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08/02/2022 | FRANCE | N°19BX01698

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 08 février 2022, 19BX01698


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012, 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1700660 du 26 février 2019, le tribunal administratif de Poitiers a déchargé Mme A... D... la différence entre les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titr

e des années 2012, 2013 et 2014 et celles qui résulteraient de l'application de la r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012, 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1700660 du 26 février 2019, le tribunal administratif de Poitiers a déchargé Mme A... D... la différence entre les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012, 2013 et 2014 et celles qui résulteraient de l'application de la réduction d'impôt " loi Malraux " plafonnées aux sommes qu'elle a effectivement versées à l'association syndicale libre sur chacune de ces années et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 25 avril 2019, 5 décembre 2019, 18 septembre 2020, 16 novembre 2020 et 25 novembre 2020, Mme C... A..., représentée par Me Rivière et Me Rivière-Pain, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 26 février 2019 en tant qu'il a refusé la déduction des dépenses de travaux de ses revenus fonciers au titre des années 2012, 2013 et 2014 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des pénalités correspondantes restant à sa charge au titre des années 2012, 2013 et 2014 ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales résultant de la déduction des dépenses de travaux de ses revenus fonciers à hauteur de 29 980 euros en 2012, 19 000 euros en 2013 et 32 000 euros en 2014 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux entiers dépens.

Elle soutient que :

- en affirmant que les dépenses éligibles au titre de la réduction d'impôt ne pourraient être déduites selon le régime de droit commun du seul fait de leur éligibilité à la réduction d'impôt Malraux, le tribunal a dénaturé les dispositions légales de l'article 199 tervicies du code général des impôts ;

- l'option Malraux ne porte pas sur la globalité de l'opération de restauration ;

- ces dispositions ne font pas obstacle à ce que des charges engagées sur l'immeuble, bien qu'éligibles à la réduction d'impôt, puissent être déduites au titre des revenus fonciers ;

- le plafonnement de 100 000 euros ne s'applique que pour le calcul de la réduction d'impôt, régime dérogatoire sur option soumis à des conditions exorbitantes du droit commun ;

- l'absence d'exclusion pour un même local est d'ailleurs la lecture qu'en fait l'administration fiscale quand elle ne se réfère pas à sa doctrine ;

- les charges déduites des revenus fonciers devaient être prises en compte au titre des revenus fonciers dans les conditions de droit commun et non pas intégrées aux sommes prises en compte pour le calcul de la réduction d'impôt Malraux à défaut d'option pour ce régime dérogatoire ;

- elle justifie du montant des dépenses supportées ;

- les débats parlementaires relatifs au premier projet de loi non retenu et l'exposé des motifs relatif à l'article 199 tervicies confirment le fait que le dispositif actuel est non exclusif ;

- la doctrine BOI-IR-RICI-200-30-20151228 §90, en ce qu'elle conclut que les dépenses qui dépasseraient le plafond annuel ne pourraient faire l'objet d'une déduction au titre des revenus fonciers, est illégale ;

- en tout état de cause, l'application de la doctrine fiscale invoquée par l'administration doit conduire à la prise en compte des charges foncières en déduction des revenus fonciers dans la limite du plafond annuel de 100 000 euros.

Par des mémoires en défense enregistrés les 5 novembre 2019, 6 octobre 2020 et 14 décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés ;

- les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens sont irrecevables car dépourvues d'objet en l'absence de mesure d'expertise ou d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public,

- et les observations de Me Rivière-Pain, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... A... a fait l'acquisition le 22 décembre 2012 d'un bien constituant le lot n° 20 d'un ensemble immobilier situé dans un secteur sauvegardé de La Rochelle, pour lequel des travaux de restauration immobilière ont été engagés au cours des années 2012 à 2014. Elle a déduit de ses revenus fonciers, pour les années 2012 à 2014, des dépenses de réparation et d'entretien effectuées sur son bien et a, au titre des mêmes années, opté pour le bénéfice de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 tervicies du code général des impôts dite " loi Malraux ", pour des travaux de restauration du même local. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a remis en cause, pour ces trois années, la déduction opérée sur ses revenus fonciers des dépenses de réparation et d'entretien ainsi que la réduction d'impôt " loi Malraux " dont elle a bénéficié au titre des travaux de restauration immobilière de son bien. Mme A... relève appel du jugement du 26 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Poitiers l'a déchargée de la différence entre les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 à 2014 et celles qui résulteraient de l'application de la réduction d'impôt " loi Malraux " plafonnées aux sommes qu'elle a effectivement versées au cours de chacune de ces années à l'association syndicale libre chargée de la restauration de l'ensemble immobilier et a rejeté le surplus de sa demande correspondant à la déduction de dépenses de ses revenus fonciers.

Sur le bien-fondé des impositions restant en litige :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 199 tervicies du code général des impôts : " I. ' Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B bénéficient d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des dépenses qu'ils supportent en vue de la restauration complète d'un immeuble bâti : / 1°-situé dans un secteur sauvegardé créé en application du I de l'article L. 313-1 du code de l'urbanisme (...) / II. ' Les dépenses mentionnées au I s'entendent des charges énumérées aux a, a bis, b, b bis, c et e du 1° du I de l'article 31, des frais d'adhésion à des associations foncières urbaines de restauration, ainsi que des dépenses de travaux imposés ou autorisés en application des dispositions législatives ou réglementaires relatives aux secteurs, quartiers, zones ou aires mentionnés respectivement aux 1°, 2°, 3° et 4° du I (...) / III. ' La réduction d'impôt est égale à 22 % du montant des dépenses mentionnées au II, retenues dans la limite annuelle de 100 000 €. / Ce taux est porté à 30 % lorsque les dépenses sont effectuées pour des immeubles situés dans un secteur sauvegardé créé en application du I de l'article L. 313-1 du code de l'urbanisme (...) / V. ' Un contribuable ne peut, pour un même local ou une même souscription de parts, bénéficier à la fois de l'une des réductions d'impôt prévues aux articles 199 decies E à 199 decies G, 199 decies I ou 199 undecies A et des dispositions du présent article. / Lorsque le contribuable bénéficie à raison des dépenses mentionnées au I de la réduction d'impôt prévue au présent article, les dépenses correspondantes ne peuvent faire l'objet d'aucune déduction pour la détermination des revenus fonciers. (...) ".

3. Il résulte des dispositions de l'article 199 tervicies du code général des impôts, éclairées par les travaux parlementaires préparatoires à l'adoption de l'article 84 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 dont sont issues lesdites dispositions, que le législateur a entendu exclure de la déduction de droit commun l'ensemble des dépenses, quel que soit leur montant, entrant dans la catégorie de celles prises en compte pour la réduction d'impôt prévue par l'article 199 tervicies, et n'a autorisé la déduction selon le régime de droit commun des dépenses engagées dans le cadre d'une opération de restauration qu'à condition que celles-ci n'aient pas été éligibles, en raison de leur objet, pour le calcul de la réduction.

4. Il résulte de l'instruction que Mme A..., d'une part, a opté pour le bénéfice de la réduction d'impôt prévue par les dispositions de l'article 199 tervicies du code général des impôts en ce qui concerne les travaux de restauration de son bien au sein d'un ensemble immobilier situé dans un secteur sauvegardé de La Rochelle, d'un montant de 70 020 euros en 2012, 81 000 euros en 2013 et 68 000 euros en 2014 et, d'autre part, a entendu se prévaloir, pour les mêmes années, s'agissant des dépenses de réparation et d'entretien engagés pour le même bien d'un montant de 42 030 euros en 2012, 23 029 euros en 2013 et 38 517 euros en 2014, du régime de droit commun de déduction au titre des revenus fonciers. Il est constant que ces dépenses de réparation et d'entretien sont indissociables des dépenses de restauration pour lesquels le bénéfice de la réduction d'impôt a été sollicité, de sorte qu'elles sont éligibles en raison de leur objet pour le calcul de la réduction d'impôt. Il résulte d'ailleurs de l'instruction que l'intégralité des dépenses de travaux en litige ont été payées à l'association syndicale libre constituée en 2011 et chargée d'assumer la maîtrise d'ouvrage des travaux de restauration de l'ensemble immobilier. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le bénéfice du régime de réduction d'impôt prévu à l'article 199 tervicies du code précité pour les dépenses engagées pour la restauration complète de l'immeuble faisait obstacle à ce que des dépenses de même nature puissent ouvrir droit, parallèlement, au bénéfice de la déduction de droit commun. Dans ces conditions, Mme A..., qui a bénéficié du régime de réduction d'impôt prévu à l'article 199 tervicies du code général des impôts pour les dépenses engagées pour la restauration du bien dont elle est propriétaire, n'est pas fondée à demander la déduction d'une partie de ces dépenses de ses revenus fonciers.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

5. La requérante ayant été imposée sur la base et conformément aux dispositions de la loi fiscale, elle ne saurait utilement se prévaloir de l'illégalité de l'interprétation de ladite loi contenue dans la doctrine administrative. A supposer qu'elle ait au contraire entendu se prévaloir de la doctrine administrative sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, un tel moyen ne peut qu'être écarté, les passages invoqués de la doctrine référencée BOI-IR-RICI-200-30-20151228 §90 ne contenant aucune interprétation de la loi fiscale différente de ce qui précède. Par suite, elle n'est pas fondée à demander, sur le fondement de la doctrine, que les dépenses éligibles à la réduction d'impôt mais non prises en compte au motif qu'elles excèdent le plafond de 100 000 euros prévu au III dudit article soient déduites de ses revenus fonciers dans les conditions de droit commun.

6. Aux termes de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ". Peuvent se prévaloir de cette garantie, pour faire échec à l'application de la loi fiscale, les contribuables qui se trouvent dans la situation de fait sur laquelle l'appréciation invoquée a été portée ainsi que les contribuables qui, à la date de la prise de position de l'administration, ont été partie à l'acte ou participé à l'opération qui a donné naissance à cette situation sans que les autres contribuables puissent utilement invoquer une rupture à leur détriment du principe d'égalité.

7. Mme A... entend se prévaloir d'une proposition de rectification adressée à un autre contribuable dans laquelle l'administration fiscale indiquait qu'en application de l'article 199 tervicies du code général des impôts, l'intéressé avait choisi de bénéficier de la réduction d'impôt " loi Malraux " pour un montant de 100 000 euros et que seul l'excédent de 31 909 euros pouvait être pris en compte dans les frais et charges déductibles des revenus fonciers. L'appréciation ainsi portée par le service à l'égard de cet autre contribuable ne porte pas sur une situation de fait dans laquelle se trouve Mme A.... Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que la requérante aurait pris part à des actes ou opérations ayant donné naissance à la situation de fait sur laquelle a porté cette prise de position au regard du texte fiscal. Par suite, elle n'est pas fondée à obtenir la déduction de ses revenus fonciers des dépenses éligibles à la réduction d'impôt excédant le plafond de 100 000 euros, sur le terrain de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté le surplus des conclusions de sa demande, relatif à la déduction de dépenses de ses revenus fonciers.

Sur les frais liés au litige :

9. D'une part, aucun dépens n'ayant été exposé dans la présente instance, les conclusions de Mme A... tendant à la condamnation de l'Etat aux entiers dépens ne peuvent qu'être rejetées. D'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée pour information au directeur du contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Laury Michel, première conseillère,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 février 2022.

La rapporteure,

Laury B...

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX01698


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01698
Date de la décision : 08/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-03-04 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur le revenu. - Détermination du revenu imposable. - Charges déductibles du revenu global.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Laury MICHEL
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : RIVIERE AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-02-08;19bx01698 ?
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