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22/12/2021 | FRANCE | N°20BX01160

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 22 décembre 2021, 20BX01160


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes des villages du Midi Corrézien a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner in solidum la société par actions simplifiée (SAS) Edeis, venant aux droits de la SAS Laumond, la SARL JCM Senaud et la SAS Bâtiment Corrézien à l'indemniser de ses préjudices à hauteur de la somme totale de 903 913,21 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation.

Par un jugement n° 1700911 du 23 janvier 2020, le tribunal administratif de Limoges a co

ndamné in solidum la société JCM Senaud et la société Edeis à verser à la communaut...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes des villages du Midi Corrézien a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner in solidum la société par actions simplifiée (SAS) Edeis, venant aux droits de la SAS Laumond, la SARL JCM Senaud et la SAS Bâtiment Corrézien à l'indemniser de ses préjudices à hauteur de la somme totale de 903 913,21 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation.

Par un jugement n° 1700911 du 23 janvier 2020, le tribunal administratif de Limoges a condamné in solidum la société JCM Senaud et la société Edeis à verser à la communauté de communes des villages du Midi Corrézien la somme de 783 913,21 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 mars 2020 et 27 octobre 2021, la société Edeis, représentée par Me Arroyo, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 23 janvier 2020 en ce qu'il a retenu sa responsabilité contractuelle ;

2°) à titre principal, de rejeter la demande de condamnation présentée par la communauté de communes du Midi Corrézien et, à titre subsidiaire, de ramener le montant des préjudices de la communauté de communes à de plus justes proportions et, dans l'hypothèse où une condamnation in solidum serait prononcée à son encontre, de limiter la part de sa responsabilité à 15 % ;

4°) de mettre à la charge de tout succombant la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande d'indemnisation de la communauté de communes des villages du Midi Corrézien fondée sur la responsabilité contractuelle n'était pas recevable dès lors que la CCVM n'avait pas justifié de l'absence du caractère définitif du décompte général du marché ;

- l'action tendant à l'engagement de la responsabilité contractuelle de la société Edeis n'était pas fondée dès lors que certains motifs retenus par le tribunal concernent le lot n° 1, qui a fait l'objet d'une réception sans réserve, et que les reproches quant à l'insuffisance du suivi des travaux et au caractère fautif de la suppression de l'étanchéité et de la chape rapportée sur les plages ne sont pas fondés ;

- l'indemnisation doit être réduite du montant du coût de l'assurance dommage ouvrage, de la coordination SPS et du coût des travaux supplémentaires qui étaient indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art ;

- elle doit être garantie par la société JCM Senaud et la société Apave à concurrence respectivement de 80 % et 10 %.

Par un mémoire, enregistré le 9 juin 2020 et 10 novembre 2021, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la SAS Apave Sudeurope, représentée par Me Martineu, conclut au rejet des demandes tendant à l'engagement de sa responsabilité, à titre subsidiaire, à la condamnation in solidum de la société Batco et de la société JMC Senaud à relever et garantir la société Apave Sudeurope de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre et à la mise à la charge solidaire de la société Edeis et de tous autres succombants du versement de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- aucun appel en garantie n'a été formé devant le tribunal par la société Edeis au titre des désordres affectant le carrelage des plages du complexe nautique à son encontre ; cette demande est nouvelle en appel et, par suite, irrecevable ;

- la société Edeis ne peut rechercher sa responsabilité que sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle dès lors qu'elles n'ont aucun lien contractuel ; qu'elle n'a commis aucune faute et que la pose de carrelage collé constitue un élément d'équipement indissociable qui ne faisait pas partie de la mission de l'Apave ès-qualité de contrôleur technique au titre de sa mission L, relative à la solidité des ouvrages et éléments d'équipement indissociables ;

- elle ne peut être condamnée in solidum avec un constructeur au profit d'un autre constructeur, ni supporter la part de responsabilité de l'un constructeur insolvable, en vertu de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation.

Par deux mémoires, enregistrés les 21 juillet 2020 et 21 octobre 2021, la communauté de communes Midi Corrézien, représentée par Me Pauliat-Defaye, conclut au rejet de la requête et demande, par la voie de l'appel incident :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 23 janvier 2020 en ce qu'il a mis hors de cause la société Bâtiment Corrézien dite Batco SA et considéré le préjudice immatériel non établi ;

2°) de condamner in solidum sur le fondement de la responsabilité décennale et, à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, la société Edeis, venant aux droits de la SAS Laumond Faure Ingénierie, la SARL JCM Senaud et la société Bâtiment Corrézien à lui verser la somme totale de 903 913,21 euros, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2017 et de leur capitalisation à compter du 28 juin 2018 ;

3°) de condamner in solidum ces mêmes sociétés au remboursement des frais et honoraires de l'expert taxés à la somme de 23 762,69 euros TTC ;

4°) en tout état de cause, de mettre à la charge de la société Edeis, venant aux droits de la SAS Laumond Faure Ingénierie, la SARL JCM Senaud et la société Bâtiment Corrézien le paiement de la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen tiré de la non justification de l'absence de caractère définitif d'un éventuel décompte général définitif, qui n'est pas d'ordre public, est nouveau en appel et par suite irrecevable ; en l'absence de décompte général et définitif, la fin de non-recevoir tirée du caractère intangible du DGD ne pourra qu'être rejetée ;

- les désordres constatés par leur nature et leur gravité engagent la responsabilité décennale des intervenants à l'acte de construire ;

- le tribunal a, à tort, considéré qu'il n'était pas établi que les malfaçons commises par la société Batco relevées par l'expert ne présenteraient aucun lien de causalité avec les dommages subis ; les désordres ne pouvaient être regardés comme apparents à la réception ;

- dès lors que la société Edeis a manqué à ses obligations contractuelles dans le cadre de la conception puis du suivi des travaux du lot n° 6 B, sa responsabilité contractuelle est engagée ainsi que celle de la société Senaud ;

- les photographies produites aux débats ainsi que le procès-verbal de constat du 2 mai 2014 justifient de la réalité du préjudice d'image subi depuis 2007/2008, préjudice qui sera évalué à la somme de 1 000 euros par mois soit 120 000 euros sur dix ans.

Par un mémoire, enregistré le 20 septembre 2021, la SMABTP, représentée par Me Renaudie, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Edeis d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la juridiction administrative n'est pas compétente pour statuer à l'égard des assureurs des constructeurs au motif que le contrat liant les constructeurs aux assureurs est un contrat de droit privé ;

- l'action à l'encontre de la SMABTP en qualité d'assureur responsabilité civile professionnelle est prescrite dès lors que sa responsabilité n'a été recherchée qu'en qualité d'assureur responsabilité civile décennale des sociétés JCM Senaud et Batco ;

- il sera enjoint à la communauté de communes de produire les décomptes généraux définitifs qui mettent fin aux relations contractuelles entre les parties ;

- les conditions d'engagement de la responsabilité décennale des constructeurs ne sont pas réunies ;

- s'il devait y avoir une condamnation des constructeurs au titre de la responsabilité contractuelle de droit commun, elle serait in solidum avec un partage de responsabilité de 50 % pour la société Edeis et 50 % pour la SARL JCM Senaud.

L'instruction a été close au 25 novembre 2021, date d'émission d'une ordonnance prise en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Nathalie Gay,

- les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique,

- et les observations de Me Caleix, représentant la société Edeis, de Me Gaucher-Piola, représentant la communauté de communes du Midi Corrézien, et de Me Renaudie, pour la SMABTP.

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat intercommunal de Meyssac Collonges, devenu communauté de communes des villages du Midi Corrézien, puis communauté de communes du Midi Corrézien, a fait réaliser sous sa maîtrise d'ouvrage une opération de reconstruction et de mise aux normes du complexe nautique situé à Collonges. En raison de la présence de désordres constatés par procès-verbal d'huissier du 2 mai 2014 et par un rapport d'expertise ordonné par le juge des référés du tribunal administratif de Limoges par une ordonnance du 9 novembre 2015, la communauté de communes des villages du Midi Corrézien a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner in solidum la SAS Edeis, venant aux droits de la société SAS Laumond, la SARL JCM Senaud et la SAS Bâtiment Corrézien à l'indemniser de ses préjudices à hauteur de la somme totale de 903 913,21 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation. Par un jugement n° 1700911 du 23 janvier 2020, le tribunal administratif de Limoges a condamné la société JCM Senaud et la société Edeis in solidum à verser à la communauté de communes des villages du Midi Corrézien la somme de 783 913,21 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2017 et de leur capitalisation à compter du 28 octobre 2019. La société Edeis relève appel de ce jugement et la communauté de communes du Midi-Corrézien demande, par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges en ce qu'il a mis hors de cause la société Bâtiment Corrézien dite Batco SA et considéré le préjudice immatériel non établi et de condamner in solidum sur le fondement de la responsabilité décennale et, à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, la société Edeis, venant aux droits de la SAS Laumond Faure Ingénierie, la SARL JCM Senaud et la société Bâtiment Corrézien à lui verser la somme totale de 903 913,21 euros, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2017 et de leur capitalisation à compter du 28 juin 2018.

Sur l'exception d'incompétence :

2. La SMABTP reprend en appel, sans l'assortir d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement, l'exception d'incompétence qu'elle avait opposée en première instance. Il convient d'écarter cette exception d'incompétence par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge.

Sur la responsabilité contractuelle :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

3. Il appartient au maître de l'ouvrage, lorsqu'il lui apparaît que la responsabilité de l'un des participants à l'opération de construction est susceptible d'être engagée à raison de fautes commises dans l'exécution du contrat conclu avec celui-ci, soit de surseoir à l'établissement du décompte jusqu'à ce que sa créance puisse y être intégrée, soit d'assortir le décompte de réserves. À défaut, si le maître d'ouvrage notifie le décompte général du marché, le caractère définitif de ce décompte fait obstacle à ce qu'il puisse obtenir l'indemnisation de son préjudice éventuel sur le fondement de la responsabilité contractuelle du constructeur, y compris lorsque ce préjudice résulte de désordres apparus postérieurement à l'établissement du décompte. Il lui est alors loisible, si les conditions en sont réunies, de rechercher la responsabilité du constructeur au titre de la garantie décennale et de la garantie de parfait achèvement lorsque celle-ci est prévue au contrat.

4. Il résulte de l'instruction que les documents présentés par la société Edeis comme correspondant aux " décomptes généraux et définitifs " des lots n° 6a, n° 6b et n° 1, établis, respectivement, les 19 septembre 2006, 25 février 2008 et 17 octobre 2017, ne sont pas signés. Par suite, en l'absence de signature par le maître de l'ouvrage, ces documents ne peuvent être regardés comme les décomptes généraux et définitifs des différents lots du marché en cause. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de ce que le caractère définitif du décompte général ferait obstacle à ce que la communauté de communes du Midi Corrézien pût obtenir l'indemnisation de son préjudice éventuel sur le fondement de la responsabilité contractuelle du constructeur doit être écartée.

En ce qui concerne la faute :

5. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise, que la SAS Laumond Faure Ingénierie, aux droits de laquelle est venue la SNC Lavalin, puis la société Edeis, en charge de la maîtrise d'œuvre, n'a pas précisé, dans le cahier des clauses techniques particulières (CCTP), les éléments essentiels à la bonne conduite du chantier, n'a pas fait respecter ses plans de base du marché et a validé un avenant en supprimant des prestations obligatoires (étanchéité et chape). Il résulte également de l'instruction que la conduite du chantier a été gravement défaillante et, en ce qui concerne la réception, que le maître d'œuvre n'a pas eu recours aux mesures coercitives dont il pouvait disposer en vertu du cahier des clauses administratives générales (CCAG) de travaux. Si la société Edeis critique le jugement en ce que les premiers juges ont retenu que le CCTP du lot n° 6B ne présentait ni annotation, ni prescription ni aucun élément concernant les formes à réaliser pour la pose du carrelage alors que la réalisation des formes relevait du lot n° 1 relatif gros-œuvre, qui a fait l'objet d'une réception sans réserves, il résulte de l'instruction que le maître d'œuvre n'a pas demandé, ainsi que le relève l'expert, de " plan de calepinage qui auraient permis de voir les futurs problèmes ", manquement qui relève du lot 6 B du marché. En outre, si la société Edeis fait valoir que l'étanchéité multicouche citée par l'expert judiciaire dans son rapport comme ayant été retirée à l'entreprise Senaud ne concernait pas les plages mais une autre zone de plancher remplacée suivant l'article 3.2.2. du CCTP, elle n'apporte aucun commencement de preuve à l'appui de ses allégations. Il résulte de ce qui vient d'être exposé que c'est à bon droit que le tribunal a jugé que la responsabilité contractuelle de la société Edeis pouvait être engagée.

6. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que le lot n° 1 " démolition gros œuvre ", dont la SAS Bâtiment Corrézien était titulaire, a été réceptionné sans réserve le 9 novembre 2007. Ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, dès lors que la réception, acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage, met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage, la communauté de communes du Midi Corrézien n'était pas fondée à engager la responsabilité contractuelle de la SAS Bâtiment Corrézien.

En ce qui concerne les préjudices :

7. Dès lors que la garantie dommage-ouvrage n'est pas obligatoire pour les personnes publiques, qu'il n'est pas contesté que la communauté de communes du Midi Corrézien avait fait le choix de ne pas souscrire une telle assurance pour la réalisation des travaux et qu'il ne résulte pas de l'instruction que le maître d'ouvrage aurait l'intention de conclure une police d'assurance conformément aux dispositions de l'article L. 241-1 du code des assurances, la société Edeis est fondée à soutenir que l'engagement de la dépense relative au coût d'une assurance dommage-ouvrage pour un montant de 26 417,74 euros HT ne correspond pas pour la communauté de communes du Midi Corrézien à un préjudice direct et certain.

8. En se bornant, en outre, à faire valoir que la nécessité de désignation d'un coordonnateur SPS reste à démontrer, la société Edeis n'apporte aucun élément permettant de remettre en cause l'intégration au titre des frais indissociables d'une somme de 10 567,09 euros correspondant à la prestation d'un coordinateur SPS. Par suite, la demande la société Edeis tendant à supprimer ce chef de préjudice doit être rejetée.

9. Par ailleurs, il résulte de l'instruction qu'aucune mesure conservatoire ne permettait d'arrêter la circulation de l'eau sous l'étanchéité sans faire réaliser des travaux de grande ampleur. En outre, il n'est pas établi que les travaux préconisés par l'expert judiciaire pour remédier aux désordres constatés sur l'ouvrage iraient au-delà des prescriptions du cahier des techniques particulières applicables au marché. Par suite, la société Edeis n'est pas fondée à soutenir que les travaux chiffrés par l'expert devraient être regardés comme des travaux supplémentaires restant à la charge du maître de l'ouvrage.

10. Si la production de photographies et du procès-verbal établi le 2 mai 2014 permettent d'appréhender l'étendue des désordres du complexe nautique, ces éléments ne suffisent pas à établir la réalité d'un préjudice d'image subi par la communauté de communes depuis 2007/ 2008, comme elle le prétend. Par ailleurs l'intimée n'apporte aucun élément chiffré permettant de constater une diminution de la fréquentation du complexe nautique concerné et du camping y attenant au titre de la période de dix ans qu'elle invoque. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les demandes de la communauté de communes tendant à l'indemnisation d'un préjudice immatériel.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Edeis est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamnée à verser à la communauté de communes la somme de 26 417,74 euros HT au titre du coût de l'assurance dommage-ouvrage. Par ailleurs, la demande de la communauté de communes du Midi Corrézien présentée par la voie de l'appel incident doit être rejetée.

Sur la responsabilité décennale :

12. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le lot 6 B a été réceptionné avec réserves le 27 juillet 2007 et que ces réserves portaient notamment sur le décollement des carreaux sur les plages grand bassin, la reprise du " nez de marche escalier espace ludique qui se décollent " et des joints des plages, " certains étant creux et favorisant les infiltrations ", ainsi que l'insuffisance de hauteur relevée autour de la pataugeoire. Alors même que le dommage n'était pas entièrement apparent dans son étendue au moment de la réception, ces malfaçons laissaient entrevoir, dès cette date, une impropriété de l'ouvrage à sa destination. Par suite, ainsi que l'a, à bon droit, jugé le tribunal, la communauté de communes n'est pas fondée à solliciter l'engagement de la responsabilité de la garantie décennale des constructeurs.

Sur la capitalisation des intérêts :

13. Il résulte de l'instruction que la communauté de communes du Midi Corrézien a demandé la capitalisation des intérêts dans son mémoire enregistré le 28 octobre 2019. Ainsi, c'est à bon droit que les premiers juges ont fait droit à sa demande à compter de cette date, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date et non à compter du 28 juin 2018 comme le demande la communauté de communes du Midi Corrézien.

Sur les appels en garantie :

14. Il ne résulte pas de l'instruction l'existence de manquement de la part du bureau de contrôle quant à la réalisation de sa prestation. Par suite, la société Apave n'ayant pas concouru au dommage, la demande de la société Edeis n'est pas fondée à soutenir que la responsabilité de la société Apave devrait être engagée au titre de mission " L " qui lui avait été confiée en qualité de contrôleur technique.

15. Par ailleurs, la société Edeis n'apporte aucun élément permettant de justifier que les manquements de la société Senaud aux règles de l'art ou aux documents contractuels relevés par l'expert, en ce qu'elle n'a pas posé de joints périphériques en méconnaissance de l'article 52.1 du document technique unifié, en ce que l'étanchéité en tête n'a pas été protégée mécaniquement, et en ce que trois niveaux de carrelage ont été mal posés justifieraient qu'elle soit garantie à hauteur de 80 %.

16. En outre, la société Edeis n'apporte pas plus en appel qu'en première instance d'élément permettant d'établir que les malfaçons commises par la société Batco dans l'exécution du lot n° 1 " gros œuvre " présenteraient un lien de causalité avec les dommages constatés par l'expert. Par suite, ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges, la demande de la société Edeis tendant à être garantie par la société Batco des condamnations prononcées à son encontre doit être rejetée.

Sur les frais d'expertise :

17. Ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges, il y a lieu de mettre définitivement à la charge in solidum de la société JCM Senaud et de la société Edeis les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 23 762,68 euros par une ordonnance du 25 avril 2017.

Sur les frais liés au litige :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté de communes du Midi Corrézien, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel, une somme à verser à la société Edeis. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par la communauté de communes du Midi Corrézien, la société Apave et la société SMATP sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 783 913,21 euros que les sociétés JCM Senaud et Edeis ont été condamnées à verser à la communauté de communes du Midi Corrézien par le jugement n° 1700911 du 23 janvier 2020 du tribunal administratif de Limoges est ramenée à 757 495,47 euros TTC (sept cent cinquante-sept mille quatre cent quatre-vingt-quinze euros et quarante-sept centimes). Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2017. Les intérêts échus à la date du 28 octobre 2019 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Les frais d'expertise sont mis in solidum à la charge définitive de la société JCM Senaud et de la société Edeis à hauteur de 23 762,68 euros (vingt-trois mille sept cent soixante-deux euros et soixante-huit centimes).

Article 3 : Le jugement n° 1700911 du 23 janvier 2020 du tribunal administratif de Limoges est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Edeis, la société JCM Senaud, la communauté de communes du Midi Corrézien, la société par actions simplifiée Apave, la société Batco SA et la société SMABTP.

Délibéré après l'audience du 2 décembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,

Mme Nathalie Gay, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 décembre 2021.

La rapporteure,

Nathalie Gay

Le président,

Éric Rey-BèthbéderLa greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au préfet de la Corrèze en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

3

N°20BX01160


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 20BX01160
Date de la décision : 22/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-03-01-02-01 Marchés et contrats administratifs. - Exécution technique du contrat. - Conditions d'exécution des engagements contractuels en l'absence d'aléas. - Marchés. - Mauvaise exécution.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : HOLMAN FENWICK WILLAN France LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 04/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-22;20bx01160 ?
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