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24/03/2022 | FRANCE | N°21BX03083

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 24 mars 2022, 21BX03083


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 25 mai 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a décidé de le transférer aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel le préfet l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2103088 du 1er juin 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :


Par une requête enregistrée le 23 juillet 2021, M. A..., représenté par Me Mercier, demande à la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 25 mai 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a décidé de le transférer aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel le préfet l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2103088 du 1er juin 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 juillet 2021, M. A..., représenté par Me Mercier, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 1er juin 2021 ;

2°) d'annuler les deux arrêtés préfectoraux du 25 mai 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale dans le délai de

vingt-quatre heures à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi que les dépens.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce que le premier juge a omis de répondre au moyen tiré de de la méconnaissance, par ricochet, des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté de transfert est entaché d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- il méconnaît l'article 4 du règlement UE n° 604/2013 en l'absence de remise des brochures dans une langue qu'il comprend ;

- il est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation faute pour le préfet d'avoir fait usage de la faculté de procéder à l'examen de sa demande d'asile sur le fondement de l'article 17 du règlement précité ;

- il méconnaît l'article 3 de la convention européenne précitée ;

- l'arrêté portant assignation à résidence est entaché d'un défaut de motivation ;

- il est entaché d'un défaut de base légale en raison de l'illégalité de la décision de transfert ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision

du 2 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Olivier Cotte.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant nigérian né le 4 mai 1994, a déclaré être entré en France

le 25 avril 2021 afin de solliciter l'asile. Lors du dépôt de sa demande, le relevé de ses empreintes décadactylaires a révélé qu'il avait introduit une demande similaire en Italie

le 15 septembre 2017. Par deux arrêtés du 25 mai 2021, le préfet de la Haute-Garonne a décidé de son transfert aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence. M. A... a saisi le tribunal administratif de Toulouse afin d'obtenir l'annulation de ces deux arrêtés. Par jugement

du 1er juin 2021 dont M. A... relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Le préfet a informé la cour que le transfert de M. A... a été exécuté le 1er septembre 2021.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En considérant au point 12 du jugement attaqué que la décision portant transfert aux autorités italiennes ne méconnaissait pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard notamment aux conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans ce pays, le premier juge ne peut être regardé comme n'ayant pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance de ces mêmes stipulations en raison des risques encourus par M. A... dans son pays d'origine, dès lors que cette décision n'a, par elle-même ni pour objet, ni pour effet de le renvoyer au Nigéria.

Sur la légalité de l'arrêté portant transfert aux autorités italiennes :

3. En premier lieu, l'arrêté en litige vise le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, mentionne que la consultation du système Eurodac a révélé que M. A... avait introduit une demande d'asile en Italie le 15 septembre 2017 et que les autorités italiennes, saisies

le 29 avril 2021 sur le fondement de l'article 18.1 b de ce règlement, ont donné leur accord explicite à sa reprise en charge le 10 mai suivant, sur le fondement de l'article 18.1 d de ce même règlement. Il comporte ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. La circonstance que l'arrêté contesté ne vise pas l'arrêté préfectoral donnant délégation à sa signataire ou ne fasse pas état des soins dont aurait besoin M. A... n'est pas de nature à affecter la régularité formelle de cet arrêté. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du

26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite (...) dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement et notamment : / a) des objectifs du présent règlement (...) / b) des critères de détermination de l'État membre responsable (...) / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 (...) / d) de la possibilité de contester une décision de transfert / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant (...) f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution une brochure commune (...) contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu remettre le jour de son entretien individuel, soit le 27 avril 2021, un exemplaire complet en français, de la brochure " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne- quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande " (guide A) et " Je suis sous procédure Dublin - Qu'est-ce-que cela signifie ' " (guide B). Ces documents constituent la brochure commune visée au paragraphe 3 de l'article 4 du règlement précité et contiennent l'intégralité des informations prévues au paragraphe 1 de cet article. Si ces brochures étaient rédigées en langue française, alors que M. A... a déclaré comprendre la langue anglaise, il ressort toutefois du résumé de l'entretien individuel que les informations qu'elles comportent ont été portées oralement à la connaissance de M. A... au cours de l'entretien individuel du 27 avril 2021 par le biais de l'interprète d'ISM Interprétariat, conformément à l'article 4 du règlement (UE) n°604/2013. De plus, il ressort des pièces du dossier que, lors de cet entretien individuel, M. A... a déclaré, assisté d'un interprète en langue anglaise, " avoir compris la procédure engagée à son encontre " et a certifié sur l'honneur que " l'information sur les règlements communautaires " lui a été remise. Il a apposé sa signature sur chacun de ces documents. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement (UE) n°604/2013 doit être écarté.

6. En troisième lieu, il ressort des termes mêmes de la motivation de l'arrêté contesté, telle qu'elle a été exposée au point 3, que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. A... et qu'il a notamment examiné, en tenant compte des observations formulées par l'intéressé, la possibilité de mettre en œuvre la clause discrétionnaire de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 avant d'ordonner son transfert aux autorités italiennes. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle doit être écarté.

7. En quatrième et dernier lieu, à l'appui des moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation pour ne pas avoir fait usage de l'article 17 du règlement n° 604/2013

du 26 juin 2013 et de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'appelant ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement la réponse apportée par le jugement attaqué. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinemment retenus par le premier juge.

Sur la légalité de l'arrêté portant assignation à résidence :

8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision portant assignation à résidence n'est pas privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant transfert aux autorités italiennes.

9. En second lieu, M. A... reprend en appel les moyens qu'il avait invoqués en première instance et tirés de l'insuffisante motivation de l'arrêté litigieux et de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Toulouse, d'écarter ces deux moyens.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés préfectoraux du 25 mai 2021. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, d'astreinte ainsi que celles tendant, d'une part, au paiement des entiers dépens du procès, lequel au demeurant n'en comporte aucun, et, d'autre part, à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 28 février 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Karine Butéri, présidente,

M. Olivier Cotte, premier conseiller,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 mars 2022.

Le rapporteur,

Olivier Cotte

La présidente,

Karine Butéri

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21BX03083


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03083
Date de la décision : 24/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUTERI
Rapporteur ?: M. Olivier COTTE
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : MERCIER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-03-24;21bx03083 ?
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