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16/11/2021 | FRANCE | N°19BX02894

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 16 novembre 2021, 19BX02894


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Fédéral Express Antilles françaises, société à responsabilité limitée, a demandé au tribunal administratif de la Martinique de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1700769 du 13 mai 2019, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregist

rée le 10 juillet 2019 et un mémoire enregistré le 28 février 2020, la société Fédéral Express Antilles f...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Fédéral Express Antilles françaises, société à responsabilité limitée, a demandé au tribunal administratif de la Martinique de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1700769 du 13 mai 2019, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 juillet 2019 et un mémoire enregistré le 28 février 2020, la société Fédéral Express Antilles françaises, représentée par Me Béra, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 13 mai 2019 ;

2°) de faire droit à sa demande tendant à l'admission de son déficit fiscal reportable au 31 décembre 2009 pour un montant de 2 391 777 euros et de prononcer la décharge totale des impositions en litige ;

3°) de condamner l'Etat à lui rembourser la somme de 373 579 euros acquittée à tort le 14 mars 2016, assortie des intérêts moratoires en application de l'article 208 du livre des procédures fiscales ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur ses conclusions aux fins d'annulation de la décision implicite de rejet de sa réclamation du 6 février 2017 et a ainsi entaché son jugement d'irrégularité ;

- le tribunal a entaché son jugement d'erreur de droit et d'erreur de fait dès lors qu'elle a justifié de son droit à déduire de son bénéfice net de l'exercice clos en 2010, un déficit antérieur à hauteur de 2 391 777 euros ; en refusant de procéder à une véritable vérification de la comptabilité, considérée à tort comme irrégulière, l'administration a renversé la charge de la preuve ; en l'absence d'imputation des déficits sur les bénéfices, le service n'était pas fondé à contrôler l'existence et la nature des déficits ;

- le tribunal a commis une erreur de droit et une erreur de fait en considérant que les justificatifs des charges de frais de transport de ligne complémentaire et des frais de siège n'étaient pas suffisamment probants pour admettre leur déductibilité et en faisant abstraction de la facture globale émise ; en outre, s'agissant d'un groupe exerçant son activité à l'international, l'administration fiscale admet la déduction des charges sur la base d'une évaluation forfaitaire ;

- les premiers juges ont commis une erreur de fait et d'appréciation en retenant qu'il n'est pas établi que les provisions auraient été constituées pour faire face à des pertes probables et que la méthode forfaitaire retenue ne permettait pas de déterminer la perte avec une précision suffisante ; à titre subsidiaire, elle est fondée à se prévaloir d'une méthode forfaitaire dès lors que les provisions portent sur un grand nombre de factures à faible valeur.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 janvier 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- le quantum du litige doit être limité à la somme de 286 675 euros compte tenu du dégrèvement de la pénalité pour un montant de 86 904 euros, accordé le 23 août 2019 ;

- les conclusions tendant au versement des intérêts moratoires sont irrecevables ;

- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 19 octobre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 décembre 2020 à 12 heures.

Un mémoire a été enregistré pour la société Federal Express Antilles françaises le 3 mars 2021, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Birsen Sarac-Deleigne,

- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public,

- et les observations de Me Jourdan, représentant la société Fédéral Express Antilles françaises.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée Federal Express (FEDEX) Antilles françaises, qui exerce une activité de messagerie et de fret express à l'aéroport du Lamentin, a fait l'objet en 2013, d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, à la suite de laquelle l'administration lui a notifié des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des trois exercices vérifiés du fait de l'annulation d'un déficit d'un montant de 2 391 777 euros reporté au titre de l'exercice 2010 et de la réintégration de charges intragroupe et de provisions sur comptes clients non justifiés dans ses résultats. Les cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés en résultant, d'un montant de 373 579 euros, ont été mises en recouvrement le 31 décembre 2015 et acquittées le 14 mars 2016. Par réclamation du 6 février 2017, la société requérante a demandé la décharge totale des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie et le remboursement des sommes acquittées, soit 260 648 euros en droits, 26 027 euros d'intérêts de retard et 86 904 euros de pénalités. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par l'administration sur cette demande. La société FEDEX Antilles françaises relève appel du jugement du 13 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés. La société FEDEX Antilles françaises qui demande l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardée par l'administration fiscale sur sa réclamation du 6 février 2017 ainsi que la condamnation de l'Etat au remboursement des sommes qu'elle a acquittées, doit être regardée comme demandant la décharge des impositions mises à sa charge.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 23 août 2019, postérieure à l'enregistrement de la requête, le directeur régional des finances publiques a prononcé le dégrèvement de la totalité des pénalités appliquées à hauteur de 86 904 euros. Les conclusions de la requête de la société FEDEX Antilles françaises sont, dans cette mesure, devenues sans objet et il n'y a donc pas lieu d'y statuer.

Sur la régularité du jugement :

3. Il résulte de l'instruction que la société FEDEX Antilles françaises a demandé devant le tribunal administratif de la Martinique l'annulation de la décision implicite de rejet de sa réclamation du 6 février 2017 tendant au remboursement des impositions et pénalités qu'elle estime avoir acquittées à tort. Toutefois, la société requérante n'était pas recevable à présenter des conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du refus implicite opposé par l'administration à sa demande de remboursement, une telle décision ne pouvant être contestée qu'à l'occasion d'une demande en décharge ou en réduction desdites impositions. Ainsi, en estimant que la société requérante devait être regardée comme demandant la décharge des impositions en litige, les premiers juges ont délimité avec exactitude l'objet de la demande dont ils étaient saisis. La société requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que le tribunal aurait omis de statuer sur ses conclusions et par suite entaché d'irrégularité son jugement qui est, par ailleurs, suffisamment motivé.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les déficits reportés nés au cours d'exercices prescrits :

4. D'une part, aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " I. (...) En cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si ce bénéfice n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur les exercices suivants jusqu'au cinquième exercice qui suit l'exercice déficitaire. La limitation du délai de report prévue à l'alinéa précédent n'est pas applicable à la fraction du déficit qui correspond aux amortissements régulièrement comptabilisés mais réputés différés en période déficitaire (...) ".

5. D'autre part, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Pour l'application des dispositions de l'article 209 du code général des impôts citées au point 4, il appartient, dès lors, au contribuable de justifier l'existence d'un déficit reportable et son montant. Il s'acquitte de cette obligation par la production d'une comptabilité régulière et probante ou, à défaut, par toute autre preuve extracomptable suffisamment probante. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation en produisant une comptabilité, il incombe alors à l'administration, si elle s'y croit fondée, soit de critiquer les écritures ayant conduit à la constatation d'un déficit, soit de demander au contribuable de justifier de la régularité de ces écritures. Il appartient alors au juge de l'impôt d'apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration.

6. L'administration fiscale a remis en cause le déficit restant à reporter, qui aurait été généré entre les années 2000 et 2009, déclaré par la société FEDEX Antilles françaises au titre de l'exercice clos au 1er janvier 2010, pour un montant de 2 391 777 euros. Il résulte de l'instruction que pour fonder ce chef de redressement, l'administration ne s'est pas appuyée sur l'absence de caractère probant de la comptabilité de la société au titre des exercices au cours desquels les déficits seraient apparus, mais sur l'absence de justificatifs, comptables ou extracomptables, des déficits reportés.

7. La société requérante a produit en vue de justifier de ce déficit, des liasses fiscales des années 2000 à 2009 ainsi qu'un tableau récapitulatif retraçant ces déficits. Il résulte de l'instruction que lors des opérations de vérification, le comptable de la société a indiqué avoir effectué la retranscription des écritures sur les déclarations de résultats n° 2605 à partir des balances fournies par la société Federal Express Holding, domiciliée aux Etats-Unis, sans détenir aucun justificatif. Par courriers des 25 juillet 2013 et 15 octobre 2013, le service vérificateur a demandé à la société de justifier de la nature et de l'origine des déficits mentionnés sur la liasse fiscale de l'exercice clos de 2010. En l'absence de transmission de justificatifs complémentaires, et notamment de toute pièce comptable, la seule circonstance que les déclarations de résultat souscrites au titre des exercices prescrits en ont fait mention ne suffit pas à établir la réalité et le montant des déficits allégués. Dès lors, l'administration fiscale qui n'a pas inversé la charge de la preuve, était fondée à remettre en cause ces déficits et à modifier en conséquence le résultat de la société de l'exercice clos en 2010, alors même que la société, ayant déclaré l'exercice clos en 2010 déficitaire, n'a pas imputé ces déficits sur les bénéfices de l'exercice clos en 2010 mais les a seulement reportés, en l'absence de bénéfices suffisants déclarés.

En ce qui concerne la déductibilité des charges :

8. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice ".

9. Il appartient au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ait été saisie ou non, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. En ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

10. En vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis. La seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense. Le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration.

11. Il résulte de l'instruction et notamment de la proposition de rectification en date du 12 décembre 2013, qu'au cours des opérations de contrôle débutées en juin 2013, la société requérante dont la comptabilité est tenue selon les normes américaines par la société Federal Express Corporation, située aux Etats-Unis, n'a pas été en mesure de présenter au vérificateur les documents comptables obligatoires prévues à l'article 54 du code général des impôts aux termes duquel : " (...) Si la comptabilité est tenue en langue étrangère, une traduction certifiée par un traducteur juré doit être présentée à toute réquisition de l'administration ". Après avoir accordé un délai supplémentaire, le service vérificateur a dressé le 23 juillet 2017 un procès-verbal pour défaut de présentation de la comptabilité concernant les exercices clos 2011 et 2012, contresigné par la gérante de la société. Il résulte également de cette proposition et il n'est pas contesté que les comptabilités présentées par la société le 8 septembre 2013 et 1er octobre 2013 n'étaient pas tenues selon les normes françaises et présentaient en outre de graves anomalies et incohérences que ni le cabinet comptable, ni la gérante n'ont été en mesure d'expliquer. Dès lors, la comptabilité a pu, à bon droit, être écartée comme non probante par l'administration.

12. L'administration fiscale a remis en cause, pour les montants respectifs de 441 335 euros, 670 631 euros et 1 286 087 euros au titre de chacun des exercices vérifiés, le caractère déductible des frais de transport dits " supplemental linehaul " correspondant au coût d'utilisation des moyens de transport appartenant à des prestataires tiers et qui se distinguent de ceux liés à l'utilisation des moyens de transport aériens du réseau Fedex dit de " linehaul ". La société requérante soutient avoir transmis, pour justifier de ces frais, outre la documentation sur les prix de transfert du groupe et sa traduction, une facture reprenant le montant global des coûts refacturés par la société Federal Express Corporation, société mère, incluant les frais de transport de ligne complémentaires. Toutefois, aucun contrat ni aucune facture n'ont été produits par la société requérante permettant d'apprécier l'étendue et le coût des services qui auraient été rendus par des compagnies de transport extérieur au réseau, et le montant des frais que la société Federal Express Corporation aurait exposés pour le compte de la requérante. En outre, la documentation sur les prix de transfert qui constitue un référentiel commun aux sociétés membres du réseau Fedex pour permettre à celles-ci de se refacturer leurs prestations respectives, ne vise pas les opérations relatives aux transports " supplemental linehaul ". Dans ces conditions, la société FEDEX Antilles françaises ne peut être regardée comme apportant la preuve du montant des charges qu'elle entend déduire, à ce titre, de ses bénéfices. Si l'administration, par souci de réalisme économique, a accepté de retenir les frais de transports dit de " linehaul ", de livraison et d'utilisation de hubs, cette circonstance ne saurait lui ouvrir droit à la déductibilité de frais autres.

13. L'administration a également refusé d'admettre la déductibilité des " frais de siège " pour les montants respectifs de 180 971,26 euros, 153 259,44 euros et 175 167,90 euros au titre de chacun des exercices vérifiés, correspondant, selon la société FEDEX Antilles françaises, au coût d'utilisation par elle des services mis à sa disposition par le groupe, tels que la comptabilité, le service juridique, le marketing, la communication et le support informatique. Si la société FEDEX Antilles françaises soutient que ces frais lui sont facturés par le groupe, la documentation prix de transfert, librement traduite par son comptable, les états présentés en anglais qui ne constituent pas des factures et les explications fournies sur les modalités de refacturation des frais entre les différentes entités du groupe ne peuvent à eux seuls suffire à justifier les montants déduits. S'agissant en particulier des frais de comptabilité, remis en cause par l'administration fiscale au motif qu'ils font double emploi avec les services du cabinet d'expertise comptable EXCO, si la société requérante soutient que cette déductibilité ne saurait être remise en cause dès lors que le cabinet d'expertise comptable EXCO est en charge de la traduction des documents aux normes comptables françaises et en langue française, la société requérante n'a pas été en mesure de produire une comptabilité tenue en langue française ni d'ailleurs la lettre de mission dudit cabinet qui aurait permis d'apprécier la nature des prestations fournies. La société requérante ne produit ainsi aucun document probant relatif à la nature des services rendus par sa société mère et à la clé de répartition des frais de siège entre les filiales qui serait appliquée par la société mère et notamment pas la facture globale des frais déduits qu'elle soutient avoir adressée à l'administration fiscale, laquelle nie avoir été destinataire d'un tel document. Par suite, l'administration était fondée à rejeter l'ensemble de ces charges.

14. Par ailleurs, la société requérante ne saurait utilement se prévaloir de la doctrine fiscale BOI-BIC-BASE-80-20-20150902 relative à la participation forfaitaire aux frais d'exploitation d'une filiale à l'étranger pour soutenir qu'elle pouvait appliquer une méthode forfaitaire pour la détermination de ces coûts dès lors que cette doctrine ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt.

En ce qui concerne les provisions pour pertes :

15. Il résulte des dispositions de l'article 39 du code général des impôts citées au point 8 ci-dessus qu'une entreprise peut porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent, en outre, comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'enfin, elles se rattachent par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise. Une telle approximation peut être obtenue par voie statistique si la méthode utilisée est appropriée à la situation de l'entreprise et fondée, notamment, sur des données statistiques tirées de son expérience. En revanche, un mode de calcul global qui ne repose pas sur une telle démarche statistique ne peut être regardé que comme étant purement forfaitaire et comme ne pouvant, dès lors, satisfaire à la condition ci-dessus définie.

16. Il résulte de l'instruction que la société requérante a constitué, au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012, des provisions destinées à couvrir des pertes en lien avec des créances clients présentant des retards de paiement supérieurs à 6 mois, le montant provisionné correspondant à un pourcentage appliqué sur le montant des impayés, représentant selon la société, des pertes réellement supportées au cours des années antérieures et calculé en fonction des impayés de l'année N-1. Pour justifier des montants provisionnés, la société requérante a fourni un tableau mentionnant le montant des créances provisionnées et le pourcentage appliqué en fonction des pertes supportées au cours des années antérieures, dans une fourchette de 1 à 4 % et a précisé effectuer des relances par e-mails, lettres simples ou appels téléphoniques pour procéder au recouvrement de ces créances. Si la société pouvait, eu égard au nombre de ses clients et à la faible valeur des créances, recourir à une méthode statistique, le mode de calcul retenu ne peut être regardé, en l'absence de justifications particulières et notamment de précisions sur les données internes prises en compte, les exercices concernés et les critères de distinction entre les créances pour l'application du taux de 1 à 4 %, comme exprimant avec une approximation suffisante la perte qu'elle subira, le cas échéant, pour chacune des créances inscrites. Contrairement à ce qu'elle soutient, une méthode purement forfaitaire ne peut satisfaire à la condition définie au point précédent. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a réintégré les provisions évaluées selon ces méthodes.

Sur les autres conclusions de la requête :

17. D'une part, aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " (...) Si le contribuable a constitué des garanties autres qu'un versement en espèces, les frais qu'il a exposés lui sont remboursés dans les limites et conditions fixées par décret ", et aux termes de l'article R. 208-3 du même livre : " Pour obtenir le remboursement prévu par l'article L. 208 des frais qu'il a exposés pour constituer les garanties, le contribuable doit adresser une demande : b. Au directeur des services fiscaux, s'il s'agit d'impôts, droits ou taxes recouvrés par les comptables de la direction générale des impôts (...) La demande, appuyée de toutes justifications utiles, doit être formulée dans le délai d'un an à compter de la notification de la décision soit du directeur ou du trésorier-payeur général soit du tribunal saisi ". La requérante ne justifie pas avoir formé une demande de remboursement des frais de garantie auprès du service chargé du recouvrement des impositions. Ses conclusions tendant au remboursement de ces frais ne sont, dès lors, pas recevables.

18. D'autre part, les intérêts dus au contribuable en vertu de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, en cas de remboursements effectués en raison de dégrèvements d'impôt prononcés par la juridiction administrative sont, en application de l'article R. 208-1 du même livre, " payés d'office en même temps que les sommes remboursées au contribuable par le comptable chargé du recouvrement des impôts ".

19. Il n'existe aucun litige né et actuel entre le comptable et la société requérante concernant ces intérêts. Dès lors, les conclusions de la société requérante tendant au versement par l'Etat d'intérêts moratoires ne sont pas recevables et ne peuvent qu'être rejetées.

20. Il résulte de tout ce qui précède que la société FEDEX Antilles françaises, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012.

Sur les frais liés à l'instance :

21. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande la société FEDEX Antilles françaises au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société Federal Express Antilles françaises à hauteur du dégrèvement de 86 904 euros prononcé en cours d'instance.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Federal Express Antilles françaises est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Federal Express Antilles françaises et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Laury Michel, première conseillère,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2021.

La rapporteure,

Birsen Sarac-DeleigneLa présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

7

N° 19BX02894


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02894
Date de la décision : 16/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-01-03 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Questions communes.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Birsen SARAC-DELEIGNE
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : CABINET DLA PIPER LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-11-16;19bx02894 ?
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