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06/05/2021 | FRANCE | N°20BX03896

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 06 mai 2021, 20BX03896


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 11 mai 2020 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et interdit son retour pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2002776 du 4 novembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 11 mai 2020.

Procédure devant la cour :

P

ar une requête, enregistrée le 28 novembre 2020, la préfète de la Gironde demande à la cour :

1°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 11 mai 2020 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et interdit son retour pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2002776 du 4 novembre 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 11 mai 2020.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 novembre 2020, la préfète de la Gironde demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 4 novembre 2020 ;

2°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 800 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

La préfète de la Gironde soutient que :

- si les premiers juges lui reprochent une méconnaissance de l'autorité de chose jugée qui s'attache au jugement du 26 février 2020, elle ne peut que leur opposer la méconnaissance de la décision n° 403431 du Conseil d'État du 28 juin 2018 ;

- les éléments contenus dans Visabio sont présumés exacts et suffisent à déduire que les actes d'état civil produits par l'intéressé sont entachés de fraude et ne peuvent être regardés comme faisant foi ;

- les autorités guinéennes saisies à deux reprises n'ont pas donné suite mais cela importe peu au regard des éléments apportés par le système Visabio.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2021, M. B... A..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête, à ce que l'État soit condamné à une amende de 5 000 euros pour recours abusif et à lui verser la somme de 4 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que c'est à bon droit que les premiers juges ont annulé l'arrêté litigieux pour méconnaissance de l'autorité de chose jugée.

Par décision du 25 février 2021, M. B... A... a été admis au maintien du bénéfice de l'aide juridictionnelle qui lui avait été accordée par décision prononcée le 17 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme F... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant de nationalité guinéenne né le 2 octobre 1996, déclare être entré en France le 13 juin 2012 à l'âge de 15 ans. Il a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance et a sollicité, une fois majeur, le 14 octobre 2014, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 26 décembre 2016, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, au motif que l'examen des empreintes digitales de M. A... dans l'application Visabio avait révélé qu'il était connu dans cette application sous une autre identité, celle de Mamadou Saliou A..., né le 21 novembre 1989, et qu'il était donc majeur lors de son entrée en France. Toutefois, dans un arrêt n° 18BX02011 du 12 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de la Gironde de réexaminer la situation de M. A.... Par arrêté du 12 août 2019, la préfète de la Gironde a de nouveau refusé à l'intéressé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Par jugement n° 1905672 du 26 février 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté et ordonné à la préfète de la Gironde de réexaminer la demande de titre de séjour de M. A.... Par l'arrêté contesté du 11 mai 2020, la préfète de la Gironde a une nouvelle fois refusé de délivrer à l'intéressé un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a interdit son retour pour une durée de deux ans. La préfète de la Gironde relève appel du jugement du 4 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté et enjoint à la préfète de régulariser la situation de M. A... au regard du séjour sur le fondement des dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile depuis le 16 octobre 2014 dans le délai de deux mois.

Sur le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) ; / 2° bis À l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance (...) ; ".

3. D'autre part, l'autorité de chose jugée s'attachant au dispositif d'un jugement, devenu définitif, annulant une décision administrative ainsi qu'aux motifs qui en sont le support nécessaire fait obstacle à ce que, en l'absence de modification de la situation de droit ou de fait, ou d'invocation d'un motif nouveau, l'administration puisse prendre une décision identique.

4. Il résulte de l'instruction que le premier arrêté, en date du 26 décembre 2016, par lequel la préfète de la Gironde a refusé le séjour à M. A... était fondé sur les circonstances, en premier lieu, que la consultation de l'application Visabio avait révélé que les empreintes de l'intéressé avaient été saisies le 26 juillet 2011 à l'occasion d'une demande de visa long séjour portant la mention " étudiant " avec une date de naissance au 21 novembre 1989, en deuxième lieu, que l'extrait d'acte de naissance produit et la carte nationale d'identité guinéenne délivrée à l'intéressé le 6 août 2014 ne pouvaient être retenus pour établir l'identité et l'âge du requérant, le premier parce qu'il ne présentait pas de légalisation des autorités guinéennes permettant de vérifier la conformité de sa délivrance, la seconde parce qu'elle avait fait l'objet d'un avis défavorable de la direction zonale sud-ouest de la police aux frontières qui a estimé qu'elle était une contrefaçon de bonne facture, en troisième lieu, que la carte d'identité consulaire ne permettait pas davantage d'établir l'identité de l'intéressé dès lors qu'elle avait été délivrée sur la base d'un acte de naissance non légalisé.

5. La cour administrative d'appel de Bordeaux, dans son arrêt n° 18BX02011 du 12 décembre 2018, a annulé cet arrêté en relevant d'une part, que le rapport technique du 2 juillet 2015 de la direction zonale sud-ouest de la police aux frontières mentionnait que l'extrait d'acte de naissance produit par le requérant " est légalisé par un cachet humide circulaire ne présentant pas d'anomalie. La signature de l'autorité de délivrance accompagne ce cachet " et qu'il " présente toutes les garanties d'un acte authentique ", d'autre part, que M. A... avait été mis en possession d'une carte d'identité consulaire délivrée le 26 mai 2016 par l'ambassade de Guinée en France, mentionnant qu'il est né le 2 octobre 1996 et dont il n'est pas contesté qu'elle a été délivrée à partir d'un extrait d'acte de naissance. La cour en a conclu, eu égard à l'ensemble de ces éléments, et la préfète n'ayant pas saisi les autorités guinéennes aux fins de vérifications du document d'état civil fourni par l'intéressé, que M. A... devait être regardé comme ayant été confié depuis l'âge de 15 ans aux services de l'aide sociale à l'enfance pour l'application du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cet arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux est devenu définitif, faute pour la préfète de s'être pourvue en cassation.

6. Par jugement n° 1905672 du 26 février 2020 devenu définitif faute d'appel, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 12 août 2019 refusant à M. A... la délivrance d'un titre de séjour, en relevant comme la cour administrative d'appel de Bordeaux que les documents d'état civil de l'intéressé faisaient foi et qu'il devait par suite être regardé comme ayant été confié depuis l'âge de 15 ans aux services de l'aide sociale à l'enfance pour l'application du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Or, les motifs qui fondent l'arrêté contesté du 11 mai 2020 refusant à M. A... la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 2° bis de l'article L 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sont tirés de ce que la consultation de l'application Visabio a révélé que les empreintes de l'intéressé ont été saisies le 26 juillet 2011 à l'occasion d'une demande de visa long séjour portant la mention " étudiant " avec une date de naissance au 21 novembre 1989, et que les documents produits par M. A... ne sont pas authentiques. La préfète de la Gironde ne fait valoir aucune modification de situation de fait ou de droit.

8. Il résulte de ce qui précède que l'autorité de chose jugée s'attachant tant au dispositif du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 26 février 2020 qu'aux motifs qui en constituent le soutien nécessaire interdisait à la préfète de la Gironde, en l'absence de circonstance de fait ou de motif nouveaux, de prendre un nouvel arrêté de refus de titre à l'encontre de M. A.... Par suite, la préfète de la Gironde n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté litigieux du 11 mai 2020. Par voie de conséquence, en tout état de cause, il y a lieu de rejeter ses conclusions présentées au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'État, sur ce fondement, la somme de 1 200 euros au profit de Me C..., sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle.

Sur les conclusions présentées par M. A... tendant au prononcé d'une amende pour recours abusif :

9. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros ".

10. La faculté prévue par ces dispositions constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions de M. A... tendant à ce que l'État soit condamné à une telle amende ne sont pas recevables.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la préfète de la Gironde est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. A... tendant à l'application de l'article R. 741-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont rejetées.

Article 3 : L'État versera une somme de 1 200 euros à Me C... en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 25 mars 2021 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,

Mme D... E..., première conseillère.

Rendu public après dépôt au greffe le 6 mai 2021.

Le président de chambre,

Eric Rey-Bèthbéder

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 20BX03896


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 20BX03896
Date de la décision : 06/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : LANDETE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2021-05-06;20bx03896 ?
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