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28/02/2022 | FRANCE | N°19BX03112

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 28 février 2022, 19BX03112


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Logix a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, pour un montant de 28 738 euros.

Par un jugement n° 1701220 du 16 avril 2019, le tribunal administratif de Toulouse a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2

5 juillet 2019 et des mémoires enregistrés les 3 juin 2020 et 12 octobre 2020, le ministre de l'éco...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Logix a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, pour un montant de 28 738 euros.

Par un jugement n° 1701220 du 16 avril 2019, le tribunal administratif de Toulouse a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2019 et des mémoires enregistrés les 3 juin 2020 et 12 octobre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 16 avril 2019 ;

2°) de rétablir la société Logix à raison des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquelles elle a été assujettie pour les cessions de terrains à bâtir des 20 septembre 2013 et 27 février 2014, pour la somme globale de 28 788 euros avec toutes les conséquences de droit.

Il soutient que :

- le bénéfice du régime de taxe sur la valeur ajoutée prévue à l'article 268 du code général des impôts s'applique aux seules livraisons d'immeubles acquis sans droit à déduction et revendus en gardant la même qualification juridique, c'est-à-dire aux cessions de terrains à bâtir qui ont été acquis précédemment comme terrains n'ayant pas le caractère d'immeubles bâtis ou d'immeubles achevés depuis plus de cinq ans qui ont été acquis précédemment en l'état d'immeuble déjà bâti ;

- la parcelle d'assiette d'une construction ne peut être considérée comme terrain à bâtir que lorsque l'immeuble bâti est impropre à un tel usage, donc destiné à être détruit ;

- les mutations de terrains détachés d'immeubles bâtis sont susceptibles d'être taxées sur la marge en application de l'article 268 du code général des impôts, sous réserve que dans l'acte d'acquisition chaque terrain destiné à être revendu soit clairement identifié comme tel, avec précision des références cadastrales et de sa contenance, distinctement des immeubles bâtis dont il est détaché, que le prix d'acquisition fasse l'objet d'une ventilation entre la partie afférente à chaque terrain détaché et celle correspondant à l'immeuble bâti, et que chaque élément, terrain détaché et immeuble bâti, soit soumis au régime fiscal approprié selon sa qualification, en matière de droit de mutation et de plus-values ;

- en l'espèce, les terrains à bâtir revendus ont été acquis comme terrain d'assiette d'un immeuble bâti, et comme tels, assimilés à ce dernier, de sorte que l'identité entre les biens acquis et les biens revendus n'est pas vérifiée ; en ne prenant pas en compte le changement de qualification juridique intervenu entre l'acquisition initiale et la cession, les premiers juges ont fait une mauvaise appréciation des faits ;

- en outre, lorsqu'une opération porte sur des terrains faisant l'objet d'une division parcellaire et de reventes par lots, susceptibles d'être mis sur le marché pour la première fois, le régime de la taxation à la marge apparaît contraire au principe selon lequel tout bien doit être soumis au moins une fois à la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix global ;

- les reventes de terrains à bâtir en litige doivent être soumis à la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix total ;

- le Conseil d'Etat a confirmé par une décision du 27 mars 2020 l'inapplicabilité du régime de la taxe sur la valeur ajoutée à la marge à la cession d'un terrain acquis comme terrain bâti et revendu en tant que terrain à bâtir à la suite de la démolition de l'immeuble qui y était édifié ;

- en revanche, l'administration fiscale n'exige plus que le bien revendu soit identique au bien acquis quant à ses caractéristiques physiques.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 20 novembre 2019 et 15 septembre 2020, la société Logix, représentée par Me Serrée de Roch, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'article 268 du code général des impôts subordonne l'application de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge à la seule condition que l'acquisition n'ait pas ouvert droit à déduction ;

- la condition d'identité de qualification juridique résulte d'une instruction administrative référencée BOl-TVA-IMM-10-20-10-20140915 n° 20 illégale et non-conforme à la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

- l'arrêt du Conseil d'Etat du 27 mars 2020 ne remet pas en cause l'application du régime revendiqué dès lorsqu'elle n'a procédé en l'espèce à aucune démolition des bâtiments situés sur les terrains.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Birsen Sarac-Deleigne,

- et les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. La société Logix qui exerce une activité de marchands de biens, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, à l'issue de laquelle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été notamment mis à sa charge pour un montant de 26 511 euros, assortis de 2 227 euros d'intérêts de retard. Par un jugement du 16 avril 2019, le tribunal administratif de Toulouse a déchargé la société des rappels résultant de la remise en cause du bénéfice de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge qu'elle avait appliquée à raison de la cession, le 20 septembre 2013 et le 27 février 2014, de terrains à bâtir issus après division parcellaire, de deux ensembles immobiliers comportant chacun une maison d'habitation avec des dépendances bâties et non bâties, acquis le 8 mars 2013 et 14 mai 2013, respectivement sur le territoire des communes de Plaisance-du-Touch et d'Aussonne. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel du jugement par lequel les premiers juges ont fait droit à la demande de cette société.

2. Le I de l'article 257 du code général des impôts dans sa rédaction applicable, issu de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du 2 du b de l'article 266 du même code, l'assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession.

3. L'article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que : " Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition, la base d'imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ". Il résulte de ces dispositions telles qu'interprétées par la Cour de Justice de l'Union Européenne, dans son arrêt du 30 septembre 2021, Icade promotion SAS (C-299-20) que le régime de la taxation à la marge peut s'appliquer à des opérations de livraison de terrains à bâtir aussi bien lorsque leur acquisition a été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, sans que l'assujetti qui les revend ait eu le droit de déduire cette taxe, que lorsque leur acquisition n'a pas été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée alors que le prix auquel l'assujetti-revendeur a acquis ces biens incorpore un montant de taxe sur la valeur ajoutée qui a été acquitté en amont par le vendeur initial. Toutefois, en dehors de cette hypothèse, cette disposition ne s'applique pas à des opérations de livraison de terrains à bâtir dont l'acquisition initiale n'a pas été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, soit qu'elle se trouve en dehors de son champ d'application, soit qu'elle s'en trouve exonérée. Par ailleurs, si cet article exclut l'application du régime de taxation sur la marge à des opérations de livraison de terrains à bâtir lorsque ces terrains acquis non bâtis sont devenus, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l'assujetti, des terrains à bâtir, il n'exclut pas l'application de ce régime à des opérations de livraison de terrains à bâtir lorsque ces terrains ont fait l'objet, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l'assujetti, de modifications de leurs caractéristiques telles qu'une division en lots ou la réalisation de travaux d'aménagement permettant l'installation de réseaux desservant lesdits terrains, à l'instar, notamment, des réseaux de gaz ou d'électricité.

4. L'article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit, dans sa rédaction également issue de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, que : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir (...), si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; / 2° D'autre part, selon le cas : / - soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain(...); / - soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu'il a effectué ".

5. Il résulte de ces dernières dispositions, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d'assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elles prévoient s'appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s'appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d'un terrain bâti, notamment quand le bâtiment qui y était édifié a fait l'objet d'une démolition de la part de l'acheteur-revendeur ou quand le bien acquis a fait l'objet d'une division parcellaire en vue d'en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d'assiette du bâtiment.

6. Il résulte de l'instruction que la société Logix a cédé en tant que terrains à bâtir, sous le régime de la taxe sur la valeur ajoutée à la marge, le 20 septembre 2013, la parcelle CO 290, pour un prix de 124 000 euros et le 27 février 2014, les parcelles ZK 473 et 474, pour un prix de 122 500 euros. Il est constant que les terrains à bâtir ainsi vendus par la société intimée formaient lors de leur acquisition par la société, une partie d'un terrain bâti. En outre, il résulte de l'instruction que l'acquisition a été effectuée auprès de non-assujettis et n'a pas été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée et il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que le prix d'acquisition incorpore un montant de taxe sur la valeur ajoutée qui a été acquittée en amont par le vendeur initial. Dès lors et contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, ces cessions ne pouvaient ouvrir droit à l'application du régime de taxation sur la marge prévu à l'article 268 du code général des impôts.

7. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par la société.

8. Les impositions ayant été établies conformément à la loi et à la directive du 28 novembre 2006, les moyens tirés de l'illégalité et de l'inconventionnalité de la doctrine administrative référencée BOI-TVA-IMM-10-20-10 sont inopérants.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a déchargé la société Logix des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par cette société au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1701220 du 16 avril 2019 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : La demande de la société Logix présentée devant le tribunal administratif de Toulouse ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Les rappels en droits et pénalités de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la société Logix au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 sont remis à la charge de la société.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la société à responsabilité limitée Logix.

Copie pour information en sera délivrée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 8 février 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère,

Mme Laury Michel, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 février 2022.

La rapporteure,

Birsen Sarac-DeleigneLa présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX03112


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX03112
Date de la décision : 28/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-04 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Éléments du prix de vente taxables.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Birsen SARAC-DELEIGNE
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : SEREE DE ROCH

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-02-28;19bx03112 ?
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