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15/12/2021 | FRANCE | N°21BX02349

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 15 décembre 2021, 21BX02349


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 11 décembre 2020 par lequel le préfet des Deux-Sèvres a refusé le renouvèlement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée.

Par un jugement n° 2100052 du 4 mai 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregist

rée le 3 juin 2021, Mme D..., représentée par Me Ormillien, demande à la cour :

1°) d'annuler ce juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 11 décembre 2020 par lequel le préfet des Deux-Sèvres a refusé le renouvèlement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée.

Par un jugement n° 2100052 du 4 mai 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 juin 2021, Mme D..., représentée par Me Ormillien, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 mai 2021 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Deux-Sèvres du 11 décembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Deux-Sèvres de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence de son auteur ; l'argument de la présence de la délégation de signature sur internet, sans qu'elle soit vérifiable, ne peut suffire à rapporter la preuve de son existence en l'absence de dépôt de conclusions écrites de la préfecture ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est en possession d'un certificat de nationalité française pour son fils établissant la filiation de celui-ci à l'égard de son père devenu français par déclaration d'acquisition souscrite le 14 avril 2006 ; elle est suffisamment intégrée dans la société française ; elle remplit la condition d'entretien et d'éducation de l'enfant ; cette condition ne peut être exigée du père français de l'enfant ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 24 juin 2021 du bureau de l'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Nicolas Normand,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante camerounaise née en 1981, est entrée, selon ses déclarations, en France le 22 mars 2017 sous couvert d'un passeport camerounais revêtu d'un visa de court séjour valable du 22 au 25 mars 2017. Elle est ensuite repartie dans son pays d'origine le 20 avril 2017 puis est revenue en France, le 12 octobre 2017, alors qu'elle était enceinte, munie d'un nouveau visa de court séjour valable du 5 octobre au 5 novembre 2017. Elle s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français. Par la suite, Mme D... a bénéficié d'un titre de séjour en qualité de parent d'un enfant de nationalité française, délivré en application du 6° de l'article L. 313-11 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, valable du 11 septembre 2018 au 10 septembre 2019. Le 4 octobre 2019, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 11 décembre 2020 le préfet des Deux-Sèvres a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée. Mme D... relève appel du jugement du 4 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté :

2. En premier lieu, par un arrêté du 24 juin 2020, le préfet des Deux-Sèvres a donné délégation à Mme Anne Bareteau, secrétaire générale de la préfecture, à l'effet de signer, notamment, tous les arrêtés relevant des attributions de l'Etat dans le département des

Deux-Sèvres à l'exception de certaines matières au nombre desquelles ne figure pas la police des étrangers. Il ressort des mentions du recueil de publication de cet arrêté, disponible sur internet, qu'il a été publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial n° 79-2020-074. Si Mme D... soutient que seul le dépôt de conclusions écrites de la préfecture serait de nature à rapporter la preuve de l'existence même de cette délégation de signature, le juge peut toutefois se fonder, pour écarter un moyen d'incompétence, sur des arrêtés de délégation de signature régulièrement publiés dans un recueil d'acte administratif de la préfecture et qui sont consultables sur son site internet, dès lors qu'il s'agit d'actes réglementaires. Au demeurant, contrairement à ce qui est soutenu, le préfet des Deux-Sèvres a joint un extrait du recueil précité des actes administratif spécial à l'appui de son mémoire en défense enregistré devant le tribunal le 11 juin 2021. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté litigieux doit être écarté.

3. En deuxième lieu, à l'appui du moyen tiré de ce que l'arrêté est insuffisamment motivé, l'appelante ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement la réponse apportée par le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu de rejeter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.

En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ; Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ; ". Il résulte des dispositions précitées, applicables en vertu du IV de l'article 71 de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maitrisée, un droit d'asile et une intégration réussie, aux demandes postérieures au 1er mars 2019, qu'un refus de titre de séjour peut légalement reposer sur le motif que le demandeur ne justifie pas que le parent français, auteur de la reconnaissance de maternité ou de paternité, apporte une contribution effective à l'entretien et à l'éducation de son enfant.

5. Mme D... a donné naissance à son enfant le 8 janvier 2018, et cet enfant a été reconnu, le 24 octobre 2017, par un ressortissant français. Pour refuser de renouveler le titre de séjour " parent d'enfant français " à Mme D... sur le fondement des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet des Deux-Sèvres a retenu que la contribution effective de l'auteur de la reconnaissance de paternité à l'entretien et à l'éducation de l'enfant n'était pas rapportée et que par un jugement en date du 19 décembre 2019, le juge aux affaires familiales a décidé de confier à la mère l'exercice exclusif de l'autorité parentale sur l'enfant et de dispenser le père de toute contribution au vu de son état d'impécuniosité, l'intéressé conservant seulement le droit et le devoir de surveiller l'entretien et l'éducation de son fils. A... ressort des pièces du dossier et notamment du jugement précité que l'enfant n'a jamais eu de contact avec son père depuis sa naissance et que le père refuse de s'en occuper. De même, dans un courriel en date du 20 février 2020, le père de l'enfant a déclaré qu'il ne serait pas présent aux visites organisées et prévues par le jugement du 19 décembre 2019. La circonstance que le jugement précité accorde au parent français le droit et le devoir de surveiller l'entretien et l'éducation de son fils ne permet pas de regarder comme remplie la condition tenant à la contribution effective du père français à l'éducation de son enfant. Par suite, même si le préfet ne conteste pas que la requérante contribue, depuis la naissance de son enfant, à son entretien et son éducation, la preuve de la contribution effective de l'auteur de la reconnaissance de paternité n'est pas rapportée. Enfin, dès lors que la requérante vit seule avec son enfant, a 3 autres enfants mineurs au B..., qu'elle ne se prévaut d'aucun lien en France et que l'enfant français scolarisé en petite section de maternelle n'a pas encore d'attaches fortes en France, elle n'est pas fondée, au regard de sa vie privée et familiale et de l'intérêt supérieur de l'enfant, à soutenir, alors même qu'elle a suivi une formation de " Préparation Opérationnelle à l'Emploi Collective Assistant de vie aux familles " et bénéficie d'une promesse d'embauche dans cette branche, que c'est à tort que le préfet des Deux-Sèvres a rejeté sa demande de renouvèlement de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En second lieu, aux termes des stipulations l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Pour les mêmes raisons que celles exposées au point 5 du présent arrêt, le préfet des Deux-Sèvres n'a pas porté au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis alors d'ailleurs que l'intéressée a passé l'essentiel de son existence dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 36 ans. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et celles tendant à ce que l'Etat soit condamné au versement d'une somme d'argent au titre des frais de justice ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F..., et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Deux-Sèvres.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Brigitte Phémolant, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2021.

Le rapporteur,

Nicolas Normand

La présidente,

Brigitte Phémolant

Le greffier,

Marie Marchives La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 21BX02349


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02349
Date de la décision : 15/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : ORMILLIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-15;21bx02349 ?
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