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28/02/2022 | FRANCE | N°21BX04000

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 28 février 2022, 21BX04000


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 20 mai 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2002937 du 15 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2021, M. B..., repré

senté par Me Cazanave, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 20 mai 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2002937 du 15 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2021, M. B..., représenté par Me Cazanave, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 15 juillet 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 20 mai 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer, sans délai, une autorisation provisoire de séjour ainsi qu'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle dès lors que le certificat médical produit atteste de la gravité de sa pathologie et de la nécessité de soins en France, non réalisables de manière coordonnée dans son pays d'origine ; n'étant pas affilié à l'assurance maladie en Tunisie et ne disposant d'aucune ressource, il ne pourra accéder aux soins de manière effective dans son pays d'origine ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale ;

- cette décision méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination est privée de base légale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 décembre 2021, le préfet la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Birsen Sarac-Deleigne a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant tunisien, né le 23 septembre 1978, est entré irrégulièrement en France le 24 février 2019, selon ses déclarations. Le 10 octobre 2019, il a sollicité son admission au séjour en raison de son état de santé sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 20 mai 2020, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer le titre sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 15 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité du refus du titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention ''vie privée et familiale'' est délivrée de plein droit : (...) 11° A 1'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

3. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens des dispositions précitées, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'accès effectif ou non à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

4. Par un avis du 13 janvier 2020, le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et qu'à la date de l'avis, son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine.

5. Pour contester cet avis, le requérant produit un certificat médical daté du 10 juin 2020, soit postérieurement à l'arrêt attaqué, émis par le chef de service en médecine interne de l'hôpital Joseph Ducuing à Toulouse, mentionnant que M. B... souffre d'une insuffisance rénale nécessitant trois séances d'hémodialyse par semaine, d'une cardiopathie hypertrophique probablement secondaire à la dialyse ainsi que d'un asthme sévère et que sa pathologie grave, justifie " des soins en France, non réalisables de manière coordonnée dans son pays d'origine ". L'intéressé produit également un certificat médical du 4 août 2021, établi par un psychologue, d'où il ressort que le requérant est en situation de détresse du fait de sa grande précarité et de sa situation administrative. Toutefois, ces certificats médicaux, s'ils confirment la nécessité d'une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ne se prononcent pas sur l'indisponibilité dans le pays d'origine de l'intéressé d'un traitement et de soins adaptés à son état de santé. Dans ces conditions, ces pièces médicales ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration selon laquelle l'intéressée peut bénéficier des soins qui lui sont nécessaires dans son pays d'origine. En outre, les difficultés évoquées du système de santé tunisien ne démontrent pas une défaillance généralisée du système de santé de ce pays pour traiter les problèmes d'insuffisance rénale alors que le requérant âgé de 41 ans soutient y avoir bénéficié de soins de dialyse depuis l'âge de 23 ans. Enfin, l'absence d'impôts dus au titre de l'année 2019 et l'attestation de non affiliation au régime de sécurité sociale tunisien délivrée le 10 juin 2020, ne sauraient suffire pour permettre de retenir qu'il ne pourrait bénéficier d'une prise en charge effective alors qu'il ne justifie d'aucune démarche en ce sens et que la Tunisie dispose d'un système d'assistance médicale gratuite couvrant le recours aux soins dans les structures publiques de santé pour les personnes pauvres qui bénéficient d'une gratuité des soins et les personnes vulnérables qui paient seulement le ticket modérateur. M. B..., qui n'établit pas la nécessité de recourir systématiquement à des services de transports payants, ne produit pas d'éléments permettant d'estimer que le traitement de son affection lui serait financièrement inaccessible. Par suite, le moyen tiré de l'inexacte application des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de l'intéressé.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale de l'obligation de quitter le territoire français en raison de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour doit être écarté.

7. En deuxième lieu aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ". Ainsi qu'il a été dit au point 5, et en l'absence de tout autre élément invoqué par le requérant, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... ne pourrait pas effectivement bénéficier de soins adaptés à sa pathologie dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

8. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale de la décision fixant le pays de renvoi en raison de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter également ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 8 février 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère,

Mme Laury Michel, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 février 2022.

La rapporteure,

Birsen Sarac-DeleigneLa présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX04000


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX04000
Date de la décision : 28/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Birsen SARAC-DELEIGNE
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : CAZANAVE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-02-28;21bx04000 ?
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