Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. H... B... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 16 septembre 2020 par lequel le préfet de Lot-et-Garonne lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et l'a interdit de circulation sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Par un jugement n° 2004218 du 25 septembre 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 octobre 2020, M. B... E..., représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux du 25 septembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Lot-et-Garonne du 16 septembre 2020 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, la minute de la décision n'a pas été signée.
- les décisions attaquées ne sont pas suffisamment motivées ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation ;
- en méconnaissance du droit d'être entendu, il n'a pas été mis à même de présenter ses observations avant que la décision d'éloignement ne soit prise à son encontre, ce qui lui aurait permis de produire des éléments démontrant l'absence de risque de réitération de son comportement ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'erreur d'appréciation dès lors qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public et qu'il est parfaitement inséré en France ;
- l'arrêté litigieux est entaché de plusieurs erreurs de fait relatives à la durée de sa présence en France et à la stabilité de sa situation personnelle ;
- l'interdiction de circuler en France pendant un an porte une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale dès lors qu'il a besoin d'être présent sur le territoire français pour gérer son patrimoine immobilier.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 janvier 2021, le préfet de Lot-et-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. B... E... n'est fondé.
M. B... E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 janvier 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... C...,
- et les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... E..., ressortissant portugais, né le 13 janvier 1982, est entré en France, selon ses déclarations, au cours de l'année 2005. Après avoir fait l'objet de plusieurs condamnations pénales, il a été incarcéré du 15 avril 2020 au 18 septembre 2020 pour des faits de délit de fuite après un accident par conducteur de véhicule, commis en récidive, de conduite d'un véhicule en état d'ivresse manifeste, également commis en récidive, de conduite d'un véhicule sans permis et sans assurance ainsi que pour des faits de rébellion. Par un arrêté du 16 septembre 2020, le préfet de Lot-et-Garonne a pris à son encontre un arrêté portant obligation de quitter sans délai le territoire français, fixation du pays de destination et interdiction de circulation sur le territoire français pendant une durée d'un an. M. B... E... relève appel du jugement du 25 septembre 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
3. Il ressort de la minute du jugement transmise à la cour par le tribunal administratif de Bordeaux que le jugement attaqué a été signé par le magistrat désigné et la greffière, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 citées au point précédent du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à M. B... E... ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.
Sur la légalité de l'arrêté du 16 septembre 2020 :
En ce qui concerne la légalité des décisions autres que l'interdiction de circulation :
4. En premier lieu, d'une part, la décision portant obligation de quitter le territoire français vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en particulier les dispositions de l'article L. 511-3-1 sur lesquelles le préfet s'est fondé, ainsi que le code des relations entre le public et l'administration. Elle précise l'identité, la date et le lieu de naissance de l'appelant et rappelle que ce dernier n'a pas indiqué la date à laquelle il était entré en France. Contrairement à ce qu'il soutient, cette décision fait état de ce qu'il a déclaré être le père de deux enfants avec lesquels il n'a aucun contact et disposer d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents. Cette décision relève que M. B... E... ne justifie d'aucune activité professionnelle en France où il n'est pas en mesure de subvenir à ses besoins, qu'il a déclaré être domicilié à Tonneins chez Mme A... et être propriétaire de biens immobiliers sans en apporter la preuve. Elle indique par ailleurs les raisons pour lesquelles l'intéressé a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, notamment le fait que son comportement " constitue du point de vue de l'ordre public et de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société française ". Dès lors, et alors même que ces motifs ne reprennent pas l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressé, une telle motivation est suffisante. D'autre part, pour motiver, conformément au II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, son refus d'accorder à M. B... E... un délai de départ volontaire, le préfet a rappelé la nature des infractions commises par l'intéressé ainsi que les condamnations pénales dont il a fait l'objet avant d'en conclure qu'il représente une menace pour l'ordre public. Ce faisant, le préfet de Lot-et-Garonne a suffisamment motivé la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des décisions précitées, contenues dans l'arrêté du 16 septembre 2020, doit donc être écarté.
5. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient M. B... E..., ni la motivation des décisions contestées ni aucune autre pièce du dossier ne permettent de considérer que le préfet de Lot-et-Garonne n'aurait pas procédé à un examen approfondi de sa situation avant d'édicter les mesures contenues dans l'arrêté attaqué. Le moyen ainsi soulevé doit par conséquent être écarté.
6. En troisième lieu, le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision d'éloignement est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de cette décision.
7. En l'espèce, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que M. B... E... ait été entendu préalablement à l'intervention de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français. Cependant, d'une part, au mois de juin 2020, lors de sa détention, M. B... E... a été entendu par le conseiller du service pénitentiaire d'insertion et de probation du Lot-et-Garonne au cours duquel il a été interrogé sur sa situation personnelle et familiale et a ainsi pu faire état de ce qu'il était célibataire, n'avait plus de contact avec ses deux enfants tandis que sa famille vivait au Portugal et se trouvait sans emploi à la suite d'un accident du travail. D'autre part, il ne ressort pas des éléments apportés par M. B... E..., qui se borne à produire des contrats de travail de 2005 et de 2006, plusieurs documents démontrant qu'il a acquis un bien immobilier en France en 2007, divers avis d'imposition ainsi qu'une attestation de reprise de droit à l'allocation d'aide au retour à l'emploi du 22 septembre 2020 et une convocation à l'examen pratique du permis de conduire le 26 octobre 2020, toutes deux postérieures à l'arrêté attaqué, qu'il aurait pu utilement porter à la connaissance de l'administration, avant que ne soit prise la mesure litigieuse, des informations pertinentes tenant à sa situation personnelle et qui, si elles avaient été communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance du principe général du droit d'être entendu doit être écarté.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : (...)/ 3° (...) que son comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental pour la société. / L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine (...) ".
9. En application de ces dispositions, il appartient à l'autorité administrative, qui ne saurait se fonder sur la seule existence d'une infraction à la loi, d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française, ces conditions étant appréciées en fonction de sa situation individuelle, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration.
10. Il ressort des pièces du dossier que M. B... E... a notamment commis de manière répétée des faits graves de délinquance routière, notamment de conduite en état alcoolique, de conduite sans permis valable et de fuite lors d'un accident. Il ressort ainsi de l'extrait du bulletin n° 2 du casier judiciaire de M. B... E... et de la fiche pénale éditée le 14 septembre 2020 par le greffe de la maison d'arrêt d'Agen que l'intéressé a commis, d'abord, des faits de refus, par conducteur d'un véhicule, d'obtempérer à une sommation de s'arrêter pour lesquels il a été condamné le 18 mai 2006 par le tribunal correctionnel de Marmande au paiement d'une amende, ensuite, des faits de conduite d'un véhicule malgré l'annulation judiciaire du permis de conduire et sous l'empire d'un état alcoolique pour lesquels il a été condamné le 30 novembre 2018 par le tribunal correctionnel d'Agen à huit mois d'emprisonnement dont cinq mois avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve pendant deux ans et, enfin, des faits de rébellion, conduite d'un véhicule sans permis et sans assurance, délit de fuite après un accident par conducteur de véhicule, en récidive, et conduite d'un véhicule en état d'ivresse manifeste, en récidive, pour lesquels il a été condamné le 15 avril 2020 par le tribunal correctionnel d'Agen à sept mois d'emprisonnement et incarcéré du 15 avril 2020 au 18 septembre 2020. Il ressort également des pièces du dossier qu'il est connu pour des faits répétés de menace de mort et de violences conjugales.
11. Si M. B... E..., qui déclare être entré en France en 2005, est père de deux enfants mineurs, il résulte de ses propres déclarations qu'il n'a aucun contact avec eux. Célibataire, il ne justifie, en outre, d'aucune attache stable et intense sur le territoire français et il n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Portugal où résident notamment ses parents. En produisant des contrats de travail de 2005 et de 2006 ainsi qu'une attestation de reprise de droit à l'allocation d'aide au retour à l'emploi du 22 septembre 2020, il ne justifie pas d'une intégration professionnelle ni même d'une activité régulière en France.
12. Dans ces conditions, eu égard, d'une part, à la réitération des faits commis par l'intéressé ainsi qu'à leur gravité croissante et, d'autre part, à sa situation personnelle en France, le préfet de Lot-et-Garonne a pu estimer sans commettre d'erreur d'appréciation que le comportement personnel de M. B... E... constituait une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental pour la société. Il n'a, dès lors, pas fait une inexacte application de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en obligeant M. B... E... à quitter le territoire français sur le fondement de ces dispositions. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché cette mesure d'éloignement d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur la situation de l'intéressé. Il résulte enfin de l'instruction que le préfet de
Lot-et-Garonne aurait pris la même décision s'il n'avait pas fait état d'imprécisions sur la date de l'arrivée en France et la situation professionnelle passée de M. B... E... ainsi que s'il avait pris en compte le bien dont il est propriétaire à Marmande pour apprécier la stabilité de son établissement en France.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant interdiction de circulation sur le territoire français :
13. Aux termes de l'article L. 511-3-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français prononcée en application des 2° et 3° de l'article L. 511-3-1 d'une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans (...) Les quatre derniers alinéas de l'article L. 511-3-1 sont applicables ". Aux termes du cinquième aliéna de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine (...) ".
14. En premier lieu, en indiquant, pour faire application de ces dispositions qu'il a visées, que l'examen de la situation de M. B... E... et son comportement sur le territoire national, qu'il a complètement exposé en détaillant ses antécédents judiciaires, justifiaient le prononcé d'une interdiction de circulation d'un an, le préfet de Lot-et-Garonne a suffisamment motivé sa décision.
15. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... E... est célibataire et qu'il n'entretient aucune relation avec ses deux enfants mineurs. La circonstance dont il se prévaut selon laquelle il aurait besoin d'être présent sur le territoire français pour gérer son patrimoine immobilier n'est pas établie. Dès lors, eu égard à la gravité croissante des faits mentionnés au point 10 pour lesquels il a été condamné et à leur réitération, en prenant une décision d'interdiction de circulation sur le territoire français pour une durée d'un an, le préfet de Lot-et-Garonne n'a pas fait une inexacte application de l'article L. 511-3-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni méconnu le droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Lot-et-Garonne du 16 septembre 2020. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise au préfet de Lot-et-Garonne.
Délibéré après l'audience du 15 mars 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Brigitte Phémolant, présidente,
Mme D... C..., présidente-assesseure,
Mme G..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 avril 2021.
La présidente,
Brigitte Phémolant
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°20BX03501