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15/06/2021 | FRANCE | N°20BX04035

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2eme chambre (formation a 3), 15 juin 2021, 20BX04035


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2020 par lequel la préfète de l'Aveyron a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois, ainsi que l'arrêté du 23 octobre 2020 par lequel la préfète de ce même département a décidé de son maintien en rétention.

Par un ju

gement nos 2005287, 2005339 du 29 octobre 2020, la magistrate désignée par la présidente d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2020 par lequel la préfète de l'Aveyron a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois, ainsi que l'arrêté du 23 octobre 2020 par lequel la préfète de ce même département a décidé de son maintien en rétention.

Par un jugement nos 2005287, 2005339 du 29 octobre 2020, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a renvoyé les conclusions tendant à l'annulation d'une décision de refus de séjour à une formation collégiale du tribunal, annulé les décisions du 20 octobre 2020 par lesquelles la préfète de l'Aveyron a obligé M. D... à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois, a annulé l'arrêté du 23 octobre 2020 maintenant l'intéressé en rétention administrative, a enjoint à la préfète de l'Aveyron de procéder au réexamen de la situation de M. D... dans le délai d'un mois, de prendre toute mesure propre à mettre fin à son signalement dans le système d'information Schengen et de délivrer à l'intéressé une attestation de demande d'asile l'autorisant à se maintenir sur le territoire français jusqu'à l'issue de la procédure de réexamen de sa situation, et a mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me B... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 décembre 2020, la préfète de l'Aveyron demande à la cour d'annuler ce jugement.

Elle soutient que :

- c'est à tort que la première juge a retenu que l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français a été édicté sans que la procédure contradictoire prévue par les articles L. 121-1 et 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ne soit respectée, alors que M. D... n'a pas été empêché de présenter des observations, qu'il a été entendu le 20 octobre 2020 par les services de police et qu'il est établi qu'il n'ignorait pas pouvoir faire l'objet d'une mesure d'éloignement ;

- par ailleurs, M. D... ne se prévaut d'aucun élément qui aurait été susceptible de modifier l'appréciation portée par l'administration sur sa situation ;

- c'est à tort que la première juge a retenu que M. D... a été privé de la possibilité de se faire assister par un conseil ;

- il ne pouvait lui être enjoint de délivrer une attestation de demande d'asile à M. D... alors que la demande de réexamen de sa demande d'asile avait été rejetée pour irrecevabilité ;

- les autres moyens soulevés en première instance par M. D... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mars 2021, M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la préfète de l'Aveyron ;

2°) de renvoyer au tribunal administratif de Toulouse l'arrêté du 20 octobre 2020 en tant qu'il lui oppose un refus de séjour ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aveyron, d'une part, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour et, d'autre part, de retirer son inscription dans le système d'information Schengen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la préfète de l'Aveyron ne sont pas fondés ;

- il renvoie aux autres moyens développés dans ses écritures de première instance.

M. D... a été admis au bénéfice du maintien de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant russe né en 1994, est entré en France, selon ses déclarations le 2 octobre 2016 muni d'un visa de court séjour d'une durée de validité de quatre-vingt-dix jours. La demande d'asile qu'il a présentée le 19 janvier 2017 a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 18 avril 2017, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 11 janvier 2018. Par un arrêté du 13 mars 2018, la préfète de l'Aveyron a refusé à M. D... la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le recours formé par l'intéressé contre cet arrêté a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Toulouse du 4 mai 2018. La préfète de l'Aveyron a alors, par un arrêté du 1er juillet 2018, assigné M. D... à résidence. La préfète de l'Aveyron relève appel du jugement du 29 octobre 2020 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé les arrêtés en date des 20 et 23 octobre 2020 en tant qu'ils portent obligation de quitter le territoire français sans délai, détermination d'un pays de renvoi, interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois et maintien en rétention administrative.

Sur le moyen d'annulation retenu par la première juge :

2. Contrairement à ce qui a été retenu par la première juge, il ressort des termes de l'arrêté du 20 octobre 2020 intitulé " portant obligation de quitter le territoire français sans délai assorti d'une interdiction de retour de 18 mois ", bien que la préfète y ait visé les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables pour l'examen du droit au séjour de l'intéressé et qu'elle y mentionne qu'il " ne justifie d'aucune circonstance au sens des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 " de ce code et qu'il " ne justifie d'aucun motif exceptionnel ou humanitaire au sens des dispositions de l'article L. 313-14 " du même code, que la préfète s'est bornée, par l'arrêté litigieux, à faire obligation à M. D... de quitter le territoire français sans lui opposer de décision de refus de séjour. Elle a rappelé, pour motiver cette décision, l'absence de démarche de l'intéressé pour régulariser sa situation administrative sur le territoire et s'est fondée, d'autre part, sur l'existence d'un précédent arrêté préfectoral du 13 mars 2018 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et interdiction de retour sur le territoire pendant une durée d'un an, confirmé par la juridiction administrative. Par suite, c'est à tort que la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a accueilli le moyen tiré de l'exception d'illégalité d'un refus de séjour, qui est inexistant, au motif qu'une telle décision aurait été édictée en méconnaissance de la procédure contradictoire prévue par les articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration.

3. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... à l'encontre des décisions attaquées.

Sur l'effet dévolutif de l'appel :

4. L'arrêté en cause du 20 octobre 2020 n'opposant pas de refus de séjour à M. D..., les moyens présentés au soutien des conclusions à fin d'annulation dirigées contre les décisions portant obligation de quitter sans délai le territoire français, interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de dix-huit mois et maintien en rétention administrative, tirés de l'illégalité d'un tel refus de séjour ne peuvent qu'être écartés comme inopérants.

En ce qui concerne la mesure d'éloignement :

5. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. _ L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ".

6. L'arrêté du 20 octobre 2020 vise les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et rappelle que le droit de séjourner en France a été refusé à M. D... par un précédent arrêté du 13 mars 2018. L'obligation de quitter le territoire français édictée à l'encontre de l'intéressé comprend ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée.

7. Le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité de son séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité de son séjour ou la perspective d'un éloignement.

8. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. D... a été interpellé par les services de police le 19 octobre 2020 pour le franchissement au volant de son véhicule d'un feu tricolore en position rouge fixe et que la consultation du fichier des personnes recherchées a révélé qu'il faisait l'objet d'une fiche de recherche pour une obligation de quitter le territoire français notifiée le 15 mars 2018. Le procès-verbal de son audition conduite le 20 octobre 2020 dans le cadre de l'enquête de flagrance, produit au dossier par la préfète de l'Aveyron, révèle que M. D... a indiqué comprendre l'infraction qui lui était reprochée, soit la soustraction à une mesure d'éloignement qu'il a d'ailleurs expressément reconnue au cours de l'entretien, qu'il a pu faire valoir tout élément utile tenant à sa situation professionnelle et personnelle, notamment aux liens privés et familiaux qu'il entretient sur le territoire français ainsi qu'à ses craintes en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, M. D... doit être regardé comme ayant utilement présenté ses observations quant à la perspective d'un éloignement à destination de son pays d'origine. Il ne fait par ailleurs état d'aucun autre élément pertinent, qui n'aurait pas été porté à la connaissance de l'administration et qui aurait été susceptible d'influer sur le prononcé des décisions édictées à son encontre.

9. A supposer que M. D... ait entendu se prévaloir de l'irrégularité de la procédure préalable à la mesure d'éloignement litigieuse faute pour la préfète de l'Aveyron de l'avoir mis en mesure d'être assisté par un avocat, une telle obligation ne résulte d'aucune disposition légale ou réglementaire, et ce moyen ne peut qu'être écarté.

10. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

11. Il ressort des pièces du dossier que M. D... vivait en France depuis quatre ans à la date de la décision en cause. Il soutient vivre au domicile de sa mère, à laquelle a été accordé le statut de réfugié, et avec son jeune frère handicapé, auquel a été reconnu un taux d'incapacité égal ou supérieur à 80 % par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées. Néanmoins, il n'établit par aucune pièce que sa présence à leurs côtés serait indispensable, et indique par ailleurs avoir le projet d'épouser sa compagne et de fonder son propre foyer. La relation qu'il entretenait avec une compatriote russe, en situation régulière, depuis le début de l'année 2020 ne saurait, en outre, suffire à établir sur le territoire français le centre de ses intérêts privés et familiaux, au regard de son caractère très récent à la date de la décision attaquée. Dans ces conditions, compte tenu de la durée et des conditions de séjour en France de l'intéressé et de ce qu'il est constant qu'il n'est pas dépourvu d'attache familiale en Russie où vit son père, la décision litigieuse lui faisant obligation de quitter le territoire français ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elle poursuit. Le moyen tiré de ce que cette décision méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, par suite, être écarté.

En ce qui concerne le refus de départ volontaire :

12. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. _ L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ".

13. La décision par laquelle la préfète de l'Aveyron a refusé d'accorder à M. D... un délai de départ volontaire pour quitter le territoire national vise les dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise que l'intéressé s'est déjà soustrait à une précédente mesure d'éloignement. Elle comprend, par suite, les considérations de droit et de fait qui la fondent et n'est pas entachée d'un défaut de motivation.

14. Les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été précédemment écartés, M. D... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui refusant un délai de départ volontaire.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

15. Les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été précédemment écartés, M. D... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi.

16. Aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. (...) ". Aux termes de l'article 3 de la même convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

17. Il ressort de la documentation produite au dossier par M. D... que les membres de la lutte armée de résistance tchétchène et les personnes considérées comme telles par les autorités ou soupçonnées d'être liées à des entités extrémistes islamistes constituent un groupe à risque, susceptible d'être exposé à des peines ou traitements inhumains ou dégradants du fait des autorités russes ou tchétchènes, selon la nature de leurs liens ou de leur participation aux actions projetées ou entreprises par ces mouvements. Toutefois, alors que sa demande d'asile a été rejetée, M. D... ne produit aucun élément susceptible de corroborer le récit selon lequel il aurait été kidnappé et torturé par les forces de l'ordre en Russie, qui auraient également menacé son père et l'auraient contraint à payer une rançon pour sa libération. La convocation des forces de l'ordre russes pour une audition en qualité d'accusé le 4 décembre 2019 qu'il produit ne saurait suffire, à elle seule, à établir l'existence d'un risque actuel, direct et personnel pour l'intéressé de voir sa vie menacée ou d'être soumis à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, la décision fixant le pays de renvoi ne méconnaît pas les stipulations précitées.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

18. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. _ L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

19. Il ressort des termes de la décision attaquée que la préfète de l'Aveyron a tenu compte, pour édicter à l'encontre de M. D... une décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois, des quatre éléments d'appréciation prévus par les dispositions précitées. Cette décision est, par suite, suffisamment motivée.

20. Les moyens dirigés contre la décision lui refusant un délai de départ volontaire ayant été précédemment écartés, M. D... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois.

21. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 11 et 17, il ne ressort pas des pièces du dossier que des circonstances humanitaires auraient fait obstacle à ce que la préfète de l'Aveyron édicte à l'encontre de M. D... une interdiction de retour sur le territoire français. En l'absence de telle circonstances humanitaires, il résulte des dispositions précitées que la préfète de l'Aveyron, qui a édicté à l'encontre de M. D... une décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai, était tenue d'assortir cette mesure d'une interdiction de retour. Par suite, l'intéressé ne saurait utilement soutenir que la préfète aurait entaché cette décision d'une erreur d'appréciation quant à la menace pour l'ordre public qu'il représenterait sur le territoire français. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier, pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés, que la décision d'interdiction de retour serait entachée d'une erreur d'appréciation quant à sa durée de dix-huit mois.

22. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de l'Aveyron est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé les arrêtés litigieux des 20 et 23 octobre 2020. Par suite, les conclusions présentées en appel par M. D... ne peuvent qu'être rejetées

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 2 à 8 du jugement n° 2005287, 2005339 du 29 octobre 2020 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Toulouse ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D..., au ministre de l'intérieur et à Me B....

Copie en sera adressée à la préfète de l'Aveyron.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

Mme A... C..., conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 juin 2021.

La rapporteure,

Kolia C...

La présidente,

Catherine Girault

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

8

N° 20BX04035


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2eme chambre (formation a 3)
Numéro d'arrêt : 20BX04035
Date de la décision : 15/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Restrictions apportées au séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Kolia GALLIER
Rapporteur public ?: Mme BEUVE-DUPUY
Avocat(s) : FRANCOS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-06-15;20bx04035 ?
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