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01/06/2021 | FRANCE | N°20BX04124.

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 01 juin 2021, 20BX04124.


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. F... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2019 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi, l'a astreint à se présenter trois jours par semaine à la gendarmerie pour y indiquer ses diligences en vue de la préparation de son départ et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français po

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Par un jugement n° 2000077 du 13 octobre 2020, le tribu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. F... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2019 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi, l'a astreint à se présenter trois jours par semaine à la gendarmerie pour y indiquer ses diligences en vue de la préparation de son départ et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2000077 du 13 octobre 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté du 21 novembre 2019 et a enjoint au préfet de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête, enregistrée sous le n° 20BX04124, le 11 décembre 2020, le préfet de la Guadeloupe, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2000077 du tribunal administratif de la Guadeloupe du 13 octobre 2020 ;

2°) de rejeter les conclusions de M. A... dirigées contre cet arrêté.

Il soutient que :

- si, dans leur décision, les premiers juges détaillent le parcours scolaire de M. A... pour retenir que ce dernier est intégré dans la société française, l'intéressé a cependant enfreint la réglementation en matière de séjour des étrangers sur le territoire qui prévoit que pour entrer en France, tout étranger doit être muni des documents et visas exigés par les conventions internationales et règlements en vigueur ;

- la décision en litige n'est pas entachée d'erreur de fait, ni d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A... et sur la poursuite de ses études ; M. A... conserve la possibilité de poursuivre ses études dans son pays d'origine ; l'obtention du diplôme du baccalauréat, puis la justification d'une inscription en deuxième année de brevet de technicien supérieur ne suffisent pas pour établir qu'il aurait fixé le centre de sa vie privée et familiale en France ; si les premiers juge font état des liens intenses que M. A... aurait noués avec sa tante, il n'est pas dépourvu d'attaches personnelles dans son pays d'origine où réside notamment sa mère et son frère.

- M. A... ne peut prétendre à un titre de séjour en application de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il est célibataire, sans enfant et est entré clandestinement en France le 25 janvier 2015 à l'âge de 14 ans pour rejoindre sa tante ;

- M. A... ne remplit pas les conditions requises pour se voir délivrer un titre de séjour en qualité d'étudiant sur le fondement de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'absence de visa de long séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mars 2021, M. A..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête du préfet n'est fondé.

II - Par une requête, enregistrée sous le n° 20BX04134, le 11 décembre 2020, le préfet de la Guadeloupe demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement du 13 octobre 2020 susmentionné.

Il soutient que sa demande de sursis à exécution s'appuie sur des moyens sérieux d'annulation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2021, M. A..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la demande de sursis à exécution formée par le préfet de la Guadeloupe et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des arguments du préfet de la Guadeloupe n'est fondé.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 mai 2021.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant haïtien né le 9 mai 2000, a déclaré être entré sur le territoire français le 25 janvier 2015 alors qu'il était âgé de 14 ans. Le 29 avril 2019, il a adressé au préfet de la Guadeloupe une demande de titre de séjour en qualité d'étudiant sur le fondement de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et au titre de la vie privée et familiale en application du 7° de L. 313-11-7° du même code. Par un arrêté du 21 novembre 2019, le préfet de la Guadeloupe a rejeté cette demande de titre de séjour, assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixé le pays de renvoi et prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un jugement du 13 octobre 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a prononcé l'annulation de cet arrêté, enjoint au préfet de la Guadeloupe de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Par deux requêtes enregistrées sous les n° 20BX04124 et 20BX04134, le préfet de la Guadeloupe demande à la cour, respectivement, l'annulation et le sursis à exécution de ce jugement.

2. Les requêtes n° 20BX04124 et 20BX04134 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Pour annuler l'arrêté en litige du 21 novembre 2019, le tribunal a estimé que le préfet de la Guadeloupe a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. A... compte tenu des études supérieures que ce dernier a entamées sur le territoire français et des liens qu'il a noués avec sa tante, laquelle réside régulièrement sur ce territoire.

4. Il ressort des pièces du dossier qu'en janvier 2015, M. A... est entré sur le territoire français en dehors du cadre du regroupement familial pour y rejoindre sa tante, laquelle est titulaire d'une carte de résident de dix ans. Il a entamé une scolarité en lycée couronnée par l'obtention, en juin 2018, d'un baccalauréat technologique. M. A... s'est inscrit en 1ère année de BTS " Management Unités commerciales " en 2018/2019 et c'est le 29 avril 2019 qu'il a cherché à régulariser sa situation en présentant une demande de titre de séjour. Il est donc vrai que M. A... séjournait en France, à la date de l'arrêté préfectoral en litige, depuis près de cinq années pendant lesquelles il a suivi avec succès des études. Toutefois, ces études, en elles-mêmes, n'ouvraient pas à M. A... un droit à demeurer sur le territoire français et il ne ressort pas des pièces du dossier que ce dernier, qui a obtenu au demeurant son diplôme en juin 2020, était dans l'impossibilité de poursuivre ses études dans son pays d'origine. Par ailleurs, si M. A... séjourne en France chez sa tante, qui est titulaire d'une carte de résident, il n'en demeure pas moins qu'il conserve des attaches familiales dans son pays d'origine où résident sa mère et son frère. Dans ces conditions, le préfet de la Guadeloupe est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a jugé que l'arrêté en litige était entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....

5. Il y a lieu pour la cour, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M. A....

Sur les autres moyens de première instance :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger (...) dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée (...) ". Pour l'application de ces stipulations et dispositions, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

7. Compte tenu de ce qui a été dit au point 4, l'arrêté en litige n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris.

8. En second lieu aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention " étudiant " (...). ". Aux termes de l'article L. 313-2 de ce code : " (...) la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle (...) sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour (...) ".

9. Pour rejeter la demande de titre de séjour en qualité d'étudiant présentée par M. A..., le préfet a relevé que ce dernier n'avait pas produit le visa de long séjour requis par les dispositions précitées alors que la possession d'un tel visa est une condition de délivrance du titre sollicité. Ce motif n'est pas contesté par M. A... qui conserve, au demeurant, la possibilité de demander un titre de séjour dans le respect des exigences découlant des dispositions précitées.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Guadeloupe est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué du 13 octobre 2020.

Sur la demande de sursis à exécution :

11. Le présent arrêt statuant au fond sur les conclusions du préfet de la Guadeloupe, sa requête aux fins de sursis à exécution est devenue sans objet.

Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Il y a lieu de rejeter les conclusions de M. A..., partie perdante, présentées au titre de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 20BX04134 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 2000077 du 13 octobre 2020 du tribunal administratif de la Guadeloupe.

Article 2 : Le jugement n° 2000077 du 13 octobre 2020 du tribunal administratif de la Guadeloupe est annulé.

Article 3 : La demande de première instance et les conclusions d'appel de M. A... sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. F... A....

Copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 4 mai 2021 à laquelle siégeaient :

Mme Brigitte Phémolant, présidente,

M. Frédéric C..., président-assesseur,

Mme D... E..., première conseillère,

Rendu public par mise à disposition du greffe le 1er juin 2021.

La présidente,

Brigitte Phémolant

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°s 20BX04124, 20BX04134


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX04124.
Date de la décision : 01/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : DJIMI

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-06-01;20bx04124 ?
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