Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Nobl'Alu a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de la décharger de l'obligation de payer la somme de 7 416, 67 euros mise à sa charge par une mise en demeure de payer du 3 août 2017.
Par un jugement n° 1700993 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de la Guadeloupe a fait droit à cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 février 2019, l'Agence de Service et de Paiement (ASP), représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 20 décembre 2018 ;
2°) de rejeter la demande de première instance formée par la SARL Nobl'Alu ;
3°) de mettre à la charge de la SARL Nobl'Alu la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif a jugé à tort que sa créance à l'encontre de la SARL Nobl'Alu était prescrite ;
- le délai de prescription prévu par l'article 2224 du code civil n'a commencé de courir qu'à compter du 24 juillet 2017 et n'était donc pas expiré lors de la réception de l'ordre de recouvrer du 4 mai 2017 et de la mise en demeure du 3 août 2017 ;
- ce délai, à supposer qu'il ait commencé de courir à la fin de l'année 2011, a été interrompu jusqu'au 24 juillet 2017 en application des dispositions des articles 2230 et 2234 du code civil ;
Par trois mémoires en défense enregistrés les 27 avril 2019, 16 mai 2019 et 17 mai 2019, la SARL Nobl'Alu conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la condamnation de l'ASP à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par la voie de l'appel incident, elle demande par ailleurs que soit mise à la charge de l'ASP la somme de 9 052,42 euros correspondant au montant recouvré indûment sur les aides qui lui étaient allouées.
Elle soutient que :
- comme l'a jugé le tribunal administratif, la créance de l'ASP est prescrite ;
- l'ASP reste lui devoir la somme de 9 052,42 euros qu'il convient donc de mettre à sa charge.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... D...,
- et les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Nobl'Alu a conclu avec la région Guadeloupe, le 5 janvier 2009, une convention relative à la mise en oeuvre du dispositif des emplois tremplins, par laquelle la société s'est engagée à embaucher un salarié à un poste de " poseur menuiserie aluminium " dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, dans le délai de six mois suivant la conclusion de ladite convention. La région s'engageait pour sa part à verser à la SARL Nobl'Alu une aide d'un montant total de 12 000 euros, soit 5 000 euros la première année suivant le recrutement, 4 000 euros l'année suivante et 3 000 euros la troisième année. L'ASP a notifié à la société, le 5 mai 2017, un titre exécutoire, émis le 4 mai 2017, d'un montant de 9 250,20 euros, représentant un rappel d'une partie de l'aide versée en exécution de cette convention. Par courrier du 17 juillet 2017, la SARL Nobl'Alu a adressé à l'ASP les états justificatifs et les bulletins de salaire afférents au salarié recruté dans ce cadre. Par lettre du 3 août 2017, l'ASP a mis en demeure la société d'acquitter une somme de 7 416,67 euros au titre de l'aide qu'elle considérait comme indûment versée en exécution de la convention du 5 janvier 2009. L'ASP relève appel du jugement du 20 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a déchargé la SARL Nobl'Alu de l'obligation de payer la somme de 7 416,67 euros.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. L'article 2224 du code civil dispose que : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ". La prescription quinquennale prévue par ces dispositions ne court pas lorsque la créance, même périodique, dépend d'éléments qui ne sont pas connus du créancier et doivent résulter de déclarations que le débiteur est tenu de faire.
3. Par ailleurs, aux termes de l'article 7 de la convention conclue le 5 janvier 2009 : " L'employeur informe immédiatement l'organisme payeur et la Région de toute modification concernant le titulaire du poste par la transmission d'un CERFA déclarant la nouvelle embauche. Il donne des renseignements sur les motifs de la rupture ou du changement de contrat sur l'état de présence trimestriel. "
4. Il résulte de l'instruction que par une déclaration d'un " emploi tremplin " en date du 21 novembre 2008, signée par le salarié le 17 décembre 2008 et par le président de la commission du développement économique et de l'emploi le 22 janvier 2009, la SARL Nobl'Alu a déclaré ledit salarié, M. E..., comme bénéficiaire de " l'emploi tremplin " prévu par la convention signée le 5 janvier 2009 avec la région Guadeloupe. L'aide correspondante a été versée sur la période allant du 1er décembre 2008 au 30 octobre 2011. Par courrier du 13 février 2017, l'ASP a demandé à la société de lui transmettre les états de présence ainsi que la copie des bulletins de salaire de M. E... pour la période allant du 1er juin 2009 au 30 octobre 2011. Par courrier du 17 juillet 2017, reçu le 24 juillet, la SARL Nobl'Alu a informé l'ASP de ce que M. E... avait quitté l'entreprise à la suite d'un abandon de poste constaté le 26 octobre 2009 et qu'il avait été remplacé par M. B... à compter du 1er novembre 2009. Dans ces conditions, et dès lors qu'en application de l'article 7 de la convention conclue le 5 janvier 2009 il revenait à la SARL Nobl'Alu d'informer l'ASP et la région Guadeloupe de toute modification concernant le titulaire de l'emploi aidé et d'adresser à l'ASP une nouvelle déclaration " emploi tremplin " à l'occasion d'un changement de titulaire, ce qu'elle n'a pas fait, l'ASP ne peut être regardée comme ayant eu connaissance d'un tel changement avant la réception de la lettre du 17 juillet 2017. A cet égard, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, la seule circonstance que la société s'est abstenue de transmettre les états de présence et les bulletins de salaire de M. E... à compter du mois de juin 2009 ne permet pas de conclure que l'ASP aurait eu connaissance des créances qu'elle détenait sur cette société au plus tard à la fin du dernier trimestre 2011, la prise en charge expirant le 30 novembre 2011. C'est dès lors à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce que la dette de la SARL Nobl'Alu était prescrite pour la décharger de l'obligation de payer la somme de 7 416,67 mise à charge par la mise en demeure litigieuse du 3 août 2017.
5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par la SARL Nobl'Alu devant le tribunal administratif de la Guadeloupe et, le cas échant, de statuer sur les conclusions subsidiaires présentées en première instance.
6. La SARL Nobl'Alu n'ayant pas soulevé, à l'appui de sa demande tendant à être déchargée de l'obligation de payer la somme de 7 416,67 euros mise à sa charge par la mise en demeure en date du 3 août 2017, d'autre moyen que celui tiré de ce que la créance de l'ASP était, à cette date, prescrite, l'ASP est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Guadeloupe a déchargé la SARL Nobl'Alu de l'obligation de payer la somme de 7 416,67 euros.
Sur les conclusions subsidiaires de la SARL Nobl'Alu devant le tribunal administratif, portées à 9 052,42 euros par la voie de l'appel incident :
7. La SARL Nobl'Alu a présenté devant le tribunal administratif, à titre subsidiaire, des conclusions tendant à ce que soit mise à la charge de l'ASP la somme de 7 416,67 euros en réparation des préjudices ayant résulté de l'inexécution, par celle-ci, de ses obligations contractuelles. Cette somme a été portée à 9 052,42 euros par la voie de l'appel incident.
8. Il résulte de la convention conclue le 5 janvier 2009 que la région, en contrepartie de l'engagement de la SARL Nobl'Alu de recruter un " poseur menuiserie aluminium " dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps plein et de lui verser un salaire au moins égal au SMIC, s'est engagée à verser une aide dégressive de, respectivement, 5 000 euros, 4 000 euros et 3 000 euros au titre des première, deuxième et troisième année de ce CDI, la convention stipulant que cette aide " sera versée mensuellement pas le CNASEA durant toute la durée de la convention ". Cette convention a également prévu la possibilité, pour la SARL Nobl'Alu, de procéder au remplacement du salarié ainsi recruté, après avoir informé la région et l'ASP de ce remplacement et de son motif. Il résulte toutefois de l'instruction que M. E... n'a été employé à temps plein par la SARL Nobl'Alu que jusqu'au mois d'octobre 2009. Il est par ailleurs constant que la société n'a informé ni la région ni l'ASP, avant le 17 juillet 2017, de ce que M. E... avait quitté l'entreprise au mois d'octobre 2009. Si elle fait par ailleurs valoir que l'ASP a méconnu son obligation contractuelle de lui adresser chaque trimestre des états de présence à remplir concernant M. E..., la convention du 5 janvier 2009 ne stipule aucune obligation en ce sens à la charge de l'ASP mais prévoit, à son article 7, que la SARL Nobl'Alu s'engage à transmettre à l'organisme payeur divers documents dont notamment, chaque trimestre, un " état de présence du salarié avec la copie des bulletins de salaire ". Si elle soutient également que l'ASP ne lui aurait pas versé régulièrement les aides prévues, elle ne l'établit pas, la convention ne prévoyant par ailleurs pas, contrairement à ce qu'elle soutient, que l'aide devra être versée " par avance ". Enfin, si elle fait état, sans plus de précisions, des " carences " et des " irrégularités de fonctionnement " de l'ASP, et fait valoir qu'elle a été privée de la possibilité de bénéficier de nouvelles subventions publiques, elle n'établit pas la réalité ni l'étendue du préjudice qu'elle aurait subi de ce fait. Dans ces conditions, en l'absence de fautes commises par l'ASP qui auraient été à l'origine d'un préjudice réel et certain subi par la SARL Nobl'Alu, les conclusions de cette dernière tendant à ce que soit mise à la charge de l'ASP la somme de 7 416,67 euros ne peuvent être accueillies.
Sur les frais liés à l'instance :
9. L'ASP n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de la SARL Nobl'Alu tendant à ce qu'une somme soit mise à sa charge en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il y a par ailleurs lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SARL Nobl'Alu la somme de 1 500 euros au titre des frais engagés par l'ASP, non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1700993 du 20 décembre 2018 du tribunal administratif de la Guadeloupe est annulé.
Article 2 : Les conclusions présentées par la SARL Nobl'Alu devant le tribunal administratif de la Guadeloupe et tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 7 416, 67 euros mise à sa charge par une mise en demeure de payer du 3 août 2017 sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions subsidiaires présentées par la SARL Nobl'Alu devant le tribunal administratif de la Guadeloupe et tendant à ce que soit mise à la charge de l'ASP la somme de 7 416,67 euros, portée à 9 052,42 euros par la voie de l'appel incident, en réparation des préjudices ayant résulté de l'inexécution, par celle-ci, de ses obligations contractuelles, sont rejetées.
Article 4 : La SARL Nobl'Alu versera à l'ASP une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'Agence de Services et de Paiement et à la SARL Nobl'Alu. Copie en sera adressée et à la région Guadeloupe.
Délibéré après l'audience du 15 mars 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Brigitte Phémolant, présidente,
Mme Karine Butéri, présidente-assesseure,
Mme C... D..., première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 avril 2021.
La présidente,
Brigitte Phémolant
La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 19BX00595