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15/06/2021 | FRANCE | N°19BX03282

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2eme chambre (formation a 3), 15 juin 2021, 19BX03282


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme Irène Maître, Mme Cécile Maître et M. Jean-Pierre Maître ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier universitaire de Toulouse à verser à Mme Irène Maître une somme de 190 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi à la suite de sa prise en charge au sein de cet établissement ainsi qu'une rente quotidienne de 48,80 euros à compter du 27 mars 2014 et une rente trimestrielle de 4 453 euros à compter de la lecture du jugement, et à Mme C

écile Maître et à M. Jean-Pierre Maître une somme globale de 42 200 euros en ré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme Irène Maître, Mme Cécile Maître et M. Jean-Pierre Maître ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier universitaire de Toulouse à verser à Mme Irène Maître une somme de 190 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi à la suite de sa prise en charge au sein de cet établissement ainsi qu'une rente quotidienne de 48,80 euros à compter du 27 mars 2014 et une rente trimestrielle de 4 453 euros à compter de la lecture du jugement, et à Mme Cécile Maître et à M. Jean-Pierre Maître une somme globale de 42 200 euros en réparation de leurs propres préjudices.

Par un jugement n° 1705607 du 27 mai 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande et mis à la charge de Mme Irène Maître, de Mme Cécile Maître et de M. Jean-Pierre Maître les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 1 200 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 2 août 2019, le 30 octobre 2020, le 17 décembre 2020 et le 6 avril 2021, Mme Irène Maître, Mme Cécile Maître et M. Jean-Pierre Maître, représentés par Me G..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) à titre principal, de décider, avant dire droit, une expertise médicale pour évaluer les préjudices de Mme Irène Maître et de condamner le centre hospitalier universitaire de Toulouse à leur verser une somme provisionnelle de 50 000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive de leurs préjudices ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner le centre hospitalier universitaire de Toulouse à verser à Mme Irène Maître une somme de 190 000 euros en réparation de ses préjudices ainsi qu'une rente quotidienne de 48,80 euros pour la période du 27 mars 2014 au 27 mai 2019, l'ensemble de ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2016 et de la capitalisation des intérêts, puis une rente trimestrielle de 4 453 euros à compter de cette date et à verser à M. et Mme Maître la somme globale de 99 700 euros ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, de décider d'une nouvelle expertise médicale en confiant à l'expert la même mission que celle confiée par le tribunal au précédent expert et en lui demandant de préciser la nature des liens entretenus avec les praticiens concernés du centre hospitalier universitaire de Toulouse ;

5°) de mettre à la charge des défendeurs la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Ils soutiennent que :

- l'impartialité de l'expert, qui entretient des liens professionnels étroits avec le chef de service du centre hospitalier universitaire en charge de la prise en charge de Mme Irène Maître, n'est pas établie ;

- le centre hospitalier universitaire de Toulouse est responsable d'un défaut d'information des risques que présentait l'administration de médicaments à base d'everolimus et d'olanzapine ; ils n'ont pas été informés que le médicament à base d'everolimus a été administré en dehors des indications prévues par l'autorisation de mise sur le marché ; lorsque le médicament à base de cette molécule a été changé, ils n'ont reçu aucune information sur les risques qu'entraînait ce nouveau médicament ;

- cette faute les a privés de la possibilité de refuser le traitement qui a été administré à Mme Irène Maître ;

- c'est à tort que le tribunal a refusé de regarder comme imputable à son traitement médicamenteux l'accident vasculaire cérébral dont Mme Maître a été victime ; ils produisent pour la première fois en appel une étude réalisée par un toxicologue reconnu établissant ce lien de causalité, qui justifie que soit ordonnée une nouvelle expertise contradictoire sur ce point ;

- le centre hospitalier a commis une faute médicale en prescrivant à Mme Maître un traitement connu pour favoriser la survenance d'accident vasculaire cérébral alors qu'elle présentait déjà trois facteurs de risque soit une obésité, une insuffisance rénale aigüe et une hypercholestérolémie ;

- à titre subsidiaire, le tribunal aurait dû appeler à la cause l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales afin que soit discutée la possibilité d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale ;

- à titre infiniment subsidiaire, la cour pourra décider de la réalisation d'une nouvelle expertise médicale avant dire droit permettant de tenir compte des éléments nouveaux de nature à étayer le lien de causalité entre la prise d'évérolimus et d'olanzapine et l'accident vasculaire cérébral dont a été victime Mme Maître ; la cour devra inviter, le cas échéant, l'expert désigné à préciser la nature de ses liens avec les praticiens du centre hospitalier universitaire de Toulouse ;

- une nouvelle expertise est en toute hypothèse nécessaire pour évaluer les préjudices de Mme Irène Maître ; dans l'attente, une provision de 50 000 euros pourra lui être allouée par la cour au regard des importantes souffrances endurées ;

- à défaut de nouvelle expertise, les préjudices de Mme Irène Maître doivent être évalués à 190 000 euros et, au titre de l'assistance par une tierce personne, à un capital calculé sur la base d'un montant journalier de 48,80 euros pour la période du 27 mars 2014 au 27 mai 2019 puis à une rente trimestrielle d'un montant de 4 453 euros ;

- les frais divers exposés par M. et Mme Maître pour l'adaptation de leur véhicule et de leur logement au handicap de leur fille s'élèvent à 9 700 euros ;

- leur préjudice d'affection doit être indemnisé par le versement d'une somme de 30 000 euros à chacun d'eux ;

- le trouble dans leurs conditions d'existence doit être évalué à 15 000 euros pour chacun d'eux.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 novembre 2019 et le 17 novembre 2020, le centre hospitalier universitaire de Toulouse, représenté par Me A..., conclut, à titre principal, au rejet de la requête et de la demande de la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn, à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, à titre subsidiaire, à ce que les sommes demandées par les requérants soit réduites à de plus justes proportions.

Il soutient que :

- l'impartialité de l'expert désigné par le tribunal ne saurait être remise en cause, au demeurant pour la première fois devant la cour ;

- il ne peut lui être reproché un défaut d'information dès lors qu'il rapporte la preuve de la délivrance de l'information alors disponible et qu'il n'était pas tenu d'informer les intéressés d'un risque non répertorié dans la littérature médicale ; le lien de causalité entre l'administration du traitement en cause et l'accident vasculaire cérébral de Mme Irène Maître n'est pas établi, même avec les informations aujourd'hui disponibles ;

- il n'a pas commis de faute médicale en prescrivant un médicament à base d'everolimus à Mme Irène Maître, un tel traitement étant reconnu pertinent pour la prise en charge de la sclérose tubéreuse de Bourneville ; contrairement à ce que soutiennent les requérants, ce traitement administré à compter d'avril 2012 l'a été conformément aux indications prévues par l'autorisation de mise sur le marché ; à supposer l'existence d'un défaut d'information à cet égard, il est dépourvu de lien de causalité avec le dommage subi par les requérants ; il n'y avait pas lieu de procéder à une nouvelle information au moment du remplacement du Certican par le Votubia, ces deux médicaments étant à base d'everolimus ;

- il n'est établi aucun lien de causalité entre la prise du Zyprexa, qui a débuté quinze ans auparavant et n'a pas été prescrit par le centre hospitalier universitaire, et la prise de poids de Mme Irène Maître, ni avec son accident vasculaire cérébral ;

- Mme Maître et sa famille ne disposait d'aucune possibilité raisonnable de refuser le traitement qui lui a été administré ;

- la nouvelle expertise demandée par les requérants n'est pas utile et l'avis médical qu'ils produisent n'a pas été rendu en toute connaissance du dossier médical de Mme Maître et omet de tenir compte du facteur important de risque d'accident vasculaire cérébral que constitue son insuffisance rénale ;

- à supposer qu'une faute en lien avec le dommage soit retenue par la cour, il conviendrait de fixer le taux de perte de chance correspondant et de tenir compte, pour l'évaluation du préjudice, de l'état antérieur de Mme Maître ; les préjudices sont soit non établis soit dépourvus de lien de causalité avec la faute, soit surévalués.

Par un mémoire, enregistré le 19 novembre 2019, la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn, représentée par Me F..., demande à la cour, dans l'hypothèse où elle regarderait la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Toulouse engagée, de condamner cet établissement de santé à lui verser la somme de 7 586,13 euros correspondant à ses débours, majorée des intérêts au taux légal à compter du 30 octobre 2018, et de mettre à sa charge les sommes de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que ses débours s'élèvent à la somme de 7 586,13 euros de frais hospitaliers.

Par des mémoires, enregistrés le 7 janvier 2020 et le 17 novembre 2020, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me D..., conclut à sa mise hors de cause et à l'inutilité de l'expertise sollicitée par les requérants.

Il soutient que :

- le dommage de Mme Irène Maître n'est pas imputable à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins dès lors qu'aucun lien de causalité direct et certain ne peut être établi entre son traitement et l'accident vasculaire cérébral dont elle a été victime ; il n'existe pas non plus de faisceau d'indices précis, graves et concordants en faveur de ce lien de causalité ;

- le dommage trouve sa cause dans l'état antérieur de la victime et possiblement dans son insuffisance rénale chronique, qui est un facteur important de survenue d'accident vasculaire cérébral, ainsi que dans des anomalies de vascularisation de la fosse postérieure du cerveau ;

- l'expertise sollicitée par les requérants n'est pas utile.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office, tirés de :

- l'irrecevabilité des mémoires produits, sans ministère d'avocat, par M. Maître le 17 décembre 2020 et le 6 avril 2021 en méconnaissance de l'article R. 431-11 du code de justice administrative,

- l'irrecevabilité du moyen présenté par les requérants, tiré de l'irrégularité de l'expertise réalisée par un expert entretenant des liens avec le chef de service du centre hospitalier universitaire de Toulouse concerné par le présent litige, un tel moyen étant soulevé pour la première fois en appel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... E...,

- les conclusions de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, rapporteure publique,

- et les observations de Me G..., représentant Mme Irène Maître, M. Jean-Pierre Maître et Mme Cécile Maître, Me C... représentant le centre hospitalier universitaire de Toulouse et Me H... représentant l'ONIAM.

Considérant ce qui suit :

1. Mme Irène Maître est porteuse d'une sclérose tubéreuse de Bourneville diagnostiquée dans son enfance, dont elle conserve des anomalies neurologiques sévères et qui a justifié que lui soit prescrit un traitement combinant des psychotropes, des anxiolytiques et un antidépresseur qui associait, en 2010, Zyprexa, Xanax, Seropram et Lexomil. Elle a été suivie par le centre hospitalier universitaire de Toulouse à compter du mois de janvier 2010 en raison d'un épisode d'hémorragie causé par de multiples et volumineux angiomyolipomes bilatéraux des deux reins causant des saignements intra-rénaux et rétropéritonéaux. Devant l'impossibilité de traiter ces angiomyolipomes hémorragiques par une embolisation par artériographie, Mme Maître a bénéficié d'un traitement symptomatique avec une surveillance et des transfusions sanguines. Au mois de mai 2012 et à l'occasion d'une hospitalisation dédiée, l'intéressée a commencé un traitement par Certican, dont la substance active est l'everolimus, qui a présenté quelques effets secondaires, soit une hypercholestérolémie modérée, des oedèmes modérés des membres inférieurs, de l'hypertension et une minime élévation progressive de la créatinine. Mme Maître, qui a décidé avec sa famille d'arrêter le Votubia, médicament à base d'everolimus prescrit en remplacement du Certican, a été de nouveau hospitalisée au service de néphrologie du centre hospitalier universitaire de Toulouse du 8 au 19 mars 2014 pour une dyspnée en rapport avec une pneumopathie infectieuse et une diarrhée fébrile. Mme Maître a regagné son domicile le 19 mars 2014 mais a été de nouveau hospitalisée dès le lendemain à l'hôpital de Saint Affrique pour des troubles digestifs et une instabilité à la marche, puis transférée à la clinique Claude Bernard d'Albi où elle a été hospitalisée du 27 mars au 19 avril 2014. Elle a été victime d'un accident vasculaire cérébral en rapport avec une ischémie cérébelleuse gauche liée à une occlusion de l'artère vertébrale gauche par un thrombus, qui a été diagnostiqué par une imagerie par résonance magnétique le 1er avril 2014, dont elle a conservé une monoplégie du membre supérieur gauche dominant.

2. Mme Cécile Maître, en sa qualité de tutrice de sa fille Mme Irène Maître, a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse la réalisation d'une expertise. L'expert désigné par le tribunal ayant conclu le 15 décembre 2015 à l'absence de faute commise par un établissement de santé dans la prise en charge de Mme Irène Maître, ses parents ont saisi, le 6 juillet 2016, la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CCI) Midi-Pyrénées d'une demande d'indemnisation et de réalisation d'une nouvelle expertise. Par un avis du 5 octobre 2016, la commission a toutefois conclu au rejet des demandes de la famille. Mme Irène Maître, Mme Cécile Maître et M. Jean-Pierre Maître, ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn relèvent appel du jugement du 27 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes respectives tendant à l'indemnisation de leurs préjudices et débours, et a mis les frais d'expertise à la charge de Mme Irène Maître, Mme Cécile Maître et M. Jean-Pierre Maître.

3. Aux termes de l'article R. 431-11 du code de justice administrative relatif à la représentation des parties devant la cour administrative d'appel : " Les requêtes et les mémoires doivent, à peine d'irrecevabilité, être présentés soit par un avocat, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation. (...) ". Aux termes de l'article R. 811-7 du code de justice administrative : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 774-8, les appels ainsi que les mémoires déposés devant la cour administrative d'appel doivent être présentés, à peine d'irrecevabilité, par l'un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2. (...) ".

4. Il résulte des dispositions précitées que les mémoires produits directement à la cour par M. Maître le 17 décembre 2020 et le 6 avril 2021 sont irrecevables.

5. Les requérants soutiennent que les premiers juges ne pouvaient se fonder sur l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal dès lors que l'expert qui en est l'auteur, néphrologue en fonction à l'hôpital de la Conception à Marseille, entretient des " liens professionnels étroits " avec le chef de service du centre hospitalier universitaire de Toulouse ayant pris en charge Mme Irène Maître. Toutefois, les requérants n'ont formulé devant les premiers juges aucune réserve sur la régularité de cette expertise et n'allèguent pas avoir découvert postérieurement au jugement du tribunal les liens qu'ils reprochent à l'expert. Ils ne sont, par suite, pas recevables à invoquer pour la première fois en appel un tel moyen. Au surplus, ils ne produisent au soutien de leurs allégations aucun élément susceptible de faire douter de l'impartialité de l'expert.

Sur la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Toulouse :

En ce qui concerne le défaut d'information :

6. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. (...) Des recommandations de bonnes pratiques sur la délivrance de l'information sont établies par la Haute Autorité de santé et homologuées par arrêté du ministre chargé de la santé. / En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. (...) ". Il résulte de ces dispositions que doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui, soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence.

7. Ainsi qu'il a justement été retenu par les premiers juges, la note du médecin en charge du suivi de Mme Irène Maître au centre hospitalier universitaire de Toulouse, en date du 9 novembre 2015, permet d'établir que les risques et bénéfices attendus par un traitement par everolimus-Votubia ont été évoqués au cours d'un entretien avec la mère et tutrice légale de l'intéressée. Le médecin indique avoir spécifié les effets indésirables les plus fréquents d'un tel traitement, soit la stomatite, l'acné, la possibilité d'une anémie ou d'une hypercholestérolémie, mais précise n'avoir certainement pas mentionné un risque d'accident vasculaire cérébral puisque dans l'état des informations alors disponibles " l'everolimus ne passe pas pour un médicament pourvoyeur de cette complication ". Cette appréciation est corroborée par les autres éléments figurant au dossier, d'une part, la réponse du centre régional de pharmacovigilance au signalement de la famille Maître quant à l'existence d'effets secondaires associés à un traitement par everolimus qui indique, le 11 août 2014, qu'il n'existe dans la littérature médicale aucune publication faisant le lien entre un tel médicament et la survenue d'un accident vasculaire cérébral et que les deux seules observations ayant été notifiées avec de l'everolimus concernent des patients très différents qui souffrent d'autres maladies et, d'autre part, de l'avis critique d'un toxicologue produit par les requérants eux-mêmes qui indique, le 7 janvier 2020, qu'il n'existe dans la littérature scientifique aucune publication qui rapporte un accident vasculaire cérébral impliquant cette molécule. Dans ces conditions, il ne saurait être reproché au centre hospitalier universitaire de Toulouse de n'avoir pas informé la famille Maître du risque, qui était alors inconnu, qu'un traitement à base d'everolimus, par Certican ou Votubia, entraîne la survenue d'un accident vasculaire cérébral.

8. S'agissant des risques entraînés par la molécule olanzapine, administrée par Zyprexa à compter de 2010, il résulte de l'instruction, notamment du courrier du 11 août 2014 du centre régional de pharmacovigilance évoqué au point précédent, que " ce médicament peut favoriser la survenue d'accident vasculaire cérébral ". Néanmoins, la documentation médicale produite à l'instance, notamment la lettre de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé du 9 mars 2004 produite par les requérants, permet de préciser qu'un tel risque a été observé à l'occasion d'essais cliniques menés chez des patients âgés de plus de soixante-cinq ans, atteints de démence et souffrant de troubles psychotiques et/ou de troubles du comportement, de telle sorte que l'utilisation d'olanzapine est déconseillée pour un tel public. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que le Zyprexa présentait, pour Mme Irène Maître qui était âgée de trente-quatre ans en 2010, un risque d'accident vasculaire cérébral alors connu dont le centre hospitalier universitaire de Toulouse aurait dû l'informer ainsi que sa famille.

9. En cas de manquement à l'obligation d'information, si l'acte de diagnostic ou de soin entraîne pour le patient, y compris s'il a été réalisé conformément aux règles de l'art, un dommage en lien avec la réalisation du risque qui n'a pas été porté à sa connaissance, la faute commise en ne procédant pas à cette information engage la responsabilité de l'établissement de santé à son égard, pour sa perte de chance de se soustraire à ce risque en renonçant à l'opération. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction, compte tenu de ce qu'était l'état de santé du patient et son évolution prévisible en l'absence de réalisation de l'acte, des alternatives thérapeutiques qui pouvaient lui être proposées ainsi que de tous autres éléments de nature à révéler le choix qu'il aurait fait, qu'informé de la nature et de l'importance de ce risque, il aurait consenti à l'acte en question.

10. Les requérants soutiennent, à l'appui de leur argumentation sur l'existence d'un défaut d'information par le centre hospitalier universitaire de Toulouse, ne pas avoir été informés que le Certican a été prescrit à Mme Irène Maître hors autorisation de mise sur le marché. Néanmoins, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que lorsque Mme Maître a débuté son traitement à base d'everolimus en 2012, les médicaments élaborés avec cette molécule venaient de faire l'objet de publications mettant en évidence son efficacité pour diminuer la taille des angiomyolipomes et réduire le risque de saignement. L'expert relève que la balance bénéfice/risque d'un tel traitement, qui comporte des effets secondaires connus, a été " parfaitement étudiée " au vu, notamment, du risque d'hémorragie grave présenté par Mme Maître, de l'éloignement de son domicile de tout établissement de santé compliquant sa prise en charge dans un tel cas et de la nécessité de stabiliser son insuffisance rénale chronique en diminuant la taille des angiomyolipomes. Dans ces conditions, il résulte de l'instruction que si Mme Maître et sa famille avaient été informés, en 2012, de ce que le Certican n'avait pas fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché pour le traitement de sa pathologie, ils auraient consenti à l'administration d'un tel traitement.

En ce qui concerne les fautes médicales :

11. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) ".

12. Pour soutenir que le traitement à base d'everolimus et d'olanzapine serait à l'origine de l'accident vasculaire cérébral dont Mme Maître a été victime en 2014, les requérants se prévalent de l'avis d'un toxicologue produit pour la première fois en appel qui relève que l'olanzapine a été associée à l'existence d'un risque d'accident cardiovasculaire pour un public âgé et atteint de démence mais également, selon une étude réalisée en Argentine, pour des patients âgés de plus de trente ans, et qu'un tel risque est également présent en cas de combinaison de ce médicament avec un produit à base de benzodiazépines tel que ceux que prenait Mme Maître. D'autre part, cet avis relève que la Haute autorité de santé, par un avis du 6 juillet 2016, indique que sur quatre-vingt-dix patients présentant une sclérose tubéreuse de Bourneville, huit ont présenté un accident vasculaire cérébral. Toutefois, ce toxicologue précise s'être prononcé au vu du rapport d'expertise ordonné par le tribunal, d'une sélection d'articles qui lui a été fournie ainsi que des quelques éléments produits par la famille, mais sans avoir connaissance d'aucun élément du dossier médical de Mme Maître. L'expert désigné par le tribunal, qui s'est au contraire prononcé au vu de l'ensemble des éléments disponibles permettant d'appréhender le plus précisément possible les différents éléments ayant pu concourir à la survenue d'un accident vasculaire cérébral, retient quant à lui que, dans l'état actuel des connaissances, cet accident ne peut être imputé au traitement en cause. L'avis du 6 juillet 2016 de la Haute autorité de santé n'est pas, dans les circonstances de l'espèce, susceptible de justifier la réalisation d'une nouvelle expertise ni de remettre en cause l'absence de lien de causalité retenu par l'expert désigné par le tribunal, qui a précisé que si l'everolimus a entraîné une hypercholestérolémie, facteur favorisant de l'accident vasculaire cérébral, cet effet secondaire a été traité avec succès par statine et que Mme Maître présentait, du fait de sa pathologie, des anomalies de la fosse postérieure du cerveau et une insuffisance rénale chronique, risque cardiovasculaire " extrêmement puissant ", qui expliquent la survenue de l'accident. Dans ces conditions, et sans qu'il soit utile d'ordonner une nouvelle expertise, l'imputabilité de l'accident vasculaire cérébral dont a été victime Mme Maître au traitement qui lui a été prescrit par le centre hospitalier universitaire de Toulouse ne saurait être regardée comme résultant de l'instruction, et les requérants ne sont pas fondés à soutenir que cet établissement de santé aurait, en prescrivant un tel traitement, commis une faute à l'origine du dommage survenu.

Sur la possibilité d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale :

13. Aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " (...) Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. " Aux termes de l'article D. 1142-1 du même code : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. / Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %. (...) ".

14. Il résulte des dispositions précitées que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1. La condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit notamment être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement.

15. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il ne résulte pas de l'instruction que l'accident vasculaire cérébral dont a été victime Mme Maître en 2014 puisse être regardé comme directement imputable à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins. Par suite, l'indemnisation du dommage subi par la famille Maître ne saurait être mise à la charge de l'ONIAM au titre de la solidarité nationale.

16. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants et la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sommes que demandent les requérants et la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn soient mises à la charge du centre hospitalier universitaire de Toulouse, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par cet établissement de santé sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme Irène Maître, Mme Cécile Maître et M. Jean-Pierre Maître est rejetée.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Irène Maître, à Mme Cécile Maître et à M. Jean-Pierre Maître, au centre hospitalier universitaire de Toulouse, à la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn et à l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

Mme B... E..., conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 juin 2021.

La rapporteure,

Kolia E...

La présidente,

Catherine Girault

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 19BX03282


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2eme chambre (formation a 3)
Numéro d'arrêt : 19BX03282
Date de la décision : 15/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-01-02-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier. Absence de faute. Organisation de l'équipe médicale.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Kolia GALLIER
Rapporteur public ?: Mme BEUVE-DUPUY
Avocat(s) : SELARL BIROT - RAVAUT ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-06-15;19bx03282 ?
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