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07/10/2021 | FRANCE | N°21BX01979

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 07 octobre 2021, 21BX01979


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... A... a demandé au tribunal administratif de C... d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit.

Par un jugement n° 2001650 du 6 avril 2021, le tribunal administratif de C... a annulé l'arrêté du 18 novembre 2019 et a enjoint au préfet de la Haute-Garo

nne de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... A... a demandé au tribunal administratif de C... d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit.

Par un jugement n° 2001650 du 6 avril 2021, le tribunal administratif de C... a annulé l'arrêté du 18 novembre 2019 et a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 7 mai 2021 sous le n° 21BX01979, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler les articles 1er et 3 de ce jugement du 6 avril 2021.

Il soutient que si M. A... répond aux conditions d'âge et de prise en charge par l'aide sociale à l'enfance, son insertion sociale n'est attestée par aucun élément concret et il dispose de fortes attaches familiales en Guinée où vivent sa mère, une grand-mère et un oncle avec lesquels il ne justifie pas la perte de tout lien ; au regard de l'ensemble des critères de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le tribunal a, à tort, jugé que l'arrêté du 18 novembre 2019 était entaché d'erreur de droit.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 juillet 2021, M. A..., représenté par Me Soulas, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'État une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et, dans l'hypothèse où l'aide juridictionnelle lui serait refusée, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable en raison de l'incompétence de son signataire ;

- l'auteur de l'arrêté contesté est incompétent ;

- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'insuffisance de motivation ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste quant aux conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français n'est pas suffisamment motivée ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire est privée de base légale dès lors qu'elle est fondée sur une décision de refus de titre de séjour elle-même illégale ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste quant aux conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;

- la décision fixant le pays de destination est entachée d'un défaut de base légale en raison de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et d'obligation à quitter le territoire français.

II. Par une requête, enregistrée le 7 mai 2021 sous le n° 21BX01980, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du 6 avril 2021.

Il soutient qu'il s'est fondé sur l'ensemble des critères énoncés par l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour apprécier la situation globale de l'intéressé et que c'est à tort que les premiers juges ont annulé l'arrêté du 18 novembre 2019.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 juillet 2021, M. A..., représenté par Me Soulas, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'État d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et, dans l'hypothèse où l'aide juridictionnelle lui serait refusée, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable en raison de l'incompétence de son signataire ;

- le préfet de la Haute-Garonne ne justifie pas de moyen sérieux et de nature à justifier tant l'annulation du jugement attaqué du tribunal administratif de C... que le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Nathalie Gay a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... D... A..., né le 9 avril 2001, de nationalité guinéenne, a fait l'objet d'un placement auprès de l'aide sociale à l'enfance de la Haute-Garonne par un jugement du tribunal pour enfants E... C... du 6 septembre 2017 jusqu'au 9 avril 2019. Le 24 janvier 2019, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 18 novembre 2019, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit. Par un jugement du 6 avril 2021, le tribunal administratif de C... a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement (article 2) et a mis à la charge de l'État une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 (article 3). Le préfet de la Haute-Garonne relève appel des articles 1er et 3 de ce jugement.

Sur la requête n° 21BX01979 :

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à la date de la décision contestée : " À titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., né le 9 avril 2001, a déposé un dossier de demande d'admission exceptionnelle au séjour en France, le 24 janvier 2019, dans l'année de son dix-huitième anniversaire. Il a été confié à l'aide sociale à l'enfance par jugement du tribunal pour enfants du 6 septembre 2017, a été pris en charge par le département de la Haute-Garonne du 13 septembre 2017 au 9 avril 2019 et accueilli à la maison d'enfants de " l'Orangeraie " à Saint-Orens-de-Gameville. En outre, il justifie avoir suivi une formation depuis au moins six mois à la date de la décision attaquée par la production d'un contrat d'apprentissage, établi le 3 septembre 2018 à Saint-Orens-de-Gameville pour la préparation d'un diplôme de carrossier, signé entre l'école supérieure des métiers de Muret et l'employeur à compter du 3 septembre 2018 et jusqu'au 31 août 2020. M. A... fait preuve de sérieux dans le suivi de cette formation, comme en attestent ses bulletins de note, les appréciations de ses professeurs ainsi que celle du gérant de la société dans laquelle il est apprenti. Par ailleurs, la note sociale du 10 janvier 2019 souligne son très grand sérieux, son autonomie et ses efforts pour s'insérer socialement, professionnellement et culturellement. Enfin, et alors que les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'exigent pas que l'intéressé soit isolé dans son pays d'origine, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... aurait conservé des liens avec sa mère, sa grand-mère et son oncle résidant en Guinée, avec lesquels il indique ne plus avoir de contacts en raison des maltraitances subies par son oncle. Dans les circonstances particulières de l'espèce, c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que le préfet de la Haute-Garonne, en refusant de lui délivrer un titre de séjour au seul motif de la présence de membres de sa famille dans son pays d'origine sans préciser la nature des liens de l'intéressé avec eux, avait commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de C... a annulé l'arrêté du 18 novembre 2019 et a mis à la charge de l'État une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

En ce qui concerne les frais liés au litige :

5. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Soulas, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Soulas de la somme de 1 200 euros.

Sur la requête n° 21BX01980 :

6. La cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête du préfet de la Haute-Garonne tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête n° 21BX01980 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.

DÉCIDE :

Article 1 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 21BX01980.

Article 2 : La requête n° 21BX01979 est rejetée.

Article 3 : L'État versera à Me Soulas une somme de 1 200 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que Me Soulas renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 9 septembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,

Mme Nathalie Gay, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 octobre 2021.

La rapporteure,

Nathalie GayLe président,

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX01979 ; 21BX01980 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 21BX01979
Date de la décision : 07/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : DIALEKTIK AVOCATS AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-10-07;21bx01979 ?
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