Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 6 juin 2021 par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2103408 du 10 juin 2021, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 juillet 2021, le préfet des Hautes-Pyrénées demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 10 juin 2021 ;
2°) de rejeter la demande de M. B....
Il soutient que la matérialité des faits reprochés à M. B... est établie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2021, M. B..., représenté par Me Canadas, demande à la cour :
- de rejeter la requête ;
- de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des frais d'instance.
Il fait valoir que le moyen de la requête n'est pas fondé.
Par une décision du 27 janvier 2022, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-347 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant albanais, entré en France à une date indéterminée, a déposé, le 16 juillet 2018, une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 28 septembre 2018. Il a été interpellé en juin 2020 pour complicité de vol dans la déchetterie d'Argelès-Gazost, et, par l'arrêté litigieux du 6 juin 2021, le préfet des Hautes-Pyrénées lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Le préfet des Hautes-Pyrénées relève appel du jugement du 10 juin 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté.
Sur le motif retenu par le premier juge :
2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public (...) ".
3. L'arrêté contesté, qui vise le 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relève que l'intéressé a été interpellé pour complicité de vol dans la déchetterie d'Argelès-Gazost, et qu'il est convoqué le 15 octobre 2021 au tribunal judiciaire de Tarbes dans le cadre d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité pour les fait de vols aggravés par trois circonstances. Le préfet produit en appel le procès-verbal de synthèse d'enquête de flagrance dressé le 6 juin 2021 par un agent de la brigade de gendarmerie d'Argelès-Gazost, qui précise notamment que " lors de sa garde à vue, M. B... reconnaît l'ensemble des faits qui lui sont reprochés ". Par suite, le préfet des Hautes-Pyrénées est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté litigieux, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur la circonstance que la matérialité des faits reprochés à M. B... n'était pas établie.
4. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif et la cour.
Sur l'arrêté du 6 juin 2021 :
5. En premier lieu, par arrêté du 18 septembre 2020, le préfet des Hautes-Pyrénées a donné délégation à Mme D... C..., directrice des services du cabinet de la préfecture, à l'effet de signer, notamment, " l'ensemble des mesures prévues par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ". Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté.
6. En deuxième lieu, l'obligation de quitter le territoire français comporte les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée. Contrairement à ce que soutient le requérant, la décision comprend une analyse de sa situation familiale, dès lors qu'elle relève qu'il est marié et père de deux enfants mineurs, que son épouse et ses enfants ne résident pas sur le territoire français. Cette motivation révèle que le préfet s'est livré à un examen réel et sérieux de la situation de M. B....
7. En troisième lieu, en se bornant à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français a pour conséquence de le renvoyer en Albanie de manière forcée, alors qu'il souhaite y retourner par ses propres moyens, le requérant n'établit pas qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
8. En quatrième lieu, il résulte de ce qui précède que la décision de refus de départ volontaire n'est pas privée de base légale. Si M. B... soutient qu'elle est totalement disproportionnée et entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, il n'apporte strictement aucun élément au soutien de cette allégation.
9. En cinquième lieu, la décision fixant le pays de renvoi précise que l'intéressé n'établit pas qu'il serait soumis à des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, et est par suite suffisamment motivée.
10. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ".
11. D'une part, la décision contestée énonce les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement et est par suite suffisamment motivée.
12. D'autre part, le refus de délai de départ volontaire dont découle l'interdiction de retour sur le territoire français litigieuse est fondé sur les circonstances que l'intéressé a été interpellé le 4 juin 2021 pour des faits de vol, et qu'il existe un risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet, dès lors qu'il ne justifie pas d'une résidence effective, déclare être hébergé chez son cousin en situation irrégulière sans en justifier et vouloir rester en France. Si M. B... soutient qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public, en tout état de cause, il ne conteste pas les autres motifs de la décision.
13. Enfin, si le requérant fait valoir que la décision contestée serait manifestement disproportionnée et entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, il n'apporte strictement aucun élément au soutien de cette allégation.
14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Hautes-Pyrénées est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 6 juin 2021. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions de M. B... relatives aux frais d'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 10 juin 2021 est annulé.
Article 2 : La demande portée par M. B... devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet des Hautes-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 24 février 2022 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,
Mme Nathalie Gay, première conseillère
Rendu public après mise à disposition au greffe le 24 mars 2022.
La rapporteure,
Frédérique E...Le président
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 21BX03004