Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 2011, 2012, 2013 et 2014.
Par un jugement n° 1803503 du 16 juin 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 août 2020, M. B..., représenté par Me Planchat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 juin 2020 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 2011, 2012, 2013 et 2014;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne la procédure :
- les propositions de rectifications sont contraires aux dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales (LPF), dès lors que les modalités de détermination des chiffres retenus (nombre de représentations, nombre de billets vendus et offerts) ne sont pas mentionnées dans ces propositions ; par suite, le contradictoire a été méconnu, puisqu'il n'a pas pu valablement discuter des motifs des redressements ;
- le droit à un procès équitable, tel que garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, fait que les simples constatations ou affirmations d'un vérificateur qui ne reposent pas sur un écrit doivent être écartées du débat ;
En ce qui concerne le bien-fondé :
- le service ne pouvait pas régulièrement procéder à une reconstitution extracomptable des recettes de la société ; il justifie de ce que les impositions établies sont exagérées ;
- la méthode de reconstitution employée est ainsi viciée dans son principe ; en outre, l'administration s'est appuyée, pour reconstituer les recettes, sur deux représentations exceptionnelles ;
En ce qui concerne les pénalités :
- l'administration ne démontre pas sa volonté d'éluder l'impôt, alors qu'aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, c'est à elle d'apporter la preuve de la mauvaise foi ou de manœuvres frauduleuses.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
-les conclusions en décharge des suppléments d'impôts sur le revenu mis à la charge de M. B... ne sont recevables qu'à hauteur des compléments d'imposition générés par la prise en compte des rehaussements apportés au montant du bénéfice industriel et commercial de la société de fait B... C... ;
-les moyens présentés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,
- et les conclusions de Mme Florence Madelaigue.
Considérant ce qui suit :
1. La société de fait B... C..., créée en 1993, qui a pour co-gérants M. C... et M. B..., exploite un cirque sous l'enseigne " Cirque Maximum " et a fait l'objet de deux vérifications de comptabilité portant respectivement sur les périodes du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 et du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014 en matière de taxe sur la valeur ajoutée et de bénéfices industriels et commerciaux. La comptabilité ayant été jugée irrégulière et non probante, l'administration a procédé à la reconstitution des recettes. Il en est résulté, pour la société, un complément de taxe sur la valeur ajoutée au titre des quatre années vérifiées, pour un montant total de 173 573 euros, et des suppléments d'impôt sur le revenu établis au nom de chacun des associés de la société de fait, soit un montant total de 720 707 euros pour M. B... et de 632 045 euros pour M. C.... M. B... fait appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 16 juin 2020, qui a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 2011 à 2014.
Sur les conclusions à fin de décharge :
En ce qui concerne la régularité de la procédure :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales (LPF) : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations.
3. Les propositions de rectification des 21 septembre et 26 novembre 2015 dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux adressées à M. B... comportent la désignation de l'impôt concerné, de l'année et de la base d'imposition et énoncent les motifs sur lesquels l'administration a entendu se fonder pour justifier les redressements envisagés. Elles indiquent que le service a rejeté la comptabilité présentée par la société de fait dont M. B... est l'un des deux co-associés, en joignant la copie des propositions de rectification adressées à la société les 21 septembre et 9 octobre 2015, lesquelles exposent les motifs de ce rejet et la méthode de reconstitution employée. Ainsi, s'agissant de la composante tenant au nombre annuel de représentations et de tournées, ces propositions précisent que le service s'est fondé sur les résultats du droit à communication qu'il a exercé auprès de l'imprimerie Lemesle et de la société Marketing Services 2, ainsi que sur les informations recueillies sur le site internet du cirque Maximum et sur sa page Facebook, ces données lui ayant permis de reconstituer le planning des tournées et d'évaluer le nombre moyen de représentations par mois, ce qui l'a conduit à évaluer le nombre de ces dernières à 275 sur une année. À ces constatations étaient joints, d'une part, un tableau synthétique du nombre moyen de représentations par mois et par an, ainsi que des tableaux détaillés précisant les jours de représentations et les communes dans lesquelles elles avaient eu lieu. S'agissant de la composante tenant au nombre de billets, sont exposées les méthodes de reconstitution distinctes utilisées pour chacune des activités " visite de la ménagerie " et " ventes de billet d'entrée ". Concernant la part des offerts pour ces derniers, le service a indiqué que ce nombre a été déterminé à 60 par spectacle en fonction des informations issues du dossier de presse du cirque, sachant qu'un nombre maximum de 30 places est offert à chacun des deux partenaires habituels, " presse locale " et " radio locale ". Dans ces conditions, les propositions de rectifications étaient suffisamment motivées au regard des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales et permettaient au requérant d'en discuter utilement les motifs. Le moyen tenant, pour cette raison, à un défaut de respect du principe du contradictoire, doit donc également être écarté.
4. En second lieu, M. B... fait valoir qu'il y a lieu, en vertu du droit à un procès équitable garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, d'écarter des débats les constatations du vérificateur quant au taux de remplissage du spectacle exceptionnel tenu le 25 mars 2015, cette constatation n'ayant donné lieu à aucun procès-verbal ou écrit, ainsi que l'affirmation du service, non confirmée par un écrit de M. C..., selon laquelle ce dernier aurait précisé, lors d'un entretien du 11 février 2015, que la capacité du cirque était de 400 ou 500 places.
5. Cependant, la détermination du taux de remplissage du cirque sur la base des constatations opérées par le vérificateur lors de la vérification de comptabilité de la société, sans qu'aucune irrégularité n'ait été commise à cette occasion, n'emporte par elle-même aucune violation du droit à un procès équitable. Au demeurant, M. B... n'établit ni même n'allègue que la société dont il est l'un des associés n'aurait pas été en mesure de présenter ses observations et d'opposer ses propres preuves aux données retenues par l'administration, concernant notamment le taux de remplissage de ses spectacles.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
6. Lors des vérifications de comptabilité dont le cirque " Le Maximum " a fait l'objet, l'administration a constaté l'absence de journal de recettes tenu au jour le jour, les recettes étant enregistrées en fin d'exercice comptable, que les seules écritures comptables passées en cours d'année étant extraites des saisies des relevés bancaires, aucune rentrée d'espèces n'était comptabilisée, sauf en fin d'année, où était effectuée la différence entre les billets vendus et les autres types de recettes, constituées de paiement sur internet, par chèques ou cartes bancaires, que les billets vendus sur internet ne donnaient pas lieu à la remise d'un ticket d'entrée et n'étaient pas conservés, que les ventes de confiserie et de produits dérivés n'étaient pas comptabilisées, contrairement à leur achat et que les entrées offertes, contre des prestations de publicité, n'étaient pas comptabilisées et ne faisaient pas l'objet de remise de billet. Le service vérificateur a également relevé plusieurs anomalies affectant l'impression des billets d'entrée, parmi lesquelles l'absence de factures afférentes à des billets revendus, des différences entre les couleurs de billets mentionnées sur les factures et les billets référencés, des séries de billets comportant des numérotations identiques.
7. En premier lieu, si M. B... fait valoir, à l'aide d'un procès-verbal d'huissier dressé le 12 mai 2017 effectuant l'inventaire des carnets de billets et des billets détachés de leur souche, de couleur différente, non utilisés, que la billetterie était de nature à justifier le chiffre d'affaires déclaré, par la différence entre le nombre de billets en stock conservés par la société et le nombre de ceux effectivement vendus au cours des périodes contrôlées, il résulte toutefois de l'instruction, et notamment des factures produites par l'imprimerie, que celle-ci a émis, pour certaines des années contrôlées, des carnets de billets de même couleur et comportant la même numérotation, empêchant ainsi tout rapprochement entre le stock des billets non vendus, les carnets facturés et les souches de billets correspondant à des entrées effectives.
8. Il résulte de ce qui précède, comme l'a déjà relevé à bon droit le tribunal administratif, que la comptabilité de la société B... C... présentait ainsi de graves lacunes et était dépourvue de toute valeur probante. Par suite, l'administration a pu à bon droit écarter cette comptabilité et procéder à une reconstitution de recettes de l'entreprise.
9. En second lieu, les impositions litigieuses ayant été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires émis le 22 novembre 2016, M. B... ne peut, en application de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, obtenir la décharge ou la réduction des impositions qu'il conteste qu'en apportant la preuve de leur exagération. À cette fin, s'il n'est pas en mesure d'établir le montant exact des résultats de la société en s'appuyant sur les données d'une comptabilité régulière et probante, il peut soit critiquer la méthode d'évaluation que l'administration a suivie en vue de démontrer en quoi elle aboutit à des évaluations exagérées, soit soumettre à l'appréciation du juge une nouvelle méthode d'évaluation aboutissant à des résultats plus satisfaisants.
10. M. B... soutient que la reconstitution appliquée par le vérificateur au titre des années 2011 à 2014 conduit à une exagération des recettes de la société précitée, au motif qu'a été pris pour référence le taux de remplissage du cirque lors de deux représentations à caractère exceptionnel, organisées le 25 mars 2015 en présence de la chanteuse Chantal Goya et que par ailleurs, la billetterie est de nature à justifier le chiffre d'affaires déclaré, dès lors que la société est en possession des souches de billets non utilisés ainsi qu'il a été constaté par huissier le 12 mai 2017. Il résulte toutefois de l'instruction, comme cela a été dit au point 6, que la société ne tenait pas de journal de recettes, ni au jour le jour ni lors de chaque représentation, que les recettes n'étaient enregistrées qu'une fois l'exercice comptable clôturé ou près de l'être, que sur l'ensemble des relevés bancaires, aucune entrée " espèces " n'était comptabilisée. La comptabilité de la société présentant ainsi de graves anomalies, de nature à la priver de tout caractère sincère et probant, l'appelant ne contredit pas utilement cette constatation de l'administration en se bornant à faire valoir qu'un constat d'huissier établit que la société était, au 12 mai 2017, en possession des souches de billets non utilisés, dès lors que toutes les ventes de place ne donnent pas lieu à la délivrance d'un billet et que les anomalies relevées interdisent tout rapprochement entre le stock de billets non vendus et les carnets facturés par l'imprimeur, la société Lemesle. Par ailleurs, s'agissant de l'évaluation des taux de remplissage, si le service vérificateur a en effet visité les installations du cirque le 25 mars 2015 et constaté que la capacité maximale du chapiteau était de 1 000 places, il a estimé sa capacité minimale à 440 places, sur laquelle il a appliqué un taux moyen de remplissage de 75 % et retenu un nombre de 270 spectateurs payants, par représentation.
11. Par suite, M. B... n'établit pas plus en appel qu'en première instance, que les bases d'imposition de la société auraient été exagérées au titre des années vérifiées, ni ne rapporte la preuve du caractère radicalement vicié ou excessivement sommaire de la méthode de reconstitution mise en œuvre, et ne propose aucune méthode alternative susceptible d'aboutir à des résultats inférieurs et plus précis que ceux auxquels l'administration est régulièrement parvenue.
En ce qui concerne les pénalités :
12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ".
13. M. B... reprend en appel, sans l'assortir d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement, le moyen tiré du caractère injustifié des pénalités pour manquement délibéré qui lui ont été appliquées. Il convient d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par l'administration, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande à fin de décharge des impositions litigieuses.
Sur les frais de l'instance :
15. L'État n'étant pas partie perdante, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de M. B... relatives aux frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de la relance. Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Ouest.
Délibéré après l'audience du 13 janvier 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,
Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère,
Mme Nathalie Gay, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 février 2022.
La rapporteure,
Florence Rey-Gabriac
La présidente,
Frédérique Munoz-Pauziès
La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX02607