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18/01/2022 | FRANCE | N°21BX04557

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (juge unique), 18 janvier 2022, 21BX04557


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Bouygues Bâtiment centre sud-ouest a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 6 août 2019 du directeur régional des entreprises de la concurrence de la consommation du travail et de l'emploi (DIRECCTE) lui infligeant une amende de 225 000 euros et ordonnant sa publication pendant 12 mois ou subsidiairement de réduire cette sanction financière.

Par un jugement n° 1904149 du 2 novembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a ramené le montant de l'amend

e à 56 250 euros et la durée de publication de la sanction à trois mois.

Procé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Bouygues Bâtiment centre sud-ouest a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 6 août 2019 du directeur régional des entreprises de la concurrence de la consommation du travail et de l'emploi (DIRECCTE) lui infligeant une amende de 225 000 euros et ordonnant sa publication pendant 12 mois ou subsidiairement de réduire cette sanction financière.

Par un jugement n° 1904149 du 2 novembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a ramené le montant de l'amende à 56 250 euros et la durée de publication de la sanction à trois mois.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 décembre 2021, la société Bouygues Bâtiment centre sud-ouest, représentée par la SELAS d'avocats Vogel et Vogel, demande à la cour, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

- de prononcer la suspension de la mesure de publication de la sanction résultant du jugement rendu le 2 novembre 2021 par le tribunal administratif de Bordeaux ;

- d'enjoindre à la DGCCRF, dans l'éventualité où le communiqué de la sanction serait déjà publié sur son site internet au jour où sera rendue la décision à intervenir, de retirer immédiatement la publication de cette sanction du site.

Elle soutient que :

- elle a déposé une requête au fond contre le jugement du tribunal administratif ;

- la condition d'urgence est remplie dès lors que la mesure de publication de la sanction va faire l'objet d'une exécution imminente le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux ne l'ayant suspendue que jusqu'à l'intervention du jugement au fond ; le tribunal n'a pas annulé la mesure de publication mais a seulement réduit sa durée ce qui permet son exécution imminente dont les conséquences seraient irréversibles pour elle et d'une particulière gravité en lui causant un préjudice d'image et de notoriété considérable d'autant que le site de la DGCCRF est librement accessible et que les informations y figurant sont relayées dans la presse, que les faits remontent à plus de 5 ans et que son pourcentage de factures payées en retard n'est que de 1,08 % au maximum ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la mesure de publication de la sanction résultant du jugement qui est insuffisamment motivée dès lors que le tribunal ne peut se contenter d'affirmer qu'il s'agit d'une sanction complémentaire qui n'a pas à faire l'objet d'une motivation particulière alors qu'il ne s'agit que d'une simple faculté pour l'administration réservés aux manquements les plus graves et que le tribunal a précisé que les retards ne sont que de 1,08 % ; le jugement a donc été rendu au terme d'une procédure irrégulière en justifiant l'annulation ; le tribunal a procédé à une application rétroactive des dispositions plus sévères résultant de la loi Sapin II du 9 décembre 2016, en violation du principe de non-rétroactivité de la loi pénale nouvelle plus sévère résultant de l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, dès lors qu'il a décidé de maintenir la sanction de publication infligée en réduisant sa durée alors qu'il avait constaté que le pourcentage des factures payées en retard n'était que de 1,08 % ; cela signifie que le tribunal a appliqué les nouvelles dispositions prévoyant une publication systématique de la sanction ; la mesure de publication résultant du jugement porte une atteinte injustifiée et disproportionnée à son image ; cette mesure est disproportionnée compte tenu du caractère optionnel d'une telle sanction à l'époque des faits et de la faible gravité de ceux-ci, des actions qu'elle a mises en place pour accélérer le paiement des factures, de l'ancienneté des faits reprochés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 janvier 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors que : l'exécution de la mesure de publication a été suspendue par le juge des référés jusqu'à ce qu'il soit statué au fond ; le jugement du tribunal administratif du 2 novembre 2021 a confirmé la mise en œuvre immédiate de la mesure de publication même en la réduisant et la cour ne peut que constater que l'exécution de cette mesure est imminente et la société requérante ne peut la retarder en faisant obstacle au caractère exécutoire du jugement ; la portée de la mise à exécution de la mesure de publication de la sanction doit être relativisée dès lors que sa durée a été réduite par le tribunal, que l'administration disposait déjà d'une telle possibilité de publication avant la loi du 9 décembre 2016, que le jugement du tribunal est rendu publiquement, que l'intervention tardive d'une telle mesure ne résulte que des procédures engagées par la société ;

- il n'existe pas de doute sérieux quant à la légalité de cette décision :

- elle est suffisamment motivée et n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique distincte de la motivation globale de la décision de sanction dès lors que cette mesure qui n'est pas réservée aux manquements les plus graves est laissée à la libre appréciation de l'administration ;

- il n'a pas été fait une application rétroactive de la loi " Sapin " du 9 novembre 2016 mais au vu des articles L. 465-2 V et R. 465-2 III du code de commerce applicables au moment des faits permettant une telle publication ;

- il n'y a pas d'atteinte injustifiée et disproportionnée à l'image de la société Bouygues Centre sud-ouest, les manquements ayant été relevés sur la base des factures réellement contrôlées et non sur la base d'une analyse comptable globale ; si le pourcentage de retard constaté par le juge a été ramené à 3,2 % cela correspond à 71 factures d'un montant total de 572 831 euros d'un retard moyen pondéré de 74 jours, et correspondant à une rétention de trésorerie de 349 552 euros ; l'argument relatif à la mise en place d'actions correctives est inopérant quant à la nécessité de sanctionner la société pour ses pratiques de règlement.

Vu :

- la requête au fond n° 21BX04556 de la SAS Bouygues bâtiment centre sud-ouest ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme A... en qualité de juge des référés en application des dispositions du livre V du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... A...,

- les observations de Me Vogel, représentant la société Bouygues bâtiment centre sud-ouest qui reprend les termes de ses écritures et soutient en outre que l'argument de rétention de trésorerie de l'administration n'a jamais été invoqué par l'administration dans la sanction et résulte des lignes directrices du 2 décembre 2021 émanant de la DGCCRF qui ne peuvent être appliquées rétroactivement et dont les critères sont différents ;

- les observations de Mme C..., représentant le ministre de l'économie et des finances qui reprend les termes de ses écritures et ajoute que si la notion de rétention de trésorerie est issue des lignes directrices du 2 décembre 2021, il s'agit d'une notion comptable qui existe depuis longtemps.

Considérant ce qui suit :

1. La société Bouygues bâtiment centre sud-ouest a fait l'objet, à compter du 4 octobre 2016, d'un contrôle de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Nouvelle-Aquitaine portant sur le respect des délais de paiement de ses fournisseurs. A cette occasion, le contrôleur a constaté, dans un procès-verbal clos le 20 novembre 2018 que, sur un ensemble de 6 486 factures, 343, émises entre le 1er janvier 2017 et le 30 mars 2016 et 108, en juin 2016, avaient été payées, au regard du délai maximal de 60 jours fixés par le neuvième alinéa du I de l'article L. 441-6 du code de commerce, avec un retard moyen pondéré respectivement de plus de 116 jours pour un volume de chiffre d'affaires de 1 297 343,69 euros et de plus de 107 jours pour un volume d'affaire de 280 479 euros. Après avoir informé la société du manquement relevé et recueilli ses observations sur le prononcé d'une éventuelle amende administrative à raison de cette méconnaissance des délais maximaux de paiement, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Nouvelle-Aquitaine a édicté à l'encontre de la société Bouygues bâtiment centre sud-ouest, par décision du 6 août 2019, une amende d'un montant de 225 000 euros et a décidé de la publication de cette sanction, sous forme de communiqué, sur le site internet de la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), pour une durée de 12 mois. Par jugement du 2 novembre 2021, le tribunal administratif, saisi par la société, après avoir estimé que les retards de paiement des factures des fournisseurs affectaient 1,08 % du nombre total de factures de la période contrôlée, a ramené le montant de l'amende à la somme de 56 250 euros et la durée de publication de cette sanction à trois mois. Par la présente requête, la société Bouygues bâtiment centre sud-ouest demande à la Cour de prononcer la suspension de la mesure de publication de la sanction résultant du jugement du tribunal administratif.

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ces effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ", et aux termes de l'article L. 523-1 du même code : " Les décisions rendues en application des articles L. 521-1(...) sont rendues en dernier ressort (...) ", d'une part. D'autre part, aux termes de l'article R. 811-14 du même code : " Sauf dispositions particulières, le recours en appel n'a pas d'effet suspensif s'il n'en est ordonné autrement par le juge d'appel dans les conditions prévues par le présent titre. ", et aux termes de l'article R. 811-17 du même code : " Dans les autres cas, le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entrainer des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction. ".

3. Il résulte des dispositions précitées que la requête de la société Bouygues bâtiment centre sud-ouest construction, qui tend à la suspension du jugement du tribunal administratif en tant qu'il confirme la sanction de publication de la sanction financière prononcée à son encontre pour une durée de trois mois, doit être regardée, bien que présentée sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, comme tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement au sens de l'article R. 811-17 précité.

4. Toutefois, en l'état de l'instruction aucun des moyens énoncés dans la requête, tels que détaillés dans les visas de la présente ordonnance, ne parait sérieux.

5. Il résulte de ce qui précède que l'une des conditions prévues par les dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative n'étant pas remplie, la requête de la société Bouygues bâtiment centre sud-ouest doit être rejetée en toutes ses conclusions.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la société Bouygues bâtiment centre sud-ouest est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Bouygues bâtiment centre sud-ouest et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la DIRECCTE d'Aquitaine - Limousin - Poitou-Charente .

Fait à Bordeaux, le 18 janvier 2022.

La juge des référés,

Evelyne A...

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

4

N° 21BX04557


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (juge unique)
Numéro d'arrêt : 21BX04557
Date de la décision : 18/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-035-02 Procédure. - Procédures instituées par la loi du 30 juin 2000. - Référé suspension (art. L. 521-1 du code de justice administrative).


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Evelyne BALZAMO
Avocat(s) : VOGEL et VOGEL

Origine de la décision
Date de l'import : 25/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-01-18;21bx04557 ?
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