Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Solution BTP a demandé au tribunal administratif de la Martinique de condamner la commune de Fonds-Saint-Denis à lui verser les sommes de 378 483,53 euros au titre du solde du marché et de 50 000 euros en réparation du préjudice causé par la décision du 26 mars 2017 portant résiliation du marché de réhabilitation de l'église.
Par un jugement n° 1700614 du 14 mars 2019, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 mai 2019, la SARL Solution BTP, représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 14 mars 2019 ;
2°) de condamner la commune de Fonds-Saint-Denis à lui verser les sommes de 20 524,53 euros a titre du décompte du lot n° 2 et de 1 432,75 euros au titre du décompte du lot n° 3 ;
3°) de condamner la commune de Fonds-Saint-Denis à lui verser la somme de 378 483,53 euros en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation ;
4°) de condamner la commune de Fonds-Saint-Denis à lui verser la somme de 50 000 euros au titre de dommages et intérêts ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Fonds-Saint-Denis la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SARL Solution BTP soutient que :
- elle ne peut être regardée comme ayant abandonné le chantier dès lors qu'aucun calendrier prévisionnel ne lui a été notifié ;
- elle n'a bénéficié d'aucune avance, alors que cela est prévu par le code des marchés publics, et ce malgré ses demandes insistantes à chaque réunion de chantier ;
- le règlement des décomptes présentés pour un montant total de 94 252,06 euros n'a eu lieu que le 1er mars 2017 ; la commune était redevable de la somme de 20 524,86 euros au titre du décompte du lot n° 2 et de 1 432,75 euros au titre du décompte du lot n° 3, et ces sommes ne lui ont jamais été versées alors que, dans le même temps, la commune réclamait la poursuite du marché ; elle ne lui a donc pas permis de poursuivre le chantier dans les conditions prévues par l'acte d'engagement et le CCAP et c'est à tort que le tribunal administratif a jugé qu'elle n'était pas en droit de suspendre les travaux dans l'attente du paiement ;
- c'est à tort que le tribunal a écarté son argumentation relative à l'absence de production du rapport de repérage de l'amiante et les travaux ne pouvaient se poursuivre sans ce rapport, conformément à l'article L. 4412-2 du code du travail.
- elle a donc droit au paiement de la somme de 378 483,53 euros représentant le solde du marché et de celle de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 novembre 2019, la commune de Fonds-Saint-Denis, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SARL Solution BTP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune de Fonds-Saint-Denis fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 2 mars 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 20 avril 2020.
Par courrier du 3 février 2021, la cour a demandé aux parties de lui communiquer tout document relatif à l'existence et l'étendue des créances dont se prévaut la SARL Solution BTP, de 20 524,86 euros et de 1 432,75 euros au titre des lots n° 2 " voiries et réseaux divers " et n° 3 " terrassement gros-oeuvre ".
La SARL Solution BTP a produit un mémoire en communication de pièces, enregistré le 26 février 2021.
Par courrier du 15 mars 2003, la cour a demandé aux parties de lui communiquer tous renseignements sur le marché de substitution conclu à la suite de la résiliation du marché de la SARL Solutions BTP.
La commune de Fonds-Saint-Denis a produit un mémoire en communication de pièces, enregistré le 24 mars 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G...,
- et les conclusions de Mme A... B....
Considérant ce qui suit :
1. Par acte d'engagement du 12 juillet 2016, la commune de Fonds-Saint-Denis a confié à la SARL Solution BTP l'exécution des lots n° 1 à n° 6 et n° 8 à n° 10 du marché de travaux de réhabilitation de l'église. Par courrier du 24 mars 2017, la commune de Fonds-Saint-Denis a informé la société de ce qu'elle avait constaté que les travaux de l'ensemble des lots étaient arrêtés et l'a mise en demeure de procéder au redémarrage des travaux avant le 10 avril 2017, sous peine de résiliation du marché. Par décision du 18 mai 2017, le maire de Fonds-Saint-Denis a prononcé la résiliation des marchés aux frais et risques du titulaire. La SARL Solution BTP a saisi le tribunal administratif de la Martinique d'une demande tendant à ce que la commune de Fonds-Saint-Denis soit condamnée à lui verser les sommes de 378 483,53 euros au titre du solde du marché et de 50 000 euros au titre de dommages et intérêts. Elle relève appel du jugement du 14 mars 2019 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande et conclut à ce que la commune de Fonds-Saint-Denis soit condamnée à lui payer, outre les sommes demandées devant le tribunal administratif, les montant de 20 524,53 euros et 1 432,75 euros au titre des décomptes des lots n° 2 et n° 3.
Sur la demande tendant à l'indemnisation des préjudices causés par la résiliation du marché :
2. Le cocontractant lié à une personne publique par un contrat administratif est tenu d'en assurer l'exécution, sauf en cas de force majeure, et ne peut notamment pas se prévaloir des manquements ou défaillances de l'administration pour se soustraire à ses propres obligations contractuelles ou prendre l'initiative de résilier unilatéralement le contrat.
3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, par ordre de service n° 1, la société Technopole, maître d'oeuvre, a fixé la date de démarrage des travaux au 1er septembre 2016 et a notifié à la SARL Solution BTP, par courrier du 15 septembre 2016, le planning des travaux. Lors d'une visite du chantier effectuée le 14 septembre 2016, le maître d'oeuvre a constaté qu'aucun dispositif n'avait été prévu pour sécuriser le chantier, notamment au regard du passage des riverains et des écoliers, et a mis en demeure la SARL Solution BTP, par courrier du 15 septembre 2016, de mettre en oeuvre sous cinq jours les mesures de sécurité prévues au contrat. Les travaux ont ainsi été arrêtés jusqu'au 21 puis 23 septembre 2016, par ordre de service n° 2 du 15 septembre 2016 et n° 3 du 21 septembre 2016. Un accident mortel étant survenu sur le chantier le 30 septembre 2016, les travaux ont de nouveau été interrompus, la date de redémarrage ayant été fixée au 21 novembre 2016 par ordre de service n° 4. Les travaux ont alors repris, puis la SARL Solution BTP les a arrêtés à la fin du mois de janvier 2017. Par un courrier du 8 mars 2017, intitulé " mise en demeure n° 3 ", le maître d'oeuvre, constatant que " pour tous les lots, les travaux sont en arrêt depuis le 1er février 2017 et que (l') entreprise est en situation d'abandon de chantier ", a mis la SARL Solution BTP en demeure de prendre, sous 15 jours, les dispositions nécessaires afin de procéder au redémarrage des travaux. Par courrier du 24 mars 2017, le maire de Fonds-Saint-Denis a mis la société en demeure de procéder au redémarrage des travaux avant le 10 avril 2017, sous peine de résiliation du marché. Par courrier du 26 mars 2017, le représentant de la société a fait valoir le retard du maître d'ouvrage dans le règlement de l'acompte de 94 252,06 euros, intervenu le 1er mars 2017, ainsi que les circonstances que, pendant l'arrêt des travaux du 15 septembre au 21 novembre 2016, elle avait travaillé sur d'autres chantiers, que le maître d'oeuvre tardait à valider les décomptes d'approvisionnement fournis le 10 mars 2017, et enfin, que le " rapport de repérage amiante avant travaux " ne lui avait pas été transmis. Le 20 avril 2017, le maire a fait constater par procès-verbal d'huissier l'abandon du chantier et, par décision du 18 mai 2017, a prononcé la résiliation des marchés aux frais et risques du titulaire. Il résulte des faits ainsi rappelés que la SARL Solution BTP n'est pas fondée à soutenir qu'aucun abandon du chantier ne pourrait lui être reproché et que la mesure de résiliation ne pouvait se fonder sur ce motif.
4. En deuxième lieu, en application de la règle rappelée au point 2, la SARL Solution BTP ne peut se prévaloir, pour expliquer l'inexécution de ses obligations contractuelles, de ce qu'elle n'aurait bénéficié d'aucune avance, et ce malgré ses demandes insistantes à chaque réunion de chantier, et de ce que le maître d'ouvrage se serait rendu coupable de retards et de défaillances dans le paiement des décomptes.
5. En troisième lieu, la SARL Solution BTP ne peut davantage se prévaloir, en tout état de cause, des dispositions de l'article L. 4412-2 du code du travail, qui font obligation au maître d'ouvrage de faire rechercher la présence d'amiante préalablement à toute opération comportant des risques d'exposition des travailleurs à l'amiante et de joindre aux documents de la consultation un document relatif à ces risques, dès lors que ces dispositions, introduites par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, sont postérieures à la signature des marchés en cause. Au demeurant, il résulte de l'instruction que le marché de réhabilitation de l'église de Fonds-Saint-Denis comprenait un lot n° 00 " désamiantage ", confié à la société TSA Sogedex, lequel lot a été exécuté en août 2016, avant le démarrage des travaux de la SARL Solution BTP. Par suite, cette dernière n'est pas fondée à soutenir que l'exécution de ses obligations contractuelles aurait exposé ses salariés à un risque sanitaire.
6. Il résulte de ce qui précède que la SARL Solution BTP n'est pas fondée à soutenir que la résiliation du contrat serait irrégulière et qu'elle aurait droit au paiement du solde du marché ainsi qu'à l'indemnisation des préjudices que la résiliation lui a causés.
Sur la demande tendant au versement des sommes de 20 524,53 euros et 1 432,75 euros au titre des décomptes des lots n° 2 et n° 3 :
7. Par courrier du 3 février 2021, la cour a demandé aux parties de lui communiquer tout document relatif à l'existence et l'étendue des créances de 20 524,86 euros et de 1 432,75 euros au titre des lots n° 2 " voiries et réseaux divers " et n° 3 " terrassement gros-oeuvre " dont se prévaut la SARL Solution BTP. Cette dernière a produit, le 26 février 2021, des décomptes mensuels n° 2 des lots n° 2 et n° 3, récapitulant les travaux exécutés pendant le mois de janvier 2017, lesquels ont été acceptés par le maître d'oeuvre et transmis au maître d'ouvrage le 16 février 2017, faisant état d'un montant à payer à la SARL Solution BTP de 20 524,86 euros au titre du lot n° 2 et de 1 432,75 au titre du lot n° 3.
8. La commune de Fonds-Saint-Denis n'ayant pas répondu à cette première mesure d'instruction, par courrier du 15 mars 2021, la cour a demandé aux parties de lui communiquer tous renseignements sur le marché de substitution conclu à la suite de la résiliation du marché de la SARL Solutions BTP. La commune a produit la notification des marchés des lots n° 4, n° 5, n° 6, n° 7A, n° 7 B, n° 8, n° 9 et n° 10 en date du 13 novembre 2018, alors que seuls sont en cause les lots n° 2 et n° 3.
9. S'agissant du lot n° 2, la commune n'a rien produit, et s'agissant du lot n° 3, elle se borne à produire la décision du 14 novembre 2018, informant l'attributaire de l'acceptation de son offre. La commune ne donne ainsi aucune information à la cour, s'agissant de l'état d'avancement des travaux et de l'établissement du décompte général et définitif de ces deux lots, et ne conteste pas devoir les sommes en cause à la société appelante, citées au point 7. Par suite, il y a lieu de faire droit aux conclusions de la SARL Solution BTP et de condamner la commune à lui verser la somme totale de 21 957,61 euros.
10. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la SARL Solution BTP et de la commune de Fonds-Saint-Denis tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La commune de Fonds-Saint-Denis versera à la SARL Solution BTP la somme de 21 957,61 euros.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Solution BTP est rejeté.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Fonds-Saint-Denis tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Solution BTP et à la commune de Fonds-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 25 mars 2021 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,
Mme D... F..., première conseillère.
Rendu public par dépôt au greffe le 6 mai 2021.
Le président de chambre,
Éric Rey-Bèthbéder
La République mande et ordonne au préfet de la Martinique en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX02070