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10/03/2022 | FRANCE | N°20BX01886

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 10 mars 2022, 20BX01886


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Nicollin Océan Indien (NOI) a demandé au tribunal administratif de La Réunion, à titre principal, de condamner la communauté d'agglomération du territoire de la côte ouest (TCO) à lui verser la somme de 80 000 euros, avec intérêts et capitalisation des intérêts, au titre du remboursement des pénalités appliquées dans le cadre de l'exécution du lot n° 4 du marché relatif à la collecte de déchets végétaux et des déchets encombrants sur les communes de Saint-Paul " zone 2 ", Saint-

Leu et Trois bassins et, à titre subsidiaire de moduler les pénalités appliquées.

Par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Nicollin Océan Indien (NOI) a demandé au tribunal administratif de La Réunion, à titre principal, de condamner la communauté d'agglomération du territoire de la côte ouest (TCO) à lui verser la somme de 80 000 euros, avec intérêts et capitalisation des intérêts, au titre du remboursement des pénalités appliquées dans le cadre de l'exécution du lot n° 4 du marché relatif à la collecte de déchets végétaux et des déchets encombrants sur les communes de Saint-Paul " zone 2 ", Saint-Leu et Trois bassins et, à titre subsidiaire de moduler les pénalités appliquées.

Par un jugement n° 1800175 du 15 avril 2020, le tribunal administratif de La Réunion a condamné la communauté d'agglomération du territoire de la Côte Ouest à verser à la société Nicollin Océan Indien la somme de 80 000 euros, assortie des intérêts moratoires prévus à l'article 14 du cahier des clauses administratives particulières applicables au marché litigieux, et capitalisation des intérêts à compter du 19 février 2019.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 juin 2020 et 28 décembre 2021, la communauté d'agglomération du territoire de la Côte Ouest, représentée par Me Gaspar, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 15 avril 2020 ;

2°) de rejeter la demande indemnitaire présentée par la société Nicollin Océan Indien devant le tribunal administratif de La Réunion ;

3°) de mettre à la charge de la société Nicollin Océan Indien le paiement de la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce que le mémoire du 28 octobre 2019 n'a pas été communiqué, en méconnaissance du principe du contradictoire et des article L. 5, R. 611-1 et R. 611-5 du code de justice administrative ;

- le tribunal a jugé à tort que la procédure applicable aux opérations de vérification aurait dû être respectée préalablement à l'application des pénalités et que les pénalités avaient été appliquées à l'issue d'une procédure irrégulière ;

- aucune stipulation contractuelle ne prévoit que l'application des pénalités doive faire l'objet d'une décision formalisée ; la lettre du 21 août 2017 se borne à informer la société Nicollin du maintien des pénalités à hauteur de 80 000 euros HT ; Mme B... A..., directrice générale des services, disposait d'une délégation de compétence pour la signature de toutes les correspondances diverses ayant pour destinataires des usagers et/ou des prestataires ; le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte n'est pas fondé ; en tout état de cause, le prétendu vice tenant à l'incompétence de l'auteur de la décision d'appliquer les pénalités à la société Nicollin ne saurait ouvrir droit au versement d'indemnités correspondant au montant des pénalités ;

- le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté en toutes ses branches ; en premier lieu, elle n'avait pas à démontrer que les opérations de vérification auraient été effectuées par des agents agréés dès lors que les pénalités pouvaient être appliquées dès la constatation d'une infraction ; en deuxième lieu, le fait que la société Nicollin ait procédé aux rattrapages des prestations est inopérant ; en troisième lieu, la décision d'admission des prestations ne saurait être considérée comme " réputée acquise " passé un délai de quinze jours suivant leur réalisation ; en quatrième lieu, il n'avait pas à adresser une mise en demeure préalablement à l'application des pénalités ;

- l'application des pénalités est justifiée ; les pénalités ont toutes été appliquées pour des rues faisant l'objet de collecte en porte-à-porte ; le fait que les prestations aient été finalement exécutées avec du retard ne saurait permettre à la société Nicollin d'échapper à la sanction financière ; le fait que la société ait partiellement réalisé la collecte de certaines rues est inopérant ; la société ne saurait valablement se plaindre de contraintes extérieures afin de tenter de se dispenser d'exécuter le marché conformément aux stipulations contractuelles ;

- le montant des pénalités ne saurait être modéré dès lors qu'il ne présente pas un caractère exorbitant.

Par trois mémoires, dont un en production de pièces, enregistrés les 22 novembre et 31 décembre 2021 et 25 janvier 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la société Nicollin Océan Indien, représentée par Me Soland, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la communauté d'agglomération du territoire de la Côte Ouest le paiement d'une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement n'est pas irrégulier dès lors que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 22.3 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) était soulevé dès la requête introductive d'instance et a été soumis au contradictoire ;

- les articles 11 et 15 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) ne dérogent pas aux articles 22 à 25 du CCAG qui s'appliquent ; l'article 11 du CCAP ne fait aucune distinction entre les différents manquements commis lors de l'exécution du contrat ; le tribunal n'a pas dénaturé les dispositions contractuelles en accueillant le moyen tiré de ce que les pénalités ont été appliquées à l'issue d'une procédure irrégulière ;

- Mme B... A... était incompétente pour signer une décision d'exécution du marché tendant à l'application des pénalités ;

- la décision est entachée de vices de procédures ; la communauté d'agglomération ne verse au dossier aucune preuve tendant à démontrer les opérations de vérification et la constatation de l'infraction par des agents agréés, en méconnaissance de l'article 11 du CCAP ; la reprise des prestations a une incidence sur l'application des pénalités dès lors qu'avant même la mise en œuvre de cette procédure, la société avait déjà effectué les rattrapages et ne pouvait se voir appliquer des pénalités ; la communauté d'agglomération n'a pas notifié de décision de vérification dans le délai de quinze jours prévu à l'article 23.2 du CCAG ; la communauté d'agglomération n'a pas procédé à une mise en demeure en méconnaissance des articles 24 du CCAG et 11 du CCAP ;

- la communauté d'agglomération a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'une collecte partielle s'apparentait à une absence de collecte au sens de l'article 15 du CCAP ; les pénalités sont la conséquence d'une mauvaise définition des déchets verts qui a eu un impact sur la collecte des encombrants ; les comptes rendus journaliers transmis à la communauté d'agglomération confirment la mise en œuvre d'une procédure de rattrapage ; la communauté d'agglomération est ainsi réputée avoir renoncé à infliger des pénalités de retard ;

- le montant des pénalités est excessif.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Nathalie Gay;

- les conclusions de Mme Madelaigue, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Thareau, représentant la communauté d'agglomération du territoire de la Côte Ouest, et de Me Soland, représentant la société Nicollin Océan Indien.

Considérant ce qui suit :

1. Par acte d'engagement notifié le 7 janvier 2014, la communauté d'agglomération du territoire de la Côte Ouest (TCO) a attribué à la société Nicollin Océan Indien (NOI) notamment l'exécution du lot n° 4 relatif à la collecte des déchets végétaux et des déchets encombrants sur les communes de Saint-Paul " zone 2 ", Saint-Leu et Trois-Bassins du marché relatif à la collecte des déchets ménagers et assimilés. Par lettre du 10 avril 2017, le TCO a informé la société NOI de son intention de lui infliger une pénalité de 83 000 euros en raison de l'absence de collecte des encombrants dans 83 rues, le 14 mars 2017. À la suite des observations de la société NOI, le TCO a, par une lettre du 21 août 2017, décidé de maintenir la pénalité en réduisant son montant à 80 000 euros. La société NOI a demandé au tribunal administratif de La Réunion, à titre principal, de condamner le TCO à lui verser la somme de 80 000 euros au titre du remboursement de cette pénalité retenue par compensation sur le règlement de ses factures et, à titre subsidiaire, de moduler les pénalités appliquées. Le TCO relève appel du jugement du 15 avril 2020 par lequel le tribunal administratif de La Réunion l'a condamné à verser à la société NOI la somme de 80 000 euros, assortie des intérêts moratoires prévus à l'article 14 du cahier des clauses administratives particulières applicables au marché litigieux, et capitalisation des intérêts à compter du 19 février 2019.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire (...) ". Aux termes de l'article R. 611-1 de ce même code : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. (...) / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ".

3. Si le mémoire enregistré le 28 octobre 2019 au greffe du tribunal administratif présenté pour la société NOI n'a pas été communiqué au TCO, il ressort toutefois des pièces du dossier que ce mémoire ne comportait aucun élément nouveau. Par suite, en s'abstenant de lui communiquer ce mémoire, le tribunal, qui était tenu de le viser et de l'analyser, n'a pas méconnu les dispositions citées ci-dessus et n'a donc pas entaché son jugement d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Aux termes des stipulations de l'article 11 " Vérification quantitative et qualitative " du cahier des clauses administratives particulières du marché dont s'agit (CCAP) : " Les opérations de vérification ont pour but de constater la bonne exécution des prestations prévues au présent contrat. Celles-ci seront effectuées par des agents agréés du TCO. Elles sont effectuées à l'occasion des interventions du titulaire ou indépendamment de celles-ci, conformément aux dispositions de l'article 22 du CCAG-FCS. / Conformément à l'article 25 du CCAG-FCS, les opérations de vérification peuvent conduire le TCO à : / -admettre les prestations dues par le titulaire ; / - demander au titulaire une reprise des prestations dont l'exécution s'est révélée n'être pas conforme au contrat. Le titulaire prendra toute les dispositions pour reprendre la prestation dans le délai prévu. Tout défaut non repris, ou repris dans un délai supérieur à celui prévu, donne lieu à des pénalités conformément à l'article 15 du CCAP ; / - prononcer une réfaction lorsque le TCO estime que des prestations ne satisfont pas entièrement aux conditions du contrat, mais qu'elles présentent des possibilités d'admission en l'état. Le TCO peut alors prononcer une réfaction qui consiste en une réduction de prix selon l'étendue des imperfections constatées ". Il résulte de ces stipulations qu'elles concernent des prestations regardées comme exécutées par le titulaire du marché, auquel il appartient, en application des dispositions de l'article 22.2 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de fournitures courantes et de services (CCAG-FCS), d'aviser le pouvoir adjudicateur de la date à partir de laquelle ces prestations pourront être présentées en vue des opérations de vérification et qui, en application de l'article 22.3, doit être avisé par le pouvoir adjudicateur des jours et heures fixés pour ces opérations, afin de lui permettre d'y assister ou de se faire représenter. En outre, elles ont pour but de permettre au pouvoir adjudicateur de s'assurer de la bonne exécution de ces prestations et, le cas échéant, de demander au titulaire de les reprendre dans un délai déterminé et, seulement en cas d'inaction fautive du titulaire, d'appliquer les pénalités prévues à l'article 15 précité du CCAP.

5. Il résulte de la combinaison des stipulations précitées des articles 11 et 15 du CCAP que la commune intention des parties ne pouvait être de subordonner à l'initiative du titulaire du marché, la constatation d'une mauvaise exécution des prestations telle que l'absence de collecte des déchets dans 83 rues, manquements dont la constatation ne saurait être programmée. Il résulte, au contraire, de ces stipulations que la procédure prévue à l'article 11, à supposer qu'elle soit adaptée à l'exécution d'un marché concernant la collecte mensuelle ou bimensuelle de déchets végétaux et encombrants, est distincte de celle prévue à l'article 15 quand bien même l'incapacité du titulaire à reprendre les prestations dont le TCO estime qu'elles ne satisfont pas entièrement aux conditions du contrat est également de nature à donner lieu, dans les conditions prévues à l'article 11, aux pénalités prévues à l'article 15.

6. Il résulte de ce qui précède que le TCO est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a déchargé la société NOI de l'obligation de payer la pénalité de 80 000 euros au motif que la procédure n'avait pas respecté les stipulations de l'article 11 du CCAP et de l'article 22 du CCAG FCS.

7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société NOI devant le tribunal administratif de La Réunion

8. En application des stipulations de l'article 15 du CCAP, la méconnaissance par le titulaire du marché de ses engagements contractuels, listés à cet article, donne lieu à l'application des pénalités correspondantes. Aux termes des modalités d'application prévues par le même article : " (...) une notification indiquant la nature de l'infraction et le montant de la pénalité est envoyée au titulaire du marché par LRAR. Ce dernier dispose alors d'un délai de 10 jours afin de formuler ses observations. / À l'expiration de ce délai et à défaut d'observations, un titre de recette sera émis au TCO à l'encontre du titulaire, d'un montant correspondant aux pénalités indiquées dans le courrier de mise en demeure. / En cas d'observations et après analyse de celles-ci par le TCO, ce dernier adresse un courrier par LRAR au titulaire lui indiquant la suite réservée par le TCO aux éléments de réponse apportées par le titulaire, et émet le cas échéant un titre de recette correspondant au montant des pénalités dont il doit s'acquitter ". Aux termes de l'article 11.7 du CCAG FCS : " 11. 7. Acceptation de la demande de paiement par le pouvoir adjudicateur : / Le pouvoir adjudicateur accepte ou rectifie la demande de paiement. Il la complète, éventuellement, en faisant apparaître les avances à rembourser, les primes et les réfactions imposées. / Il arrête le montant de la somme à régler et, s'il est différent du montant figurant dans la demande de paiement, il le notifie ainsi arrêté au titulaire ".

9. Il résulte de ces stipulations, d'une part, que la décision d'infliger les pénalités ainsi prévues est matérialisée par l'émission d'un titre de recette ou une retenue sur paiement des factures correspondant au montant des pénalités et, d'autre part, que l'application de ces pénalités est subordonnée au respect de la procédure contradictoire que prévoient lesdites stipulations.

10. Il suit de là que la société NOI n'est pas fondée à soutenir que les lettres des 10 avril et 21 août 2017 par lesquelles elle a été informée, en premier lieu, de l'application d'une pénalité à hauteur de 83 000 euros et, en second lieu, de la prise en compte de ses observations en ce qui concerne l'absence de collecte dans trois rues qui ne faisaient pas l'objet d'une collecte en porte à porte et du maintien de la pénalité d'un montant pour un montant de 80 000 euros, caractérisaient des décisions que leur signataire n'aurait pas été compétent pour prendre. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de ces lettres doit être écarté.

11. Ainsi qu'il a été indiqué au point 5, le TCO n'était pas tenu de respecter la procédure prévue à l'article 11 du CCAP préalablement à l'application des pénalités prévues à l'article 15 du même cahier. Par suite, les moyens tirés de ce que le TCO n'a ni avisé la société NOI des jours et horaires des contrôles, ni adressé à cette même société une mise en demeure préalablement à la mise en œuvre des pénalités ne peuvent qu'être écartés.

12. Aux termes de l'article 15 du CCAP : " (...) le non-respect des engagements contractuels par le fait du titulaire donne lieu à l'application de pénalités déterminées dans le tableau suivant : (...) non collecte sur toute une rue / 1 000 euros par infraction constatée (...) / L'application des pénalités ne dispensera pas le titulaire d'exécuter les prestations incriminées (...) ".

13. Le TCO a infligé à la société NOI les pénalités prévues à l'article 15 du CCAP en raison de l'absence de collecte de déchets dans 80 rues le 14 mars 2017, manquements constatés dans le rapport journalier. Si la société NOI fait valoir qu'il s'agissait de collectes partielles des rues et non d'une absence de collecte, elle n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses allégations. Au demeurant, l'article 8.1.1 du cahier des clauses techniques particulières qui prévoit que le titulaire est tenu d'assurer le ramassage total de l'ensemble des déchets présentés à la collecte, assimile une collecte partielle à une absence de collecte. En outre, elle ne peut utilement se prévaloir de ce que toutes les rues ont été collectées entre le 14 et le 16 mars 2017 et que l'absence de collecte mensuelle a ainsi fait l'objet d'une reprise dès lors qu'il ressort de l'article 6 du cahier des clauses techniques particulières que tout dépassement de l'horaire terminal prévu sans justificatif accepté par le TCO justifie l'application des pénalités prévues à l'article 15 du CCAP, et de ce dernier article qu'une pénalité supplémentaire sera appliquée tant que la correction ne sera pas réalisée. Enfin, la seule circonstance que le pouvoir adjudicateur a demandé les dates et jours de rattrapage afin de donner cette information aux usagers en appelant le numéro vert ne suffit à établir l'intention de TCO ni d'appliquer les stipulations de l'article 11 du CCAP ni d'avoir renoncé à infliger des pénalités de retard.

14. En outre, la société NOI ne justifie pas que le TCO aurait sous-estimé les besoins réels de collecte de déchets verts et leur saisonnalité en se bornant à faire valoir que le marché précédent ne prévoyait pas une collecte mensuelle ou bimensuelle mais hebdomadaire et que les usagers ne se seraient pas adaptés à cette modification de la fréquence de collecte, alors que l'annexe 1 à l'acte d'engagement définissait des tonnages minimum et maximum en deçà et au-delà desquels l'article 12.5 du CCAP prévoyait que la consistance du marché devait être regardée comme modifiée dans une mesure justifiant la négociation d'un avenant, et que l'appelante n'établit ni même ne soutient que ce tonnage maximum aurait été dépassé. De plus, en application de l'article 4.3 du CCTP, et ainsi qu'il a été précisé à la société NOI en réponse à une question qu'elle avait formulée au stade de l'appel d'offre, le titulaire du marché doit être en mesure de procéder à la collecte des déchets végétaux en cas de dépassement ponctuel de la quantité de déchets végétaux en vrac prévue au marché. En outre, les stipulations de l'article 9.1 du CCAP précisent que " le titulaire est réputé connaître les lieux et s'être rendu compte de sa situation exacte, de l'importance et de la nature des services à effectuer et de toutes les difficultés et les sujétions pouvant résulter de leur exécution ". Enfin, les stipulations des articles 8.1 et 9.2 du CCTP précisent, respectivement, que " Le titulaire devra assurer le ramassage total de l'ensemble des déchets présentés à la collecte. Il devra tenir compte de la saisonnalité de la production des déchets. Il devra, le cas échéant, renforcer ses moyens de collecte ", et que " le titulaire devra définir et mettre en œuvre les moyens nécessaires à la bonne exécution du service ". Enfin, la société NOI n'établit pas en quoi les incivilités des usagers, et notamment leur irrespect des jours de collecte pour le dépôt des déchets verts, l'auraient placée dans l'incapacité de respecter ses obligations contractuelles et ne peut utilement se prévaloir de l'attitude du TCO, qui serait resté passif face à l'indiscipline chronique des usagers. Par suite, la société NOI n'est pas fondée à soutenir que les pénalités appliquées n'auraient pas été justifiées.

15. Si, lorsqu'il est saisi d'un litige entre les parties à un marché public, le juge du contrat doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat, il peut, à titre exceptionnel, saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché et compte tenu de l'ampleur du retard constaté dans l'exécution des prestations. Lorsque le titulaire du marché saisit le juge de conclusions tendant à ce qu'il modère les pénalités mises à sa charge, il ne saurait utilement soutenir que le pouvoir adjudicateur n'a subi aucun préjudice ou que le préjudice qu'il a subi est inférieur au montant des pénalités mises à sa charge. Il lui appartient de fournir aux juges tous éléments, relatifs notamment aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige, de nature à établir dans quelle mesure ces pénalités présentent selon lui un caractère manifestement excessif. Au vu de l'argumentation des parties, il incombe au juge soit de rejeter les conclusions dont il est saisi en faisant application des clauses du contrat relatives aux pénalités, soit de rectifier le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché dans la seule mesure qu'impose la correction de leur caractère manifestement excessif.

16. Les pénalités infligées à la société NOI d'un montant de 80 000 euros, qui représentent 0,36 % du montant total du marché dont le TCO soutient, sans être aucunement contesté, qu'il s'élève à la somme globale de 22 millions d'euros pour une durée de six ans, et 12 % du montant du chiffre d'affaires annuel facturé pour la seule exécution des prestations de collecte des encombrants, ne peuvent être regardées comme excessives. Par suite, les conclusions de la société NOI tendant à la modération de ses pénalités ne peuvent qu'être rejetées.

17. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de réformer le jugement attaqué, d'une part, en tant qu'il a condamné le TCO à verser à la société NOI la somme de 80 000 euros, somme assortie des intérêts moratoires prévus à l'article 14 du cahier des clauses administratives particulières applicables au marché litigieux et capitalisation des intérêts à compter du 19 février 2019 et, d'autre part, en tant qu'il a mis à la charge du TCO une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés pour l'instance par la société NOI.

Sur les frais liés au litige :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de TCO, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par la société NOI et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société NOI une somme de 1 500 euros à verser à TCO.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1800175 du tribunal administratif de La Réunion du 15 avril 2020 est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par la société Nicollin Océan Indien devant le tribunal administratif de La Réunion ainsi que celles qu'elle a présentées devant la cour sont rejetées.

Article 3 : La société Nicollin Océan Indien versera à la communauté d'agglomération du territoire de la Côte Ouest la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Nicollin Océan Indien, et à la communauté d'agglomération du territoire de la Côte Ouest.

Délibéré après l'audience du 10 février 2022 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,

Mme Nathalie Gay, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mars 2022.

La rapporteure,

Nathalie GayLe président,

Éric Rey-Bèthbéder La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au préfet de La Réunion en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX01886


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 20BX01886
Date de la décision : 10/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-01-03 Marchés et contrats administratifs. - Exécution financière du contrat. - Rémunération du co-contractant. - Pénalités de retard.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : SCP CHARREL et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-03-10;20bx01886 ?
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