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22/12/2021 | FRANCE | N°19BX03588

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 22 décembre 2021, 19BX03588


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) du 13 rue Berggren a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2017 par lequel le préfet de la Dordogne a déclaré d'utilité publique, au bénéfice de la SEM Urbalys Habitat, l'acquisition des immeubles nécessaires à la résorption de l'habitat insalubre de l'îlot Berggren à Bergerac et a déclaré cessibles les immeubles, parties d'immeubles et lots de copropriétés de cet îlot.

Par un jugement n° 1704708 du 4 juillet 2

019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) du 13 rue Berggren a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2017 par lequel le préfet de la Dordogne a déclaré d'utilité publique, au bénéfice de la SEM Urbalys Habitat, l'acquisition des immeubles nécessaires à la résorption de l'habitat insalubre de l'îlot Berggren à Bergerac et a déclaré cessibles les immeubles, parties d'immeubles et lots de copropriétés de cet îlot.

Par un jugement n° 1704708 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 2 septembre 2019, les 16 janvier et 22 décembre 2020 et les 19 février et 12 juillet 2021, la SCI du 13 rue Berggren, représentée par Me Enguéléguélé puis Me Annoot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 4 juillet 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2017 par lequel le préfet de la Dordogne a déclaré d'utilité publique, au bénéfice de la SEM Urbalys Habitat, l'acquisition des immeubles nécessaires à la résorption de l'habitat insalubre de l'îlot Berggren à Bergerac et a déclaré cessibles les immeubles, parties d'immeubles et lots de copropriétés de cet ilot ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SCI du 13 rue Berggren soutient que :

- le jugement est irrégulier, dès lors qu'il n'a pas examiné certains moyens qui n'étaient pas nouveaux car se rattachant à la même cause juridique que certains moyens déjà soulevés ;

S'agissant de la délibération du conseil municipal approuvant le principe de la réhabilitation de l'îlot Berggren, il n'est pas établi que les conseillers municipaux aient été régulièrement convoqués cinq jours francs avant la séance, que la convocation précisait l'ordre du jour et était accompagnée d'une note explicative de synthèse ;

S'agissant des arrêtés du 17 février 2015 déclarant les immeubles insalubres,

- il ne ressort pas des pièces du dossier que les services devant être saisis pour avis se soient effectivement prononcés sur la réalité et les causes de l'insalubrité ;

- le maire n'a pas été invité à présenter ses observations à la commission et il n'y a pas eu de délibération préalable du conseil municipal, en méconnaissance du deuxième alinéa de l'article L. 1331-25 du code de la santé publique ;

- le maire n'a pas fourni au directeur général de l'ARS ou au directeur du service communal d'hygiène et de santé un plan parcellaire de l'immeuble avec l'indication des noms des propriétaires tels qu'ils figurent au fichier immobilier et le directeur général de l'ARS, ou le directeur du service communal d'hygiène et de santé, n'a pas remis de rapport motivé et détaillé au préfet pour le saisir, en méconnaissance de l'article L. 1331-26 du code de la santé publique ;

- l'avis de la CODERST du 5 février 2017 n'est pas motivé dès lors qu'il ne précise ni la réalité et les causes de l'insalubrité, ni les mesures propres à y remédier ;

- la SCI du 13 rue Berggren n'a pas été avisée de la tenue de la réunion de la CODERST en méconnaissance de l'article L. 1331-27 du code de la santé publique ;

- l'arrêté déclarant le lot n° 10 de la parcelle ES 150 insalubre à titre irrémédiable est illégal faute d'avoir recherché s'il existait des moyens techniques de mettre fin à l'insalubrité et quel en serait le coût ; il n'est pas établi que les travaux de réhabilitation étaient techniquement impossibles et que leur coût aurait excédé celui d'une reconstruction ;

- le lot n° 10 n'était pas utilisé à fin d'habitation mais de salle de sport ;

S'agissant de la déclaration d'utilité publique,

- la procédure est irrégulière, dès lors qu'il n'y a eu ni notice explicative, ni estimation sommaire des acquisitions à réaliser ni même plan des travaux à entreprendre ;

- la DUP est insuffisamment motivée, dès lors qu'elle ne comprend ni description physique des emprises ni présentation de la façon dont les immeubles non déclarés insalubres s'imbriquent avec des immeubles insalubres, dans des conditions rendant alors la démolition des premiers absolument indispensable ;

- l'expropriation des lots n° 2, n° 3 et n° 9 du bâtiment A, qui n'étaient pas insalubres, n'était pas indispensable à la démolition des lots insalubres, de même que l'expropriation des cours comprises dans les lots n° 6 et n° 8 n'était pas nécessaire à la résorption de l'habitat insalubre ;

- la notification prévue à l'article R. 131-6 du code de l'expropriation ne lui a pas été faite ;

- la décision n'a pas identifié les quotes-parts de parties communes correspondant au lot de copropriété et est ainsi entachée d'une erreur de droit ;

- l'administration ne verse aux débats aucun projet, aucun plan, permettant de tenir pour établie la volonté de résorber l'habitat insalubre dans le secteur concerné, à travers le déploiement de stratégies d'urbanisme précisées par l'article L. 511-1 du code de l'expropriation, et les arrêtés attaqués sont donc, en outre, entachés de détournement de procédure.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2020, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

La commune de Bergerac a produit des pièces enregistrées le 9 juin 2021.

Par ordonnance du 21 juillet 2021, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 15 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Frédérique Munoz-Pauziès,

- les conclusions de Mme Florence Madelaigue,

- et les observations de Me Annoot, représentant la SCI du 13 rue Berggren, et Me B..., représentant le Syndicat des propriétaires de la copropriété SIS 13 et 15 rue Berggren.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI du 13 rue Berggren relève appel du jugement du 4 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juillet 2017 par lequel la préfète de la Dordogne a déclaré d'utilité publique, au bénéfice de la SEM Urbalys Habitat, l'acquisition des immeubles nécessaires à la résorption de l'habitat insalubre de l'îlot Berggren à Bergerac et a déclaré cessibles les immeubles, parties d'immeubles et lots de copropriétés de cet îlot.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 611-7-1 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire est en état d'être jugée, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction peut, sans clore l'instruction, fixer par ordonnance la date à compter de laquelle les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'il considère qu'une affaire est en état d'être jugée, le président d'une formation de jugement peut, par ordonnance, fixer, dans le cadre de l'instance et avant la clôture de l'instruction, une date à compter de laquelle les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux.

4. Par ordonnance du 26 janvier 2018, la présidente de la deuxième chambre du tribunal administratif de Bordeaux a fixé au 5 mars 2018 la date à laquelle des moyens nouveaux ne pourraient plus être invoqués. Par suite, c'est sans entacher son jugement d'irrégularité que le tribunal administratif a écarté comme irrecevables les moyens nouveaux présentés dans le mémoire de la SCI du 13 rue Berggren enregistré le 16 mai 2019, nonobstant la circonstance que ces moyens se rattachaient à la même cause juridique que des moyens soulevés dans la demande.

Sur l'arrêté du 7 juillet 2017 portant déclaration d'utilité publique

En ce qui concerne la délibération du conseil municipal du 10 septembre 2015 :

5. L'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. S'agissant d'un acte non réglementaire, l'exception n'est recevable que si l'acte n'est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée, sauf dans le cas où l'acte et la décision ultérieure constituant les éléments d'une même opération complexe, l'illégalité dont l'acte serait entaché peut être invoquée en dépit du caractère définitif de cet acte.

6. D'une part, la déclaration d'utilité publique litigieuse n'a pas été prise pour l'application de la délibération du 10 septembre 2015 par laquelle le conseil municipal de Bergerac s'est prononcé sur le principe de la réhabilitation de l'îlot Berggren, qui n'en constitue pas la base légale. D'autre part, il n'y a pas entre ces deux actes le lien d'opération complexe qui permettrait de contester, à l'occasion d'un recours dirigé contre la déclaration d'utilité publique, la légalité de la délibération. Par suite, le moyen tiré de ce que la délibération du 10 septembre 2015 par laquelle le conseil municipal de Bergerac s'est prononcé sur le principe de la réhabilitation de l'îlot Berggren aurait été adoptée à l'issue d'une procédure irrégulière, les conseillers municipaux n'ayant pas été régulièrement convoqués, ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne les arrêtés du 17 février 2015 déclarant les immeubles insalubres :

7. Aux termes de l'article L.1331-25 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable : " À l'intérieur d'un périmètre qu'il définit, le représentant de l'État dans le département peut déclarer l'insalubrité des locaux et installations utilisés aux fins d'habitation, mais impropres à cet objet pour des raisons d'hygiène, de salubrité ou de sécurité. / L'arrêté du représentant de l'État dans le département est pris après avis de la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires ou technologiques à laquelle le maire ou, le cas échéant, le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat est invité à présenter ses observations, et après délibération du conseil municipal ou, le cas échéant, de l'organe délibérant de l'établissement public. / Cet arrêté vaut interdiction définitive d'habiter et d'utiliser les locaux et installations qu'il désigne (...) ". Aux termes de l'article L. 1331-26 du même code : " Lorsqu'un immeuble, bâti ou non, vacant ou non, attenant ou non à la voie publique, un groupe d'immeubles, un îlot ou un groupe d'îlots constitue, soit par lui-même, soit par les conditions dans lesquelles il est occupé ou exploité, un danger pour la santé des occupants ou des voisins, le représentant de l'État dans le département, saisi d'un rapport motivé du directeur général de l'agence régionale de santé ou, par application du troisième alinéa de l'article L. 1422-1, du directeur du service communal d'hygiène et de santé concluant à l'insalubrité de l'immeuble concerné, invite la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques à donner son avis dans le délai de deux mois : / 1° Sur la réalité et les causes de l'insalubrité ; / 2° Sur les mesures propres à y remédier. / L'insalubrité d'un bâtiment doit être qualifiée d'irrémédiable lorsqu'il n'existe aucun moyen technique d'y mettre fin, ou lorsque les travaux nécessaires à sa résorption seraient plus coûteux que la reconstruction. / Le directeur général de l'agence régionale de santé établit le rapport prévu au premier alinéa soit de sa propre initiative, soit sur saisine du maire, du président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de logement et d'urbanisme, soit encore à la demande de tout locataire ou occupant de l'immeuble ou de l'un des immeubles concernés. / Le maire de la commune ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale, à l'initiative duquel la procédure a été engagée, doit fournir un plan parcellaire de l'immeuble avec l'indication des noms des propriétaires tels qu'ils figurent au fichier immobilier. Lorsque cette initiative a pour objet de faciliter l'assainissement ou l'aménagement d'un îlot ou d'un groupe d'îlots, le projet d'assainissement ou d'aménagement correspondant est également fourni ". Et l'article L. 1331-27 du même code dispose : " Le représentant de l'État dans le département avise les propriétaires, tels qu'ils figurent au fichier immobilier, au moins trente jours à l'avance de la tenue de la réunion de la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques et de la faculté qu'ils ont de produire dans ce délai leurs observations. Il avise également, dans la mesure où ils sont connus, les titulaires de droits réels immobiliers sur les locaux, les titulaires de parts donnant droit à l'attribution ou à la jouissance en propriété des locaux, les occupants et, en cas d'immeuble d'hébergement, l'exploitant. (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 1331-28 du même code : " I. Lorsque la commission (...) conclut à l'impossibilité de remédier à l'insalubrité, le représentant de l'État dans le département déclare l'immeuble insalubre à titre irrémédiable, prononce l'interdiction définitive d'habiter et, le cas échéant, d'utiliser les lieux et précise, sur avis de la commission, la date d'effet de cette interdiction, qui ne peut être fixée au-delà d'un an. Il peut également ordonner la démolition de l'immeuble (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que, saisi sur le fondement des dispositions de l'article L. 1331-26 du code de la santé publique d'un rapport motivé de la directrice du service communal d'hygiène et de santé de la ville de Bergerac du 10 novembre 2014, le préfet de la Dordogne a saisi la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques, qui a rendu son avis le 5 février 2015. Par quatre arrêtés du 17 février 2015, le préfet de la Dordogne a déclaré insalubres à titre irrémédiable ou remédiable certains bâtiments situés dans l'îlot de Berggren à Bergerac. Dans cet îlot, la SCI du 13 rue Berggren était propriétaire sur la parcelle cadastrée ES n° 150, d'une part, des lots n° 1 à n° 8 du bâtiment A, ainsi que de 160 m² de cour attachés au lot n° 6 et de 105 m² attachés au lot n° 8, seuls les lots n° 2 et n° 3 et les parties de cour ayant été inclus dans le périmètre de la déclaration d'utilité publique, et, d'autre part, des 463 millièmes des parties communes générales de la copropriété des 13 et 15 rue Berggren, bâtiment B, correspondant au lot n° 10, déclaré insalubre à titre irrémédiable.

9. En premier lieu, si la société requérante soutient qu'" il ne ressort pas des pièces du dossier (...) que les services devant être saisis pour avis se soient effectivement prononcés sur la réalité et les causes de l'insalubrité ", elle ne précise ni les services qui, selon elle, auraient dû rendre un avis dans le cadre de l'édiction des arrêtés contestés, ni les textes qui imposeraient une telle formalité. Dès lors, elle ne permet pas à la cour d'apprécier la portée et le bien-fondé de ce moyen.

10. En deuxième lieu, les arrêtés contestés ont été pris sur le fondement, non de l'article L.1331-25 du code de la santé publique, qui autorise le préfet à fixer un périmètre à l'intérieur duquel les immeubles sont déclarés insalubres, mais de l'article L. 1331-26 du même code. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure serait irrégulière à défaut de délibération préalable du conseil municipal doit être écarté.

11. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient la société appelante, le préfet a été saisi par un rapport motivé de la directrice du service communal d'hygiène et de santé de la ville de Bergerac du 10 novembre 2014, et il ne ressort pas des pièces du dossier que la directrice n'aurait pas disposé d'un plan parcellaire de l'immeuble avec l'indication des noms des propriétaires.

12. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que, par courrier de la délégation territoriale de la Dordogne de l'agence régionale de santé du 12 décembre 2014, la SCI du 13 rue Berggren a été informée de la tenue en préfecture, le 5 février 2015 à 9 h 30, de la réunion de la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques, et de la possibilité d'y être entendue ou de s'y faire représenter. Si la requérante soutient qu'elle n'a jamais reçu ce courrier, qui a été envoyé à une adresse qui n'est pas la sienne, le 12 rue Cozette à Amiens, cette adresse est celle que son gérant, M. A... B..., utilise dans ses correspondances avec la cour. Et si la requérante fait valoir que le maire n'a pas été invité à présenter ses observations devant la commission, et qu'elle-même n'aurait pas été informée d'une éventuelle visite des locaux, elle ne se prévaut d'aucun texte qui imposerait de telles formalités.

13. En cinquième lieu, la SCI du 13 rue Berggren reprend en appel, sans l'assortir d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement, le moyen tiré de ce que l'avis de la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques ne serait pas motivé. Il convient d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

14. En sixième lieu, s'agissant du lot n° 10 de la parcelle cadastrée ES n° 150 déclaré insalubre à titre irrémédiable, il ressort des pièces du dossier que, dans son avis, la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques a précisé qu'il était impossible de procéder au percement d'ouverture sur l'extérieur, seul à même de remédier à l'insalubrité, sauf à détruire les immeubles mitoyens. Ainsi, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration n'aurait pas recherché s'il existait des moyens techniques de mettre fin à l'insalubrité et quel en serait le coût. En se bornant à soutenir, sans aucun élément à l'appui de cette allégation, qu'il n'est pas établi que les travaux de réhabilitation étaient techniquement impossibles et que leur coût aurait excédé celui d'une reconstruction, la SCI du 13 rue Berggren ne conteste pas utilement les constatations de la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques.

15. En septième et dernier lieu, si la requérante soutient que le lot n° 10 de la parcelle cadastrée ES 150 n'était pas utilisé à fin d'habitation mais de salle de sport, elle n'apporte aucun élément au soutien de cette allégation, alors que l'avis de la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques du 5 février 2015 relève que " le bâtiment était à l'origine une salle de boxe, aménagée sommairement " et qu'il est désormais composé de logements. De même, la notice explicative produite par le préfet devant les premiers juges explique que le bâtiment B installé sur cette parcelle est une " ancienne salle de sport convertie officieusement en logement par le propriétaire ".

En ce qui concerne la déclaration d'utilité publique :

16. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Peut être poursuivie, dans les conditions prévues aux articles L. 511-2 à L. 511-9, au profit de l'État, d'une société de construction dans laquelle l'État détient la majorité du capital, d'une collectivité territoriale, d'un organisme y ayant vocation ou d'un concessionnaire d'une opération d'aménagement mentionné à l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme, l'expropriation : / 1° Des immeubles déclarés insalubres à titre irrémédiable en application de l'article L. 1331-28 du code de la santé publique ; (...) 3° À titre exceptionnel, des immeubles qui ne sont eux-mêmes ni insalubres, ni impropres à l'habitation, lorsque leur expropriation est indispensable à la démolition d'immeubles insalubres ou d'immeubles menaçant ruine, ainsi que des terrains où sont situés les immeubles déclarés insalubres ou menaçant ruine lorsque leur acquisition est nécessaire à la résorption de l'habitat insalubre, alors même qu'y seraient également implantés des bâtiments non insalubres ou ne menaçant pas ruine ". Aux termes de l'article L. 511-2 du même code : " Par dérogation aux règles générales du présent code, l'autorité compétente de l'État déclare d'utilité publique l'expropriation des immeubles, parties d'immeubles, installations et terrains, après avoir constaté, sauf dans les cas prévus au 2° de l'article L. 511-1, qu'ils ont été déclarés insalubres à titre irrémédiable en application de l'article L. 1331-25 ou de l'article L. 1331-28 du code de la santé publique, ou qu'ils ont fait l'objet d'un arrêté de péril assorti d'une ordonnance de démolition ou d'une interdiction définitive d'habiter pris en application de l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation. / Elle désigne la collectivité publique ou l'organisme au profit de qui l'expropriation est poursuivie. L'expropriant ainsi désigné est tenu à une obligation de relogement, y compris des propriétaires. / Par la même décision, elle déclare cessibles les immeubles bâtis, parties d'immeubles bâtis, installations et terrains concernés par l'expropriation, et fixe le montant de l'indemnité provisionnelle allouée aux propriétaires ainsi qu'aux titulaires de baux commerciaux. Cette indemnité ne peut être inférieure à l'évaluation de l'autorité administrative compétente pour l'effectuer (...) ".

17. En premier lieu, ces dispositions définissent, pour les immeubles déclarés insalubres à titre irrémédiable, une procédure d'expropriation dérogatoire à celle régie par les autres dispositions du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, l'expropriation pouvant notamment être décidée sans enquête publique préalable et sans enquête parcellaire. Par suite, le moyen tiré de l'absence de notice explicative, d'estimation sommaire des acquisitions à réaliser et de plan général des travaux est inopérant et doit être écarté, de même que celui tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 131-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

18. En deuxième lieu, un acte déclaratif d'utilité publique ne présente pas le caractère d'une décision administrative individuelle et n'a pas, par suite, à être motivé. Dès lors la circonstance que l'arrêté préfectoral litigieux ne comprend ni description physique des emprises ni présentation de la façon dont les immeubles non déclarés insalubres s'imbriquent avec des immeubles insalubres dans des conditions rendant la démolition des premiers absolument indispensable, est sans influence sur sa légalité.

19. En troisième lieu, l'état parcellaire annexé à l'arrêté du 7 juillet 2017 précise que la SCI du 13 rue Berggren est propriétaire, sur la parcelle cadastrée ES n° 150, des lots n° 1 à 8 et de 463 millièmes des parties communes générales. Par suite, la société n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait commis une erreur de droit en omettant d'identifier les quote-part de parties communes.

20. En quatrième lieu, la SCI du 13 rue Berggren soutient que l'expropriation des lots n° 2 et n° 3 du bâtiment A, qui n'étaient pas insalubres, n'était pas indispensable à la démolition des lots insalubres, dès lors que les immeubles n'étaient pas indissociables, de même que l'expropriation des cours comprises dans les lots n° 6 et n° 8 n'était pas nécessaire à la résorption de l'habitat insalubre. Toutefois, d'une part, il ressort des pièces du dossier que les lots n° 2, correspondant à une surface de 27 m2 située dans les combles du bâtiment A, et n° 3, correspondant à un appartement de 32,9 m2 situé au premier étage du même bâtiment, se trouvaient au-dessus du lot n° 9, situé au rez-de-chaussée du bâtiment. Or, ce lot n° 9 a été relié de manière indissociable au lot n° 10, déclaré insalubre à titre irrémédiable, de telle sorte que la démolition du lot n° 10 supposait celle du lot n° 9, qui ne pouvait elle-même se faire sans démolir également les lots n° 2 et n° 3. De plus, la notice explicative mentionne que la démolition de cette partie du bâtiment A permet de réaliser un accès afin de construire les logements sociaux. Par suite, l'expropriation des lots n° 2 et n° 3, indissociables du lot n° 9, était indispensable à la démolition des locaux frappés d'insalubrité irrémédiable. S'agissant de la cour, dont la propriété était répartie entre les lots n° 6, n° 8 et n° 11 du rez-de-chaussée, il ressort des pièces du dossier, et notamment de la notice explicative produite par le préfet devant les premiers juges, que son expropriation est nécessaire à la requalification de l'îlot Berggren, dès lors qu'elle permettra la réalisation, au profit des futurs logements sociaux, d'un espace commun et de places de stationnements. Par suite, le moyen doit être écarté.

21. En cinquième et dernier lieu, il résulte de l'instruction que, par délibération en date du 17 mars 2016, le conseil municipal de la commune de Bergerac a lancé une consultation en vue de la désignation d'un aménageur pour le renouvellement urbain de l'îlot Berggren et que, par délibération du 7 juillet 2016, le conseil municipal de Bergerac a autorisé son maire à signer avec la société Urbalys habitat une convention de concession d'aménagement pour le renouvellement urbain de l'îlot de Berggren. Par suite, la SCI du 13 rue du Berggren n'est pas fondée à soutenir que la volonté de la commune de résorber l'habitat insalubre dans le secteur concerné ne serait pas établie et que les arrêtés attaqués seraient entachés de détournement de procédure.

22. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI du 13 rue Berggren n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCI du 13 rue Berggren est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI du 13 rue Berggren, au ministre des solidarités et de la santé, à la commune de Bergerac, au Syndicat des propriétaires de la copropriété sise 13 et 15 rue du Berggren et à la SEM Urbalys habitat.

Délibéré après l'audience du 2 décembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente assesseure,

Mme Nathalie Gay, première conseillère.

Rendu public par dépôt au greffe le 22 décembre 2021.

La rapporteure,

Frédérique Munoz-Pauziès Le président

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

9

N°19BX03588


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 19BX03588
Date de la décision : 22/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

34-03-03 Expropriation pour cause d'utilité publique. - Régimes spéciaux. - Divers régimes spéciaux.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : ENGUELEGUELE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-22;19bx03588 ?
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