La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/06/2021 | FRANCE | N°19BX03755

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5eme chambre (formation a 3), 15 juin 2021, 19BX03755


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Pau la restitution des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu dont ils se sont acquittés au titre de l'année 2011 en exécution d'un avis de mise en recouvrement.

Par un jugement n° 1700248 du 13 juin 2019, le tribunal a fait droit à cette demande en prononçant la restitution au profit de M. et Mme C... d'une somme de 5 544 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 septem

bre 2019 et le 7 janvier 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Pau la restitution des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu dont ils se sont acquittés au titre de l'année 2011 en exécution d'un avis de mise en recouvrement.

Par un jugement n° 1700248 du 13 juin 2019, le tribunal a fait droit à cette demande en prononçant la restitution au profit de M. et Mme C... d'une somme de 5 544 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 septembre 2019 et le 7 janvier 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour d'annuler ce jugement n° 1700248 du tribunal administratif de Pau et de rétablir M. et Mme C... dans les cotisations d'impôt sur le revenu dont le tribunal a prononcé la décharge.

Il soutient que :

- son appel a été présenté dans le délai prévu à l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales et n'est dès lors pas tardif ;

- c'est à tort que le tribunal a qualifié l'indemnité perçue par M. C... en exécution du protocole signé avec son employeur le 24 octobre 2011 d'indemnité de licenciement versée dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, exonérée d'impôt sur le revenu en application de l'article 80 duodecies du code général des impôts ;

- il appartient certes à l'administration et au juge de l'impôt d'opérer un travail de requalification d'une indemnité versée à un salarié dans le cadre d'une transaction afin de savoir si cette indemnité est au nombre de celles qui sont exonérées d'impôt sur le revenu en application de l'article 80 duodecies du code général des impôts ; le Conseil Constitutionnel, dans sa décision n° 2013-340 QPC du 20 septembre 2013, a jugé l'article 80 duodecies conforme à la Constitution sous la réserve que son application ne varie pas selon que l'indemnité est allouée en vertu d'un jugement, d'une sentence arbitrale ou d'une transaction ;

- l'indemnité versée à M. C... a pour seule contrepartie la renonciation du salarié à son statut de salarié protégé ; elle ne concerne que les salariés ayant ce statut ; elle ne peut, par conséquent, être regardée comme relevant de l'exécution du plan de sauvegarde de l'emploi ;

- le Conseil d'Etat s'est prononcé en ce sens dans sa décision n° 423916,423914 du 12 février 2020.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 février 2020, M. et Mme C..., représentés par Me H..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'appel du ministre est tardif ;

- au fond, les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E... B...,

- et les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... était salarié de la société Acetex Chimie au sein de l'établissement de Pardies (Pyrénées-Atlantiques) où il exerçait des mandats de délégué syndical, de membre titulaire du comité d'entreprise et de délégué du personnel suppléant. En 2009, la société a décidé de procéder à la fermeture de l'établissement ainsi qu'à la suppression de l'ensemble des postes et établi un plan de sauvegarde de l'emploi, en sollicitant auprès de l'inspection du travail des Pyrénées-Atlantiques l'autorisation de licencier les salariés protégés en application de l'article L. 2411-1 du code du travail. L'inspection du travail ayant refusé de faire droit à cette demande, la société a saisi le tribunal administratif de Pau afin d'obtenir l'annulation de ces décisions. A l'issue d'une médiation organisée par le directeur de l'unité territoriale de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), un protocole d'accord a été conclu le 24 octobre 2011 entre la société, deux organisations syndicales représentatives et les représentants du personnel, aux termes duquel ces derniers s'engageraient à démissionner de leurs mandats afin de permettre à la société de les licencier à l'issue de la période de protection prévue par le code du travail, en contrepartie d'une indemnité forfaitaire de 54 000 euros. Les modalités d'application de cet accord ont été précisées par un protocole transactionnel, conclu par la société avec M. C... le 3 novembre 2011, en application duquel ce dernier a bénéficié d'un versement en deux fois de l'indemnité en novembre 2011. M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la restitution des cotisations d'impôt sur le revenu dont ils se sont acquittés sur cette indemnité au titre de l'année 2011 après avoir reçu un avis de mise en recouvrement de l'administration qui a estimé que l'indemnité transactionnelle était imposable sur le fondement de l'article 80 duodecies du code général des impôts. Par un jugement rendu le 13 juin 2019, le tribunal a prononcé la restitution au profit de M. et Mme C... des impositions dont ils se sont acquittés et qui s'élèvent à 5 544 euros. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel de ce jugement.

Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel :

2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1 (...) ". Aux termes de l'article R. 751-4-1 du même code : " (...) la décision peut être notifiée par le moyen de l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1 aux parties qui sont inscrites dans cette application (...) Ces parties sont réputées avoir reçu la notification à la date de première consultation de la décision, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique (...) ".

3. Par ailleurs l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales dispose que " A compter de la notification du jugement du tribunal administratif qui a été faite au directeur du service de la direction générale des finances publiques (...) qui a suivi l'affaire, celui-ci dispose d'un délai de deux mois pour transmettre, s'il y a lieu, le jugement et le dossier au ministre chargé du budget. Le délai imparti pour saisir la cour administrative d'appel court, pour le ministre, de la date à laquelle expire le délai de transmission prévu à l'alinéa précédent ou de la date de la signification faite au ministre. ". Il résulte de ces dispositions que le délai imparti au ministre pour interjeter appel d'un jugement est de quatre mois à compter de la notification du jugement du tribunal administratif au directeur du service de l'administration des impôts, sans qu'il y ait lieu de rechercher à quelle date le jugement lui a été transmis.

4. Il résulte du dossier de première instance que le jugement attaqué a été notifié au directeur départemental des finances publiques des Pyrénées-Atlantiques le 14 juin 2019 au moyen de l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1 du code de justice administrative. Il n'est pas allégué que ce jugement aurait été signifié directement au ministre comme l'article R. 200-18 précité du livre des procédures fiscales en laisse la possibilité au contribuable. Le recours du ministre de l'économie, des finances et de la relance, qui a seul qualité pour faire appel, a été enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux le 30 septembre 2019, soit dans le délai d'appel de deux mois dont il disposait, à compter de l'expiration du délai de deux mois imparti au service local pour lui transmettre le jugement attaqué et le dossier de l'affaire, en vertu de l'article R. 200-18 précité. Dès lors, M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que l'appel du ministre, qui a bien été présenté dans le délai de quatre mois applicable, serait tardif.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. Aux termes de l'article 80 duodecies du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, sous réserve des dispositions suivantes. / Ne constituent pas une rémunération imposable : / (...) 2° Les indemnités de licenciement ou de départ volontaire versées dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi (...) ".

6. Il résulte des termes mêmes de ces dispositions qu'à l'exception des indemnités qui y sont limitativement énumérées, toute somme perçue par le salarié à l'occasion de la rupture de son contrat de travail revêt un caractère imposable. Il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction, de rechercher la qualification à donner aux sommes objet d'une transaction.

7. Il ressort du " protocole d'accord encadrant la fin des mandats des représentants du personnel de la société Acetex Chimie " conclu le 24 octobre 2011 que les représentants du personnel de cette société bénéficieraient d'une indemnité en contrepartie de leur démission de l'ensemble de leurs mandats électifs ou représentatifs en cours à la date de sa signature et feraient l'objet d'un licenciement économique " dans le cadre des dispositions du plan de licenciement collectif " au terme de la période de protection légale découlant de la démission de ces mandats. Ce protocole définit l'indemnité ainsi prévue comme une " indemnisation supplémentaire des représentants du personnel " en stipulant qu'elle " ne se substitue en aucune manière aux indemnités conventionnelles de licenciement et aux indemnités transactionnelles de " préjudice subi " telles que prévues aux articles 5-1 et suivants du Plan de sauvegarde de l'emploi. Elle n'entrera pas non plus dans l'assiette de calcul de ces indemnités ". Il ressort par ailleurs du protocole transactionnel conclu le 3 novembre 2011 avec M. C... pour détailler les modalités du protocole du 24 octobre 2011, que l'intéressé renonçait à remettre en cause la fin de ses mandats et la perte de son statut de salarié protégé à l'issue de la période légale de protection.

8. Il ressort ainsi de ces protocoles que l'indemnité litigieuse avait pour seul objet de compenser financièrement la démission de M. C... de ses mandats. Par suite, quand bien même la démission de l'intéressé de ses mandats a été négociée dans le but de permettre son licenciement, l'indemnité de 54 000 euros qui a été versée en exécution des accords transactionnels mentionnés ci-dessus ne constitue pas, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, une indemnité de licenciement versée dans le cadre du plan de sauvegarde pour l'emploi exonérée en application des dispositions précitées de l'article 80 duodecies.

9. Par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a ordonné la restitution au bénéficie de M. et Mme C... des sommes en litige pour le motif rappelé ci-dessus.

10. Il y a lieu pour la cour, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens de première instance présentés par M. et Mme C....

Sur les autres moyens :

11. En premier lieu, la circonstance que la décision par laquelle l'administration a rejeté la réclamation préalable de M. et Mme C... serait insuffisamment motivée est sans incidence sur la régularité et le bien-fondé des impositions litigieuses. Par suite, le moyen soulevé est inopérant.

12. En second lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification (...) fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ".

13. A supposer que M. et Mme C... aient entendu contester la motivation de la proposition de rectification du 15 décembre 2014, les mentions de celle-ci désignent l'impôt concerné, l'année et la base d'imposition, et énoncent les motifs de droit et de fait sur lesquels l'administration s'est fondée pour justifier les rectifications envisagées. Par suite, M. et Mme C... ont été mis à même de formuler utilement leurs observations conformément aux dispositions précitées du livre des procédures fiscales.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a accordé à M. et Mme C... restitution des impositions litigieuses. Ce jugement doit, dès lors, être annulé et la demande de première instance rejetée.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Les conclusions présentées sur ce fondement par M. et Mme C... doivent être rejetées dès lors que l'Etat n'est pas la partie perdante à l'instance.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1700248 du tribunal administratif de Pau du 13 juin 2019 est annulé.

Article 2 : Les cotisations d'impôt sur le revenu, assises sur le montant de l'indemnité transactionnelle versée à M. C..., sont remises à la charge de M. et Mme C....

Article 3 : La demande de première instance et les conclusions d'appel de M. et Mme C... sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à M. et Mme G... C.... Copie pour information en sera délivrée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. E... B..., président-assesseur,

Mme D... F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juin 2021.

Le rapporteur,

Frédéric B...

La présidente,

Elisabeth JayatLa greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 19BX03755


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5eme chambre (formation a 3)
Numéro d'arrêt : 19BX03755
Date de la décision : 15/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-07 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Traitements, salaires et rentes viagères.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frederic FAICK
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : MONTOULIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-06-15;19bx03755 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award