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22/12/2021 | FRANCE | N°21BX02577

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 22 décembre 2021, 21BX02577


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler la décision du 10 septembre 2019 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et, d'autre part, d'enjoindre audit préfet de lui délivrer, sous astreinte, un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 1905999 du 2 juin 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête,

enregistrée le 16 juin 2021, M. D..., représenté par Me Ouddiz-Nakache, demande à la cour :

1°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, d'annuler la décision du 10 septembre 2019 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et, d'autre part, d'enjoindre audit préfet de lui délivrer, sous astreinte, un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 1905999 du 2 juin 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 juin 2021, M. D..., représenté par Me Ouddiz-Nakache, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 juin 2021 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler la décision du 10 septembre 2019 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre audit préfet de lui délivrer, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la compétence de la signataire de la décision attaquée n'est pas établie ;

- la décision en litige est insuffisamment motivée en fait, ce qui démontre une absence d'examen sérieux de sa situation ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il séjourne en France depuis plus de 15 ans en situation régulière et pourvoit à l'entretien et à l'éducation de ses deux enfants français ;

- le refus de séjour en cause viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que son article 9-1 ; sa vie privée et familiale est en France depuis 15 ans, il ne doit pas être séparé de ses enfants, il est intégré par le travail ;

- il viole également l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2021, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Par une décision du 8 juillet 2021, M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Rey-Gabriac a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant centrafricain né en 1984 à Bangui, est entré irrégulièrement sur le territoire français, selon ses déclarations, le 26 février 2006. Il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile le 6 juin 2006. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 22 août 2006, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 14 juin 2007. Le 30 octobre 2007, M. D... a sollicité son admission au séjour en qualité d'étranger malade, sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il a bénéficié à ce titre d'autorisations provisoires de séjour et d'une carte de séjour temporaire d'un an régulièrement renouvelée entre le 16 juillet 2008 et le 20 mars 2017. Le 9 octobre 2017, M. D... a sollicité son admission au séjour au titre de la vie privée et familiale, en qualité de parent de deux enfants français, sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 10 septembre 2019 le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de titre de séjour. M. D... fait appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 2 juin 2021, qui a rejeté sa demande aux fins d'annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, comme l'ont déjà relevé les premiers juges par un motif qu'il y a lieu d'adopter, par un arrêté du 27 mars 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial du 2 avril 2019, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation à Mme C... B..., directrice des migrations et de l'intégration, signataire de la décision attaquée, à l'effet de signer notamment les " décisions de refus de séjour (...) ". Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée manque en fait et doit être écarté.

3. En deuxième lieu, la décision en litige comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Au titre des considérations de fait, elle mentionne notamment les conditions d'entrée et de séjour en France de M. D..., ainsi que sa situation familiale. Elle est, par suite, suffisamment motivée.

4. En troisième lieu, cette motivation ne révèle pas que le préfet se serait abstenu de se livrer à un examen attentif de la situation particulière du requérant.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 6° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; / Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ". Aux termes de l'article L. 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. D... est père de deux enfants mineurs de nationalité française, Cameron, Kingsley Ankrah, né le 12 décembre 2009, et James, Joseph D..., né le 14 août 2014, de deux mères différentes. M. D... soutient qu'il participe effectivement à l'entretien et à l'éducation de ces enfants, avec lesquels il ne vit pas, dès lors qu'il vit avec sa nouvelle compagne. Cependant, les nouveaux documents qu'il produit en appel, à savoir des photographies non datées et non contextualisées, ainsi que des attestations peu circonstanciées et au demeurant postérieures à la décision attaquée, ne permettent pas d'infirmer la motivation retenue par les premiers juges, qui ont considéré à bon droit que les documents produits devant eux ne suffisaient pas à établir qu'il participait effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses deux enfants français alors en outre que, comme ils l'ont également relevé, il ressort d'un rapport d'enquête du 20 avril 2018, établi par la direction départementale de la sécurité publique de la Haute-Garonne que M. D... n'a su indiquer ni l'adresse de la mère de Cameron, son fils aîné, ni celle de la mère de James, son second enfant, ni même le nom de l'école où était scolarisé James et où il a pourtant affirmé aller le chercher. Si, en appel, le requérant se prévaut à nouveau de sa reconnaissance prénatale, le 4 mars 2019, d'un troisième enfant, né d'une autre mère, cette circonstance ne lui confère pas de droit au séjour au titre des dispositions précitées. Dans ces conditions, et alors qu'au surplus M. D... ne développe aucun moyen pour contester le motif tiré de la menace à l'ordre public qui lui est opposé par le préfet, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur d'appréciation au regard des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en rejetant sa demande de titre de séjour.

7. En cinquième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Si M. D..., qui résidait en France depuis treize ans à la date de la décision attaquée, soutient qu'il justifie d'une vie privée et familiale sur le territoire français du fait de la présence de ses deux enfants français et du troisième enfant qu'il a reconnu en mars 2019, il vit toutefois séparé de la mère de chacun de ces enfants et ne démontre ni participer à l'éducation ou à l'entretien d'aucun des trois ni l'existence de contacts réguliers avec ceux-ci. Ainsi, M. D... n'établit pas que la décision attaquée serait de nature à compromettre le maintien des liens avec ses enfants. A... outre, s'il fait valoir son intégration au sein de la société française par le travail, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il a fait l'objet de plusieurs condamnations pénales entre 2010 et 2016 dont, au total, vingt-cinq mois d'emprisonnement. Dans ces conditions, la décision de refus de titre de séjour ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. En prenant cette décision, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas non plus commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de M. D....

9. En sixième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

10. M. D... soutient que le préfet de la Haute-Garonne n'a pas accordé une attention primordiale à l'intérêt supérieur de ses enfants dans le cadre de l'exercice de son pouvoir d'appréciation. Cependant, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le requérant ne justifie pas contribuer effectivement à l'éducation de ses enfants, ni même qu'il entretiendrait des contacts stables et réguliers avec ses fils, domiciliés chacun chez leur mère, dont il est séparé. Ainsi, le moyen tiré de ce que le refus de séjour méconnaîtrait les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 septembre 2019 prise à son encontre par le préfet de la Haute-Garonne. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise pour information au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 2 décembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,

Mme Rey Gabriac, première conseillère.

Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 22 décembre 2021.

La rapporteure,

Florence Rey-Gabriac

Le président

Éric Rey-BèthbéderLa greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N°21BX02577


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 21BX02577
Date de la décision : 22/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : OUDDIZ-NAKACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-22;21bx02577 ?
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