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10/02/2022 | FRANCE | N°20BX00255

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 10 février 2022, 20BX00255


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée France Énergies a demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner la commune de Saint-Paul à lui verser la somme de 115 335,14 euros TTC au titre du solde de résiliation du marché de fourniture et pose de climatisation solaire thermique pour l'école primaire de Grand Fond signé le 18 novembre 2015.

Par un jugement n° 1700380 du 3 octobre 2019, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par

une requête et des mémoires, enregistrés les 17 janvier et 16 avril 2020 et le 12 avril 2021, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée France Énergies a demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner la commune de Saint-Paul à lui verser la somme de 115 335,14 euros TTC au titre du solde de résiliation du marché de fourniture et pose de climatisation solaire thermique pour l'école primaire de Grand Fond signé le 18 novembre 2015.

Par un jugement n° 1700380 du 3 octobre 2019, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 17 janvier et 16 avril 2020 et le 12 avril 2021, la société France Énergies, représentée par la SCP Noyer-Cazcarra, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 3 octobre 2019 ;

2°) de condamner la commune de Saint-Paul à lui verser la somme de 109 959,69 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation au titre du solde du marché résilié ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Paul la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le maire n'est pas habilité à défendre la commune dans la présente instance ;

S'agissant des pénalités,

- les pénalités de retard sont dépourvues de fondement, dès lors que le retard est principalement dû à la commune qui s'est manifestement trompée, lors de la définition de ses besoins, sur la solution technique la plus appropriée à ses attentes, ce qui l'a conduite à autoriser la proposition de variantes qu'elle avait initialement exclues ; or, les prescriptions du CCTP qui avait été rédigées par la commune en tenant compte de la mise en œuvre d'une solution technique consistant à mettre en place une climatisation solaire thermique, ne pouvaient pas être adaptées à un marché prévoyant la mise en œuvre d'une climatisation solaire photovoltaïque, et ces prescriptions se sont donc avérées inadaptées ;

- la commune lui a imposé en cours de marché des modifications et des prestations nouvelles qui ont retardé l'avancement des prestations ;

- l'intervention d'un contrôleur technique en cours d'exécution du marché a eu pour effet de retarder les prestations puisqu'il a fallu à plusieurs reprises attendre l'avis du contrôleur technique pour être autorisée à poursuivre ses prestations ;

- la commune n'était pas fondée à appliquer la taxe sur la valeur ajoutée sur les pénalités de retard qui ne constituent pas la contrepartie d'une livraison de biens ou d'une prestation de service ;

S'agissant du montant des prestations exécutées,

- la commune a déduit de la ligne 1 du décompte " système CLIMSOL ", d'un montant de 66 000 euros HT, le prix des 60 batteries, qu'elle a estimé à 23 232 euros HT, le prix des onduleurs, estimé à 7 802,76 euros HT et le prix de la fourniture et de la pose de crochets de sécurité de 350 euros HT ; elle ne justifie toutefois pas, en se bornant à se référer à un devis Enersys, l'évaluation à laquelle elle a ainsi procédé, alors que cette évaluation revient à déduire presque la moitié de cette ligne du décompte uniquement du fait de la déduction des batteries et onduleurs, alors que la grande partie du coût de cette prestation est générée par l'achat des quatre-vingt-trois panneaux photovoltaïques ; de plus, il n'y a pas lieu de déduire le coût des crochets de sécurité de 350 euros HT dès lors que le PV d'huissier atteste de leur présence sur le toit ;

- la commune a évalué le taux de réalisation des prestations de la ligne 3 du décompte, " Pose et câblage du système CLIMSOL " à 50 %, pour un montant de 3 850 euros ; or, comme le montre le PV de constat, elle a procédé à la pose des châssis de l'ensemble des panneaux photovoltaïques sur la toiture, ainsi qu'à la pose du câblage desdits panneaux, et est donc en droit de demander le règlement de 80 % de la prestation soit 6 150 euros ;

- la commune a évalué le taux de réalisation des prestations de la ligne 5 du décompte, " liaison et raccordement des climatiseurs " à 50 %, pour un montant de 2 200 euros, alors que le PV de constat d'huissier constate les kits de raccordement, les câbles et notamment le cuivre nécessaires au raccordement des climatiseurs ont été approvisionnés et que si l'entreprise n'a pas pu procéder à l'intégralité du raccordement des climatiseurs, c'est uniquement en raison du fait que la commune lui a interdit l'accès au chantier dès le 23 juin 2016, soit avant même d'avoir prononcé la résiliation du marché ; contrairement à ce qu'affirme la commune, aucune pompe pour l'évacuation des condensats n'est prévue au marché et n'est nécessaire pour le fonctionnement de l'installation ; elle a donc réalisé cette prestation à hauteur de 80 % et a droit à ce titre à la somme de 3 520 euros ;

- la commune a déduit de la somme due à l'entreprise pour la ligne 8 du décompte, " ventilo-convecteurs muraux : unités intérieures et extérieures " le coût de 22 télécommandes de climatisation de 913,44 euros HT, alors que, dans son mémoire technique, elle avait expressément indiqué qu'elle fournirait une télécommande par classe, soit onze télécommandes ; la commune ne peut utilement soutenir que le mémoire technique ne lui serait pas opposable, en application de l'article 2.1 du CCAP, dès lors que cette clause, radicalement incompatible avec l'article 4 du CCTP, doit être réputée non écrite ; la commune peut ainsi uniquement déduire à ce titre la somme de 456,72 euros HT , soit un montant dû au titre de cette ligne de 19 123,28 euros HT ;

- elle est fondée à solliciter le paiement d'une somme de 2 970 euros HT correspondant au coût de la maintenance du matériel qu'elle aurait facturé pour une année à la commune si cette dernière n'avait pas résilié le marché à ses torts, dès lors que la commune, qui était à l'origine des retards, n'était pas fondée à résilier le marché aux torts de l'entreprise, au motif qu'elle n'a pas réalisé les prestations prévues au marché dans le délai imparti ;

- elle a subi un préjudice moral à hauteur de 50 000 euros.

Par deux mémoires, enregistrés les 11 août 2020 et 12 mai 2021, la commune de Saint-Paul, représentée par Me Foglia, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société France énergies au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'elle aurait dû être présentée par l'administrateur judiciaire de la société France Énergies ;

- la demande de première instance n'était pas recevable, la société France Énergies n'étant pas représentée par son administrateur judiciaire, et le courrier du 28 décembre 2016 ne pouvant être regardé comme un mémoire de réclamation dès lors qu'il ne précise pas les sommes dont le paiement est demandé et les motifs de ces demandes, notamment les bases de calcul ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 18 mai 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 15 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Frédérique Munoz-Pauziès,

- les conclusions de Mme Florence Madelaigue,

- et les observations de Me Safar, représentant la société France énergies, et de Me Bardoux, représentant la commune de Saint-Paul.

Considérant ce qui suit :

1. En 2015, la commune de Saint-Paul a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert ayant pour objet l'attribution d'un marché public de fourniture et de pose de climatisation solaire thermique au sein de l'école primaire de Grand Fond. Le règlement de la consultation précisait que les variantes étaient autorisées et pouvaient être proposées sans offre de base. La société France énergies a déposé une offre, qui prévoyait la fourniture et la pose d'une climatisation solaire photovoltaïque, pour un montant de 113 690 euros HT soit 123 353,65 euros TTC. Cette offre ayant été retenue, l'acte d'engagement a été signé le 18 novembre 2015.

2. L'ordre de service de démarrage des travaux a été notifié le 8 décembre 2015, fixant la date de démarrage au 9 décembre 2015 et la fin des travaux au 8 avril 2016. Par courrier du 11 avril 2016, la commune de Saint-Paul a mis la société France énergies en demeure de terminer les travaux avant le 30 avril 2016. Par un nouveau courrier du 30 mai 2016, la commune a mis la société en demeure de terminer les travaux avant le 10 juin 2016, sous peine de résiliation du marché, et, par décision du 5 septembre 2016, la commune a prononcé la résiliation du marché.

3. Un procès-verbal de constat des prestations exécutées a été dressé par huissier le 9 septembre 2016, et la commune a notifié le décompte de résiliation du marché, faisant état d'un solde de 32 782,03 euros, après déduction de pénalités de retard de 18 749,55 euros. La société France énergies a alors saisi le tribunal administratif de La Réunion d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Saint Paul à lui verser la somme de 115 335,14 euros TTC au titre du solde du marché. Elle relève appel du jugement du 3 octobre 2019 rejetant sa demande.

Sur la recevabilité de la requête de la société France Énergies :

4. La commune de Saint-Paul fait valoir que, par jugement du 1er février 2017, le tribunal de commerce de Saint-Denis a prononcé à l'encontre de la société France Énergies l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire et a désigné la Selarl Franklin Bach en qualité de mandataire judiciaire, et soutient que seul le mandataire judiciaire serait habilité à saisir le juge. Toutefois, les règles du code du commerce dont elle se prévaut ne sont édictées que dans l'intérêt des créanciers, et seul le mandataire peut s'en prévaloir pour exciper de l'irrecevabilité du dirigeant de la société mise en redressement judiciaire à se pourvoir en justice ou à poursuivre une instance en cours.

Sur l'habilitation du maire à représenter la commune devant la cour :

5. Aux termes de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut, (...) par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (...) 16° D'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal (...) ".

6. Par délibération du 16 juillet 2020, le conseil municipal de la commune de Saint-Paul a donné au maire délégation, pendant toute la durée de son mandat pour " intenter, au nom de la commune, les actions en justice ou défendre la commune dans les actions intentées contre elle et ce, dans toutes les hypothèses et toutes les catégories de contentieux susceptibles d'être portés devant toutes les juridictions quelle que soit leur nature ou leur degré ". Par suite, le maire est régulièrement habilité à défendre dans la présente instance.

Sur la recevabilité de la demande portée devant les premiers juges :

7. Aux termes de l'article 37.2 du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services, applicable au marché en cause : " Tout différend entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'un mémoire de réclamation exposant les motifs et indiquant, le cas échéant, le montant des sommes réclamées. Ce mémoire doit être communiqué au pouvoir adjudicateur dans le délai de deux mois, courant à compter du jour où le différend est apparu, sous peine de forclusion. "

8. Le courrier du 28 décembre 2016, qui mentionne en objet " contestation du décompte de résiliation " et cite l'article 37.2 du cahier des clauses administratives générales, expose, de façon précise et détaillée, les chefs de la contestation en indiquant le montant des sommes dont le paiement est demandé et les motifs de ces demandes, notamment les bases de calcul des sommes réclamées. Il doit, par suite, contrairement à ce que soutient la commune de Saint-Paul, être regardé comme un mémoire de réclamation.

Sur le décompte de résiliation :

9. Aux termes de l'article 32 du cahier des clauses administratives générales : " 32.1. Le pouvoir adjudicateur peut résilier le marché pour faute du titulaire dans les cas suivants : (...) c) Le titulaire ne s'est pas acquitté de ses obligations dans les délais contractuels (...) ". Aux termes de l'article 34.3 de ce même cahier : " Le décompte de résiliation à la suite d'une décision de résiliation prise en application de l'article 32 comprend : / 34.3.1. Au débit du titulaire : / - le montant des sommes versées à titre d'avance, d'acompte, de règlement partiel définitif et de solde ; (...) - le montant des pénalités ; / 34.3.2. Au crédit du titulaire : / - la valeur contractuelle des prestations reçues y compris, s'il y a lieu, les intérêts moratoires ; (...) ".

En ce qui concerne les pénalités de retard :

10. Aux termes de l'article 6.3 du cahier des clauses administratives particulières : " Pénalités et retenues pour retard / Par dérogation de l'article 14.1.1 du CCAG FCS, / L'entrepreneur subira par jour de retard calendaire dans l'achèvement des prestations, une pénalité de P = V*R/500 / où V correspond au montant du marché hors taxes / R le nombre de jours de retard par rapport au délai contractuel ".

11. Les pénalités de retard prévues par les clauses d'un marché public ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu'est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d'exécution contractuellement prévus. Elles sont applicables au seul motif qu'un retard dans l'exécution du marché est constaté et alors même que le pouvoir adjudicateur n'aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi.

12. Constatant un retard de 76 jours dans l'exécution des prestations prévues par le marché, la commune de Saint-Paul a infligé à la société France énergies des pénalités d'un montant total de 18 749,75 euros TTC.

S'agissant de l'imputabilité des retards :

13. La société France énergies soutient que les retards ne lui seraient pas imputables, mais auraient pour origine les fautes de la commune de Saint-Paul.

14. En premier lieu, les circonstances que l'offre retenue portait sur une variante et que trois des six offres déposées proposaient des variantes ne révèlent ni un défaut de préparation, ni une erreur de la commune de Saint-Paul dans la définition de ses besoins et de la solution technique la plus appropriée à ses attentes, quand bien même la première version du règlement de la consultation n'autorisait pas les variantes. À cet égard, si la variante de la société France énergies portait, non sur une climatisation solaire thermique, mais sur une climatisation solaire photovoltaïque, il résulte de l'instruction que la commune avait envisagé une telle possibilité, dès lors que l'article 3-6 du règlement de la consultation, relatif aux variantes, prévoit notamment que " la mise en œuvre de panneaux photovoltaïques associés à des batteries et permettant l'alimentation électrique d'un système de climatisation classique pourra être proposée ". La société France énergies n'est pas fondée à soutenir que ce changement de solution technique nécessitait une période de mise au point et de calage difficilement compatible avec le délai prévu au contrat, du fait de l'inadaptation des prescriptions techniques prévues au cahier des clauses techniques particulières, dès lors, d'une part, que l'article 3-6-2 du règlement de la consultation, relatif au dossier de présentation des variantes, prévoit que " les candidats indiqueront (...) les modifications du cahier des clauses techniques particulières qui sont nécessaires pour l'adapter à la variante proposée ", et d'autre part, que l'article 3-6-3 de ce même cahier précise que " Le délai fixé dans la consultation sera respecté en cas de proposition de variante ".

15. En deuxième lieu, la société France énergies soutient que la commune de Saint-Paul lui a imposé en cours de marché des modifications de prestations et des prestations nouvelles qui ont retardé l'exécution du contrat. Si la société fait ainsi valoir que la commune a exigé que les blocs de climatisation extérieurs soient situés au rez-de-chaussée, ce qui n'était pas prévu au CCTP, toutefois, le mémoire technique de la société prévoit expressément que " les blocs climatisations extérieurs seront posés au sol ". La société ne peut, de plus, sérieusement soutenir que la commune aurait indument refusé de prendre à sa charge l'arrivée électrique destinée à permettre l'alimentation du local technique, alors qu'un tel raccordement ne lui incombait pas, dès lors que l'article 3.4.6 du CCTP stipule que " Le raccordement électrique de l'installation se fera depuis le tableau général basse tension situé dans le réfectoire, les passages de câbles en extérieurs se feront soit en enterré soit en goulotte ". De même, la société n'est pas fondée à soutenir que la demande de la commune d'habiller les unités extérieures de climatisation pour permettre une meilleure intégration dans le paysage serait à l'origine du retard, dès lors qu'il résulte de l'instruction, et notamment du point 4 b) du décompte détaillé, que cette prestation n'a pas été réalisée et ne peut donc être à l'origine des retards. Si la requérante se prévaut également du courriel du 25 janvier 2016, lui ordonnant de prendre des photographies des parois, pour s'assurer de leur état avant le début des travaux, ainsi que de la demande de poser les panneaux photovoltaïques sur la toiture exposée au Sud, alors que dans son offre technique, elle avait indiqué les poser sur la toiture exposée à l'Ouest, elle n'indique pas à la cour comment ces demandes, auxquelles elle n'a pas opposé de réserves, pourraient expliquer un retard de 76 jours tel que celui qui lui est reproché. Si la société fait également valoir que, alors que son mémoire technique prévoyait un taux de couverture solaire compris entre 80 % et 100 % maximum et un équipement supérieur de 20 % en puissance par rapport à l'installation similaire à Saint-Leu, la commune de Saint-Paul a exigé une solution technique atteignant au moins un objectif de 100 % de couverture solaire et un équipement supérieur de 50 % en puissance par rapport à l'installation de Saint-Leu, elle n'établit pas le lien entre ces exigences, qu'elle a au demeurant acceptées sans réserve, et le retard dans l'exécution des prestations. Enfin, si l'appelante se prévaut de la validation tardive de l'emplacement du local technique, le 7 mars 2016, il résulte toutefois de l'instruction qu'elle a elle-même envoyé la demande de validation par courriel du 3 mars 2016, et qu'ainsi, le délai de quatre jours pris par la commune pour lui répondre ne peut expliquer le retard à l'origine des pénalités litigieuses. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction, nonobstant le document produit dans le mémoire en réplique, intitulé " schématisation des demandes de la commune ", que les retards seraient imputables aux demandes de la commune de Saint-Paul en cours d'exécution du contrat.

16. En troisième et dernier lieu, si la société France énergies soutient que l'intervention d'un contrôleur technique en cours d'exécution du marché a eu pour effet de retarder l'exécution des prestations, puisqu'elle a dû, à plusieurs reprises, attendre l'avis du contrôleur technique pour être autorisée par la commune à poursuivre ses prestations, elle n'apporte pas d'élément au soutien de ces allégations.

S'agissant de la TVA :

17. Les pénalités, qui ne constituent pas la contrepartie d'une livraison de biens ou d'une prestation de service, ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. Par suite, la société France énergies est fondée à soutenir que le montant des pénalités doit être ramenée à la somme de 17 280,88 euros.

En ce qui concerne la rémunération des prestations effectuées :

S'agissant de la ligne 1 du décompte :

18. La commune de Saint-Paul a estimé, au vu du procès-verbal de constat d'huissier du 9 septembre 2016, que la prestation mentionnée à la ligne 1 du décompte, " Système Climsol complet ", avait été exécutée à 52,45 %, dès lors que, si les 60 batteries prévues au marché avaient bien été livrées, seuls 83 panneaux photovoltaïques avaient été posés au lieu des 84 prévus au marché, et les onduleurs, le tableau électrique et le coffret de distribution prévoyant un disjoncteur par classe n'avaient pas été commandés. La commune a également relevé dans le décompte que les deux crochets de sécurité permettant de garantir la sécurité pendant les interventions de maintenance se trouvaient sous les panneaux photovoltaïques, et que la société aurait en conséquence dû soit positionner les panneaux en conséquence, soit rajouter deux crochets de sécurité. Elle a dès lors déduit du montant de la prestation, initialement valorisée à la somme de 66 000 euros HT dans le cadre de décomposition du prix global et forfaitaire, les batteries, onduleurs, crochets de sécurité, et a ainsi retenu la somme de 34 615,19 euros HT.

19. S'il est constant que les batteries ont bien été livrées, le décompte détaillé précise que " Les batteries seront reprises par l'entrepreneur car leurs états ne sont pas vérifiables ". Par suite, la société France Energies n'est pas fondée à soutenir qu'elle a droit au paiement de ces batteries. En revanche, la commune a déduit à ce titre la somme de 23 232 euros, alors que la société produit la facture du 22 mars 2016 de son fournisseur, la société Enersys, d'un montant de 15 241,20 euros HT. Il convient donc d'ajouter la différence entre la somme de 23 232 euros déduite par la commune au titre des batteries, et celle portée sur la facture de 15 241,20 euros, soit 7 990,80 euros HT et 8 670 euros TTC, au crédit de la société.

20. S'agissant des cinq onduleurs, dont le montant a été déduit à concurrence d'une somme de 7 802,76 euros HT, la société produit une facture de 2014 de son fournisseur, la société Solar trade, sur laquelle figure le prix de 452 euros HT l'unité, soit 2 260 euros HT pour les cinq. La commune ne produisant aucune pièce pour justifier du montant retenu, il y a lieu d'ajouter au crédit de la société la somme de 5 542,76 euros HT soit 6 013,90 euros TTC.

21. S'agissant des deux crochets posés sur le toit et permettant de garantir la sécurité pendant les interventions de maintenance, la société France Energies ne conteste pas qu'ils ont été posés sous les panneaux photovoltaïques, ce qui les rend inutilisables.

S'agissant de la ligne 3 du décompte :

22. S'agissant de la prestation de la ligne 3 du décompte, " Pose et câblage système Climsol ", valorisée à 7 700 euros HT dans le cadre de décomposition du prix global et forfaitaire, la commune de Saint-Paul a constaté que les câblages entre les coupures DC et le local technique, ainsi qu'entre les batteries, le coffret chargeur et le coffret de distribution, n'avaient pas été réalisés, que les coffrets de distribution et le coffret chargeur n'étaient pas posés et au demeurant pas commandés, et que le support pour batteries n'était pas finalisé. Elle a ainsi retenu cette prestation à concurrence de 50 %, pour un montant de 3 850 euros HT.

23. La société France Energie fait valoir que le procès-verbal de constat d'huissier du 9 septembre 2016 révèle qu'elle a procédé à la pose des châssis de l'ensemble des panneaux photovoltaïques sur la toiture et à la pose du câblage de ces panneaux. Toutefois, ainsi qu'il vient d'être rappelé au point 22, ces prestations ne sont pas celles que le décompte déduit des sommes qui lui sont dues.

S'agissant de la ligne 5 du décompte :

24. La commune de Saint-Paul a constaté, s'agissant de la prestation mentionnée à la ligne 5 du décompte, " Liaison et raccordement des climatiseurs ", valorisée à 4 400 euros dans le cadre de décomposition du prix global et forfaitaire, que 8 climatiseurs, sur les 22 qui devaient être posés, n'étaient pas " finalisés en raccordement ", que 10 climatiseurs ne comportaient aucun raccordement et que, pour 12 climatiseurs, leur positionnement impliquait la mise en place de pompes pour l'évacuation des condensats, non prévues au marché mais nécessaires dès lors que les condensats se trouvaient rejetés sous le bâtiment. Elle n'a donc accepté de rémunérer cette prestation qu'à concurrence de 2 200 euros.

25. La société fait valoir que le procès-verbal de constat d'huissier constate l'existence de " 15 sachets de raccordement portant la mention "Kit spécification 3205-8964 ". Toutefois, il est constant que les climatiseurs mentionnés au point 24 n'était pas ou pas totalement raccordés, et la société n'établit au surplus pas que les " kits " dont elle se prévaut seraient ceux servant au raccordement des climatiseurs. Si la Société France énergies fait également valoir qu'aucune pompe pour l'évacuation des condensats n'était prévue au marché et nécessaire, elle ne conteste pas que, du fait du positionnement de douze climatiseurs, les condensats se trouvaient rejetés sous le bâtiment.

S'agissant de la ligne 8 du décompte :

26. S'agissant de la ligne 8 du décompte, " ventilo-convecteurs muraux : unités intérieures et extérieures ", la commune a déduit le coût de 22 télécommandes de climatisation d'un montant de 41,52 euros HT l'unité, soit 913,44 euros HT. Toutefois, le mémoire technique de la société indiquait qu'elle fournirait une télécommande par classe, soit onze télécommandes, et la commune de Saint-Paul ne se prévaut d'aucune pièce du marché prévoyant la fourniture de 22 télécommandes, le cadre de décomposition du prix global et forfaitaire, notamment, ne comportant pas une telle précision. La commune ne pouvait ainsi déduire à ce titre que la somme de 456,72 euros HT, et cette même somme, soit 495,54 euros TTC, doit être mise au crédit de la société.

27. Il résulte de tout ce qui précède que la société France énergies est seulement fondée à demander que le " restant dû " mentionné au décompte de résiliation du marché soit augmenté d'une somme de 16 648,31 euros, et porté de 32 782,03 euros TTC à 54 430,34 euros.

Sur les conclusions indemnitaires :

28. En premier lieu, il résulte des points 13 à 16 du présent arrêt que les retards dans l'exécution du marché ne sont pas imputables à la commune, qui n'a commis aucune faute. Dès lors, les conclusions de la société France énergies tendant à ce que la commune de Saint-Paul soit condamnée à lui payer une somme de 2 970 euros HT, correspondant au coût de la maintenance du matériel qu'elle aurait facturé pour une année à la commune si cette dernière n'avait pas résilié le marché à ses torts, doivent être rejetées.

29. En second lieu, en l'absence de toute faute de la commune de Saint-Paul, les conclusions tendant à ce qu'elle verse à la société appelante une somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice moral doivent, elles aussi, être rejetées.

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

30. La somme de 16 648,31 euros mentionnée au point 27 portera intérêts au taux [0]légal à compter de la réception par la commune, le 29 décembre 2016, du mémoire de réclamation du 28 décembre 2016.

31. La société France énergies a demandé la capitalisation des intérêts dans sa requête d'appel, enregistrée le 17 janvier 2020. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter de cette date, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

32. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par la société France énergies et la commune de Saint-Paul.

DÉCIDE :

Article 1er : La commune de Saint-Paul est condamnée à payer à la société France énergies la somme de 16 648,31 euros TTC. Cette somme portera intérêts au taux [0]légal à compter du 29 décembre 2016 et capitalisation des intérêts à compter du 17 janvier 2020 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de La réunion est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée France énergies et à la commune de Saint-Paul.

Délibéré après l'audience du 13 janvier 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère,

Mme Nathalie Gay, première conseillère.

Rendu public par dépôt au greffe le 10 février 2022.

L'assesseure la plus ancienne

Mme Florence Rey-Gabriac

La présidente-rapporteure,

Frédérique Munoz-Pauziès

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au préfet de la Réunion en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX00255


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 20BX00255
Date de la décision : 10/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Exécution technique du contrat - Conditions d'exécution des engagements contractuels en l'absence d'aléas - Marchés - Retards d'exécution.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Règlement des marchés - Décompte général et définitif.


Composition du Tribunal
Président : Mme MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : SCP NOYER - CAZCARRA

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-02-10;20bx00255 ?
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