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28/02/2022 | FRANCE | N°19BX03111

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 28 février 2022, 19BX03111


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) DCOM a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge, à concurrence de 72 631 euros, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que du montant des intérêts de retard correspondants mis à sa charge au titre des ventes de terrains à bâtir réalisées les 29 décembre 2014, 26 février 2015, 10 mars 2015 et 27 novembre 2015.

Par un jugement n° 1701895 du 17 avril 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à sa dema

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Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2019 et d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) DCOM a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge, à concurrence de 72 631 euros, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que du montant des intérêts de retard correspondants mis à sa charge au titre des ventes de terrains à bâtir réalisées les 29 décembre 2014, 26 février 2015, 10 mars 2015 et 27 novembre 2015.

Par un jugement n° 1701895 du 17 avril 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2019 et des mémoires enregistrés les 3 juin 2020 et 4 décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 17 avril 2019 ;

2°) de rétablir la société DCOM en droits et pénalités à raison des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquelles elle a été assujettie pour les cessions de terrains à bâtir des 29 décembre 2014, 26 février 2015, 10 mars 2015 et 27 novembre 2015, pour la somme de 75 383 euros avec toutes les conséquences de droit.

Il soutient que :

- le bénéfice du régime de taxe sur la valeur ajoutée prévue à l'article 268 du code général des impôts s'applique aux seules livraisons d'immeubles acquis sans droit à déduction et revendus en gardant la même qualification juridique, c'est-à-dire aux cessions de terrains à bâtir qui ont été acquis précédemment comme terrains n'ayant pas le caractère d'immeubles bâtis ou d'immeubles achevés depuis plus de cinq ans qui ont été acquis précédemment en l'état d'immeuble déjà bâti ;

- la parcelle d'assiette d'une construction ne peut être considérée comme terrain à bâtir que lorsque l'immeuble bâti est impropre à un tel usage, donc destiné à être détruit ;

- les mutations de terrains détachés d'immeubles bâtis sont susceptibles d'être taxées sur la marge en application de l'article 268 du code général des impôts, sous réserve que dans l'acte d'acquisition chaque terrain destiné à être revendu soit clairement identifié comme tel, avec précision des références cadastrales et de sa contenance, distinctement des immeubles bâtis dont il est détaché, que le prix d'acquisition fasse l'objet d'une ventilation entre la partie afférente à chaque terrain détaché et celle correspondant à l'immeuble bâti, et que chaque élément, terrain détaché et immeuble bâti, soit soumis au régime fiscal approprié selon sa qualification, en matière de droit de mutation et de plus-values ;

- en l'espèce, en considérant que le fait de procéder à la vente d'un terrain à bâtir issu d'une acquisition portant sur un immeuble bâti et son terrain d'assiette ne fait pas obstacle à l'application des dispositions de l'article 268 du code général des impôts, les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation des faits qui a conduit à une application inexacte du droit ; les divisions parcellaires sont intervenues postérieurement aux acquisitions des biens litigieux et avant les premières ventes des terrains ;

- le Conseil d'Etat a confirmé par une décision du 27 mars 2020 l'inapplicabilité du régime de la taxe sur la valeur ajoutée à la marge à la cession d'un terrain acquis comme terrain bâti et revendu en tant que terrain à bâtir à la suite de la démolition de l'immeuble qui y était édifié ;

- en revanche, l'administration fiscale n'exige plus que le bien revendu soit identique au bien acquis quant à ses caractéristiques physiques ;

- les reventes de terrains à bâtir en litige doivent être soumis à la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix total ;

- les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat au paiement des dépens sont irrecevables.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 octobre 2019 et 25 novembre 2020, la société DCOM, représentée par Me Gérard-Deprez, conclut :

1°) au rejet de la requête et à la confirmation du jugement attaqué ;

2°) à titre subsidiaire, à ce qu'une question préjudicielle soit posée à la Cour de justice de l'Union Européenne quant au sens et à la portée de l'article 392 de la directive 2006/112 du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée au regard de l'application du régime de taxation sur la marge à des opérations de livraisons d'immeubles qualifiés, en droit interne, de terrain à bâtir, lorsque ces immeubles ont acquis cette qualification (terrain ayant supporté une construction qui a été démolie ou terrain détaché du terrain d'assiette d'un immeuble bâti) entre leur acquisition et leur revente ;

3°) à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que des dépens.

Elle soutient que :

- l'article 268 du code général des impôts subordonne l'application de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge à la seule condition que l'acquisition n'ait pas ouvert droit à déduction ; dès lors qu'elle n'est pas prévue par le texte, la condition d'identité de qualification juridique exigée par l'administration fiscale ne saurait faire obstacle à l'application de ce régime ;

- la lecture de l'article 392 de la directive européenne du 28 novembre 2006 qui a été donnée par le Conseil d'Etat dans son arrêt du 27 mars 2020 est discutable ;

- la Cour de justice de l'Union Européenne n'ayant jamais donné aucune interprétation de l'article 392 de la directive sur la question de savoir si la cession d'un terrain à bâtir qui avait la nature d'un immeuble bâti au moment de son acquisition est éligible au régime de la taxation sur la marge qu'il prévoit, il apparait opportun de lui poser une question préjudicielle sur ce point.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Birsen Sarac-Deleigne,

- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public,

- et les observations de Me Fersi, représentant la société DCOM.

Considérant ce qui suit :

1. La société DCOM qui exerce une activité de marchands de biens, de promoteur immobilier et de travaux en sous-traitance, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis à sa charge au titre de la période du 17 avril 2014 au 31 mars 2016 pour un montant de 79 005 euros, assortis de 2 845 euros d'intérêts de retard. Par un jugement du 17 avril 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a déchargé la société à concurrence de la somme demandée de 72 631 euros des rappels résultant de la remise en cause du bénéfice de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge qu'elle avait appliquée à raison de la cession en 2014 et 2015 de cinq terrains à bâtir, issus après division parcellaire, de deux ensembles immobiliers bâtis acquis les 15 juillet 2014 et 29 mai 2015 sur le territoire de la commune du Haillan. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel du jugement par lequel les premiers juges ont fait droit à la demande de cette société.

2. Le I de l'article 257 du code général des impôts dans sa rédaction applicable, issue de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du 2 du b de l'article 266 du même code, l'assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession.

3. L'article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que : " Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition, la base d'imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ". Il résulte de ces dispositions telles qu'interprétées par la Cour de Justice de l'Union Européenne, dans son arrêt du 30 septembre 2021, Icade promotion SAS (C-299-20) que le régime de la taxation à la marge peut s'appliquer à des opérations de livraison de terrains à bâtir aussi bien lorsque leur acquisition a été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, sans que l'assujetti qui les revend ait eu le droit de déduire cette taxe, que lorsque leur acquisition n'a pas été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée alors que le prix auquel l'assujetti-revendeur a acquis ces biens incorpore un montant de taxe sur la valeur ajoutée qui a été acquitté en amont par le vendeur initial. Toutefois, en dehors de cette hypothèse, cette disposition ne s'applique pas à des opérations de livraison de terrains à bâtir dont l'acquisition initiale n'a pas été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, soit qu'elle se trouve en dehors de son champ d'application, soit qu'elle s'en trouve exonérée. Par ailleurs, si cet article exclut l'application du régime de taxation sur la marge à des opérations de livraison de terrains à bâtir lorsque ces terrains acquis non bâtis sont devenus, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l'assujetti, des terrains à bâtir, il n'exclut pas l'application de ce régime à des opérations de livraison de terrains à bâtir lorsque ces terrains ont fait l'objet, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l'assujetti, de modifications de leurs caractéristiques telles qu'une division en lots ou la réalisation de travaux d'aménagement permettant l'installation de réseaux desservant lesdits terrains, à l'instar, notamment, des réseaux de gaz ou d'électricité.

4. L'article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit, dans sa rédaction également issue de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, que : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir (...), si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; / 2° D'autre part, selon le cas : / - soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain(...); / - soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu'il a effectué ".

5. Il résulte de ces dernières dispositions, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d'assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elles prévoient s'appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s'appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d'un terrain bâti, notamment quand le bâtiment qui y était édifié a fait l'objet d'une démolition de la part de l'acheteur-revendeur ou quand le bien acquis a fait l'objet d'une division parcellaire en vue d'en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d'assiette du bâtiment.

6. Il résulte de l'instruction que la société DCOM a acquis, d'une part, par acte du 15 juillet 2014, auprès d'un particulier, un terrain cadastré section AI n° 0089 comprenant une maison d'habitation, et, d'autre part, par acte du 29 mai 2015, un terrain cadastré section AI n° 0088 comprenant une maison d'habitation et un abri de jardin. Après avoir démoli les constructions et procédé à plusieurs redécoupages parcellaires des terrains, la société a revendu les 29 décembre 2014, 26 février 2015, 10 mars 2015 et 27 novembre 2015, cinq lots comme terrains à bâtir à différents acquéreurs, en assujétissant chacune de ces opérations à la taxe sur la valeur ajoutée selon le régime de taxation à la marge. Il est constant que les parcelles revendues formaient lors de leur acquisition par la société DCOM une partie d'un terrain bâti. En outre, il résulte de l'instruction que l'acquisition a été effectuée auprès de non-assujettis et n'a pas été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée et il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que le prix d'acquisition incorpore un montant de taxe sur la valeur ajoutée qui aurait été acquittée en amont par le vendeur initial. Dès lors, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que ces cessions pouvaient ouvrir droit à l'application du régime de taxation sur la marge prévu à l'article 268 du code général des impôts.

7. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par la société.

8. Les impositions ayant été établies conformément à la loi, le moyen tiré de l'illégalité de la doctrine administrative référencée BOI-TVA-IMM-10-20-10 est inopérant.

9. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il y ait lieu de surseoir à statuer pour poser les questions préjudicielles sollicitées par la société DCOM, que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a déchargé la société DCOM des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par cette société au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. En l'absence de dépens au sens des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative dans la présente instance, les conclusions présentées à ce titre par la société DCOM ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1701895 du 17 avril 2019 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société DCOM devant le tribunal administratif de Bordeaux ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la société DCOM au titre des cessions de terrain à bâtir des 29 décembre 2014, 26 février 2015, 10 mars 2015 et 27 novembre 2015 sont remis à la charge de la société, ainsi que les intérêts de retard correspondants.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la société par actions simplifiée DCOM.

Copie pour information en sera délivrée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 8 février 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère,

Mme Laury Michel, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 février 2022.

La rapporteure,

Birsen Sarac-DeleigneLa présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX03111


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX03111
Date de la décision : 28/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

19-06-02 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Birsen SARAC-DELEIGNE
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : SCP THEMISPHERE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-02-28;19bx03111 ?
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