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10/03/2022 | FRANCE | N°21BX00395

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 10 mars 2022, 21BX00395


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2003739 du 8 janvier 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 janvier 2021, M. B.

.., représenté par Me Ouddiz-Nakache, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 jan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2003739 du 8 janvier 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 janvier 2021, M. B..., représenté par Me Ouddiz-Nakache, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 janvier 2021 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2020 du préfet de la Haute-Garonne ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " l'autorisant à travailler à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, avec délivrance d'une autorisation provisoire de séjour pendant la période transitoire, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer sa situation à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, avec délivrance d'une autorisation provisoire de séjour pendant la période transitoire, et à titre infiniment subsidiaire, de réexaminer sa situation en application de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avec délivrance d'une autorisation provisoire de séjour pendant la période transitoire.

Il soutient que :

- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sont insuffisamment motivées en méconnaissance des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- ces décisions sont entachées d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elles méconnaissent les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles méconnaissent les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles méconnaissent les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles sont également entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 décembre 2021, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par une décision n° 2021/008381 du 6 mai 2021 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux, la demande d'aide juridictionnelle de M. B... a été rejetée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Éric Rey-Bèthbéder a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant tunisien, est entré en France le 21 février 2016, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa long séjour valant premier titre de séjour pour une durée d'un an à compter du 10 février 2016, en conséquence du mariage qu'il a contracté le 17 septembre 2015 avec une ressortissante française. Le 4 juillet 2017, il s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " vie privée et familiale " en qualité de conjoint d'une ressortissante française, valable jusqu'au 3 juillet 2018. Le 27 septembre 2018, il a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour sur le fondement du a) du 1° de l'article 10 de l'accord franco-tunisien. Par arrêté du 6 juillet 2020, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... doit être regardé comme relevant appel du jugement du 8 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien : " 1. Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : / a) Au conjoint tunisien d'un ressortissant français, marié depuis au moins un an, à condition que la communauté de vie entre époux n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé sa nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ". Aux termes de l'article 7 quater du même accord : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 4° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ". Aux termes de l'article L. 313-12 du même code : " Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser de renouveler le titre de séjour dont M. B... était titulaire en qualité de conjoint d'une ressortissante française, le préfet de la Haute-Garonne a considéré que l'enquête conduite par les services de la police nationale n'avait pas permis d'établir l'existence d'une communauté de vie réelle entre l'intéressé et son épouse, en raison de ce que celui-ci n'était que rarement au domicile conjugal, de ce que son épouse avait fait part de son intention de demander le divorce et de ce qu'aucun élément versé au dossier ne permettait d'attester d'une communauté de vie réelle, stable et continue entre eux. Il résulte de l'instruction que le rapport d'enquête établi le 10 décembre 2018 par la police nationale indique que " le mari ne passe guère de temps au domicile conjugal " et " irait très souvent chez un cousin " à Toulouse et qu'il " quitte le domicile conjugal sans dire où il se rend ". Toutefois, et alors que l'intéressé était présent lors de la visite des policiers, la circonstance que M. B... serait rarement présent au domicile conjugal n'est pas, à elle seule, de nature à caractériser une absence de communauté de vie. En outre, pour justifier qu'il mène une vie commune avec la ressortissante française qu'il a épousée le 17 septembre 2015, M. B... produit deux attestations de son épouse. Dans la première, datée du 23 juillet 2020, cette dernière indique " avoir une vie commune avec M. C... " et s'être " désistée de sa demande de divorce depuis fin 2018 ". Dans la seconde, datée du 30 novembre 2020, elle précise " avoir repris la vie commune avec M. B... et vouloir [se] désister de la procédure de divorce en cours ". Si la première de ces attestations est postérieure à l'arrêté litigieux, elle révèle que la communauté de vie entre les époux existait au plus tard à la fin de l'année 2018, soit un an et demi avant l'édiction de l'arrêté litigieux. En outre, M. B... produit plusieurs documents indiquant une adresse commune avec son épouse, à savoir la copie de son titre de séjour délivré le 4 juillet 2017, de son permis de conduire et de son récépissé de demande de carte de séjour délivré le 3 janvier 2020, une attestation du 20 mai 2020 de souscription d'un contrat d'énergie aux deux noms le 18 février 2020, son contrat de travail à durée indéterminée conclu le 1er juillet 2020 et trois de ses fiches de paie dont une correspondant au mois de juillet 2020. Dans ces conditions, en refusant de renouveler le titre de séjour dont M. B... était titulaire en qualité de conjoint d'une ressortissante française, le préfet de la Haute-Garonne a méconnu les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 juillet 2020 par lequel préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

5 Le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Haute-Garonne délivre à M. B... le titre de séjour dont il a demandé le renouvellement. Il y a lieu de lui enjoindre de procéder à cette délivrance, dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, et, dans l'attente, de les munir d'une autorisation provisoire de séjour.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 8 janvier 2021 du tribunal administratif de Toulouse et l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 6 juillet 2020 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à M. B... un titre de séjour dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sous réserve de l'existence de changements de fait dans sa situation, et dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise pour information au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 10 février 2022 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,

Mme Nathalie Gay, première conseillère.

Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 10 mars 2022.

La présidente-assesseure,

Frédérique Munoz-Pauziès

Le président-rapporteur

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX00395 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 21BX00395
Date de la décision : 10/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur ?: M. Eric REY-BETHBEDER
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : OUDDIZ-NAKACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-03-10;21bx00395 ?
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