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02/12/2021 | FRANCE | N°20BX01764

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 02 décembre 2021, 20BX01764


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) ESPM a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de la décharger des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1500035 du 4 mai 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16BX02171 du 25 septembre 2018, la cour administrative d'appel de Bordeaux a déchargé la société de la cotisation d'impôt sur les socié

tés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010 (article 1er), réform...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) ESPM a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de la décharger des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1500035 du 4 mai 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16BX02171 du 25 septembre 2018, la cour administrative d'appel de Bordeaux a déchargé la société de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010 (article 1er), réformé le jugement du tribunal de Bordeaux en ce sens (article 2) et rejeté le surplus des conclusions (article 4).

Par une décision n° 425443 du 18 mars 2020, le Conseil d'État statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'action et des comptes publics, annulé les articles 1er et 2 de cet arrêt et a renvoyé l'affaire, dans cette mesure, devant la même cour.

Procédure devant la cour :

Par un mémoire enregistré le 22 juillet 2021, la société ESPM, représentée par Me Dulaurent, demande à la cour :

1°) d'infirmer le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 4 mai 2016 en tant qu'il statue sur les conclusions à fin de décharge de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010 ;

2°) de la décharger de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010 ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a réalisé aucune opération d'achat-revente au cours de l'année 2010 ; ainsi, le caractère habituel des opérations d'achat-revente ne peut être établi au titre de cette année ; elle n'a pu avoir d'intention spéculative au cours de cet exercice ;

- son objet social démontre qu'elle n'a pas été créée dans le but de spéculer sur des achats et reventes d'immeubles et que son activité principale est de nature civile, la circonstance que ses gérants soient des professionnels de l'immobilier n'ayant pas d'incidence sur le caractère civil de son activité.

Par des mémoires, enregistrés les 12 novembre 2020 et 13 août 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête de la SCI ESPM et à la remise à la charge de la société de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle avait été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010.

Il soutient que les moyens développés par la société ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Nathalie Gay;

- les conclusions de Mme Madelaigue, rapporteure publique,

- et les observations de Me Eyssartier, pour la société civile immobilière ESPM.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI ESPM a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause le caractère civil des activités de la société au motif qu'elle exerçait, selon elle, une activité de marchand de biens et l'a assujettie à l'impôt sur les sociétés. Par un jugement du 4 mai 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de la SCI ESPM tendant à obtenir la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2008 à 2010. Par un arrêt du 25 septembre 2018, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel de la SCI ESPM, déchargé celle-ci de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de 2010, réformé le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 4 mai 2016 en ce sens et rejeté le surplus des conclusions de sa requête. Par une décision n° 425443 du 18 mars 2020, le Conseil d'État a, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'action et des comptes publics, annulé les articles 1er et 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux et a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire devant la même cour.

Sur les conclusions à fin de décharge de la cotisation d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2010 :

2. Aux termes du I de l'article 35 du code général des impôts : " Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : 1° Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles (...) ". Aux termes du 2 de l'article 206 du même code, définissant le champ d'application de l'impôt sur les sociétés : " (...) les sociétés civiles sont également passibles dudit impôt (...) si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 (...) ".

3. L'application des dispositions précitées est subordonnée à la double condition que les opérations procèdent d'une intention spéculative et présentent un caractère habituel. La condition d'habitude s'apprécie en principe en fonction du nombre d'opérations réalisées et de leur fréquence. À cet égard, la circonstance qu'au cours d'une année aucune opération mentionnée à l'article 35 du code général des impôts n'ait été réalisée par une société civile ne suffit pas, à elle seule, à écarter l'application de ces dispositions pour cette année.

4. Il résulte de l'instruction que la société civile immobilière (SCI) ESPM a été constituée le 28 janvier 2003 entre deux associés avec pour objet social " l'acquisition, la prise à bail, la mise en valeur de tous terrains, l'édification de bâtiments à usage d'habitation et accessoirement commercial, la construction ou l'achat de tous biens immobiliers et mobiliers, la propriété, l'administration et l'exploitation par bail ou location de biens immobiliers acquis ou édifiés par la société (...) éventuellement, la revente des ensembles immobiliers acquis ou édifiés par elle ". Cette société a acquis trois immeubles, le premier situé rue Latour à Bordeaux, le 19 juin 2003, le deuxième, situé rue José Marco à Bègles, le 15 janvier 2008, et le troisième situé rue de Guienne à Bordeaux, le 23 juillet 2008. S'agissant du premier immeuble, après l'avoir divisé en neuf lots le 31 juillet 2009, elle a vendu deux lots les 31 juillet et 13 août 2009. Concernant le deuxième immeuble, après la division de la parcelle créant ainsi une parcelle de terrain à bâtir, la société a vendu l'un des deux lots du bâti le 17 juillet 2008 et le terrain à bâtir attenant le 23 juillet 2008. Quant au troisième immeuble, après avoir créé douze lots, elle en a vendu cinq, les 6, 14, 15 et 27 octobre 2008 et le 26 février 2009. La brièveté du délai séparant l'acquisition des immeubles situés rue José Marco à Bègles et rue de Guienne à Bordeaux des opérations de revente ainsi que la fréquence de ces opérations caractérisent, dès l'acquisition de ces biens, l'intention spéculative de la société. Il suit également de ce qui vient d'être exposé que l'activité de la société doit être regardée comme exercée à titre habituel sans que puisse y faire obstacle la circonstance qu'au cours de l'année 2010 aucune opération mentionnée à l'article 35 du code général des impôts n'a été réalisée, alors, au demeurant, que la société a vendu deux autres lots de l'immeuble situé rue Latour à Bordeaux en 2012. Enfin, compte tenu des opérations que la société a réellement effectuées, c'est à bon droit que l'administration a renversé la présomption selon laquelle cette dernière exerce une activité conforme à son objet social de nature civile. Par suite, la SCI ESPM doit être regardée comme ayant eu, dès l'acquisition desdits immeubles, une intention spéculative au sens du I précité de l'article 35 du code général des impôts.

5. Compte tenu de ces considérations, les circonstances que la SCI ESPM ait financé ses acquisitions à l'aide d'emprunts à long terme puis opté, lors des opérations de revente, pour le régime des droits d'enregistrement, et non pour celui des droits réduits réservé aux marchands de biens, ne sont pas de nature, à elles seules, à exclure lesdites opérations du champ d'application de l'article 35 du code général des impôts.

6. La SCI ESPM ne saurait se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle faite le 30 mai 1957 à M. A..., député, qui ne comporte aucune interprétation formelle de la loi fiscale différente de celle qui en est faite par le présent arrêt.

7. Enfin, la SCI ESPM ne peut non plus utilement invoquer l'instruction du 4 janvier 2017, référencée BOI-BIC-CHAMP-20-10-10-20170104, qui aurait supprimé la présomption d'intention spéculative tirée du caractère habituel des opérations réalisées, dès lors que ladite instruction est postérieure aux années d'imposition en litige.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI ESPM n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCI ESPM tendant à l'annulation du jugement n° 1500035 du 4 mai 2016 du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il a rejeté sa demande à fin de décharge de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010 est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière ESPM et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 4 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,

Mme Nathalie Gay, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 décembre 2021.

La rapporteure,

Nathalie GayLe président,

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 20BX01764


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 20BX01764
Date de la décision : 02/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : LES JURISTES ASSOCIES DU SUD-OUEST

Origine de la décision
Date de l'import : 14/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-12-02;20bx01764 ?
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