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15/12/2021 | FRANCE | N°19BX04922

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 15 décembre 2021, 19BX04922


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Capbreton a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale de solidarité des sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1701594 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête et un mémoire, enregistr

s le 18 décembre 2019 et le 6 août 2020, la commune de Capbreton, représentée par Me Picq, demande ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Capbreton a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale de solidarité des sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1701594 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 décembre 2019 et le 6 août 2020, la commune de Capbreton, représentée par Me Picq, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1701594 du tribunal administratif de Pau du 17 octobre 2019 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale de solidarité des sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011 ou, à titre subsidiaire, des intérêts de retard qui lui ont été appliqués ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en application de la loi fiscale et de la doctrine administrative, la plus-value réalisée lors de la cession de l'ensemble immobilier affecté à l'exploitation du camping " Bel Air " n'est pas imposable à l'impôt sur les sociétés dès lors que les collectivités locales ne sont pas assujetties en ce qui concerne les revenus provenant de la gestion de leur patrimoine ;

- les revenus en cause ne peuvent être regardés comme des revenus d'exploitation dans la mesure où le terrain n'a pas été cédé en vue de voir perdurer l'exploitation du camping mais pour construire des logements, dont des logements sociaux, et que la cession est intervenue postérieurement à la cessation de l'exploitation du camping ;

- il existe une rupture d'égalité devant les charges publiques au regard de la situation des personnes physiques et des sociétés de personnes qui, en application de l'article 150 U du code général des impôts, étaient exonérées de l'impôt sur la plus-value immobilière pour les immeubles cédés avant le 31 décembre 2011 à un organisme d'habitations à loyer modéré ou à une société d'économie mixte gérant des logements sociaux ;

- le redressement mis à sa charge résulte uniquement d'un manquement du Trésorier de Saint-Vincent de Tyrosse à son obligation de conseil ;

- eu égard à sa bonne foi, il serait inéquitable de laisser à sa charge les intérêts de retard.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 juillet 2020 et 20 septembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens soulevés par la commune de Capbreton ne sont pas fondés.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michaël Kauffmann,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,

- et les observations de Me Picq, représentant la commune de Capbreton.

Considérant ce qui suit :

1. Par acte notarié du 20 juin 2011, la commune de Capbreton a cédé à la société Alternative Foncière Bel Air un ensemble immobilier affecté au camping " Bel Air ", qu'elle exploitait en régie directe, à un prix de 4 140 000 euros. A l'issue d'une procédure de rectification contradictoire, la commune a été assujettie à l'impôt sur les sociétés et à la contribution sociale de solidarité des sociétés à raison du bénéfice net résultant de la plus-value réalisée à l'occasion de cette cession. La commune relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale de solidarité des sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2011 ou, à titre subsidiaire, des intérêts de retard qui lui ont été appliqués.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 206 du code général des impôts : " 1. (...) sont passibles de l'impôt sur les sociétés (...) les organismes des départements et des communes et toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif. (...) / 5. (...) les établissements publics (...) ainsi que les associations et collectivités non soumis à l'impôt sur les sociétés en vertu d'une autre disposition (...) sont assujettis audit impôt en raison des revenus patrimoniaux qui ne se rattachent pas à leurs activités lucratives. (...) ". Aux termes de l'article 1654 du même code : " Les établissements publics, les exploitations industrielles ou commerciales de l'Etat ou des collectivités locales (...) doivent (...) acquitter, dans les conditions de droit commun, les impôts et taxes de toute nature auxquels seraient assujetties des entreprises privées effectuant les mêmes opérations (...) ". Enfin, aux termes de l'article 207 du même code : " 1. Sont exonérés de l'impôt sur les sociétés : (...) / 6° (...) les communes, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, syndicats de communes et syndicats mixtes constitués exclusivement de collectivités territoriales ou de groupements de ces collectivités ainsi que leurs régies de services publics ; (...) ".

3. Il résulte de la combinaison des dispositions du 1 de l'article 206 du code général des impôts et de l'article 1654 du même code qu'une régie d'une collectivité territoriale, dotée ou non de la personnalité morale, n'est pas passible de l'impôt sur les sociétés si le service qu'elle gère ne relève pas, eu égard à son objet ou aux conditions particulières dans lesquelles il est géré, d'une exploitation à caractère lucratif. Il résulte des dispositions du 6° du 1 de l'article 207 du code général des impôts que si le service qu'elle gère relève d'une exploitation à caractère lucratif, elle ne bénéficie de l'exonération d'impôt sur les sociétés que si la collectivité territoriale a le devoir d'assurer ce service, c'est-à-dire si ce service est indispensable à la satisfaction de besoins collectifs intéressant l'ensemble des habitants de la collectivité territoriale.

4. En premier lieu et d'une part, il ne résulte pas de l'instruction et n'est pas même allégué en appel, alors notamment que d'autres entreprises privées sont susceptibles d'exercer en tout ou partie l'activité de gestion et d'exploitation d'un camping, que la commune de Capbreton ait exercé cette activité dans des conditions particulières, différentes de celles des autres entreprises privées. Dès lors, la commune doit être regardée comme s'étant livrée à une activité à caractère lucratif, et était, à ce titre, passible pour la totalité de cette activité de l'impôt sur les sociétés. D'autre part, il ne résulte pas davantage de l'instruction que le service ainsi rendu aux personnes qui souhaitaient résider temporairement ou à long terme sur le camping était indispensable à la satisfaction de besoins collectifs intéressant l'ensemble des habitants de la collectivité territoriale. Dès lors, l'administration a pu, à bon droit, estimer que la commune ne pouvait prétendre à l'exonération de plein droit d'impôt sur les sociétés prévue par les dispositions précitées du 6° du I de l'article 207 du code général des impôts.

5. En deuxième lieu, comme il a été exposé au point précédent, la commune de Capbreton est soumise et a été assujettie à l'impôt sur les sociétés en application des dispositions précitées du 1 de l'article 206 à raison de son activité lucrative d'exploitante de camping. Ainsi, elle ne peut utilement soutenir que le produit de la cession de l'ensemble immobilier litigieux constitue un revenu autre que patrimonial qui, seul, présente un caractère imposable à l'impôt sur les sociétés en application des dispositions du 5 du même article, dès lors que ces dernières dispositions ne s'appliquent qu'aux collectivités non soumises à l'impôt sur les sociétés.

6. En troisième lieu, il résulte des dispositions combinées des article 38 et 209 du code général des impôts que le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris les cessions d'éléments quelconques de l'actif réalisées en fin d'exploitation. Dès lors, la circonstance que la date de prise d'effet de la cession de l'ensemble immobilier affecté à l'exploitation du camping " Bel Air " a été fixée, dans le contrat de vente du 20 juin 2011, au 1er octobre 2011, soit au lendemain de la date à compter de laquelle la commune a cessé d'exploiter le camping, est sans influence sur la détermination, par l'administration fiscale, du bénéfice net imposable réalisé à l'occasion de cette vente. De même, est sans influence sur le bien-fondé de l'imposition la circonstance que la cession a été réalisée dans un objectif d'aménagement et de construction de logements qui, pour partie, seraient des logements sociaux.

7. En dernier lieu, la commune de Capbreton ne peut utilement soutenir que les dispositions précitées du 1 de l'article 206 du code général des impôts sur le fondement desquelles elle a été imposée créeraient une rupture d'égalité devant les charges publiques au regard de la situation des personnes physiques et des sociétés de personnes qui, en application de l'article 150 U du code général des impôts, étaient exonérées de l'impôt sur la plus-value immobilière pour les immeubles cédés avant le 31 décembre 2011 à un organisme d'habitations à loyer modéré ou une société d'économie mixte gérant des logements sociaux dès lors qu'il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier la conformité des lois à la Constitution au regard du respect de ces principes, hors saisine par mémoire distinct d'une question prioritaire de constitutionnalité.

En ce qui concerne l'application de la doctrine administrative :

8. En premier lieu, à supposer même que la commune puisse être regardée comme entendant se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales auquel il n'est pas fait référence dans ses écritures, du bénéfice de l'interprétation administrative de la loi fiscale exposée dans les paragraphes n° 30 et n° 60 du BOI-IS-CHAMP-30-60, ceux-ci ne contiennent aucune interprétation formelle de la loi fiscale différente de celle dont il lui est fait application dans le cadre de la présente instance.

9. En second lieu, la commune soutient que le redressement mis à sa charge résulte d'un manquement du Trésorier de Saint-Vincent de Tyrosse à son obligation de conseil. Toutefois et d'une part, il ressort des termes de la consultation du 30 novembre 2011 effectuée par ce dernier, à la demande de la requérante, qu'il s'est uniquement prononcé sur la réintégration des éléments d'actifs anciennement affectés à l'exploitation du camping " Bel Air " dans le budget principal de la commune ainsi que sur les conséquences comptables et budgétaires de l'opération de cession de l'ensemble immobilier et non sur ses incidences fiscales. D'autre part, la circonstance que le Trésorier aurait établi la liasse fiscale de la commune au titre de l'exercice clos en 2011, sans y faire figurer la plus-value réalisée à l'occasion de la cession du terrain, ne saurait être regardée comme une prise de position formelle de l'administration fiscale sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal, au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, une telle prise de position devant émaner de l'autorité compétente en matière d'assiette ou d'une personne susceptible de disposer d'une délégation régulière de signature l'habilitant à agir au nom de cette autorité.

Sur le bien-fondé des pénalités :

10. Aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : " I.- Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. A cet intérêt s'ajoutent, le cas échéant, les sanctions prévues au présent code. (...) ".

11. Il résulte de ces dispositions que toute créance fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe à la direction générale des impôts, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. L'intérêt de retard institué par les dispositions de l'article 1727 du code général des impôts, qui s'appliquent indépendamment de toute appréciation portée par l'administration fiscale sur le comportement du contribuable, ne constitue pas une sanction mais vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales. Par suite, la commune ne peut utilement soutenir que sa bonne foi fait obstacle à ce que des intérêts de retard soient mis à sa charge.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Capbreton n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande. Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Capbreton est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Capbreton et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Brigitte Phémolant, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2021.

Le rapporteur,

Michaël Kauffmann La présidente,

Brigitte PhémolantLa greffière,

Marie Marchives

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX04922

4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04922
Date de la décision : 15/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Personnes et activités imposables.


Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: M. Michaël KAUFFMANN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : PWC SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-15;19bx04922 ?
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