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24/03/2022 | FRANCE | N°20BX03174

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 24 mars 2022, 20BX03174


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Edoria Outre-Mer a demandé au tribunal administratif de la Martinique de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1900482 du 18 juin 2020, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 septembre 2020, et un mémoire e

n réplique enregistré le 14 juin 2021, la SARL Edoria Outre-Mer, représentée par Me Bette, demande ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Edoria Outre-Mer a demandé au tribunal administratif de la Martinique de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1900482 du 18 juin 2020, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 septembre 2020, et un mémoire en réplique enregistré le 14 juin 2021, la SARL Edoria Outre-Mer, représentée par Me Bette, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 juin 2020 du tribunal administratif de la Martinique ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015 ;

3°) à titre subsidiaire, de la décharger desdites cotisations à proportion du chiffre d'affaires ou des recettes hors taxes réalisés en zone franche urbaine ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant de la procédure d'imposition :

- la proposition de rectification du 24 novembre 2016 est insuffisamment motivée au sens de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; en particulier, l'administration n'a pas respecté son obligation de motiver son argumentation quant à l'activité et au mode d'organisation de la société, et n'a cité aucun texte légal, doctrinal ou jurisprudentiel à l'appui de son analyse ;

S'agissant du bien-fondé de l'impôt :

- elle doit être regardée comme éligible à l'exonération prévue par l'article 44 octies A du code général des impôts, car elle exerce l'ensemble de son activité, qui constitue un cycle complet commercial d'achat-revente, en zone franche urbaine (ZFU) ;

- en effet, elle dispose, dans cette zone, d'une implantation matérielle et de moyens d'exploitation lui permettant d'assurer la gestion de l'entreprise ; l'exonération en cause n'est pas subordonnée à l'existence d'un effectif salarié au sein de la ZFU ; aux termes de la jurisprudence, le recours à la sous-traitance ne fait pas obstacle au bénéfice de l'exonération, dès lors que l'accueil des clients est assuré dans les locaux concernés et que le dirigeant y exerce son activité, alors, en outre, que ni l'administration ni le juge ne peuvent s'immiscer dans ses choix de gestion, notamment en matière de recours à de la sous-traitance ;

- quand bien même elle stockerait sa marchandise au sein de la ZFU, la doctrine administrative (BOI-BIC-CHAMP-80-10-20-20 n° 150) exclut les installations de stockage du bénéfice de l'exonération ;

- son activité de grossiste, définie à l'article L. 441-71 du code de commerce, n'inclut pas l'organisation logistique, et son code NAF est différent de ceux de ses sous-traitants ;

- en tout état de cause, il appartient à l'administration d'apporter la preuve de ce qu'elle ne serait pas éligible au dispositif revendiqué ;

- à titre subsidiaire, elle sollicite, sur le fondement de la doctrine administrative précitée et du II de l'article 44 octies A du code général des impôts, un dégrèvement partiel, correspondant à l'exonération de ses bénéfices à proportion de son chiffre d'affaires réalisé en ZFU.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 9 avril 2021 et le 19 janvier 2022, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens présentés par la SARL Edoria Outre-Mer ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,

- les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Edoria Outre-Mer exerce une activité de commerce en gros de produits alimentaires surgelés. À la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration a remis en cause le bénéfice de l'abattement de l'article 44 octies A du code général des impôts en faveur des entreprises implantées en zone franche urbaine (ZFU), et a assujetti la société, dans le cadre d'une procédure contradictoire, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015, assorties des intérêts de retard. Ces impositions supplémentaires ont été mises en recouvrement le 28 septembre 2018. La SARL Edoria Outre-Mer fait appel du jugement du 18 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés qui trouvent leur origine dans le contrôle précité.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Aux termes de l'article 44 octies A du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : " I.- Les contribuables qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2014, créent des activités dans les zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, ainsi que ceux qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2011, exercent des activités dans les zones franches urbaines définies au deuxième alinéa du B du 3 de l'article 42 de la même loi sont exonérés d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant des activités implantées dans la zone jusqu'au 31 décembre 2010 pour les contribuables qui y exercent déjà une activité au 1er janvier 2006 ou, dans le cas contraire, jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui du début de leur activité dans l'une de ces zones. Ces bénéfices sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés à concurrence de 40 %, 60 % ou 80 % de leur montant selon qu'ils sont réalisés respectivement au cours des cinq premières, de la sixième et septième ou de la huitième et neuvième périodes de douze mois suivant cette période d'exonération (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que, pour pouvoir bénéficier du régime d'exonération qu'elles instituent, une entreprise doit exercer une activité dans une zone franche urbaine et doit y disposer des moyens d'exploitation nécessaires à cette activité. Elle doit ainsi remplir les deux conditions cumulatives suivantes : d'une part, exercer une activité économique effective dans la zone franche, condition qui est remplie lorsque l'activité est concrétisée par une présence significative sur les lieux et la réalisation d'actes en rapport avec cette activité et, d'autre part, disposer dans cette zone d'une implantation matérielle et des moyens d'exploitation lui permettant d'exercer une activité économique créatrice de recettes, la charge de la preuve reposant sur le contribuable qui revendique le bénéfice de l'exonération prévue à l'article 44 octies A du code général des impôts.

4. Il résulte de l'instruction que la SARL Edoria Outre-Mer exerçait, depuis le 1er juin 2010, une activité d'achat-revente en gros de produits alimentaires surgelés, de produits frais et de produits secs, qu'elle achetait à des fournisseurs basés en métropole et revendait ensuite à des clients situés en Guadeloupe et en Guyane. Dans le cadre du contrôle sur place, le service a constaté qu'au titre de la période vérifiée, elle disposait, au sein de la ZFU du Dillon, d'un local loué de 20 m², composé d'un bureau et d'un WC, de matériel informatique inscrit à son actif, de matériel de bureau appartenant à son gérant, ainsi que d'une ligne téléphonique. Il a également établi qu'au titre de cette même période, la société n'avait employé aucun salarié.

5. L'appelante soutient que son gérant exerçait, dans les locaux de la zone franche, l'ensemble des missions relatives à la gestion commerciale et administrative de l'activité, en particulier la planification des besoins, la gestion des commandes de produits et le règlement des fournisseurs. Elle fait valoir qu'elle disposait de moyens suffisants en eux-mêmes, notamment téléphoniques et informatiques, pour lui permettre d'exercer pleinement son activité de négoce, et que le recours à des sociétés sous-traitantes pour la partie logistique de son activité est un choix de gestion non critiquable par l'administration.

6. Le contrôle des opérations réalisées au titre de la période vérifiée a en effet permis d'établir que si les produits achetés auprès de fournisseurs établis en France métropolitaine étaient acheminés au port du Havre, pris en charge par un transitaire sous-traitant et, une fois en Martinique, pris en charge par un nouveau transitaire sous-traitant qui assurait le dédouanement et le stockage des marchandises ainsi que la préparation des commandes et la livraison aux clients vers la Guadeloupe ou la Guyane, l'activité de négoce effectuée par le gérant de la société était effectivement exercée au siège de la société qui disposait, comme cela a été dit ci-dessus, d'un local et des moyens d'exploitation nécessaires et suffisants à l'exercice de cette activité.

7. Par suite, alors même que l'entreposage des denrées n'était pas réalisé dans la zone franche mais sous-traité, ce qui a nécessairement pour effet de réduire l'activité de négoce et d'importation de denrées à sa seule composante de gestion commerciale et administrative, la société appelante disposait, dans cette zone franche, d'une implantation matérielle et de moyens d'exploitation lui permettant d'y exercer effectivement son activité commerciale. Dans ces conditions, alors même que les marchandises achetées et revendues ne transitaient pas par la ZFU, la société Edoria Outre-Mer devait être regardée comme satisfaisant aux exigences posées par l'article 44 octies A du code général des impôts.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Edoria Outre-Mer est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande à fin de décharge des impositions litigieuses.

Sur les frais de l'instance :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Edoria Outre-Mer et non compris dans les dépens, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1900482 du 18 juin 2020 du tribunal administratif de la Martinique est annulé.

Article 2 : La société Edoria Outre-Mer est déchargée des suppléments d'imposition auxquels elle a été assujettie au titre des exercices 2013, 2014 et 2015.

Article 3 : L'État versera à la société Edoria Outre-Mer la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Edoria Outre-Mer, ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de la relance. Copie en sera adressée au directeur de contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 24 février 2022 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 mars 2022.

La rapporteure,

Florence Rey-Gabriac

Le président,

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX03174


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 20BX03174
Date de la décision : 24/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-08-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : AARPI STEERING LEGAL - THEMESIS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-03-24;20bx03174 ?
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