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22/03/2022 | FRANCE | N°21BX03911

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 22 mars 2022, 21BX03911


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 22 octobre 2020 par lequel la préfète de la Charente lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2100554 du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Poitier

s a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requê...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 22 octobre 2020 par lequel la préfète de la Charente lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2100554 du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête, enregistrée le 8 octobre 2021, M. A..., représenté par Me Rahmani, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2100554 du tribunal administratif de Poitiers du 1er juillet 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 octobre 2020 de la préfète de la Charente ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Charente de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, en cas d'annulation de la seule mesure d'éloignement, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa demande de titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le tribunal n'a pas suffisamment répondu au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne le refus de délivrance d'un titre de séjour :

- elle a été signée par une autorité incompétente ;

- il réside en France depuis sept ans, est atteint de pathologies lourdes et est dépourvu d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine ; la décision est ainsi entachée d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation dès lors qu'il justifie de circonstances exceptionnelles et humanitaires au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision lui refusant le séjour ;

- eu égard à sa situation personnelle, familiale et médicale, elle porte une atteinte manifestement excessive au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an :

- elle est insuffisamment motivée ;

- eu égard à sa situation personnelle, familiale et médicale, elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée à la préfète de la Charente, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 septembre 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux.

Par une ordonnance du 24 novembre 2021 la clôture d'instruction a été fixée au 17 janvier 2022 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen né le 1er mars 1955, est entré en France, selon ses affirmations, le 20 février 2013. A la suite du rejet de sa demande de protection internationale par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 19 février 2015, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 06 novembre 2015, l'intéressé a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur. Par un arrêté du 22 octobre 2020, la préfète de la Charente a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement du 1er juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 octobre 2020.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des points 3 à 5 du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments de la demande, ont suffisamment motivé leur réponse au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le jugement n'est entaché d'aucune irrégularité sur ce point.

Sur la légalité de l'arrêté du 22 octobre 2020 :

En ce qui concerne le refus de délivrance d'un titre de séjour :

3. En premier lieu, Mme Delphine Balsa, secrétaire générale de la préfecture de la Charente et signataire de la décision susvisée, bénéficiait à cet effet d'une délégation de signature de la préfète de la Charente en date du 2 septembre 2020, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs spécial n° 16-2020-069 du lendemain. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...) ". En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".

5. M. A... fait état de sa présence sur le territoire depuis l'année 2013, de son intégration en France et de la nécessité d'y suivre un traitement médical pour soigner les pathologies dont il est atteint. Il se prévaut également de l'absence d'attaches familiales dans son pays d'origine, qu'auraient également fui son épouse et ses enfants vers une destination qui lui est inconnue. Toutefois, il ne ressort pas des éléments médicaux les plus récents versés au dossier par le requérant, qui n'a pas présenté de demande de titre de séjour pour motif médical, que les pathologies dont il est atteint ne pourraient effectivement être prises en charge en cas de retour dans son pays d'origine. En outre, l'intéressé ne justifie pas de l'absence d'attaches personnelles dans son pays d'origine où il a résidé, selon ses affirmations, jusqu'à l'âge de cinquante-cinq ans et, malgré la production d'une demande d'autorisation de travail, établie postérieurement à la date de la décision litigieuse, il n'établit pas davantage avoir exercé une activité professionnelle depuis son entrée sur le territoire et disposer de ressources financières stables. Enfin, s'il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est engagé dans des associations œuvrant au soutien de ses compatriotes résidant en France et qu'il a noué sur le territoire un certain nombre de relations sociales, ces éléments sont insuffisants pour caractériser des circonstances humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, la préfète de la Charente a pu, sans entacher sa décision d'erreur de droit ou d'erreur manifeste d'appréciation, estimer que le requérant ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, ainsi qu'il été précédemment exposé, la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Dès lors, le moyen invoqué par la voie de l'exception, par M. A..., de son illégalité ne peut qu'être écarté.

7. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. M. A... se prévaut de la durée de sa présence en France, de sa situation médicale ainsi que de son insertion sociale sur le territoire. Toutefois, ainsi qu'il a été exposé au point 5, le requérant ne démontre pas que les pathologies dont il est atteint ne pourraient effectivement être prises en charge en cas de retour dans son pays d'origine. Les attestations produites, si elles démontrent les qualités humaines du requérant ainsi que sa participation à des activités associatives, sont toutefois insuffisantes à caractériser une insertion solide et durable dans la société française. Enfin, l'intéressé ne justifie pas de l'absence d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine où, selon ses affirmations, il a vécu jusqu'en 2011 avant de se rendre au Sénégal. Par suite, compte tenu des conditions et de la durée du séjour en France du requérant, la préfète de la Charente n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision l'obligeant à quitter le territoire français a été prise et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an :

9. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

10. En premier lieu, la décision prononçant l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an à l'encontre de M. A... vise l'article L. 511-1, III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort également des termes de l'arrêté contesté que, pour prononcer une interdiction de retour sur le territoire français et en fixer la durée, la préfète de la Charente a relevé que l'intéressé a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, a apprécié la situation du requérant au regard de sa durée de présence en France et des conditions de son séjour et a indiqué qu'il n'a fait état d'aucune circonstance humanitaire particulière. Si l'autorité administrative doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément si, comme en l'espèce, après prise en compte de ce critère elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision. Dans ces conditions, la décision susvisée comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui la fonde et le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

11. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement le 19 février 2016. Eu égard à la situation personnelle et familiale du requérant telle qu'exposée aux points 5 et 8 et alors même que sa présence sur le territoire ne constitue pas une menace pour l'ordre public, la préfète n'a pas méconnu les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en édictant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de la Charente.

Délibéré après l'audience du 15 février 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mars 2022.

Le rapporteur,

Michaël B... La présidente,

Evelyne BalzamoLa greffière,

André Gauchon

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX039112


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03911
Date de la décision : 22/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Michaël KAUFFMANN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : RAHMANI SEL

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-03-22;21bx03911 ?
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