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22/12/2021 | FRANCE | N°20BX01808

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 22 décembre 2021, 20BX01808


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes des villages du Midi Corrézien, devenue la communauté de communes du Midi Corrézien, a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner in solidum la société par actions simplifiée (SAS) Edeis, venant aux droits de la SAS Laumond, la société anonyme (SA) Socorem, venant aux droits de la société à responsabilité limitée (SARL) Corrège Verdier, la SAS Bâtiment Corrézien et la SAS Apave Sud Europe à l'indemniser de ses préjudices à hauteur de la somme totale de 3

6 694,57 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes des villages du Midi Corrézien, devenue la communauté de communes du Midi Corrézien, a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner in solidum la société par actions simplifiée (SAS) Edeis, venant aux droits de la SAS Laumond, la société anonyme (SA) Socorem, venant aux droits de la société à responsabilité limitée (SARL) Corrège Verdier, la SAS Bâtiment Corrézien et la SAS Apave Sud Europe à l'indemniser de ses préjudices à hauteur de la somme totale de 36 694,57 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en lien avec l'exécution du marché public de reconstruction et de mise aux normes du complexe nautique de Collonges.

Par un jugement n° 1801739 du 23 janvier 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 juin 2020, la communauté de communes du Midi Corrézien, représentée par Me Pauliat-Defaye, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 23 janvier 2020 ;

2°) de condamner in solidum la SAS Edeis, venant aux droits de la SNC Lavallin, elle-même venant aux droits de la SAS Laumont Faure Ingéniérie, la société SOCOREM, venant aux droits de la SARL Corrège et Verdier, la SAS Bâtiment Corrézien dite Batco et la SAS Apave Sud Europe à lui verser la somme de 36 694,57 euros, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2018 et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge in solidum des mêmes sociétés le paiement des frais d'expertise taxés à la somme de 13 198,08 euros par ordonnance du 25 avril 2017 ;

4°) de mettre à la charge des mêmes sociétés une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les désordres (fuites et vidage du grand bassin) ont pour origine des perforations et fractures des canalisations de ligne de refoulement n° 3, canalisations enterrées car installées dans un vide sanitaire non accessible contrairement au CCTP ; ces désordres ne peuvent être regardés comme n'étant en aucune manière imputables aux prestations réalisées par la maîtrise d'œuvre, la société Batco titulaire du lot n° 1 " démolition - gros œuvre " et par la société Socorem titulaire du lot " traitement de l'eau " ; les désordres sont en lien avec l'objet des obligations contractuelles des constructeurs en cause et se rattachent bien au périmètre des interventions de chacun d'eux ; c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que la responsabilité des sociétés Corrège et Verdier, Socorem, Batco et Laumond ne pouvait être engagée sur le fondement de la garantie décennale ;

- c'est à tort que le tribunal a jugé qu'il ne résultait pas de l'instruction que les désordres relevés présentaient un lien avec les missions dont le contrôleur technique était titulaire ; la responsabilité de la société Apave Sud Europe doit être retenue solidairement avec les autres constructeurs concernés ;

- les préjudices sont évalués à 20 910 euros pour les travaux préparatoires et 15 784,57 euros pour les préjudices annexes.

Par deux mémoires, enregistrés les 7 juillet 2020 et 8 octobre 2021, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la société Apave Sud Europe, représentée par Me Martineu, conclut à titre principal, au rejet de la requête et demande à la cour, à titre subsidiaire :

1°) de rejeter de la demande de remboursement formée par la communauté de communes du Midi Corrézien au titre du devis de la société Syclope Electronique et du devis de la société Pierres et Constructions en Quercy,

2°) de condamner in solidum la société Edeis, la société Batco et la société Socorem à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes ainsi que de tout succombant le paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les canalisations n'étaient pas fuyardes à la réception, les fuites se sont manifestées sept ans après la réception ; la casse dont s'agit ne peut avoir qu'une cause extérieure à l'opération de construction ; c'est à bon droit que le tribunal administratif de Limoges a jugé qu'il ne pouvait pas être fait application des principes inspirés des dispositions de l'article 1792 du code civil ;

- sa responsabilité ne peut être engagée en l'absence de survenance de l'un des aléas techniques dont elle avait la charge de contribuer à la prévention ;

- en ce qui concerne le montant des travaux de reprise, il y a lieu d'entériner le rapport d'expertise judiciaire ; en l'absence de preuve du paiement des sommes issues des devis des 18 juillet 2014 et 2 mars 2016, l'indemnisation liée aux préjudices annexes ne pourra être accordée ;

- elle sollicite, en cas de condamnations prononcées à son encontre, la garantie in solidum, de la société Edeis, de la société Batco et de la société Socorem, en application des principes inspirés des dispositions de l'article 1240 du code civil ;

- elle ne peut être condamnée in solidum avec un constructeur au profit d'un autre constructeur, ni supporter la part de responsabilité de l'un constructeur insolvable, en vertu de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation.

Par un mémoire, enregistré le 29 juillet 2020, la Société de conception et de réalisation électronique et de maintenance (Socorem), représentée par Me Dalmayrac, conclut au rejet de la requête et à titre subsidiaire, demande à la cour :

1°) de limiter la condamnation au titre de la responsabilité décennale à la somme de 2 080 euros HT

2°) en tout état de cause, de condamner in solidum les société Edeis, Apave, et Batco à la garantir à hauteur de 95 % des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ;

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes ainsi que de tout succombant le paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les réseaux ont été cassés après la réception de l'ouvrage par le maître de l'ouvrage qui en est devenu le seul gardien ; ainsi, les désordres résultent d'une cause étrangère à l'ouvrage exécuté par elle ;

- à titre subsidiaire, les infiltrations constatées sont de nature décennale et leur réparation relève exclusivement de la responsabilité décennale des entreprises concernées ; sa responsabilité ne pourrait être retenue que pour les deux perforations relevées sur la canalisation n° 3, dont le remplacement de la tuyauterie de diamètre 110 est évalué suivant ledit devis à la somme de 2 080 euros HT ; les préjudices immatériels invoqués par la communauté de communes ne sont ni certains ni directs ;

- les frais d'expertise portant sur les infiltrations objet du présent litige se limitent à 13 176,65 euros ;

- la part de responsabilité de chaque intervenant devait être fixée à 60 % pour la maîtrise d'œuvre, 10 % pour le contrôleur technique, 15 % pour l'entreprise titulaire du lot gros œuvre, 10 % pour elle ; la cour condamnera in solidum les société Edeis, Apave, et Batco à la garantir à hauteur de 95 % des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ;

Par un mémoire, enregistré le 7 septembre 2020, la société Groupama d'Oc, représentée par Me Moins, conclut au rejet de la requête et demande à la cour à titre subsidiaire :

1°) de limiter la condamnation au titre de la responsabilité décennale à la somme de 2 080 euros HT ;

2°) de prononcer la mise hors de cause de la compagnie Groupama d'Oc ;

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes le paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les désordres constatés sont sans lien avec les travaux confiés à la société Corrège Verdier ; les canalisations ont été détériorées après l'exécution des travaux ; c'est à bon droit que le tribunal a jugé que les dispositions de l'article 1792 du code civil ne s'appliquaient pas en l'espèce ;

- les frais d'expertise portant sur les infiltrations objet du présent litige se limitent à 13 176,65 euros ;

- elle n'est pas tenue d'indemniser les dommages immatériels en raison du fait que la SMABTP était l'assureur de l'entreprise Corrège Verdier à la date de la réclamation.

Par deux mémoires, enregistrés les 21 septembre et 12 octobre 2021, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la société SMABTP, représentée par Me Renaudie, conclut au rejet de la requête et demande à la cour à titre subsidiaire de condamner in solidum les constructeurs à concurrence de 60 % pour la société Edeis, 15 % pour la société Batco, 15 % pour la société Socorem et 10 % pour la société Apave Sud Europe et de statuer ce que de droit sur la demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la juridiction administrative n'est pas compétente pour statuer à l'égard des assureurs des constructeurs au motif que le contrat liant les constructeurs aux assureurs est un contrat de droit privé ;

- la cause de l'apparition de la fuite et de la perte d'eau n'étant pas connue, la communauté de communes n'est pas fondée à engager la responsabilité décennale des constructeurs ;

- à titre subsidiaire, la responsabilité de la maîtrise d'œuvre doit être engagée dès lors que la société Laumond n'a pas respecté ses obligations découlant du CPTC, notamment l'obligation de délivrer les VISA avant qu'un travail soit entrepris par la société Batco ; l'expert relève également un manque dans le suivi du chantier ainsi qu'une absence d'organisation de l'interphase entre les différents lots ; Le bureau de contrôle a failli à sa mission et privé le maître d'ouvrage d'informations lui permettant de réagir aussi bien en cours de chantier qu'au moment de la réception ; le partage de responsabilité devrait être de 60 % pour la maîtrise d'œuvre, 15 % pour la société Batco, 15 % pour la société Socorem et 10 % pour la société Apave Sud Europe ;

- l'évaluation des travaux préparatoires et des préjudices annexes à hauteur respectivement de 20 910 euros et 15 784,57 euros n'appelle pas d'observation ;

- les frais d'expertise seront réduits de moitié dès lors que la même demande a été effectuée dans une autre instance relative aux désordres de carrelage.

Un courrier du 21 septembre 2021, adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a précisé la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

L'instruction a été close au 20 octobre 2021, date d'émission d'une ordonnance prise en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Un mémoire, enregistré le 16 novembre 2021, postérieurement à la clôture de l'instruction présenté pour la société Edeis et Euromaf, par Me Raynal, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Nathalie Gay,

- les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique,

- et les observations de Me Gaucher-Piola, représentant la communauté de communes du Midi Corrézien, Me Renaudie, représentant la SMABTP, et Me Trouvé, représentant la société coopérative ouvrière de production.

Considérant ce qui suit :

1. En 2006, le syndicat intercommunal de Meyssac Collonges, devenu communauté de communes des villages du Midi Corrézien puis communauté de communes du Midi Corrézien, a fait réaliser sous sa maîtrise d'ouvrage une opération de reconstruction et de mise aux normes du complexe nautique situé à Collonges. En raison d'une importante fuite d'eau, inaccessible, sous le grand bassin de 25 mètres, constatée notamment par un rapport d'expertise ordonné par le juge des référés du tribunal administratif de Limoges par une ordonnance du 9 novembre 2015, la communauté de communes du Midi Corrézien a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner in solidum la SAS Edeis, venant aux droits de la société SAS Laumond, la société Socorem venant aux droits de la société Corrège Verdier, la société Bâtiment Corrézien dite Batco et la société Apave Sud Europe, à l'indemniser de ses préjudices à hauteur d'une somme totale de 36 694,57 euros TTC assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation. La communauté de communes du Midi Corrézien relève appel du jugement n° 1801739 du 23 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Sur l'exception d'incompétence :

2. Les conclusions dirigées par le maître d'ouvrage contre l'assureur d'une entreprise de travaux sont relatives à l'exécution d'un contrat de droit privé passé entre l'entreprise et l'assureur et relèvent de la compétence du juge judiciaire. Ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Limoges, si la communauté de communes du Midi Corrézien a demandé la mise en cause de la SMABTP et de la société Groupama d'Oc, elle n'a présenté aucune conclusion à fin de condamnation à leur encontre. Par suite, en l'absence de telles conclusions, le tribunal a, à bon droit, écarté l'exception d'incompétence.

Sur la responsabilité décennale :

3. Il résulte des principes qui régissent la responsabilité décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise judiciaire, que des fuites ont été constatées par un employé de la communauté de communes du Midi Corrézien lors de la saison 2014 et que le grand bassin a été pratiquement vidé en raison de ces fuites d'eau au cours du mois d'octobre 2014. Il résulte de l'expertise que ces fuites ont pour cause des perforations et des fractures sur les canalisations de ligne de refoulement n° 3 et que ces canalisations sont cassées et très fuyardes. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que le lot n° 1 " démolition gros-œuvre " a été réceptionné sans réserve le 9 novembre 2007 et que si le lot n° 9B " traitement de l'eau " a été réceptionné avec réserves le 27 juillet 2007, celles-ci ne portaient pas sur les désordres constatés. Ainsi, les désordres constatés, qui ont entraîné le vidage du grand bassin, et qui sont de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination, sont apparus dans le délai de dix ans et n'étaient pas apparents à la réception de l'ouvrage.

5. En second lieu, il résulte de l'instruction que l'expert n'a pas été mis à même, faute de production de documents relatifs aux consommations d'eau, de mesurer l'étendue des fuites avant janvier 2014, date de la mise à disposition du complexe nautique à la communauté de communes. Il n'exclut d'ailleurs pas que ces fuites puissent exister depuis la réalisation des travaux. En outre, il souligne que les travaux ont été mal exécutés, tant par l'entreprise titulaire du lot n° 9B " traitement de l'eau ", qui a installé les canalisations, que par l'entreprise titulaire du lot n° 1 " démolition - gros œuvre " dès lors que ces canalisations se sont retrouvées dans un vide sanitaire, les rendant inaccessibles, empêchant tout entretien et retardant la découverte des fuites, en méconnaissance des documents contractuels. De plus, l'expert indique que la maîtrise d'œuvre a été défaillante tant dans le suivi de chantier, durant lequel la société BET Laumond, aux droits de laquelle vient la SAS Edeis, a été insuffisamment précise concernant la mission VISA et les demandes d'EXE, que dans la production de plans nécessaires à l'exécution du chantier. Ainsi, alors même qu'il existe une incertitude quant à la cause de la perforation des canalisations, les désordres entrent dans le périmètre des missions des constructeurs et il ne résulte pas de l'instruction que les fuites d'eau n'étaient en aucune manière imputables aux travaux réalisés par les sociétés mises en cause. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Limoges a jugé que la communauté de communes du Midi Corrézien n'est pas fondée à engager la responsabilité décennale de la SAS Edeis, de la société Socorem et de la société Bâtiment Corrézien.

6. Aux termes de l'article L. 111-23 du code de la construction et de l'habitation : " Le contrôleur technique a pour mission de contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d'être rencontrés dans la réalisation des ouvrages. / Il intervient à la demande du maître de l'ouvrage et donne son avis à ce dernier sur les problèmes d'ordre technique, dans le cadre du contrat qui le lie à celui-ci. Cet avis porte notamment sur les problèmes qui concernent la solidité de l'ouvrage et la sécurité des personnes ". Aux termes L. 111-24 du même code : " Le contrôleur technique est soumis, dans les limites de la mission à lui confiée par le maître de l'ouvrage à la présomption de responsabilité édictée par les articles 1792, 1792-1 et 1792-2 du code civil, reproduits aux articles L. 111-13 à L. 111-15, qui se prescrit dans les conditions prévues à l'article 2270 du même code reproduit à l'article L. 111-20. / Le contrôleur technique n'est tenu vis-à-vis des constructeurs à supporter la réparation de dommages qu'à concurrence de la part de responsabilité susceptible d'être mise à sa charge dans les limites des missions définies par le contrat le liant au maître d'ouvrage ". Il résulte de ces dispositions que l'obligation de garantie décennale s'impose non seulement aux architectes et aux entrepreneurs, mais également au contrôleur technique lié par contrat au maître de l'ouvrage dans la limite de la mission qui lui a été confiée.

7. Il résulte de l'instruction et notamment de la convention signée le 15 mars 2005 que la mission dévolue au bureau de contrôle Apave comportait une mission L relative à la solidité des ouvrages et des éléments d'équipements indissociables, une mission LE relative à la solidité des ouvrages existants et une mission SEI relative à la sécurité des personnes dans les ERP ou les IGH. Au titre de la mission L relative à la solidité des ouvrages et des éléments d'équipements indissociables, les dispositions contractuelles précisaient que le contrôle devait porter sur les ouvrages et éléments d'équipements suivants : réseaux divers et ouvrages de voirie, ouvrages de fondation, ouvrages d'ossature, ouvrages de clos et de couvert, ainsi que les éléments d'équipements indissociablement liés à ces ouvrages. Les désordres objets du présent litige se rapportent à une canalisation de refoulement, nécessaire à l'évacuation des eaux du grand bassin, qui doit être regardée comme un élément indissociablement lié au réseau d'eau alimentant le complexe nautique. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le bureau de contrôle a demandé des éléments sur la modification des charges et surcharges porteuses sur les existants, ce qui correspond à la réalisation de radier sur les fonds de bassin existants, sur l'enrobage des canalisations et a dressé une liste des études d'exécution à lui présenter pour qu'il donne son avis et que, contrairement aux documents contractuels, il a été créé un plancher béton avec un coffrage perdu et des canalisations installées en sous-face non-visitable. Par suite, la société Apave n'est pas fondée à soutenir que les désordres constatés ne lui sont pas imputables.

Sur les préjudices :

8. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise, que la solution réparatoire consiste à remplacer toutes les canalisations de refoulement avec un cheminement depuis la périphérie du bassin et à modifier les départs des lignes de refoulement existantes pour permettre la création d'un nouveau réseau en aérien. Contrairement à ce que soutient la société Socorem, les travaux réparatoires ne se limitent pas au seul remplacement de la tuyauterie de 110 mm de diamètre. Il résulte du même rapport d'expertise que le coût de ces travaux s'élève à 20 910 euros TTC, montant qui n'est pas sérieusement contesté par les parties.

9. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise judiciaire que les préjudices annexes sont évalués à la somme totale de 15 784,57 euros, qui correspond, notamment, à des frais de passage de caméra dans les tuyauteries, de surconsommation d'eau, de percements dans le béton afin d'opérer des constatations et inclus également un devis Syclope Electronique du 18 juillet 2014 de 3 840,10 euros. Or, alors que la société Apave conteste l'utilité de cette dépense, laquelle, aux termes du dire n° 3 du 6 mars 2017 de Me Pauliat-Defaye, conseil de la communauté de communes de Midi Corrézien, adressé à l'expert, concerne " un devis attestant des dommages subis par les appareils ", cette communauté de communes ne produit ni ce devis ni aucune facture correspondant à cette dépense. En conséquence, elle ne met pas la cour à même de se prononcer sur la nature exacte de cette dépense et, par suite, sur son utilité afin de remédier aux dommages en cause. Ainsi, la demande de condamnation des constructeurs à la somme de 3 840,10 euros doit être rejetée. En ce qui concerne le devis Pierres et Constructions en Quercy d'un montant de 6 240 euros, il résulte de l'instruction que l'expertise a nécessité des percements de parois en béton. Par suite, alors que la société Apave Sud Europe ne conteste pas sérieusement le montant de ce devis, le préjudice relatif à cette dépense présente un caractère certain et doit par conséquent être indemnisé. Il résulte de ce qui précède que les préjudices annexes doivent être évalués à la somme de 11 944,47 euros.

10. Il résulte de ce qui a été exposé aux points 8 et 9 que la communauté de communes du Midi Corrézien est fondée à demander la réparation des travaux réparatoires et des préjudices annexes dont le coût total s'élève à 32 854,47 euros.

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

11. La communauté de communes du Midi Corrézien a droit aux intérêts légaux de la somme de 32 854,47 euros à compter du 31 octobre 2018, date d'enregistrement de sa requête devant le tribunal administratif de Limoges. Elle a demandé la capitalisation dans sa requête. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter de la date du 31 octobre 2019, à laquelle était due une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle suivante.

Sur les appels en garantie :

12. Ainsi qu'il a été indiqué au point 5, la maîtrise d'œuvre a été défaillante tant dans la production des plans que dans le suivi de l'exécution des travaux et ceux-ci ont été mal réalisés par l'entreprise titulaire du lot n° 9B " traitement de l'eau ", qui a installé les canalisations, et par l'entreprise titulaire du lot n° 1 " démolition - gros œuvre " dès lors que ces canalisations se sont retrouvées dans un vide sanitaire, les rendant inaccessibles, empêchant tout entretien et retardant la découverte des fuites, en méconnaissance des documents contractuels. Il résulte également de l'instruction et notamment du rapport d'expertise, qu'aucun manquement du bureau de contrôle ne saurait lui être imputé. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation des responsabilités des sociétés Edeis, venant aux droits de la SAS Laumond, chargée de la maîtrise d'œuvre, et des sociétés Socorem et Batco, chargées des travaux, dans la survenance de ces désordres en les fixant respectivement à 50 %, 25 % et 25 %. Par suite, la société Edeis doit être condamnée à garantir les sociétés Socorem et Batco à hauteur de 50 % des condamnations prononcées à leur encontre et les sociétés Socorem et Batco doivent être condamnées à garantir la société Edeis à hauteur de 25 % chacune des condamnations prononcées à son encontre. La société Apave Sud Europe n'ayant pas commis de faute à l'origine des désordres constatés, d'une part, la société Socorem n'est pas fondée à demander à être garantie par elle des condamnations prononcées à son encontre, et, d'autre part, les appels en garantie formés par cette société sont sans objet et doivent être rejetés comme tels en l'absence de condamnation prononcée contre elle.

Sur les frais d'expertise :

13. Il y a lieu de mettre à la charge définitive des sociétés Edeis, Socorem et Batco à hauteur respectivement de 50 %, 25% et 25%, les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 13 176,65 euros par une ordonnance du 22 mars 2017.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté de communes du Midi Corrézien, qui n'est pas la partie perdante, une somme à verser aux sociétés Socorem, Groupama d'Oc et SMABTP. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge des sociétés Edeis, Socorem et Batco une somme de 500 euros, chacune, à verser à la communauté de communes du midi Corrézien en application de ces mêmes dispositions. Il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par les sociétés Socorem, Apave Sud Europe, Groupama d'Oc et SMABTP sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La société Edeis, la société Batco et Socorem sont condamnées in solidum à verser à la communauté de communes du Midi Corrézien la somme de 32 854,47 euros TTC. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2018. Les intérêts seront capitalisés au 31 octobre 2019 pour produire eux-mêmes intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 2 : La société Edeis est condamnée à garantir, à concurrence de 50 %, les autres constructeurs de la condamnation prononcée à l'article 1er du présent dispositif.

Article 3 : La société Socorem est condamnée à garantir, à concurrence de 25 %, les autres constructeurs de la condamnation prononcée à l'article 1er du présent dispositif.

Article 4 : La société Batco est condamnée à garantir, à concurrence de 25 %, les autres constructeurs de la condamnation prononcée à l'article 1er du présent dispositif.

Article 5 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 13 176,65 euros sont mis à la charge définitive des sociétés Edeis, Socorem et Batco à hauteur respectivement de 50 %, 25 % et 25 %.

Article 6 : Le jugement attaqué est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 7 : Les sociétés Edeis, Socorem et Batco verseront une somme de 500 euros, chacune, à la communauté de communes du Midi Corrézien en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes du Midi Corrézien, à la société par actions simplifiée Edeis, à la société Socorem, à la société Batco, à la société par actions simplifiée Apave Sud Europe, à la société Groupama d'Oc et à la société SMABTP, à Euromaf et à la société à responsabilité limitée Lacombe.

Délibéré après l'audience du 2 décembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,

Mme Nathalie Gay, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 décembre 2021.

La rapporteure,

Nathalie Gay

Le président,

Éric Rey-BèthbéderLa greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au préfet de la Corrèze en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N°20BX01808


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 20BX01808
Date de la décision : 22/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04-03-02 Marchés et contrats administratifs. - Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. - Responsabilité décennale. - Désordres de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs. - Ont ce caractère.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : HOLMAN FENWICK WILLAN France LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 04/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-22;20bx01808 ?
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