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28/09/2021 | FRANCE | N°20BX03859

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 28 septembre 2021, 20BX03859


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 28 septembre 2018 par laquelle la préfète des Hautes-Pyrénées a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour.

Par un jugement n° 1802807 du 23 juillet 2020, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 novembre 2020, M. A..., représenté par Me Pather, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal admi

nistratif de Pau du 23 juillet 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 28 septembre 2018 de la préfète de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 28 septembre 2018 par laquelle la préfète des Hautes-Pyrénées a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour.

Par un jugement n° 1802807 du 23 juillet 2020, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 novembre 2020, M. A..., représenté par Me Pather, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 23 juillet 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 28 septembre 2018 de la préfète des Hautes-Pyrénées ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler la décision implicite de rejet née le 12 novembre 2018 du silence gardé par la préfète des Hautes-Pyrénées sur sa demande de certificat de résidence ; à titre infiniment subsidiaire, d'annuler la décision implicite de rejet née le 4 février 2019 du silence gardé par la préfète des Hautes-Pyrénées sur sa demande de certificat de résidence ;

4°) d'enjoindre à la préfète des Hautes-Pyrénées de lui délivrer un certificat de résidence d'une durée de dix ans sur le fondement de l'article 7 bis h) de l'accord franco-algérien, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa demande dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- en ne communiquant pas le mémoire en réplique présenté plus de trois jours francs avant la clôture de l'instruction et en ne répondant pas aux nouvelles conclusions contenues dans ce mémoire, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité ;

- c'est à tort que le tribunal a jugé que la décision préfectorale contestée ne constituait pas une décision susceptible de faire grief ; eu égard aux termes du courrier, à la circonstance que la préfète connaissait les difficultés d'obtention d'un passeport et y avait dérogé par le passé et à l'indication qu'un récépissé serait néanmoins délivré, la réponse de la préfète doit être regardée comme ayant opposé un refus de délivrance d'un certificat de résidence ;

- à titre subsidiaire, les conclusions de la présente requête devront être regardées comme dirigées contre la décision implicite de rejet née le 12 novembre 2018 du silence gardé par la préfète sur sa demande de renouvellement du titre de séjour reçue le 12 juillet 2018 ;

- à titre infiniment subsidiaire, à supposer que la demande de titre de séjour n'a été enregistrée que le 4 octobre 2018, date de délivrance du récépissé de la demande du titre de séjour, les conclusions de la requête doivent être regardées comme dirigées contre la décision implicite de rejet née le 4 février 2019 ;

- la décision attaquée est insuffisamment motivée en droit et en fait au regard des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la décision contestée est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que ni les dispositions de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien n'imposent de produire un passeport en cours de validité, mais seulement de justifier de son identité et de sa nationalité, ce qu'il a fait en produisant une carte d'identité algérienne, un acte de naissance ainsi qu'un passeport périmé ;

- il remplit les conditions pour se voir délivrer un certificat de résidence de dix ans dès lors qu'il réside habituellement en France depuis sa naissance, qu'il est titulaire d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " depuis le mois de mai 2013 et qu'il justifie de cinq années de résidence régulière ininterrompue en France ;

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2021 la préfète des Hautes-Pyrénées conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien, né le 19 août 1958, est incarcéré depuis le 31 mai 1988 pour purger une peine de réclusion criminelle à perpétuité. Il a bénéficié d'un certificat de résident algérien d'une durée de dix ans, du 6 septembre 1984 au 5 septembre 1994 puis d'une carte de résident algérien d'une durée d'un an, valable jusqu'au 23 mai 2014, qui a été régulièrement renouvelée jusqu'au 22 août 2018. M. A... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour par courrier du 25 mai 2018, reçu le 12 juin 2018. Il relève appel du jugement du 25 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande d'annulation du courrier de la préfète des Hautes-Pyrénées en date du 28 septembre 2018 adressé à la présidente du groupe local de la Cimade.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ".

3. Une partie ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure vis-à-vis de la partie adverse. Par suite, la circonstance que le tribunal n'a pas communiqué à la partie défenderesse le mémoire du demandeur enregistré le 3 juillet 2020, est sans incidence sur la régularité du jugement.

4. En revanche, il ressort de l'analyse de ce mémoire enregistré avant la clôture de l'instruction, que M. A... a présenté à titre subsidiaire, de nouvelles conclusions tendant à l'annulation des décisions implicites de rejet, nées les 12 novembre 2018 et 4 février 2019 du silence gardé par la préfète des Hautes-Pyrénées sur sa demande de certificat de résidence. En omettant de se prononcer sur ces conclusions alors qu'il n'a pas fait droit aux conclusions principales, le tribunal a entaché d'irrégularité son jugement qui doit par suite être annulé dans cette mesure. Il y a lieu dès lors, pour la cour, de statuer par voie d'évocation sur lesdites conclusions et, pour le surplus, au titre de l'effet dévolutif de l'appel.

Sur la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation de la décision du 28 septembre 2018 :

5. Ainsi que l'ont estimé les premiers juges, dont il convient sur ce point d'adopter les motifs, la lettre du 28 septembre 2018 par laquelle la préfète des Hautes-Pyrénées a répondu à l'intervention de la présidente du groupe local de la Cimade, attirant son attention sur les difficultés de M. A... à obtenir un passeport auprès des autorités consulaires algériennes, ne constitue pas une décision faisant grief susceptible d'un recours pour excès de pouvoir. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de ce courrier comme irrecevables.

Sur la légalité de la décision implicite de rejet du 12 novembre 2018 :

6. Aux termes de l'article L. 311-4 du code de de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable à la date de la décision attaquée : " La détention d'un document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour, d'une attestation de demande d'asile ou d'une autorisation provisoire de séjour autorise la présence de l'étranger en France sans préjuger de la décision définitive qui sera prise au regard de son droit au séjour. Sauf dans les cas expressément prévus par la loi ou les règlements, ces documents n'autorisent pas leurs titulaires à exercer une activité professionnelle (...) ". Aux termes de l'article R. * 311-12 du même code : " Le silence gardé par l'administration sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet. ". Aux termes de l'article R. 311-12-1 du même code : " La décision implicite mentionnée à l'article R.* 311-12 naît au terme d'un délai de quatre mois. ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a sollicité par courrier du 25 mai 2018, reçu le 12 juin 2018, la délivrance d'un certificat de résidence valable 10 ans sur le fondement des stipulations du e) et h) de l'article 7bis de l'accord franco-algérien. La préfète de des Hautes-Pyrénées, dans l'attente de la production d'un passeport en cours de validité, a accepté d'enregistrer la demande et de délivrer à l'intéressé un récépissé valable du 4 octobre 2018 au 3 avril 2019.

8. Il résulte de ce qui précède que la demande de titre de séjour de M. A... reçue le 12 juin 2018, a fait l'objet, en l'absence de réponse dans un délai de quatre mois, d'une décision implicite de rejet sur laquelle contrairement à ce que soutient la préfète, la délivrance du récépissé de demande de titre de séjour susvisé n'a pu avoir aucune incidence. Par suite, à la date d'enregistrement de sa demande devant les premiers juges, M. A... était recevable à demander l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision implicite.

9. Aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) / Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : (...) / e) Au ressortissant algérien qui justifie résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans ; / f) Au ressortissant algérien qui est en situation régulière depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'un certificat de résidence portant la mention "étudiant" ; (...) / h) Au ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une validité d'un an portant la mention "vie privée et familiale", lorsqu'il remplit les conditions prévues aux alinéas précédents ou, à défaut, lorsqu'il justifie de cinq années de résidence régulière ininterrompue en France. (...) ". En application de son article 9 : " (...) Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7, 7 bis al. 4 (lettres c et d) et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises (...) ".

10. Il ressort des pièces du dossier et notamment du courrier du 28 septembre 2018 adressé à la présidente de la Cimade que pour refuser la délivrance du certificat de résidence valable dix ans sollicité par M. A..., la préfète a retenu comme motif déterminant l'absence de production par le requérant d'un passeport en cours de validité. Toutefois, il ne ressort pas des stipulations précitées que la délivrance du certificat de résidence serait conditionnée à la présentation d'un passeport en cours de validité pour le ressortissant algérien qui justifie résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans ou qui justifie de cinq années de résidence régulière ininterrompue en France. Il est constant que M. A... réside en France depuis sa naissance et qu'il a bénéficié de plusieurs titres de séjour dont un certificat algérien valable du 6 septembre 1984 au 5 septembre 1994 puis une carte de résident algérien d'un an valable délivré en mai 2013 et renouvelé jusqu'au 22 août 2018. Dans ces conditions, M. A... qui a produit à l'appui de sa demande une carte d'identité algérienne ainsi qu'un acte de naissance dont l'authenticité n'est pas contestée, remplissait les conditions fixées par les stipulations du e) et h) de l'article 7 bis précité pour obtenir le renouvellement de ce certificat. La préfète des Hautes-Pyrénées a ainsi entaché sa décision d'une erreur de droit

11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que la décision implicite de rejet du 12 novembre 2018 doit être annulée.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Eu égard au motif d'annulation retenu, seul fondé en l'état de l'instruction, le présent arrêt n'implique pas nécessairement que la préfète délivre un titre de séjour à M. A.... Cet arrêt implique en revanche qu'il soit enjoint à la préfète des Hautes-Pyrénées de réexaminer la demande de M. A.... Il y a lieu, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de lui enjoindre de procéder à ce réexamen et de prendre une nouvelle décision dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

13. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier la somme de 1 200 euros à verser à Me Pather.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1802807 du 23 juillet 2020 du tribunal administratif de Pau est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions de la demande de M. A... dirigées contre la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour du 12 novembre 2018.

Article 2 : La décision implicite de rejet du 12 novembre 2018 de la préfète des Hautes-Pyrénées est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Hautes-Pyrénées de réexaminer la situation de M. A... et de prendre une nouvelle décision dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Pather la somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Abdel Rami A..., au ministre de l'intérieur, au préfet des Hautes-Pyrénées et à Me Pather.

Délibéré après l'audience du 31 août 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. Frédéric Faïck, président assesseur,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2021.

La rapporteure,

Birsen C...La présidente,

Elisabeth JayatLa greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N°20BX03859


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03859
Date de la décision : 28/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Birsen SARAC-DELEIGNE
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : PATHER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-09-28;20bx03859 ?
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