissance sans percevoir aucun loyer n'est pas justifiée, cette circonstance est seulement de nature à remettre en cause le bien-fondé des impositions et est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie par l'administration.

En ce qui concerne la procédure suivie à l'égard de M. et Mme B... :

10. Il résulte de l'instruction que, dans le cadre du contrôle à titre personnel des revenus fonciers déclarés par M. et Mme B..., l'administration leur a adressé, le 8 juin 2012, une demande d'éclaircissements ou de justifications relative à un déficit foncier antérieur d'un montant de 59 460 euros qui a été reporté par les contribuables sur leur déclaration de revenu n° 2044 de 2009 alors que ce déficit avait déjà fait l'objet d'un report, à hauteur de 58 266 euros, au titre de l'année 2008. Les requérants soutiennent que l'administration ne pouvait, comme elle l'a fait, estimer qu'en l'absence de réponse à cette demande, leurs revenus fonciers pouvaient faire l'objet d'une évaluation d'office dans la mesure où, le 19 juin 2012, M. B... a déposé auprès de l'accueil de la direction de contrôle fiscal un classeur contenant l'ensemble des pièces comptables des SCI BD, BD1 et BD2. Toutefois, il est constant que ces pièces comptables concernaient les années 2009 et 2010 alors que la demande d'éclaircissements ou de justifications portaient sur le report d'un déficit foncier né antérieurement à ces années. Par ailleurs, la seule communication de ces pièces comptables, sans autres éléments d'explication, n'était de nature à renseigner utilement l'administration ni sur les motifs qui ont conduit les contribuables à reporter sur deux années consécutives un déficit foncier antérieur quasiment similaire ni sur la détermination des revenus fonciers tirés par M. et Mme B... d'immeubles qu'ils détenaient en propre et non par l'intermédiaire desdites sociétés. Dès lors, en raison de l'imprécision de la réponse ainsi apportée par les contribuables, c'est à bon droit que l'administration, en application des dispositions citées au point 5 des articles L. 16 et L. 73 du livre des procédures fiscales, a procédé à l'évaluation d'office des revenus fonciers tirés des biens directement détenus par M. et Mme B... au titre de l'année 2009.

Sur le bien-fondé des impositions :

11. En premier lieu, aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

12. Il résulte de l'instruction que dans le cadre de la vérification de compatibilité de l'EURL IB portant sur les années 2008 et 2009, le service a été informé de la conclusion d'un bail dit " à réhabilitation " par lequel l'EURL IB s'est engagée à réaliser, à ses frais, des travaux de réhabilitation et d'aménagement d'un immeuble situé rue Raymond IV à Toulouse, propriété de la SCI BD1, avant de de procéder à sa location à usage d'habitation à caractère hôtelier. Aux termes de ce bail, l'EURL IB était tenue au versement initial d'un loyer unique de 62 314 euros couvrant la période des travaux, qui devaient se poursuivre jusqu'au quatrième trimestre de l'année 2010, puis au paiement mensuel d'un loyer de 5 000 euros à compter de l'achèvement des travaux. Le service a constaté que le loyer unique de 62 314 euros avait été versé en 2007 par l'EURL IB et qu'au titre de l'année 2008, une " redevance annuelle " d'un montant de 60 000 euros avait été comptabilisée en charge par l'EURL. Pour justifier de la déductibilité de cette charge, les requérants soutiennent que cette redevance annuelle correspond au droit à indemnisation auquel pouvait prétendre la SCI BDI en conséquence de l'indisponibilité de l'immeuble dont elle est propriétaire. Toutefois, alors que le versement de cette redevance n'était pas prévu dans le bail conclu entre l'EURL IB et la SCI BD1, M. et Mme B... échouent à démontrer l'existence d'une contrepartie pour l'EURL qui, aux termes du contrat, s'était d'ores et déjà engagée à verser un loyer initial d'un montant de 62 314 euros, de nature à compenser l'indisponibilité de l'immeuble pour la SCI BD1 pendant la durée des travaux, puis un loyer mensuel de 5 000 euros à compter de l'achèvement des travaux. Au demeurant, il est constant que la redevance dont s'agit n'a, en définitive, pas été versée par l'EURL IB à la SCI BDI et ne pouvait, dès lors, être comptabilisée en charge. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le service a réintégré aux résultats imposables de l'EURL IB le montant de cette redevance annuelle et a procédé aux rectifications correspondantes de l'impôt sur le revenu dû par M. et Mme B... au titre de l'année 2008 dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.

13. En deuxième lieu, aux termes aux termes du II de l'article 15 du code général des impôts : " Les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu. (...) ". Aux termes de l'article 28 du même code : " Le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété. ". Enfin, aux termes de l'article 31 du même code : " I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : / 1° Pour les propriétés urbaines : / d) Les intérêts de dettes contractées pour la conservation, l'acquisition, la construction, la réparation ou l'amélioration des propriétés (...) ".

14. Il résulte de ces dispositions que les charges afférentes aux logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne peuvent pas venir en déduction pour la détermination du revenu foncier compris dans le revenu global soumis à l'impôt sur le revenu. La réserve de jouissance est établie, notamment, par l'accomplissement ou non de diligences ayant pour objet de donner le bien en location. Il appartient donc au propriétaire d'apporter la preuve qu'il a offert à la location pendant l'année en cause le logement resté vacant au titre duquel il demande la déduction de charges foncières, et qu'il a pris toutes les dispositions nécessaires pour le louer.

15. L'administration fait valoir qu'au titre des années 2009 et 2010, la SCI BD1 doit être regardée comme s'étant réservée la jouissance de l'immeuble dont elle est propriétaire rue Raymond IV à Toulouse au motif que la société s'était privée de recettes foncières auxquelles elle pouvait prétendre et n'avait accompli aucune démarche pour s'informer des raisons justifiant l'absence de réalisation des travaux que l'EURL IB s'était engagée à réaliser aux termes du bail à réhabilitation conclu entre les deux sociétés, mentionné au point 12. Toutefois, il est constant que l'EURL IB a effectivement versé à la SCI BDI, au cours de l'année 2007, un loyer unique d'un montant de 62 314 euros qui, aux termes dudit bail, couvrait la période des travaux qui devaient se poursuivre jusqu'au quatrième trimestre de l'année 2010. La circonstance que ces travaux n'ont pas été réalisés par l'EURL IB en raison de ses propres difficultés financières ne saurait faire regarder la SCI BD1 comme s'étant privée de recettes foncières, qu'elle a effectivement perçues au titre de la période en cause, soit au cours des années d'imposition 2009 et 2010. A cet égard, l'administration ne saurait faire grief à la SCI de s'être abstenue de louer ledit bien à d'autres locataires potentiels dès lors qu'aux termes du bail conclu avec l'EURL IB, elle s'était engagée à mettre l'immeuble à disposition de l'EURL à tout le moins jusqu'en fin 2010, moyennant contrepartie financière. Il s'ensuit que M. et Mme B... sont fondés à soutenir que ce motif ne pouvait suffire à remettre en cause la déductibilité des charges déclarées par la société BD1 au titre des années 2009 et 2010.

16. Cependant, il résulte de l'instruction et notamment des termes de la proposition de rectification du 20 août 2012 adressée à la SCI BD1, que l'administration fiscale a également remis en cause la déductibilité desdites charges, constituées de frais divers et d'intérêts d'emprunt, au motif que, malgré une demande de justifications qui lui avait été adressée par le service, la société n'avait produit aucun élément permettant de justifier de la réalité et du montant des sommes déduites. M. et Mme B... n'apportent pas, dans le cadre de la présente instance, pas davantage qu'ils ne l'avaient fait devant les premiers juges, d'éléments de nature à établir le caractère réel ainsi que le montant des charges prétendument supportées par la société. Dès lors, pour ce seul motif, c'est à bon droit que le service a réintégré aux revenus fonciers de la SCI BDI le montant correspondant à ces charges au titre des années 2009 et 2010.

17. En dernier lieu, à l'appui du moyen tiré de ce que la remise en cause par l'administration, au titre des années 2009 et 2010, de la déductibilité des intérêts d'emprunt relatifs aux prêts souscrits par la société BD2 n'est pas justifiée au regard du tableau d'amortissement joint à leurs observations, M. et Mme B... ne se prévalent devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté le surplus de leur demande. Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Mme D... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 8 mars 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 avril 2022.

Le rapporteur,

Michaël Kauffmann La présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX04756

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04756
Date de la décision : 05/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Revenus fonciers.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Michaël KAUFFMANN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : BOUBAL

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-04-05;19bx04756 ?
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