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30/11/2021 | FRANCE | N°20BX04254

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 30 novembre 2021, 20BX04254


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 28 août 2020 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de délivrer un titre de séjour à son épouse Mme H... F... C... épouse B..., lui a fait obligation de quitter le territoire français à la fin de son contrôle judiciaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2001225 du 26 novemb

re 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 28 août 2020 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de délivrer un titre de séjour à son épouse Mme H... F... C... épouse B..., lui a fait obligation de quitter le territoire français à la fin de son contrôle judiciaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2001225 du 26 novembre 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 décembre 2020 et un mémoire enregistré le 26 octobre 2021, M. B..., représenté par Me Dounies puis par Me Pornon-Weidknnet, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 26 novembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 août 2020 du préfet de la Haute-Vienne ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de délivrer à Mme F... C... épouse B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jours de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à titre subsidiaire, en cas de rejet de la requête d'appel, d'attribuer le bénéfice de l'aide juridictionnelle à Me Dounies.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé en méconnaissance des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relatons entre le public et l'administration ; cette motivation est entachée d'erreurs de fait dès lors que la communauté de vie est établie par les très nombreuses attestations de voisins, d'amis et de membres de la famille ;

- il est entaché d'un défaut d'examen réel de la situation de son épouse ;

- il méconnaît les dispositions des articles L. 313-11 4° et 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que Mme B... justifie de ses attaches personnelles et familiales en France ainsi que de sa parfaite intégration dans la société française et de ses conditions d'existence ; la circonstance qu'elle aurait vécu quelques mois à Thônes où sont scolarisées ses filles ne saurait justifier le refus de titre de séjour ; la communauté de vie préexistait au mariage et s'est poursuivie par la suite ; le pacs conclu le 2 avril 2016 et le mariage célébré le 31 octobre 2018 constituent des indices importants de l'intensité de ses liens personnels et familiaux en France ;

- son placement sous contrôle judiciaire fait obstacle à l'exécution de la mesure d'éloignement ;

- l'arrêté contesté méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant dès lors que sa fille ne pourra poursuivre sa scolarité hors de France ;

- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure litigieuse sur la vie personnelle de son épouse.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mai 2021, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la requête qui n'a pas été formée par Mme F... C... mais par M. B..., est irrecevable ; Mme F... C... n'a pas signé le recours et ne justifie pas avoir donné mandat à M. B... ;

- le moyen tiré de la violation des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, soulevé pour la première fois en appel et qui repose sur une cause juridique distincte des moyens invoqués devant le tribunal, est irrecevable ;

- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 11 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Birsen Sarac-Deleigne,

- et les observations de M. D..., élève avocat, en présence de Me Hachet, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme F... C... épouse B..., ressortissante hondurienne, née le 2 février 1970, a sollicité le 14 février 2020 la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale " en se prévalant de sa qualité de conjoint de ressortissant français sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 28 août 2020, le préfet de la Haute-Vienne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français à la fin de son contrôle judiciaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Son conjoint, M. B..., relève appel du jugement du 26 novembre 2020, par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, le requérant n'a invoqué en première instance que des moyens de légalité interne à l'encontre de l'arrêté du 28 août 2020. Par suite, le moyen de légalité externe tiré du défaut de motivation au regard des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, relevant d'une cause juridique nouvelle en appel, est irrecevable, ainsi que le soutient le préfet en défense.

3. En deuxième lieu, il ne résulte d'aucune pièce du dossier que le préfet n'aurait pas tenu compte de l'ensemble des éléments qui lui était soumis pour apprécier la situation de Mme B.... Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen réel et sérieux de sa situation doit être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) ".

5. S'il est constant que Mme F... C... a conclu un pacte civil de solidarité le 28 avril 2016 puis s'est mariée le 31 octobre 2018 avec M. B..., ressortissant français, il ressort de l'enquête de gendarmerie réalisée le 14 juin 2020 au domicile déclaré des deux époux, que la communauté de vie n'est pas effective, aucun élément de mobilier, de courrier ou vestimentaire ne permettant d'attester de la présence de Mme F... C... épouse B... au domicile. Il ressort des pièces du dossier et notamment de l'arrêté du 1er juin 2018 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire, qu'une précédente enquête diligentée le 29 avril 2018 avait déjà conclu à l'absence de communauté de vie après plusieurs passages des services de gendarmerie au domicile de M. B.... Les attestations de proches et amis versés au dossier, toutes postérieures à l'arrêté attaqué, sont insuffisamment circonstanciées pour permettre de remettre en cause l'appréciation portée par le préfet de la Haute-Vienne sur ce point alors en outre que certaines déclarations sont en contradiction avec les autres pièces versées au dossier, notamment celles établissant une domiciliation de l'intéressée et une scolarisation de sa plus jeune fille en Haute-Savoie dès 2017. Les pièces versées au dossier pour justifier d'une domiciliation commune sont pour la majorité d'entre elles relatives aux années 2016, 2017 et pour d'autres, postérieures à l'arrêté attaqué, notamment le courrier de la caisse de Mutualité sociale agricole (MSA) du Limousin du 23 juin 2021 relative aux prestations familiales et l'attestation de la MSA du 21 janvier 2021 relative au rattachement de Mme F... C... épouse B... et de sa fille mineure à la complémentaire santé de M. B... à la suite de la demande effectuée le 20 octobre 2020. Les avis d'imposition versés au dossier d'appel ne comportent pas les déclarations de revenus de Mme F... C... épouse B... alors qu'elle soutient disposer d'une double domiciliation à Thônes pour des raisons professionnelles. A cet égard, la production des bulletins de salaires de Mme F... C... attestant d'une période d'emploi à temps partiel d'une durée d'un mois en 2019 et de trois mois en 2020 en qualité de vacataire au sein de l'IUT de Nancy, pour un salaire moyen mensuel de 262 euros, ne saurait suffire pour justifier par des motifs professionnels de la double domiciliation et de l'absence de cohabitation des époux. Dans ces conditions, en refusant de délivrer un titre de séjour à l'épouse du requérant, le préfet de la Haute-Vienne n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-11 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. M. B... soutient que le préfet a entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de son épouse eu égard à ses attaches personnelles et familiales en France. Toutefois, le couple n'a pas d'enfant et l'existence d'une relation stable depuis le mariage n'est étayée par aucun élément probant. Ainsi que l'a jugé le tribunal, si M. B... soutient que les enfants de G... F... C... épouse B... résident en France et qu'elle leur rend visite à Thônes, il ressort des pièces du dossier que quatre d'entre eux sont majeurs et en situation irrégulière à la date de la décision attaquée. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la mère de Mme F... C... épouse B..., arrivée récemment en France pour y solliciter l'asile, aurait vocation à demeurer sur le territoire national. Si sa plus jeune fille est scolarisée au collège, il n'est pas établi ni même allégué qu'elle ne pourrait pas suivre une scolarité normale au Honduras et que Mme E... C... épouse B... ne pourrait pas reconstituer sa cellule familiale dans son pays d'origine. Mme E... C..., qui est placée sous contrôle judiciaire, ne justifie pas d'une intégration socio-professionnelle notable. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 43 ans. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant la délivrance d'un titre de séjour à son épouse, le préfet de la Haute-Vienne a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou des dispositions du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision d'erreur de fait ou d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de son épouse.

8. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision en litige porterait atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant mineure de Mme F... C... épouse B... dès lors qu'elle n'a ni pour objet ni pour effet de séparer celle-ci de sa mère et qu'il n'est pas établi que sa fille scolarisée en France depuis quatre ans seulement serait dans l'impossibilité d'être scolarisée ou prise en charge dans des conditions équivalentes au Honduras. Par suite, l'arrêté attaqué n'a pas été pris en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

9. Il ressort de l'article 2 de l'arrêté contesté que Mme F... C... est obligée de quitter le territoire national à la fin seulement de son contrôle judiciaire. Par suite, M. B... ne peut utilement soutenir que ce placement sous contrôle judiciaire ferait obstacle à la mesure d'éloignement.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non- recevoir soulevée en défense, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée à la préfète de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 2 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Laury Michel, première conseillère,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2021.

La rapporteure,

Birsen Sarac-DeleigneLa présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX04254


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX04254
Date de la décision : 30/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Birsen SARAC-DELEIGNE
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : DOUNIES

Origine de la décision
Date de l'import : 07/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-11-30;20bx04254 ?
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