La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/12/2021 | FRANCE | N°21BX03790

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 16 décembre 2021, 21BX03790


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés du 23 août 2021 par lesquels le préfet de la Haute-Garonne a décidé son transfert aux autorités islandaises et l'a assigné à résidence dans le département de la Haute-Garonne.

Par un jugement n° 2104984 du 30 août 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 septembre 2021, M.

D..., représenté par Me Laspalles, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés du 23 août 2021 par lesquels le préfet de la Haute-Garonne a décidé son transfert aux autorités islandaises et l'a assigné à résidence dans le département de la Haute-Garonne.

Par un jugement n° 2104984 du 30 août 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 septembre 2021, M. D..., représenté par Me Laspalles, demande à la cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement du 30 août 2021 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse ;

3°) d'annuler les arrêtés du préfet de la Haute-Garonne du 23 août 2021 ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il soit statué définitivement sur sa demande d'asile, dans un délai de soixante-douze heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 800 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant remise aux autorités islandaises :

- cette décision a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée, en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- il n'a pas été informé de ce qu'il pouvait se rendre par ses propres moyens en Islande, en méconnaissance des dispositions de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- il n'a pas été informé du délai de transfert et des conséquences d'une inexécution de la décision de transfert dans le délai imparti quant à la détermination de l'État membre responsable du traitement de sa demande d'asile, ce qui constitue une garantie essentielle ;

- il n'a pas reçu la totalité de l'information requise sur la procédure Dublin en temps utile en méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- l'entretien individuel réalisé au sein des services de la préfecture est irrégulier en méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- l'autorité préfectorale n'établit pas que les informations exigées par le paragraphe 1 de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 lui ont été fournies ;

- l'autorité préfectorale n'établit pas que le résultat de la comparaison de ses empreintes décadactylaires a vérifié par un expert en empreintes digitales, en méconnaissance des dispositions du paragraphe 4 de l'article 25 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le préfet a édicté sa décision sans prendre en considération ses observations et sans se fonder sur des éléments objectifs ;

- la décision de transfert d'office n'est pas justifiée ;

- le préfet n'établit pas que l'Islande, la Suède, Malte et l'Allemagne ont été saisies d'une demande de reprise en charge en application des dispositions du d) de l'article 18.1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, et n'apporte pas la preuve de l'accord des autorités islandaises ;

- le préfet n'a pas explicité les raisons pour lesquelles il considérait qu'il n'y avait pas lieu de mettre en œuvre la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit, dès lors qu'il ignore les raisons pour lesquelles le préfet a considéré que l'Islande était responsable du traitement de sa demande d'asile ; il ne pouvait être transféré que vers Malte qui a accepté sa reprise en charge sur la base du c) de l'article 18.1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de celles de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

- cette décision a été signée par une autorité incompétente ;

- elle est insuffisamment motivée, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant remise aux autorité islandaises ;

- il n'existait aucune nécessité de l'assigner à résidence, dès lors qu'il bénéficie de garanties de représentation effectives et suffisantes, qu'il a satisfait à toutes les convocations qui lui ont été adressées et qu'aucun risque de fuite n'est caractérisé ;

- cette décision porte une atteinte excessive à sa liberté d'aller et venir, d'autant que le préfet ne justifie pas de ce que son exécution demeure une perspective raisonnable.

Par une décision n° 2021/021496 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux du 28 octobre 2021, M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Éric Rey-Bèthbéder a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant géorgien, est entré en France le 21 juillet 2021, selon ses déclarations. Le 26 juillet 2021, lors de l'enregistrement de son dossier complet de demande d'asile au sein de la préfecture de la Haute-Garonne, le relevé de ses empreintes décadactylaires a révélé qu'il avait introduit une demande similaire en Suède le 28 juin 2016, en Islande le 18 septembre 2016, en Allemagne le 9 avril 2017 et le 27 avril 2021, et à Malte le 12 juillet 2017. Les autorités islandaises, saisies le 27 juillet 2021 d'une demande de reprise en charge en application du d) de l'article 18.1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont donné leur accord le 28 juillet 2021 sur la base du d) de l'article 18.1 de ce règlement. Les autorités suédoises, saisies le 27 juillet 2021 d'une demande de reprise en charge en application du d) de l'article 18.1 du même règlement ont fait connaître leur rejet le 28 juillet 2021 au motif que la Suède n'est pas l'État responsable. Les autorités maltaises, saisies le 27 juillet 2021 d'une demande de reprise en charge en application du d) de l'article 18.1 du même règlement ont donné leur accord le 6 août 2021 sur la base du c) de l'article 18.1 de ce règlement. Enfin, les autorités allemandes, saisies le 27 juillet 2021 d'une demande de reprise en charge en application du b) de l'article 18.1 du même règlement ont fait connaître leur rejet le 30 juillet 2021 au motif que Malte est l'État membre responsable. Par deux arrêtés du 23 août 2021, le préfet de la Haute-Garonne a décidé de son transfert aux autorités islandaises en vue de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence dans le département de la Haute-Garonne dans la limite de 45 jours renouvelables et de validité de l'accord. M. D... relève appel du jugement du 30 août 2021 par lequel le magistrat désigné par la présidence du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur l'aide juridictionnelle provisoire :

2. M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2021/021496 du bureau d'aide juridictionnelle du 28 octobre 2021. Par suite, ses conclusions tendant à obtenir l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont devenues sans objet. Il n'y a pas lieu de statuer sur ces conclusions.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté portant remise aux autorités islandaises :

S'agissant de la légalité externe :

3. En premier lieu, par un arrêté n° 31-2021-05-10-00001 du 10 mai 2021 publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial n° 31-2021-132, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation à Mme E... A..., adjointe à la directrice des migrations et de l'intégration, signataire de l'arrêté litigieux, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme C... B..., en matière de police des étrangers, et notamment pour signer les arrêtés portant transfert d'un étranger dans le cadre de l'Union européenne. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté litigieux doit être écarté.

4. En deuxième lieu, M. D... reprend en appel, sans les assortir d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement, les moyens tirés de ce que la décision portant remise aux autorités islandaises serait insuffisamment motivée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, de ce que cette décision méconnaîtrait les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article 25 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, de ce que le préfet de la Haute-Garonne ne l'aurait pas informé de ce que les autorités françaises deviendraient responsables de l'examen de sa demande d'asile en cas d'inexécution de la décision de transfert à l'issue du délai de six mois prévu à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 suivant l'acceptation de l'État requis, de ce que le préfet de la Haute-Garonne aurait édicté sa décision sans prendre en considération ses observations quant à une éventuelle décision de transfert vers l'Islande et de ce que le préfet de la Haute-Garonne ne l'aurait, à tort, pas mis en mesure de quitter volontairement le territoire national. Il convient d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel (...) est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. (...) L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a été reçu en entretien le 26 juillet 2021. Le procès-verbal mentionne que cet entretien a été mené par un agent qualifié de la préfecture de la Haute-Garonne. Or, les dispositions précitées n'exigent pas que le résumé de l'entretien individuel, qui peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type, mentionne l'identité et la qualité de l'agent qui l'a mené. Celui-ci n'est donc pas tenu d'y faire figurer son prénom, son nom, sa qualité et son adresse administrative. Par ailleurs, en se bornant à affirmer qu'il n'est pas établi que l'entretien du 26 juillet 2021 aurait été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national, l'intéressé n'apporte aucun élément permettant de douter de la qualité de l'agent ayant conduit l'entretien. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... n'aurait pas été mis même de présenter ses observations et de fournir à cette occasion l'ensemble des éléments pertinents relatifs à sa situation personnelle, ni que l'entretien n'aurait pas été réalisé selon les formes et les conditions posées par l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de cet article doit être écarté.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) 2. La décision visée au paragraphe 1 contient des informations sur les voies de recours disponibles, y compris sur le droit de demander un effet suspensif, le cas échéant, et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours et à la mise œuvre du transfert et comporte, si nécessaire, des informations relatives au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si cette personne se rend par ses propres moyens dans l'État membre responsable. Les États membres veillent à ce que des informations sur les personnes ou entités susceptibles de fournir une assistance juridique à la personne concernée soient communiquées à la personne concernée avec la décision visée au paragraphe 1, si ces informations ne lui ont pas encore été communiquées (...) ".

8. Il ne résulte pas des dispositions précitées que le préfet de la Haute-Garonne était dans l'obligation d'informer M. D... F... la possibilité qu'il avait de se rendre par ses propres moyens en Islande. Au surplus, l'arrêté litigieux précise en son article 4 que l'intéressé, transféré aux autorités islandaises, est informé qu'il peut présenter des observations, avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Ainsi, si l'intéressé soutient qu'il n'a reçu aucune information quant à la date et au lieu auxquels il devait se présenter, il n'établit pas avoir informé l'administration de son intention de rejoindre l'Islande par ses propres moyens. Par suite, le moyen doit être écarté.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Toute personne relevant de l'article 9, paragraphe 1, de l'article 14, paragraphe 1, ou de l'article 17, paragraphe 1, est informée par l'État membre d'origine par écrit et, si nécessaire, oralement, dans une langue qu'elle comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend : a) de l'identité du responsable du traitement au sens de l'article 2, point d), de la directive 95/46/CE, et de son représentant, le cas échéant ; b) de la raison pour laquelle ses données vont être traitées par Eurodac, y compris une description des objectifs du règlement (UE) n° 604/2013, conformément à l'article 4 dudit règlement, et des explications, sous une forme intelligible, dans un langage clair et simple, quant au fait que les États membres et Europol peuvent avoir accès à Eurodac à des fins répressives ; c) des destinataires des données; d) dans le cas des personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées ; e) de son droit d'accéder aux données la concernant et de demander que des données inexactes la concernant soient rectifiées ou que des données la concernant qui ont fait l'objet d'un traitement illicite soient effacées, ainsi que du droit d'être informée des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris les coordonnées du responsable du traitement et des autorités nationales de contrôle visées à l'article 30, paragraphe 1. 2. Dans le cas de personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, les informations visées au paragraphe 1 du présent article sont fournies au moment où les empreintes digitales de la personne concernée sont relevées (...) ".

10. À la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 précité, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des États membres relevant du régime européen d'asile commun. Le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection. Il s'ensuit que la méconnaissance de cette obligation d'information ne peut être utilement invoquée à l'encontre de la décision par laquelle l'État français remet un demandeur d'asile aux autorités compétentes pour examiner sa demande. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que M. D... s'est bien vu remettre le 26 juillet 2021, à l'occasion du dépôt de sa demande d'asile auprès de la préfecture de la Haute-Garonne, le livret " Les empreintes digitales et Eurodac ". Ce document lui a été remis dans son entier, ainsi qu'il en a attesté par sa signature sous la mention " document complet (p1 à 3) ", en langue géorgienne, langue qu'il a déclaré comprendre et lire. Par suite, le moyen doit être écarté.

S'agissant de la légalité interne :

11. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de la motivation de l'arrêté litigieux que le préfet de la Haute-Garonne a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. D... et qu'il a examiné, en tenant compte des observations formulées par l'intéressé ainsi que des éléments de son dossier, la possibilité de mettre en œuvre la clause discrétionnaire de l'article 17 règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 avant d'ordonner son transfert aux autorités islandaises. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige serait entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle doit être écarté.

12. En second lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. 2. Lorsque aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable. 3. Tout État membre conserve le droit d'envoyer un demandeur vers un pays tiers sûr, sous réserve des règles et garanties fixées dans la directive 2013/32/UE ". Aux termes de l'article 7 du même règlement : " 1. Les critères de détermination de l'État membre responsable s'appliquent dans l'ordre dans lequel ils sont présentés dans le présent chapitre. 2. La détermination de l'État membre responsable en application des critères énoncés dans le présent chapitre se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d'un État membre. 3. En vue d'appliquer les critères visés aux articles 8, 10 et 16, les États membres prennent en considération tout élément de preuve disponible attestant la présence sur le territoire d'un État membre de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent du demandeur, à condition que lesdits éléments de preuve soient produits avant qu'un autre État membre n'accepte la requête aux fins de prise ou de reprise en charge de la personne concernée, conformément aux articles 22 et 25 respectivement, et que les demandes de protection internationale antérieures introduites par le demandeur n'aient pas encore fait l'objet d'une première décision sur le fond ". Aux termes de l'article 18 de ce règlement : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) ; d) de reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre. /(...) ". En vertu de l'article L. 572-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La procédure de transfert vers l'État responsable de l'examen de la demande d'asile ne peut être engagée dans le cas de défaillances systémiques dans l'État considéré mentionné au 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ". Selon l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) / 2. L'État membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'État membre responsable, ou l'État membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre État membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre État membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. (...) ". Si la mise en œuvre, par les autorités françaises, des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 doit être assurée à la lumière des exigences définies par les dispositions du second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution, en vertu desquelles les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif, la faculté laissée à chaque État membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

13. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. D... a déposé une demande d'asile le 18 septembre 2016 auprès des autorités islandaises et le 12 juillet 2017 auprès des autorités maltaises. Les autorités de ces deux États ont été saisies le 27 juillet 2021 d'une demande de reprise en charge présentée par les autorités françaises sur le fondement des dispositions du d) de l'article 18.1 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé. Les autorités islandaises ont fait connaître leur accord à cette demande de reprise en charge le 28 juillet 2021. Dès lors, en estimant que l'Islande était l'État membre responsable de la demande d'asile de M. D... et en décidant le transfert de celui-ci aux autorités islandaises par l'arrêté du 23 août 2021 en litige, le préfet de la Haute-Garonne a fait une exacte application des critères et obligations prévus par les dispositions mentionnées aux points 3 et 7 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé, quand bien même les autorités maltaises auraient, le 6 août 2021, donné leur accord à la demande de reprise en charge de l'intéressé.

14. D'autre part, M. D... soutient que son transfert aux autorités islandaises risque d'entraîner son renvoi dans son pays d'origine, la Géorgie. Toutefois, l'arrêté litigieux a seulement pour objet de renvoyer l'intéressé en Islande. M. D... n'établit ni avoir épuisé les voies de recours contre le rejet de sa demande d'asile, ni qu'il aurait fait l'objet d'une mesure d'éloignement. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier ni que sa demande d'asile ne serait pas examinée par les autorités islandaises dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ni que celles-ci n'évalueront pas de nouveau, en toute hypothèse, les risques auxquels il serait exposé en cas de retour en Géorgie. Si l'appelant soutient également qu'il est vulnérable en raison de son état de santé et de la situation sanitaire actuelle au regard de l'épidémie de covid-19, il se borne à produire un compte-rendu médical postérieur à l'arrêté litigieux indiquant qu'il souffrirait de douleurs lombaires basses, ainsi qu'une convocation à un rendez-vous médical le 15 octobre 2021. Ces seuls éléments ne démontrent pas la gravité de son état de santé et les conséquences significatives et irrémédiables que pourrait entraîner un transfert. M. D... n'établit pas non plus qu'il existerait en Islande, pour les demandeurs d'asile, des défaillances revêtant un caractère systémique dans les conditions d'accueil qui leur sont proposées et dans leur prise en charge médicale, y compris concernant la lutte contre l'épidémie de covid-19. Dans ces conditions, en refusant de faire application du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, sans avoir d'ailleurs à en justifier les raisons, le préfet de la Haute-Garonne n'a ni méconnu ces dispositions, ni commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de M. D.... Par suite, ces moyens doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

15. En premier lieu, par un arrêté n° 31-2021-05-10-00001 du 10 mai 2021 publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial n° 31-2021-132, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation à Mme E... A..., adjointe à la directrice des migrations et de l'intégration, signataire de l'arrêté litigieux, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme C... B..., en matière de police des étrangers, et notamment pour signer les arrêtés d'assignation à résidence pour permettre l'exécution des décisions de transfert. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté litigieux doit être écarté.

16. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant assignation à résidence serait illégale du fait de l'illégalité de la décision portant remise aux autorités islandaises.

17. En dernier lieu, M. D... reprend en appel, sans les assortir d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement, les moyens tirés de ce que l'arrêté portant assignation à résidence serait insuffisamment motivé au regard des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, ne serait pas nécessaire, porterait une atteinte excessive à sa liberté d'aller et venir et de ce que le préfet ne justifierait pas que l'exécution de la décision de transfert demeurerait une perspective raisonnable. Il convient d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de la Haute-Garonne du 23 août 2021. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de M. D... tendant à son admission à l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... D... et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise pour information au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 18 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,

Mme Nathalie Gay, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 décembre 2021.

La présidente-assesseure,

Frédérique Munoz-Pauziès

Le président-rapporteur

Éric Rey-BèthbéderLa greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX03790 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 21BX03790
Date de la décision : 16/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Eric REY-BETHBEDER
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : LASPALLES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-16;21bx03790 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award