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17/06/2021 | FRANCE | N°20BX04130

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ere chambre - formation a 3, 17 juin 2021, 20BX04130


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme I... D... a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler l'arrêté du 15 janvier 2018 par lequel le préfet de Mayotte a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite.

Par un jugement n° 1801002 du 21 octobre 2020, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 d

écembre 2020, Mme D..., représentée par Me H..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme I... D... a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler l'arrêté du 15 janvier 2018 par lequel le préfet de Mayotte a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite.

Par un jugement n° 1801002 du 21 octobre 2020, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 décembre 2020, Mme D..., représentée par Me H..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Mayotte du 21 octobre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 janvier 2018 par lequel le préfet de Mayotte a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", à défaut de réexaminer sa situation et lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté litigieux est entaché d'un vice d'incompétence faute pour le signataire de disposer d'une délégation régulière ;

- la décision portant refus de titre est insuffisamment motivée et révèle un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- la décision est entachée d'un vice de procédure dès lors que le préfet ne justifie pas de l'identité du médecin ayant rédigé le rapport médical prévu à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de sorte qu'on ne peut s'assurer de la régularité de la composition du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ayant rendu l'avis sur son état de santé ;

- le préfet s'est estimé à tort lié par cet avis, de sorte qu'il a entaché sa décision d'une erreur de droit ;

- le préfet a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 mars 2021, le préfet de Mayotte conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... ressortissante comorienne née le 31 décembre 1976, a bénéficié à compter du 16 juillet 2014 d'un titre de séjour temporaire en qualité d'étranger malade qui a été successivement renouvelé jusqu'au 1er août 2017. Par un arrêté du 15 janvier 2018, le préfet de Mayotte a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'issue de ce délai. Mme D... relève appel du jugement du 21 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté pris dans son ensemble :

2. Par arrêté du 15 septembre 2017, publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture et sur le site internet de la préfecture de Mayotte, le préfet a donné délégation à M. G..., directeur de l'immigration, de l'intégration et de la citoyenneté, à l'effet de signer notamment les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français. L'article 9 de cet arrêté dispose que, pour ces décisions, la délégation de signature est également donnée à M. F..., chef du service de l'immigration et de l'intégration, lequel a signé l'arrêté en litige du 15 janvier 2018. Par suite, le moyen tiré d'un vice d'incompétence doit être écarté.

Sur la légalité du refus de renouvellement du titre de séjour :

3. La décision litigieuse vise les conventions internationales et les dispositions légales dont il est fait application, comporte des éléments de faits relatifs à la situation de Mme D... et expose avec précision les raisons pour lesquelles le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Ces indications étaient suffisantes pour permettre à l'intéressée de comprendre et de contester la mesure prise à son encontre. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté.

4. Ni la motivation de la décision litigieuse, ni aucune autre pièce du dossier ne permettent de considérer que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme D.... Par suite, le moyen ainsi soulevé doit être écarté.

5. Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ". L'article R. 313-23 du même code, alors applicable, dispose que : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 31322. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'attestation du directeur territorial de Mayotte de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que le rapport médical concernant Mme D... a été établi le 29 novembre 2017 par un médecin distinct de ceux qui étaient membres du collège ayant rendu son avis le 9 janvier 2018 sur l'état de santé de l'intéressée. Le moyen tiré d'un vice de procédure en ce que les articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cités ci-dessus auraient été méconnus doit, par suite, être écarté.

7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet, qui, après avoir examiné l'ensemble de la situation de Mme D..., s'est approprié l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, se serait cru lié par cet avis pour rejeter la demande de l'intéressée. Le moyen tiré d'une erreur de droit doit, par suite, être écarté.

8. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. ".

9. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif saisi de l'affaire, au vu des pièces du dossier et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi et de la possibilité d'y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

10. Il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a rendu, le 9 janvier 2018, un avis selon lequel l'état de santé de Mme D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont elle est originaire, elle pourra y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Ni les certificats médicaux, au caractère peu circonstancié, ni les éléments à caractère général sur la prise en charge du diabète aux Comores que Mme D... produit à l'instance, ne sont susceptibles d'infirmer l'avis émis collégialement par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, et contrairement à ce que soutient Mme D..., le préfet n'a pas méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

11. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait privée de base légale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour doit être écarté.

12. La motivation de l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé ainsi qu'il a été dit au point 3 ci-dessus et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté.

13. Pour les mêmes motifs que ceux qui ont été développés au point 10 ci-dessus, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Le préfet n'a pas davantage commis une erreur manifeste dans son appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme D....

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme I... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet de Mayotte.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

M. C... B..., président-assesseur,

Mme E... A..., première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juin 2021.

Le rapporteur,

Didier B...

La présidente,

Marianne HardyLa greffière,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 20BX04130


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 20BX04130
Date de la décision : 17/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : BAZZANELLA

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-06-17;20bx04130 ?
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