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20/10/2021 | FRANCE | N°21BX01372

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (juge unique), 20 octobre 2021, 21BX01372


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C..., épouse A..., a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme totale de 146 423,58 euros déclarée par le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de la Charente-Maritime le 14 décembre 2018 dans le cadre d'une procédure de vente immobilière afin d'obtenir le recouvrement de diverses impositions directes et de taxe sur la valeur ajoutée dues au titre des années 2010 à 2015.

Par jugement n° 1902452 du 4 février 2021,

le tribunal administratif de Poitiers a déchargé Mme C... de l'obligation de payer l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C..., épouse A..., a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme totale de 146 423,58 euros déclarée par le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de la Charente-Maritime le 14 décembre 2018 dans le cadre d'une procédure de vente immobilière afin d'obtenir le recouvrement de diverses impositions directes et de taxe sur la valeur ajoutée dues au titre des années 2010 à 2015.

Par jugement n° 1902452 du 4 février 2021, le tribunal administratif de Poitiers a déchargé Mme C... de l'obligation de payer la somme de 146 423,58 euros précitée.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 avril et 14 octobre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance, qui a fait appel de ce jugement du tribunal administratif de Poitiers par une requête enregistrée sous le n° 21BX01371, demande à la cour d'en ordonner le sursis à exécution.

Il soutient que :

- l'exécution du jugement risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables, en ce qu'elle va permettre la poursuite de la vente du seul immeuble détenu par l'intimée, qui ne dispose par ailleurs d'aucune ressource financière lui permettant de régler ses dettes fiscales, sans que l'administration fiscale soit en mesure d'y participer en faisant valoir sa créance et alors que le montant total des inscriptions s'élève, hors créance fiscale, à 912 534,45 euros ; de plus, le montant total des oppositions et saisies administratives pratiquées à fin d'appréhender le solde disponible après la vente s'élève à 281 764,21 euros ;

- les moyens par lesquels il conteste le jugement sont sérieux ;

- ainsi l'opposition à poursuites était tardive ;

- de plus, les premiers juges ont regardé l'intégralité de la somme de 146 423,58 euros comme prescrite alors que l'intimée ne contestait les créances déclarées par le service qu'à hauteur de 102 676,78 euros ;

- en outre, le tribunal a, à tort, estimé que l'absence de réception d'un titre exécutoire pouvait être invoquée après l'expiration du délai de deux mois suivant l'émission du premier acte de poursuites et alors que ce moyen était présenté pour la première fois, ce qui le rendait irrecevable en vertu de l'article R. 281-5 du livre des procédures fiscales ;

- de surcroît, il appartenait, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, à l'intéressée d'apporter des éléments de nature à expliquer l'absence de réception de ces titres exécutoires, alors même qu'ils ont été envoyés en lettre simple ;

- enfin, c'est à tort que les premiers juges ont refusé d'admettre que le courriel de l'intéressé à son créancier valait reconnaissance de dette.

Par deux mémoires, enregistrés les 1er et 6 octobre 2021, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, Mme C..., représenté par Me Guillard, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelant la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.

Elle soutient que :

- le bien immobilier lui appartenant a été cédé au prix de 1 045 000 euros et elle se verra attribuer, au terme de la procédure, un solde de 429 833,34 euros, de sorte que l'exécution du jugement concerné n'emporte aucune conséquence irréparable pour l'administration, qui peut, de plus, prendre des mesures conservatoires pour garantir sa créance ;

- son opposition à poursuites n'était pas irrecevable, la déclaration de créance effectuée par le service le 14 décembre 2018 ne pouvant s'assimiler à un acte de poursuite ;

- par ailleurs, l'administration ne fait valoir aucun moyen sérieux, notamment s'agissant de l'absence de preuve de la notification des titres dont elle se prévaut.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Éric Rey-Bèthbéder a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. D'une part et aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ". En vertu du second alinéa de l'article R. 222-25 du même code, le président de la cour ou le président de chambre statue en audience publique et sans conclusions du rapporteur public sur les demandes de sursis à exécution mentionnées aux articles R. 811-15 à R. 811-17.

2. Aux termes de l'article R. 811-17 du code de justice administrative : " Dans les autres cas, le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction ".

3. D'autre part et aux termes de l'article R. 281-1 du livre des procédures fiscales : " Les contestations relatives au recouvrement prévues par l'article L. 281 peuvent être formulées par le redevable lui-même ou la personne solidaire. Elles font l'objet d'une demande qui doit être adressée, appuyée de toutes les justifications utiles, en premier lieu, au chef du service du département ou de la région dans lesquels est effectuée la poursuite. Le chef de service compétent est : / a) Le directeur départemental des finances publiques ou le responsable du service à compétence nationale si le recouvrement incombe à un comptable de la direction générale des finances publiques (...). Et aux termes de l'article R. 281-3-1 du même livre : " La demande prévue à l'article R. 281-1 doit, sous peine d'irrecevabilité, être présentée (...) au directeur départemental des finances publiques (...) dans un délai de deux mois à partir de la notification : / a) De l'acte de poursuite dont la régularité en la forme est contestée ; / b) De tout acte de poursuite si le motif invoqué porte sur l'obligation de payer ou le montant de la dette ; / c) Du premier acte de poursuite permettant d'invoquer tout autre motif ".

4. Par une opposition à poursuites du 2 juillet 2019, Mme C..., épouse A..., a contesté la déclaration de créances d'un montant total de 146 423,58 euros faite le 14 décembre 2018 par le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de la Charente-Maritime auprès du juge de l'exécution près le tribunal de grande instance de La Rochelle dans le cadre d'une procédure de vente immobilière correspondant à des cotisations d'impôt sur les revenus au titre de l'année 2010 mises en recouvrement le 31 décembre 2011 et le 31 décembre 2012, au titre de l'année 2011 mises en recouvrement le 31 octobre 2013, au titre de l'année 2013 mises en recouvrement le 31 juillet 2014, des taxes d'habitation 2011, 2013 et 2014, des cotisations foncières des entreprises au titre des années 2011, 2013 et 2014, des compléments de taxe sur la valeur ajoutée au titre des périodes de décembre 2014, d'avril 2014 et de mars 2014 au mois d'avril 2014, de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, du mois de mai 2013, des mois de février et juin 2012, de la période du 1er janvier au 20 juin 2011, du mois de janvier 2012, des 3ème et 4ème trimestre 2011 et de la période du 1er janvier au 30 juin 2011 ainsi qu'au titre du 1er janvier au 30 septembre 2010. Par un jugement de constat de vente amiable du 3 juillet 2019, le juge de l'exécution a ordonné le sursis à statuer sur la créance du comptable public.

5. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du 4 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a accordé à Mme C... la décharge de l'obligation de payer la somme totale de 146 423,58 euros précitée.

6. En premier lieu, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif n'a pas rejeté la demande comme irrecevable en raison de la tardiveté de l'opposition à poursuites formée par Mme C... le 1er juillet 2019, soit plus de deux mois après la déclaration de créances effectuée par l'administration fiscale le 14 décembre 2018 lors de la procédure de vente forcée citée au point 2, paraît sérieux en l'état de l'instruction.

7. En second lieu, il résulte des circonstances de l'espèce que l'intimée ne dispose d'aucun patrimoine en dehors de l'immeuble faisant l'objet de la procédure de vente forcée précitée, que le montant total des inscriptions s'élève, hors créance fiscale, à 912 534,45 euros, auquel s'ajoute le montant total des oppositions et saisies administratives pratiquées à fin d'appréhender le solde disponible après la vente, soit 281 764,21 euros, soit, en tout, 1 194 298,66 euros, alors que le bien concerné a été vendu au prix de 1 045 000 euros et que son dernier revenu fiscal de référence s'élève à 17 384 euros, avec deux enfants majeurs à charge. Par conséquent, l'État est exposé, en cas d'exécution immédiate du jugement contesté, au risque de ne plus pouvoir recouvrer la créance d'impôt dont s'agit et, donc, à des conséquences difficilement réparables.

8. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'ordonner le sursis à exécution du jugement attaqué. Par voie de conséquence, les conclusions de l'intimée tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est ordonné le sursis à exécution du jugement du 4 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a accordé à Mme C... la décharge de l'obligation de payer la somme totale de 146 423,58 euros déclarée par le comptable du pôle de recouvrement spécialisé de la Charente-Maritime le 14 décembre 2018 dans le cadre d'une procédure de vente immobilière afin d'obtenir le recouvrement de diverses impositions directes et de taxe sur la valeur ajoutée dues au titre des années 2010 à 2015.

Article 2 : Les conclusions de Mme C... relatives à l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme B... C..., épouse A..., et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 octobre 2021.

Le président de chambre,

Éric Rey-BèthbéderLa greffière,

Virginie SANTANA

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition certifiée conforme.

La greffière,

Virginie SANTANA

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No 21BX01372


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (juge unique)
Numéro d'arrêt : 21BX01372
Date de la décision : 20/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-03-03 Procédure. - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000. - Sursis à exécution d’une décision administrative.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Eric REY-BETHBEDER
Avocat(s) : CABINET BONNEAU CASTEL PORTIER GUILLARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-10-20;21bx01372 ?
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