La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/06/2021 | FRANCE | N°19BX03337

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 29 juin 2021, 19BX03337


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... G... ont demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer la décharge, en droit et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 pour un montant de 72 661 euros.

Par un jugement n° 1701511 du 29 mai 2019, le tribunal administratif de Limoges a fait droit à leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 août 2019 et le 20 novembre 202

0, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :

1°) d'annuler ce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... G... ont demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer la décharge, en droit et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 pour un montant de 72 661 euros.

Par un jugement n° 1701511 du 29 mai 2019, le tribunal administratif de Limoges a fait droit à leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 août 2019 et le 20 novembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 29 mai 2019 ;

2°) de rétablir l'imposition au titre de l'année 2012 notifiée à M. et Mme G....

Il soutient que :

la décision de retrait d'agrément contestée est fondée sur plusieurs motifs justifiant le retrait de l'agrément initialement accordé, à savoir la non-réalisation de logements acquis en l'état futur d'achèvement par la société Saint-Maurice IV, le non-respect de l'engagement de location des logements du programme, l'absence d'information données à l'administration sur la situation financière de la société Siguy chargée de donner en location les logements une fois ceux-ci réalisés et la non-réalisation du programme immobilier, en méconnaissance des dispositions de l'article 199 undecies C du code général des impôts ; dès lors que la décision de retrait d'agrément n'est pas fondée sur le non-respect d'une des conditions prévues au I et III de l'article 217 undecies du code général des impôts, l'administration n'avait, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, aucune obligation de saisir la commission consultative, ni l'obligation de mettre le contribuable en mesure de saisir cet organisme, et n'a ainsi privé les requérants de première instance d'aucune garantie ;

- les autres moyens soulevés par les requérants en première instance et en appel ne peuvent être davantage retenus dès lors que :

- la proposition de rectification est suffisamment motivée ; la jurisprudence citée en première instance par les requérants, relative à la motivation par référence, n'est pas transposable en l'espèce ;

- l'administration n'a aucune obligation de transposer aux avis d'imposition les principes appliqués en matière d'avis de mise en recouvrement de sorte que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'avis d'imposition établi selon les règles fixées par l'article L. 253 du livre des procédures fiscales est inopérant ; en tout état de cause les erreurs ou irrégularités affectant les avis d'imposition sont sans influence, selon une jurisprudence constante, sur le bien-fondé de l'imposition ;

- la société Saint-Maurice IV doit être regardée comme ayant été bénéficiaire d'un agrément dès lors que l'accord de principe qui lui a été délivré l'a été dans le respect des dispositions légales et des délais de l'article 217 undecies du code général des impôts et que cet accord a permis l'application immédiate des réductions d'impôt qui y étaient attachées ;

- la décision de retrait d'agrément a été prononcée dans le respect des garanties prévues notamment à l'article 1649 nonies A du code général des impôts ;

- elle n'est entachée ni d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2020, M. et Mme C... G..., représentés par Me D... et Me A..., concluent au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros à leur profit sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ; elle ne leur a pas permis de comprendre les motifs et de les discuter utilement dès lors notamment que la décision du 12 novembre 2015 portant retrait d'agrément accordé à la société Saint-Maurice IV n'était pas annexée à la proposition de rectification ;

- l'avis d'imposition complémentaire est irrégulier faute de mentionner la proposition de rectification et le document complémentaire récapitulant les conséquences financières de la rectification ;

- l'imposition contestée est fondée sur la décision du 12 novembre 2015 laquelle est entachée d'illégalité externe et interne ; cette décision n'est pas un retrait d'agrément dès lors qu'aucun agrément n'avait préalablement été délivré ; elle doit s'analyser comme le retrait de l'acte créateur de droits du 21 mars 2012 qui était un accord de principe sur le droit à l'agrément sollicité ; à tout le moins, la décision s'analyse comme un refus d'agrément dans la mesure où l'article 217 undecies II.2 du code général des impôts relatif à l'agrément tacite ne trouve pas à s'appliquer, un accord de principe ayant été donné ;

- le retrait n'est pas intervenu à la demande de la société Saint-Maurice IV ; il ne répond à aucune exigence résultant d'une exécution de la chose jugée ; il est intervenu au-delà du délai de quatre mois permettant à l'administration de retirer un acte créateur de droit et illégal ; il n'est pas fondé sur le non-respect par la société bénéficiaire d'une condition légale permettant l'application de l'aide fiscale prévue à l'article 199 undecies du code général des impôts ; ce retrait d'agrément est dès lors illégal ;

- à supposer que la décision du 12 novembre 2015 soit qualifiée de refus d'agrément, le contribuable devait être informé de la possibilité de saisir la commission consultative prévue à l'article 217 undecies du code général des impôts ;

- à supposer que cette décision soit qualifiée de retrait d'agrément, la commission consultative devait être consultée, comme le prévoit l'article 46 quaterdecies V de l'annexe III au code général des impôts ; il s'agit d'une garantie fondamentale dont le non-respect vicie la procédure et doit entraîner l'invalidation de la décision en litige ;

- pour fonder sa décision, l'administration a ajouté à la loi puisqu'elle se fonde sur le non-respect de conditions qui ne sont pas prévues par l'article 217 undecies du code général des impôts ; il n'existait aucun délai légal de construction des logements à la date de dépôt de la demande d'agrément ; la plupart des obligations posées par la loi et dont le non-respect a été invoqué par le service naissent à la date d'achèvement des travaux ; les difficultés financières rencontrées par la société Siguy ne peuvent fonder la décision de retrait ; la société Siguy n'a pas renoncé à construire le programme immobilier concerné ; l'administration ne peut reprocher à la société Saint-Maurice IV de ne pas l'avoir informée de la situation financière de la société Siguy alors qu'elle dispose d'un représentant au conseil d'administration et qu'elle avait été informée de cette situation lors d'une réunion du 27 novembre 2014 ; le respect des obligations fiscales ne s'impose qu'à compter de la période de location des logements ;

- l'administration fiscale a méconnu les dispositions de l'article 199 undecies C du code général des impôts.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... F...,

- et les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme G... ont souscrit une participation dans le capital de la société par actions simplifiées (SAS) Saint-Maurice IV qui a réalisé un investissement en achetant, en l'état de futur achèvement, un ensemble de logements destinés au parc locatif social qui, à l'issue de leur construction, doivent être donnés en crédit-bail à la société Siguy, chargée de sous-louer ces logements dans le secteur social. M. et Mme G... ont bénéficié, à raison de cette opération, d'une réduction d'impôt sur le revenu de l'année 2012 au titre des investissements outre-mer faisant l'objet d'un agrément ministériel en application de l'article 199 undecies C du code général des impôts. A la suite d'un contrôle sur pièces des déclarations de M. et Mme G..., l'administration, tirant les conséquences de ce que l'agrément ministériel avait été retiré par décision du 12 novembre 2015, a notifié à ces derniers, par une proposition de rectification du 4 décembre 2015, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2012 assorties d'intérêts et de pénalités. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance fait appel du jugement rendu le 29 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Limoges, accueillant le moyen tiré de l'exception d'illégalité du retrait d'agrément du 12 novembre 2015, a prononcé la décharge des impositions litigieuses, en droits et pénalités.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 199 undecies C du code général des impôts dans sa version applicable au litige : " I. - Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison de l'acquisition ou de la construction de logements neufs dans les départements d'outre-mer (...) La réduction d'impôt est acquise (...) au titre des investissements réalisés par une société soumise de plein droit à l'impôt sur les sociétés dont les actions sont détenues intégralement et directement par des contribuables, personnes physiques, domiciliés en France au sens de l'article 4 B (...) En ce cas, la réduction d'impôt est pratiquée par les associés dans une proportion correspondant à leurs droits dans la société. L'application de cette disposition est subordonnée au respect des conditions suivantes : 1° Les investissements ont reçu un agrément préalable du ministre chargé du budget dans les conditions prévues au III de l'article 217 undecies (...) ". Le III de l'article 217 undecies du même code prévoit la délivrance d'un agrément préalable du ministre chargé du budget, après avis du ministre chargé de l'outre-mer. Aux termes de ces dispositions : " 1. (...) L'agrément est délivré lorsque l'investissement : a) Présente un intérêt économique pour le département dans lequel il est réalisé (...) b) Poursuit comme l'un de ses buts principaux la création ou le maintien d'emplois dans ce département ; c) S'intègre dans la politique d'aménagement du territoire, de l'environnement et de développement durable ; d) Garantit la protection des investisseurs et des tiers. L'octroi de l'agrément est subordonné au respect par les bénéficiaires directs ou indirects de leurs obligations fiscales et sociales et à l'engagement pris par ces mêmes bénéficiaires que puissent être vérifiées sur place les modalités de réalisation et d'exploitation de l'investissement aidé. 2. L'agrément est tacite à défaut de réponse de l'administration dans un délai de trois mois à compter de la réception de la demande d'agrément. Ce délai est ramené à deux mois lorsque la décision est prise et notifiée par l'autorité compétente de l'Etat dans les départements d'outre-mer. Lorsque l'administration envisage une décision de refus d'agrément, elle doit en informer le contribuable par un courrier qui interrompt le délai mentionné au premier alinéa et offre la possibilité au contribuable, s'il le sollicite, de saisir, dans un délai de quinze jours, une commission consultative dont la composition, les attributions et le fonctionnement sont définis par décret. (...) ".

3. Le contribuable peut, à l'appui d'une demande en décharge de l'imposition procédant de la reprise d'un avantage fiscal soumis à la délivrance d'un agrément, exciper de l'illégalité du refus ou du retrait d'agrément qui lui a été opposé et ayant conduit l'administration à opérer la rectification.

4. Il résulte de l'instruction que la société Alcyom a présenté par courrier du 25 novembre 2011, pour le compte des actionnaires de la société Saint-Maurice IV, au nombre desquels figurent M. et Mme G..., un dossier de demande de l'agrément prévu par les dispositions citées au point 2 au titre du programme immobilier " Saint-Maurice IV " à Saint-Laurent de Maroni (Guyane). Par un courrier du 21 mars 2012, le ministre chargé du budget a fait savoir à la société que son dossier était complet et qu'en l'état de l'instruction, l'opération était susceptible de bénéficier de l'aide fiscale, une décision d'agrément pouvant être délivrée, le moment venu, à la société Saint-Maurice IV au titre de la construction des logements. Il résulte de l'instruction que ce courrier, par les termes qu'il emploie, ne peut être regardé comme valant délivrance de l'agrément sollicité. Toutefois, en l'absence de décision se prononçant expressément sur la demande d'agrément dans le délai prévu par l'article 217 undecies du code général des impôts, l'agrément sollicité a été tacitement délivré le 14 juin 2012, trois mois après réception de la demande complète. Dans ces conditions, la décision du 12 novembre 2015 s'analyse, non pas comme un refus d'agrément mais comme une décision de retrait de l'agrément délivré.

5. En application du 2 du III de l'article 217 undecies du code général des impôts, lorsque l'administration envisage de refuser l'agrément demandé, elle doit en informer le contribuable et lui offrir par courrier la possibilité, s'il le sollicite, de saisir une commission consultative. Dès lors que, comme il a été dit précédemment, la décision contestée constitue un retrait d'agrément et non un refus d'agrément, M. et Mme G... ne peuvent utilement soutenir que la société Saint-Maurice IV n'a pas été mise à même de saisir la commission consultative préalablement à un refus d'agrément qui lui aurait été opposé.

6. Par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que le retrait d'agrément ne pouvait intervenir sans la consultation préalable de la commission consultative et a déchargé, pour ce motif, M. et Mme G... des impositions litigieuses.

7. Il y a lieu pour la cour, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M. et Mme G....

Sur les autres moyens soulevés en première instance :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile.

9. La proposition de rectification du 4 décembre 2015 mentionne les dispositions de l'article 199 undecies C du code général des impôts, l'année d'imposition, le montant de l'imposition, ainsi que le motif de la rectification qui est le retrait de l'agrément délivré à la société Saint-Maurice IV et dont les raisons sont énoncées par cette proposition de rectification. Par ces indications, desquelles il ressortait que le retrait de l'agrément conduisait à remettre en cause le bénéfice de l'avantage fiscal octroyé, le service a mis à même les intéressés de présenter utilement leurs observations en connaissance de cause, sans qu'importe la circonstance que la copie de cette décision de retrait elle-même n'a été adressée aux contribuables qu'au stade ultérieur de la réponse à leurs observations. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification doit être écarté comme manquant en fait.

10. En second lieu, aux termes de l'article L. 253 du livre des procédures fiscales : " (...) l'avis d'imposition mentionne le total par nature d'impôt des sommes à acquitter, les conditions d'exigibilité, la date de mise en recouvrement et la date limite de paiement (...) ".

11. Si les requérants soutiennent que l'avis d'imposition complémentaire qui leur a été adressé le 31 janvier 2017 est entaché d'irrégularité dès lors qu'il ne mentionne pas la proposition de rectification du 4 décembre 2015 ni le document récapitulant les conséquences financières du contrôle, les irrégularités qui entachent l'avis d'imposition sont, dans le cadre d'un contentieux de l'assiette, sans incidence sur la régularité et le bien-fondé de l'imposition. Par ailleurs, à l'appui de leur moyen, les requérants ne sauraient utilement se référer aux dispositions de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales applicables aux avis de mise en recouvrement, lesquels sont adressé par le comptable public au redevable de sommes dont le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. Le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis d'imposition est, par suite, inopérant.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

12. En premier lieu, aux termes de l'article 46 quaterdecies V de l'annexe III au code général des impôts : " La commission consultative prévue au deuxième alinéa du 2 du III de l'article 217 undecies du code général des impôts rend un avis motivé au ministre chargé du budget sur le respect des conditions prévues au 1 du III de l'article 217 undecies précité. / En l'absence de demande de saisine de la commission consultative, un délai d'une durée identique à celle mentionnée au premier alinéa du 2 du III de l'article 217 undecies précité court à compter de l'expiration du délai de quinze jours. / (...) / Tout dossier pour lequel une demande d'agrément a été déposée (...) et qui est susceptible de faire l'objet d'une décision de retrait d'agrément doit également être transmis à la commission pour avis selon les mêmes modalités ". Les conditions prévues au 1 du III de l'article 217 undecies du code général des impôts concernent l'intérêt économique de l'investissement pour le département dans lequel il est réalisé, ses buts principaux qui doivent être la création ou le maintien d'emplois dans ce département, son intégration dans la politique d'aménagement du territoire, de l'environnement et de développement durable et, enfin, la garantie de la protection des investisseurs et des tiers.

13. La décision du 12 novembre 2015 repose sur des motifs tenant au non-respect des dispositions de l'article 199 undecies C du code général des impôts, à l'inexécution de plusieurs des engagements souscrits en vue d'obtenir l'agrément, au non-respect de plusieurs des conditions auxquels l'octroi de l'agrément a été subordonné et au non-respect par un des bénéficiaires directs de l'opération de défiscalisation de ses obligations fiscales. Aucun de ces motifs ne se rattache aux conditions énoncées au 1 du III de l'article 217 undecies du code général des impôts. Par suite, l'absence de transmission du dossier à la commission consultative prévue par les dispositions précitées, chargée de donner son avis sur le respect de ces conditions, n'a en l'espèce ni été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise, ni privé les opérateurs concernés d'une garantie.

14. En deuxième lieu, le retrait de l'agrément décidé le 12 novembre 2015 est régi par les dispositions spécifiques de l'article 1649 nonies A du code général des impôts aux termes duquel : " 1. L'inexécution des engagements souscrits en vue d'obtenir un agrément administratif ou le non-respect des conditions auxquelles l'octroi de ce dernier a été subordonné entraîne le retrait de l'agrément, la déchéance des avantages fiscaux qui y sont attachés et l'exigibilité des impositions non acquittées du fait de celui-ci assorties de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727, décompté de la date à laquelle ces impôts auraient dû être acquittés (...) ".

15. Ces dispositions ne subordonnent le retrait d'un agrément à l'initiative de l'administration ni à une condition d'illégalité de la décision retirée, ni à une condition de délai. M. et Mme G... ne peuvent, dès lors, utilement invoquer la méconnaissance des règles régissant les conditions de retrait d'une décision individuelle explicite créatrice de droits, aujourd'hui codifiées au code des relations entre le public et l'administration.

16. En troisième lieu, en application des termes rappelés ci-dessus de l'article 1649 nonies A du code général des impôts, l'inexécution des engagements souscrits en vue d'obtenir un agrément administratif ou le non-respect des conditions auxquelles l'octroi de ce dernier a été subordonné entraîne le retrait de l'agrément.

17. Pour procéder au retrait de l'agrément concernant l'opération portée par la société Saint-Maurice IV, l'administration, dans sa décision du 12 novembre 2015, a notamment exposé que les engagements pris concernant la réalisation des logements qui faisaient l'objet du programme n'avaient pas été respectés et que la société Siguy, bénéficiaire de la partie rétrocédée de la réduction d'impôt, conformément aux dispositions de l'article 199 undecies C du code général des impôts, n'avait pas rempli ses obligations déclaratives fiscales.

18. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'administration, en relevant ces manquements, n'a pas ajouté à la loi dès lors que le non-respect des engagements pris en vue d'obtenir l'agrément est au nombre des motifs qui justifient le retrait de l'agrément en application des dispositions rappelées ci-dessus de l'article 1649 nonies A du code général des impôts et que le respect des obligations fiscales des bénéficiaires directs ou indirects de l'opération conditionne, aux termes de l'article 217 undecies du code général des impôts, la délivrance de l'agrément et, par suite, son maintien.

19. D'une part, il résulte de l'instruction que, le 21 mars 2012, l'administration a donné son accord de principe à l'opération projetée par la société Saint-Maurice IV, dont les actionnaires devaient bénéficier de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies C du code général des impôts, que cette opération consistait dans l'acquisition par la société Saint-Maurice IV, en l'état de futur achèvement, d'un ensemble de logements destinés au parc locatif social et que, dans les six mois de l'achèvement de la construction, la société devait donner les immeubles en crédit-bail pour une durée de 11 ans à la société Siguy, laquelle attribuerait les logements en sous-location dans le secteur social pour une durée minimale de 5 ans. L'achèvement des travaux de ce programme immobilier devait intervenir au cours du troisième trimestre de l'année 2013 pour une mise en location des logements lors du quatrième trimestre de cette même année. Il est constant qu'au 12 novembre 2015, le programme immobilier projeté n'était pas réalisé et que les travaux n'avaient même pas commencé. Il n'est d'ailleurs pas allégué que le retard considérable pris dans la réalisation du programme résulterait de circonstances temporaires et qu'à la date du 12 novembre 2015 des éléments auraient permis de penser que les travaux étaient susceptibles d'être entrepris dans un délai raisonnable. En revanche, les difficultés financières de la société Siguy, qui ne constituent pas l'un des motifs de retrait de l'agrément, rendaient peu vraisemblable la réalisation de l'opération agréée. Dans ces conditions, et alors même que les textes ne prévoient pas de délai de réalisation des programmes d'investissement visés par l'article 199 undecies C du code général des impôts, et quand bien même l'administration devrait être regardée comme ayant eu connaissance des difficultés de démarrage de l'opération en 2014, le ministre n'a pas entaché sa décision d'erreur de fait ou de droit ni méconnu les dispositions de l'article 1649 nonies A du code général des impôts en estimant que les opérateurs concernés n'avaient pas respecté les engagements de réalisation de l'investissement, pris en vue d'obtenir l'agrément.

20. D'autre part, il est constant que la société Siguy a déposé ses déclarations de résultats au titre des exercices clos en 2013 et 2014 au mois d'août 2015, soit postérieurement au courrier adressé par l'administration fiscale à la société Saint-Maurice IV le 31 juillet 2015 pour l'avertir des motifs pouvant conduire à un retrait d'agrément, alors qu'elles auraient dû l'être aux mois de mai 2014 et mai 2015. Ce retard constitue un manquement aux obligations fiscales de l'opérateur, contrairement à ce que soutiennent les requérants.

21. Il résulte de ce qui précède que les motifs tirés de la non-réalisation de l'investissement aidé et du non-respect par la société Siguy de ses obligations fiscales justifiaient, à eux-seuls, le retrait de l'agrément, lequel a ouvert droit, conformément à l'article 199 undecies C du code général des impôts, dès la souscription par eux en 2012 des parts de la société, à la réduction d'impôt prévue au bénéfice des actionnaires de la société Saint-Maurice IV. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle ne s'était fondée que sur ces motifs. Dans ces conditions, à supposer que les autres motifs de la décision soient entachés d'erreurs de droit ou de fait, ces erreurs ne justifient pas que la décision contestée soit déclarée illégale.

22. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a déchargé M. et Mme G... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012, ainsi que des pénalités et intérêts de retard correspondants. Dès lors, il y a lieu d'annuler les articles 1er et 2 du jugement attaqué et de remettre à la charge de M. et Mme G... les impositions litigieuses.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

23. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans l'instance, les conclusions de M. et Mme G... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1701511 du 29 mai 2019 du tribunal administratif de Limoges est annulé.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, intérêts de retard et pénalités auxquelles M. et Mme C... G... avaient été assujettis au titre de 2012 sont remises à leur charge.

Article 3 : Les conclusions de M. et Mme C... G... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... G... et au ministre de l'économie des finances et de la relance. Copie en sera délivrée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2021 à laquelle siégeaient :

M. Frédéric Faïck, président,

Mme E... F..., première conseillère,

Mme B... H..., première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 juin 2021.

La rapporteure,

Caroline F...

Le président,

Frédéric Faïck

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'économie des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX03337


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX03337
Date de la décision : 29/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-05-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Établissement de l'impôt. Réductions et crédits d`impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. FAÏCK
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : ERNST et YOUNG, SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-06-29;19bx03337 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award